LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 juin 2016),
que la SCI de La Rue paradis numéro 1 (la SCI) a donné à bail à la société Paradisnice des locaux commerciaux à usage d'hôtel ; que, le 21 mai 2010, la société Paradisnice a conclu avec la société Lt Paradisio un contrat de gérance-mandat ; que, le 15 juillet 2010, la bailleresse SCI a assigné la société locataire en résiliation du bail commercial pour conclusion d'une location gérance au motif que le convention consentie à la société Lt Paradisio est une location-gérance conclue sans son accord préalable en violation du bail ; que la société Lt Paradisio a été appelée à l'instance ;
Attendu que la société Paradisnice, Mme X... en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société et la société Lt Paradisio font grief à l'arrêt de requalifier le contrat de gérance-mandat en location-gérance ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la convention disposait qu'en cas de déficit de gestion, le gérant engageait sa responsabilité illimitée quelque soit la gravité de sa faute, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Paradisnice, Mme X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Paradisnice et la société Lt Paradisio aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Paradisnice, de Mme X... en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Paradisnice et de la société Lt Paradisio et les condamne à payer à la SCI de La Rue paradis numéro un la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Paradisnice, Mme X..., ès qualités et la société Lt Paradisio.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir requalifié le contrat de gérance mandat en contrat de location gérance et d'avoir en conséquence prononcé la résiliation du bail signé le 17 janvier 1964 et liant la SCI rue Paradis numéro un et la société Paradisnice, aux torts de cette dernière, cette résiliation prenant effet le 12 juin 2010, ordonné l'expulsion de la société Paradisnice et de tout occupant de son chef des lieux loués 1, rue du Paradis à Nice et condamné la société Paradisnice à payer à la SCI rue Paradis numéro un une indemnité d'occupation égale au loyer actuel majoré de 10%, outre les charges telles que prévues dans le bail,
AUX MOTIFS QUE « Contrairement au visa fait par le premier juge l'objet social de la société Paradisio est exploitation d'un hôtel par voie de gérance mandat ou de toute autre façon. Le mode d'exploitation du fonds de commerce est gérance mandat, même si le contrat est mentionné à la rubrique préimprimée "location gérance." Le contrat conclu entre la société Paradisnice et la société Lt Paradisio est expressément qualifié de gérance mandat, ce qui ne fait pas obstacle à sa requalification, si l'économie du contrat ne correspond pas aux prévisions de l'article L 144-6 du code de commerce régissant la matière. Le contrat de location gérance est par application de l'article L 144-1 du code de commerce un contrat par lequel le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce en concède la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls. Le contrat de gérance mandat est prévu à l'article L 146-1 du code de commerce qui stipule : les personnes physiques ou morales qui gèrent un fonds de commerce ou un fond artisanal moyennant le versement d'une commission proportionnelle au chiffre d'affaire sont qualifiées de gérant mandataire lorsque le contrat conclu avec le mandant pour le compte duquel, le cas échéant dans le cadre d'un réseau, elle gèrent ce fonds, qui en reste propriétaire et supporte les risques liés à son exploitation, leur fixe une mission en leur laissant toute latitude dans le cadre ainsi tracé de déterminer leurs conditions de travail d'embaucher du personnel et de se substituer des remplaçants dans leur activité à leur frais et sous leur entière responsabilité. En l'espèce le contrat conclu entre les parties comporte les clauses suivantes : article 3-8 en cas de déficit de gestion le gérant mandataire engage sa responsabilité pécuniaire de manière illimitée quelle que soit la gravité de sa faute. "Art 7 rémunération : "Le mandataire gérant aura droit : A des indemnités mensuelles fixes de 700 euros HT par mois, qu'il est autorisé à prélever à la fin de chaque mois sur les recettes de l'exploitation et qui seront passées par frais généraux, A une participation de 99% des bénéfices annuels nets de l'exploitation, déterminés après défalcation de toutes dépenses, frais généraux et charges sociales, patronales et salariales, et après déduction de la somme de 7000 euros TTC par mois à la Sarl Paradisnice. En effet, si les bénéfices de l'exploitation le permettent, la société Lt Paradisio devra verser la somme de 7.000 euros par mois à la Sarl Paradisnice complètement nette de tout impôt et charges. Toutefois, en aucun cas la Sarl Paradisnice ne pourra percevoir une somme supérieure à 7000 euros TTC par mois, sauf 1% du bénéfice net en fin d'année. Cette participation de 1% lui sera versée dans la quinzaine de la clôture de l'inventaire annuel mais la somme de 7000 euros TTC lui sera versée mensuellement." Il en ressort que la clause 3-8 met à la charge du gérant les risques financiers de l'exploitation en prévoyant sa responsabilité illimitée en cas de déficit de gestion. La clause 7 prévoit au bénéfice du propriétaire une rétrocession d'un montant mensuel de 7.000 euros qui constitue un revenu fixe hors de proportion avec la rémunération de 700 euros mensuelle versée au gérant, et démontre que le propriétaire du fonds de commerce ne supporte pas les risques de l'exploitation. Au surplus, si le gérant a en sus droit à la quasi totalité (99%) des bénéfices nets cette attribution se fait après déduction des redevances versées au mandant ce qui conforte le fait que la rémunération du mandant est moins soumise à aléa que celle du gérant et que l'exploitation se fait en définitive aux risques et périls du gérant. C'est donc à juste titre que le premier juge a requalifié le contrat de gérance mandat en contrat de location gérance. […] Le premier juge a donc exactement procédé à la requalification du contrat et a considéré à juste titre que la conclusion d'un contrat de location gérance, qui est dans le bail expressément interdite sous peine de résiliation, constituait un manquement grave, instantané et irréversible aux obligations du bail justifiant sa résiliation. »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « c'est suite au refus du bailleur d'agréer la cession du fonds de commerce à M. Y..., que la Sarl Lt Paradisio a été constituée et que le contrat "de gérance non salariée ou gérance-mandat" a été signé le 21.5.2010 entre elle et la Sarl Paradisnice ; que selon le RCS produit, édité au 7.2.2013, la Sarl Lt Paradisio a pour objet la location-gérance du 4.6 au 4.9.2010, selon contrat de gérance mandat renouvelable par tacite reconduction de l'hôtel dont la Sarl Paradisnice est propriétaire ; que le constat d'huissier de justice a été dressé le 1.7.2010 à l'Hôtel Paradis, en présence de M. Y... qui y figure comme "locataire -gérant" à plusieurs reprises ; que c'est M. Y... qui a remis à l'huissier de justice les documents émanant de la commission de sécurité ; que les avis du 15.4.2010 et 10.5.2010 de cette commission ont été adressés à Mme Z... en sa qualité de « Directrice de l'hôtel Paradis » ; que celle-ci figure comme l'un des associés, avec M. Y... et M. A..., de la Sarl Lt Paradisio sur le contrat de « gérance – mandat » enregistré le 22.6.2010 ; que selon ce contrat, d'une durée de trois mois renouvelable par tacite reconduction, le gérant mandataire s'engage à assurer la gérance du fonds afin d'en obtenir le meilleur rendement commercial ; qu'il ne peut modifier l'enseigne ni le nom commercial ; qu'il prend en charge les contrats de travail, les achats des marchandises et leur paiement sur les ressources de l'exploitation, le paiement des loyers ; que sa responsabilité pécuniaire est engagée de manière illimitée ; qu'outre une indemnité mensuelle fixe de 700€ HT et après déduction de la somme de 7.000€ mensuelle à la Sarl Paradisnice, il perçoit 99% des bénéfices annuels nets de l'exploitation ; qu'il s'agit donc d'un contrat de location-gérance tel que régi par les articles L.144-1 à 144-3 du code de commerce, permettant à la Sarl Paradisnice de conserver la propriété commerciale de son fonds de commerce et d'en tirer des revenus, peu important les modalités de calcul, le locataire-gérant se chargeant de la gestion quotidienne et assumant toutes les responsabilités ; […] que la location-gérance ci-dessus caractérisée est un manquement instantané et irréversible et, au vu de l'interdiction dans le bail de sous-louer ou de donner en gérance libre, elle constitue un motif grave justifiant la résiliation du bail aux torts de la Sarl Paradisnice au jour du présent jugement »
ALORS QU'il est fait interdiction aux juges de dénaturer les documents de la cause ; que, pour qualifier le contrat conclu entre les sociétés Paradisnice et Lt Paradisio de contrat de location gérance, la cour d'appel a retenu que « la clause 7 prévoit au bénéfice du propriétaire une rétrocession d'un montant mensuel de 7.000 euros qui constitue un revenu fixe hors de proportion avec la rémunération de 700 euros mensuelle versée au gérant, et démontre que le propriétaire du fonds de commerce ne supporte pas les risques de l'exploitation » ; que, cependant, il était expressément prévu audit article 7 du contrat que la somme de 7.000 euros n'était versée chaque mois au propriétaire du fonds de commerce qu'à la condition que « les bénéfices de l'exploitation le permettent » ; qu'il en résultait que le propriétaire du fonds pouvait être privé de tout ou partie de sa rétrocession en fonction des résultats de l'exploitation ; qu'en retenant cependant qu'il bénéficiait d'un revenu fixe de 7.000 euros par mois et ne supportait pas les risques de l'exploitation, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de gérance et violé le principe susvisé.