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07/12/2017 | FRANCE | N°16-17898;16-17908

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2017, 16-17898 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° K 16-17.898 et W 16-17.908 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Betom ingénierie (la société) le 24 septembre 2007 en qualité de chef de projet, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 12 novembre 2012 puis a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre tant de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail ; que le 5 novembre 2015, alors que l'instance était en cours, une procédure de sauvegarde

a été ouverte à l'égard de la société et MM. Y... et Z... désignés respec...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° K 16-17.898 et W 16-17.908 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Betom ingénierie (la société) le 24 septembre 2007 en qualité de chef de projet, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 12 novembre 2012 puis a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre tant de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail ; que le 5 novembre 2015, alors que l'instance était en cours, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société et MM. Y... et Z... désignés respectivement mandataire judiciaire et administrateur judiciaire ;

Sur les premier, deuxième, quatrième moyens et sur le troisième moyen pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du pourvoi de la société, du mandataire et de l'administrateur judiciaires :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et attendu que le rejet de ces moyens prive de portée la première branche du troisième moyen et les cinquième et sixième moyens qui invoquent une cassation par voie de conséquence ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi de l'AGS et de l'Unedic qui est recevable :

Vu les articles L. 625-3 du code de commerce et L. 3258-3 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour refuser de mettre hors de cause l'AGS et lui déclarer l'arrêt opposable dans les limites légales, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions de article L. 3253-6 du code du travail que tout employeur de droit privé assure ses salariés contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

Attendu, cependant, d'une part, que l'article L. 625-3 du code de commerce ne prévoit pas la mise en cause des institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde au cours de l'instance prud'homale, et, d'autre part, qu'il résulte de l'article L. 3253-8 du code du travail que, dans ce cas, seules sont garanties les créances résultant de ruptures intervenues pendant la période d'observation et dans le mois suivant le jugement qui a arrêté le plan de sauvegarde ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors que les créances du salarié étaient antérieures au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé par la société Betom ingénierie, MM. Y... et Z..., ès qualités ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de mise hors de cause de l'AGS et dit qu'il est opposable au CGEA Ile-de-France Ouest en sa qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L. 143-11-1 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 143-11-8 et D. 143-2 du code du travail, l'arrêt rendu le 25 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que l'AGS ne doit pas sa garantie au titre des condamnations prononcées au bénéfice de M. X... ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par Mme Guyot, conseiller doyen faisant fonction de président, et par Mme Piquot, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt le sept décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° K 16-17.898 formé par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Betom ingénierie et MM. Y... et Z..., ès qualités

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 53 342,46 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents.

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit aux juges les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par ce dernier. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié a l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'il résulte de ce texte que la preuve des heures travaillées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, il doit examiner les éléments que l'employeur est tenu de lui fournir de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; que M. Olivier X... indique qu'il a travaillé a minima 47 heures hebdomadaires et souvent beaucoup plus ainsi qu'il ressort des attestations produites aux débats, des courriels établis à des heures tardives, des retours tardifs à son domicile lorsqu'il se déplaçait sur les chantiers ; que si le logiciel Saje qui a été mis en place en septembre 2011, ainsi qu'il ressort de la note de service produite par la Sas Betomingenierie, ne peut décompter les heures supplémentaires puisqu'il les écrête à 37 h, cependant et contrairement à ce que soutient l'employeur, le salarié a rempli des fiches d'heures par semaine et par mois à compter d'octobre 2011 qui n'ont pas été validées mais qui font apparaître des semaines de travail pouvant aller jusqu'à 57 heures de travail par semaine ; qu'à l'appui de sa demande, le salarié produit de nombreuses attestations de chef de projet de la Sas Betomingenierie qui mettent en évidence la charge excessive de travail qui sont corroborées par celle de M. A... que le salarié a remplacé sur le chantier de reconstruction du CHU du Grau-du-Roi et qui précise que M. Olivier B... était un des chefs de projets le plus chargé en nombre d'affaires (affaires citées) et indique que : « les horaires dans la journée pouvaient, notamment lorsqu'il y a des déplacements à l'extérieur, dépasser les 10 heures par jour, et il arrivait fréquemment que l'horaire hebdomadaire dépasse 45 heures par semaine notamment lors des phases de rendu ou le travail et la pression pour respecter la date de remise sont très forts » ; qu'il ajoute : « je vivais à Montpellier les mêmes déboires qu'Olivier X... devant le manque de moyen constant et régulier, un rythme de travail inconsidéré le soir tard, y compris chez moi, les week-end, les jours fériés, les jours de RTT, pendant mes congés… » ; que M. Olivier X... produit ensuite des tickets d'autoroute, des frais de déplacements qui justifient des horaires tardifs de retour a son domicile, des comptes rendus de réunions de production ou il était présent alors qu'on lui ait le grief de ne pas y assister ; qu'il y a donc lieu de considérer que le salarié étaye sa demande alors que la Sas Betomingenierie met en exergue l'existence du logiciel Saje pour le décompte des heures supplémentaires dont on sait qu'il ne tient pas compte des heures effectuées au-delà de la 37e heure ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande mais de la limiter à raison de 45 hebdomadaire ce qui donne une créance chiffrée à 53 342,46 € outre les congés payés.

1°/ ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que ni des attestations « mettant en évidence la charge excessive de travail » et/ou mentionnant que le salarié « était un des chefs de projets le plus chargé en nombre d'affaire » et/ou indiquant des dépassements d'horaire d'un site différent de celui sur lequel le salarié était affecté, ni les tickets d'autoroute et frais de déplacements ou comptes rendus de réunions ne peuvent constituer les éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, qu'il appartient au salarié de produire pour étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires, et pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

2°/ ALORS QUE les juges ne peuvent se déterminer par des motifs contradictoires ; que pour condamner l'employeur au paiement d'heures supplémentaires, après avoir énoncé que le logiciel Saje mis en place en septembre 2011 ne peut décompter les heures supplémentaires puisqu'il les écrête à 37 heures, la cour d'appel a considéré que le salarié a rempli des fiches d'heures par semaine et par mois à compter d'octobre 2011 qui n'ont pas été validées mais qui font apparaître des semaines de travail pouvant aller jusqu'à 57 heures de travail par semaine ; qu'elle en a déduit que le salarié étaye sa demande alors que l'employeur met en exergue l'existence du logiciel Saje pour le décompte des heures supplémentaires dont on sait qu'il ne tient pas compte des heures effectuées au-delà de la 37e heure ; qu'en statuant ainsi, en retenant, en réalité, que si les relevés du logiciel Saje sont de nature à étayer la demande du salarié, en revanche, ces mêmes relevés ne sont pas de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

3°/ ALORS QUE la preuve des heures de travail n'incombant spécialement à aucune des parties, il appartient préalablement au salarié de fournir au juge les éléments de nature à étayer sa demande ; que le salarié n'avait versé aux débats que les fiches d'heures d'octobre, novembre et décembre 2011, de janvier et de juin 2012, deux factures d'hôtel et une facture de restaurant pour l'année 2012 et quelques factures d'hôtel et de restaurant pour l'année 2011 ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait faire droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires formée par le salarié pour les périodes non couvertes par les fiches d'heures et/ou les tickets d'autoroute et/ou les frais de déplacement quand le salarié ne produisait au titre de ces périodes aucun élément de nature à étayer sa demande ; que ce faisant, la cour d'appel a violé l'article 3171-4 du code du travail.

4°/ ALORS QUE les juges du fond doivent préciser l'origine des renseignements de fait ayant servi à motiver leur décision ; qu'en affirmant péremptoirement, pour fixer à 45 les heures hebdomadaires supplémentaires prétendument accomplies sur la période de septembre 2010 au 10 novembre 2012, que le salarié aurait remplacé M. A... lequel attestait que l'horaire hebdomadaire (à Montpellier) dépassait les 45 heures, la cour d'appel, qui n'a pas précisé d'où elle tirait cette information qui ne figurait pas dans l'attestation de M. A..., a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société BETOM n'est pas fondée à prétendre que le salarié a démissionné, d'AVOIR en conséquence statué sur la prise d'acte et condamné la société BETOM à verser au salarié les sommes de 6 454,28 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 11 637,50 euros à titre d'indemnité de préavis, de 1 163,71 euros à titre de congés payés sur préavis et de 23 280 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QUE M. Olivier X... a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur par lettre recommandée AR du 10 novembre 2012 circonstanciée par les manquements de la société Betom aux obligations de son contrat : « - Des conditions de travail difficiles, extrêmement stressantes et qui se répercutent sur mon état de santé. Elles tiennent au fait, notamment, que les moyens de traiter normalement les affaires qui me sont confiées me font défaut. Ainsi, et de manière récurrente, les ingénieurs censés être mis à disposition pour le traitement des affaires ne sont pas disponibles, de sorte que je dois traiter des chantiers importants, sans les compétences techniques nécessaires. Cela occasionne des retards et le mécontentement des clients que je subis de plein fouet.... - Des conditions de remboursement de frais, nouvellement mis en place depuis le 1er septembre 2012 et éminent éminemment discutables, puisqu'elles me conduisent à devoir payer pour travailler en ce que je supporte désormais d'une part l'avance des frais de carburant, mais surtout une décote arbitraire dans le remboursement de ses frais pouvant aller jusqu'à 30 %. - Enfin j'effectue depuis mon embauche de nombreuses heures supplémentaires qui ne sont jamais payées, alors même, que contrairement à ce qui m'est répondu, je ne suis pas lié par une convention de forfait jours. Pour l'ensemble de ces raisons, et de guerre lasse, je prends acte de la rupture de mon contrat aux torts exclusifs... » ; que la SAS Betomingenierie n'est donc pas fondée à prétendre que M. Olivier X... a démissionné sans réserve même si celui-ci a pu annoncer qu'il quittait l'entreprise sans en donner les raisons à ses collègues ; qu'il revient à celui qui invoque la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur de rapporter la preuve de faits suffisamment graves qu'il reproche à son employeur qui rendent impossible la continuation de la relation de travail et qu'il appartient au juge d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient soit d'une démission dans le cas contraire ; que M. Olivier X... produit de nombreuses lettres de clients mécontents notamment de l'Inserm, du Chu du Grau-du-Roi, de nombreux cabinets d'architectes qui se plaignent de l'insuffisance de moyens humains mis à la disposition pour mener à bonne fin les projets en cours, des attestations de chef de projet, les mails de demande d'aide à sa hiérarchie qui justifient le premier grief invoqué par le salarié ; que sur le deuxième grief relatif aux notes de frais, le salarié produit la note de service du 20 septembre 2012 qui a pour objectif de définir les nouvelles conditions applicables à compter du 1er octobre 2012 relatives à l'utilisation des véhicules dans le but clairement exprimé notamment de faire faire des économies au groupe, les cartes essence sont supprimées et le carburant sera payé par les salariés et remboursé à 90 % pour les collaborateurs considérés comme « gros rouleurs », il produit ensuite une deuxième note de service du 23 octobre 2012 qui demande que la totalité de la facturation client soit effectuée avant le mardi 30 octobre 2012 « le respect de ces délais conditionnent le paiement des salaires au 5 novembre 2012 » ; que le deuxième grief est fondé tout comme le troisième ainsi qu'il a été vu ci-dessus ; qu'il s'ensuit que ces faits sont suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur qui équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ET AUX MOTIFS QU'il convient de confirmer le jugement sur les condamnations intervenus relatives au paiement du préavis, des congés payés sur préavis, de l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas contestés et également sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse que les premiers juges ont justement évalués à six mois de salaire puisque le salarié ne justifie pas de sa situation postérieurement au licenciement.

ALORS QUE si la démission n'est pas ambiguë, et partant le contrat rompu, le salarié ne peut ensuite, sous couvert de prise d'acte, en imputer la charge à l'employeur ; que la cour d'appel était saisie de conclusions précises démontrant, pièces à l'appui, que le salarié avait démissionné de manière claire et précise, annonçant son départ à son employeur, ses collègues et les clients, et organisant ce départ avec l'employeur ; qu'en ne constatant aucun élément d'ambiguïté dans cette démission, et en se contentant de déduire de la réclamation faite plusieurs mois plus tard par le salarié pour dire qu'il n'avait pas démissionné, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail était aux torts de l'employeur et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, par conséquent, d'AVOIR condamné la société BETOM à verser au salarié les sommes de 6 454,28 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 11 637,50 euros à titre d'indemnité de préavis, de 1 163,71 euros à titre de congés payés sur préavis et de 23 280 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS visés au deuxième moyen

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE vu les articles 6, 7 et 9 du code de procédure civil ; que vu les articles L. 3121-45, L. 3121-39, L. 1337-1 et L. 1231-1 du code du travail ; qu'en l'espèce, le Conseil constate parmi les pièces échangées de manières contradictoires versées au débat et les faits débattus à la barre entre les parties ; que dans une période économique difficile, l'employeur n'a pas donné les moyens techniques et humains à Olivier X... pour accomplir sa tâche ; qu'il a pallié lui-même, avec les seules compétences de chargé de projet, qu'il a dû réaliser un autre travail qui n'était le sien afin de compenser les carences de son employeur ; que le retard dans l'avancement des chantiers et le mécontentement des clients, sont des conséquences structurelles dont a subi directement Olivier X... ; que le surmenage du demandeur et son arrêt maladie sont dues au carences de la société Betom Sud Ouest ; qu'en conséquence la rupture est imputable à l'employeur.

ALORS QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par un salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;

1°/ QUE pour dire justifiée la prise d'acte de rupture du contrat de travail du salarié, la cour d'appel a retenu que le troisième grief, consistant au non-paiement d'heures supplémentaires, est fondé ; que la cassation à intervenir s'agissant du chef du dispositif ayant condamné l'employeur au paiement d'heures supplémentaires entraînera donc par voie de conséquence, et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef relatif à la prise d'acte.

2°/ QUE pour dire justifiée la prise d'acte de rupture du contrat de travail du salarié, la cour d'appel a relevé, par motifs propres, que le salarié produit de nombreuses lettres de clients mécontents notamment de l'Inserm, du CHU du Grau-du-Roi, de nombreux cabinets d'architectes qui se plaignent de l'insuffisance de moyens mis à la disposition pour mener à bonne fin les projets en cours, des attestations de chef de projet, les mails de demande d'aide à sa hiérarchie qui justifient le premier grief invoqué et, par motifs éventuellement adoptés, que pour pallier à l'absence de moyens techniques et humains mis à sa disposition, le salarié a dû réaliser un autre travail qui n'était pas le sien et que le surmenage et l'arrêt maladie du salarié sont dues aux carences de l'employeur ; qu'en statuant ainsi, en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les reproches et plaintes des clients et cabinets d'architectes concernaient des chantiers dont le salarié était en charge, si les reproches et plaintes n'étaient pas adressés directement à l'employeur et si le salarié participait aux réunions de productions hebdomadaires au cours desquelles étaient évoqués les points bloquants, l'état d'avancement des affaires et les planifications des rendus dossiers et divers déplacements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail.

3°/ QU'en tout cas, en affirmant péremptoirement que le salarié a dû réaliser un autre travail qui n'était pas le sien et que le surmenage et l'arrêt maladie du salarié sont dues aux carences de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

4°/ QU'en relevant, pour dire justifiée la prise d'acte de rupture du contrat de travail du salarié, qu'à compter du 1er octobre 2012 les cartes essence ont été supprimées et le carburant payé par les salariés et remboursé à 90 % pour les collaborateurs considérés comme « gros rouleurs », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le 10 % non pris en charge ne correspondait pas à l'utilisation personnelle que les « gros rouleurs », comme le salarié, pouvaient faire du véhicule en dehors de la période de vacances et des week-ends, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail.

5°/ QU'en ne précisant pas en quoi le prétendu manquement qu'elle imputait à l'employeur, consistant à modifier les conditions de remboursement de frais et demander à ses salariés de respecter les délais de la facturation client afin qu'il puisse payer les salaires, aurait été de nature à empêcher la poursuite du poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'employeur au paiement de la somme de 176,32 euros au titre du jour de congé supplémentaire pour ancienneté.

AUX MOTIFS QUE la convention collective prévoit le bénéfice d'un jour supplémentaire de congés payés après cinq ans d'ancienneté ; que la Sas Betomingenierie prétend qu'il a été payé au mois de novembre en même temps que les congés payés ; qu'or, le bulletin de salaire du mois de novembre 2012 fait apparaître le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés sans que soit mentionné le nombre de jours auquel elle correspond, ni que soit produit le bulletin de paie précédent qui ferait apparaître le nombre de jours de congés restant dus, de telle sorte que l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du paiement de cette journée supplémentaire de congé et il sera fait droit à la demande ; que M. Olivier X... sollicite le paiement de deux jours de fractionnement par an sur cinq ans en indiquant qu'il n'a jamais pu prendre normalement ses congés pendant la période de mai à octobre au regard de la charge de travail qui lui incombait, cependant, il n'indique pas les périodes de prise effective de ses congés pour permettre à la cour de vérifier qu'il remplit les conditions fixées par la convention collective à savoir que l'employeur a exigé qu'une partie de ces congés soit prise en dehors de la période et que le nombre de jours ouvrés de congés pris en dehors de la période du 1er au 31 octobre est égal au moins à cinq, qu'en l'absence d'un quelconque élément de preuve, la demande sera rejetée.

ALORS QUE les juges ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant, pour condamner l'employeur au paiement d'un jour de congé d'ancienneté, que le bulletin de salaire du mois de novembre 2012 fait apparaître le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés sans que soit mentionné le nombre de jours auquel elle correspond, alors que le compteur figurant au bulletin de paie donnait le détail de cette indemnité, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'employeur au paiement de la somme de 23 275,20 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS QUE l'article L. 8221-5 du code du travail indique qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable d'embauche ; soit de se soustraire intentionnellement a l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre I de la troisième partie ; qu'à compter de 2011, la Sas Betomingenierie a fait l'acquisition d'un logiciel dénommé Saje qui ne validait aucune heure supplémentaire au-delà de la 37e heure de telle sorte que c'est en toute connaissance de cause que la direction de la société a mise en oeuvre un système informatique de pointage bloqué qui ne permettait pas de comptabiliser l'intégralité des heures de travail réalisées par le salarié en vue de se soustraire au paiement des heures supplémentaires de telle sorte que M. Olivier X... est bien fondé à solliciter le paiement de l'indemnité forfaitaire relative au travail dissimulé.

ALORS QU'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, entraînera, par voie de conséquence nécessaire, la censure de la motivation par laquelle la cour d'appel a condamné l'employeur au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite d'un mois et d'AVOIR condamné l'employeur au paiement de 1 500 et de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

AUX MOTIFS QU'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Olivier X... les frais par lui exposés et non compris dans les dépens, la cour lui alloue à ce titre la somme de 2 000 euros ; que la Sas Betomingenierie qui succombe en ses prétentions sera condamné aux entiers dépens d'appel ; que le licenciement déclaré illégitime est sanctionné par l'article L. 1235-4, la cour ordonne le remboursement par la Sas Betomingenierie à Pôle emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite d'un mois.

1°/ ALORS QUE la cassation de l'arrêt sur le fondement du deuxième moyen, en ce qu'il a jugé que le salarié n'avait pas démissionné, ou sur le fondement du troisième moyen, en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail était aux torts de l'employeur et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse entraînera automatiquement en application de l'article 624 du code de la procédure civile la cassation de l'arrêt en ce qu'il a ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage perçues par le salarié dans la limite d'un mois.

2°/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier et/ou le deuxième et/ou troisième et/ou quatrième et/ou cinquième moyen emportera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi n° W 16-17.908 formé par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'Unedic CGEA Ile-de-France Ouest

Il est reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré sa décision opposable au CGEA d'Ile de France Ouest en sa qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L143-11-1 et suivants (L3253-8) du code du travail et les plafonds prévus aux articles L143-11-8 (L3253-17) et D143-2 (D3253-5) du code du travail ;

AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions des articles L3253-6 que tout employeur de droit privé assure ses salariés contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; que la demande de mise hors de cause ne peut qu'être rejetée ;

1) ALORS D'UNE PART QUE l'article L625-3 du code de commerce ne prévoit pas la mise en cause des institutions mentionnées à l'article L3253-14 du code du travail en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde au cours de l'instance prud'homale ; qu'en rejetant néanmoins la demande de mise hors de cause du CGEA d'Ile de France Ouest, la cour d'appel a violé l'article L625-3 du code de commerce ;

2) ALORS D'AUTRE PART QU'en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, seules sont garanties les créances résultant de ruptures intervenues pendant la période d'observation et dans le mois suivant le jugement qui a arrêté le plan de sauvegarde; qu'en l'espèce, les créances en litige étaient toutes antérieures au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, tout comme la rupture du contrat de travail elle-même était antérieure à ce jugement ; qu'en disant cependant sa décision opposable à l'AGS, la cour d'appel a violé l'article L3253-8 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-17898;16-17908
Date de la décision : 07/12/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 25 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2017, pourvoi n°16-17898;16-17908


Composition du Tribunal
Président : Mme Guyot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.17898
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