La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2017 | FRANCE | N°16-80216

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 décembre 2017, 16-80216


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 16-80.216 FS-P+B

N° 2972

CG11
6 DÉCEMBRE 2017

ANNULATION PARTIELLE

M. X... président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

ANNULATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. Alain Y..., la société B... Y... C...     

          , contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 4 décembre 2015, qui, pour infracti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 16-80.216 FS-P+B

N° 2972

CG11
6 DÉCEMBRE 2017

ANNULATION PARTIELLE

M. X... président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

ANNULATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. Alain Y..., la société B... Y... C...               , contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 4 décembre 2015, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, les a condamnés à des amendes et pénalités fiscales et a prononcé sur les intérêts civils AR
;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 octobre 2017 où étaient présents : M. X..., président, Mme Z..., conseiller rapporteur, M. Steinmann, Mme de la Lance, M. Germain, Mme Zerbib, M. d'Huy, M. Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, Fouquet, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Valat ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Z..., les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER et de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général A... ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 3 avril 2007, les agents de l'administration des douanes ont procédé, sur le fondement des articles L. 26 et L. 34 du livre des procédures fiscales, dans les locaux de la société B... Y... C...               , exploitant d'un domaine viticole à [...] et entrepositaire agréé, géré par M. Alain Y..., à un contrôle, par appellation d'origine, du volume des vins détenus en cave, ceux-ci étant recensés par les fonctionnaires sur appel de M. Y..., qui, à l'issue des opérations, a refusé un contre-appel de ces inventaires ; que, le 29 mai 2007, l'administration fiscale a notifié à la société Y... que des infractions de fausses déclarations de stocks 2006 et de récoltes 2006, par insuffisance et par excès des quantités déclarées, avaient été constatées ; que le 22 juin 2007, un procès-verbal de notification a été dressé ; qu'à la suite de ces opérations, M. Y... et la société B... Y... C...                ont été cités par l'administration des douanes devant le tribunal correctionnel des chefs d'infractions à la législation des contributions indirectes, en raison de fausses déclarations de stock 2006 par insuffisance et par excès des quantités déclarées et de fausses déclarations de récolte 2006 par insuffisance et par excès des quantités déclarées ; que le tribunal les a déclarés coupables des faits reprochés par un jugement dont ils ont fait appel avec le ministère public ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 26 et L. 34 du Livre des procédures fiscales, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, préliminaire et 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté les exceptions de nullité invoquées sur le fondement des articles 6, § 1, et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme :

"aux motifs que l'activité de la société Y... relative à la fabrication, la circulation et la consommation de boissons alcoolisées, s'exerce nécessairement dans un cadre strictement réglementé au regard des enjeux forts d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé publique concernés ; que les opérations de contrôle en matière de contributions indirectes tels que les contrôles sur les lieux d'exercice de l'activité prévue par les articles L. 26 et suivants du LPF peuvent être accomplis sans qu'une fraude ne soit concrètement soupçonnée ; qu'elles visent à lutter contre les trafics et contrefaçon, la mise à la consommation de produits dangereux, à contribuer au maintien d'une concurrence loyale et permettre au plan fiscal de s'assurer que les marchandises donnent bien lieu au paiement des droits ; que les pouvoirs accordés à l'administration par les articles L. 26 et L. 34 du Livre des procédures fiscales permettent à ses agents de contrôler les prescriptions fiscales et économiques établies au titre des contributions indirectes ; que l'exercice d'une activité de cette nature implique que le demandeur accepte de se placer sous le contrôle de l'administration ; qu'à la différence de l'exercice du droit de visite, prévu et encadré par l'article L. 38 du LPF pour la recherche et la constatation des infractions, les articles L. 26 et L. 34 cantonnent les investigations à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et la garantie de l'impôt et généralement aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la législation sur les contributions indirectes ; que l'article L. 28 du LPF précise que chez les viticulteurs, l'intervention des agents de l'administration ne peut avoir pour objet que de vérifier les déclarations de récolte de stock et de prélever des échantillons de vendange, de moûts ou de vins ; que ce contrôle ne peut avoir lieu que dans les locaux professionnels des personnes soumises à la réglementation et plus précisément chez les viticulteurs dans les chais ; que s'agissant des entrepositaires agréés, le contrôle ne peut avoir lieu que dans leurs magasins, cave, cellier entre 8 heures et 20 heures ; qu'au cas d'espèce, les agents des douanes n'ont effectué aucune perquisition, saisie de documents et n'ont effectué dans les locaux professionnels que des relevés matériels et audition du gérant relatifs aux conditions de l'activité de la société Y... ; que leurs constatations matérielles ont été faites sur le seul appel de M. Y... ; que ce n'est d'ailleurs pas sans contradiction que les prévenus invoquent ici le caractère coercitif, intrusif des opérations douanières, alors que pour contester la force probante des procès, cinq verbaux dans leur argumentation au fond, ils leur dénient le caractère de constatations matérielles en les qualifiant de simple inventaire comptable ; que dans son arrêt du 4 avril 2012, faisant suite à la transmission par le tribunal correctionnel de Dijon de la question prioritaire de constitutionnalité des prévenus, la Cour de cassation a rappelé que les articles L. 26 et L. 34 du LPF ne méconnaissaient à l'évidence aucun des droits ou principes que la constitution garantit et que le droit de contrôle visé par ces dispositions répondait sans disproportion aux objectifs à valeur constitutionnelle de lutte contre les fraudes à la législation sur les contributions indirectes ; qu'en outre, la garantie du procès équitable prévue par l'article 6 de la CEDH ne concerne pas la procédure de contrôle des activités soumises à la législation des contributions indirectes, préalable à l'engagement des poursuites ; que dans le cadre des articles L. 26 et L. 34 du LPF, les agents de l'administration n'exercent aucune poursuite et sont dépourvus de tout pouvoir de sanction ; que leur droit d'exercice n'autorise ni la fouille des locaux, ni une recherche contre le gré du propriétaire des lieux ou toutes mesures coercitives, ce qui n'est d'ailleurs pas allégué par M. Y... ; que ce droit d'accès de contrôle n'est pas assimilable à une perquisition soumise à l'autorité judiciaire ; que le caractère contradictoire de la procédure de contrôle ne saurait être contesté, le déroulement de la procédure ne fait d'ailleurs pas obstacle à l'assistance d'un avocat, notamment lors de l'établissement du procès-verbal de notification d'infraction, qui a eu lieu le 22 juin 2007, après une convocation écrite préalable du 29 mai et un délai de plus de deux mois après la visite initiale sur site du 3 avril 2007 ; que M. Y... a pu faire valoir ses explications, ses observations et contestations dont les agents de l'administration ont tenu compte pour modifier les balances de certaines appellations ; que le courrier adressé par le conseil de M. Y... à la direction régionale des douanes, le 16 novembre 2009 fait part de l'accord du prévenu pour transiger avec l'assistance de son conseil ; qu'en tant que de besoin, ceci démontre la parfaite connaissance que M. Y... des éléments relevés lors du contrôle et qui ont fait l'objet d'une correspondance nourrie entre son conseil et la partie poursuivante ; qu'au vu de ces différents éléments, à l'évidence, les articles L. 26 et L. 34 du LPF des procédures fiscales ne méconnaissent pas les principes conventionnels et constitutionnels du droit à un procès équitable ainsi que du respect de la protection du domicile ;

"et aux motifs adoptés que les opérations de contrôle et visite prévues par les articles L. 26 et suivants du LPF en matière de contributions indirectes revêtent un caractère administratif en ce qu'elles peuvent être accomplies sans qu'une fraude ne soit recherchée à la différence de l'exercice du droit de visite prévu et encadré par l'article L. 38 du LPF pour la recherche et la constatation des infractions, étant à rappeler par ailleurs que la SCEA est entrepositaire agréé par l'administration et relève d'une activité réglementée s'agissant d'encadrer la fabrication, la circulation et la consommation d'alcools, en raison notamment d'enjeux de sécurité sanitaire ainsi que du respect de règles de la concurrence et de prescriptions fiscales ; qu'en considération de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (arrêt CEDH 16 avril 2002, Société Colas Est et autres/France) dont se prévalent les prévenus ainsi qu'au regard également de l'avis rendu par la Cour de cassation le 4 avril 2012, suite à la transmission par ce tribunal d'une question prioritaire de constitutionnalité, il convient de considérer que les articles L. 26 et L. 34 du LPF ne méconnaissent pas les principes, tout autant conventionnels que constitutionnels, du droit à un procès équitable ainsi que du respect de la protection du domicile ; qu'en effet l'article L. 28 du LPF précise que l'intervention des agents de l'administration ne peut avoir pour objet que de vérifier les déclarations de récolte ou de stocks et de prélever des échantillons de vendanges, de moûts ou de vins et qu'à défaut de l'imposer, la législation permet le recours à un contre-appel (suite à l'appel des vins auquel procède le viticulteur, selon l'usage) et ne fait pas obstacle à l'assistance d'un avocat, notamment lors de l'établissement du procès-verbal de notification d'infractions qui a eu lieu, en l'espèce, le 22 juin 2007 moyennant une convocation écrite préalable du 29 mai et un délai de plus de deux mois après la visite sur site du 3 avril 2007, tandis que durant les opérations de contrôle le gérant a pu faire valoir ses explications dont ont pu tenir partiellement compte les agents de l'administration pour modifier en conséquence les balances de certaines appellations ;

"1°) alors que pour décider si la procédure de contrôle prévue aux articles L. 26 et L. 34 du Livre des procédures fiscales, bien que qualifiée d'"administrative" par l'administration des douanes, est en réalité de nature pénale au sens de la Convention européenne, le juge doit rechercher si elle peut conduire, en cas de constatation d'une infraction, à une sanction répressive ou seulement dissuasive et le degré de sévérité de cette sanction encourue ; qu'en l'espèce, le procès-verbal réalisé lors des contrôles effectués en vertu de ces textes, a donné lieu à une sanction de nature répressive et très sévère ; qu'en dissociant la phase dite préalable de contrôle de la phase pénale ultérieure, pour la faire échapper aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors qu'il résulte des dispositions des articles L. 26, L. 34 et L. 238 que les principes de présomption d'innocence et d'égalité des armes inhérents au procès équitable ne sont pas respectés par la procédure qu'ils prévoient ; qu'en effet, alors que les procès-verbaux des agents de l'administration font foi jusqu'à preuve contraire, cette preuve contraire ne peut plus être rapportée par un expert extérieur nommé par le tribunal, seul un prétendu "usage" de contre-appel réalisé exactement dans les mêmes conditions et par les mêmes personnes pouvant être demandé par le viticulteur ; qu'en outre, le contrôle est réalisé, de façon inopinée, sans aucun avis de visite domiciliaire qui lui permettrait de s'y préparer, sous la contrainte et sans aucune possibilité de le faire reporter, sa durée qui peut être très longue et l'éventuel temps de pause relevant de la seule discrétion des agents de contrôle ; que le viticulteur doit obligatoirement procéder à l'appel des vins détenus dans ses locaux sans pouvoir se référer à sa comptabilité matières pour lui permettre de faire des rapprochements et éviter les erreurs ; qu'en décidant que cette procédure n'était pas contraire à l'article 6 de la Convention européenne et à l'article préliminaire du code de procédure pénale, alors même que l'ensemble de la prévention pèse exclusivement sur les procès-verbaux réalisés lors de ces contrôles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3°) alors que le droit de garder le silence et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont au coeur de la notion de procès équitable consacrée par l'article 6, § 1, et ont notamment pour finalité de protéger l'accusé contre une coercition abusive de la part des autorités et, ainsi, d'éviter les erreurs judiciaires et d'atteindre les buts de l'article 6 de la Convention européenne ; que le droit de ne pas s'incriminer soi-même concerne le respect de la détermination d'un accusé à garder le silence et présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou des pressions, au mépris de la volonté de l'accusé ; qu'en l'espèce, la procédure prévue aux articles L. 26 et L. 34 du LPF exige précisément de la personne contrôlée, qu'elle fasse des déclarations au risque de s'auto-incriminer et de reconnaître implicitement des infractions, sous peine d'encourir une sanction d'opposition à contrôle, et sans qu'à aucun moment, elle ne soit informée de son droit de se taire ; qu'en décidant néanmoins que ces textes n'étaient pas contraire à l'article 6 de la Convention européenne, la cour d'appel a soumis son arrêt à la censure ;

"4°) alors que le droit à l'assistance d'un avocat doit être assuré dès le stade de l'enquête préalable, de façon notamment à lui permettre de ne pas s'autoincriminer, et ce d'autant plus lorsque son droit de garder le silence ne lui a pas été notifié ; qu'en l'occurrence, les opérations de contrôle de cave constituent l'unique source des éléments de faits visés à la prévention, les déclarations de la personne contrôlée faisant l'objet d'un procès-verbal et ces déclarations lui étant ensuite opposées comme représentant l'inventaire réel des vins figurant dans sa cave ; qu'en décidant néanmoins, que l'absence de notification du droit à un avocat à ce stade de la procédure, ni même au cours des opérations subséquentes, n'était pas contraire à l'article 6 de la Convention européenne et à l'article préliminaire du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les textes précités ;

"5°) alors que la protection des individus contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux droits garantis par l'article 8 de la Convention européenne réclame un encadrement légal et une limitation strictement proportionnée au but recherché, lorsque le droit national habilite les autorités à conduire une perquisition sans mandat judiciaire ; qu'en l'espèce, la visite domiciliaire inopinée, effectuée sans avis de passage et sans possibilité de report, puis la saisie au domicile ont été effectuées sans l'autorisation préalable d'un juge et sans contrôle judiciaire a posteriori sur la légalité et la nécessité de ces mesures d'instruction ; qu'en effet, la procédure fiscale permet aux agents d'enquête de procéder à de telles mesures d'instruction en dehors de toute suspicion préalable et encore moins de flagrance, pour effectuer de simples contrôles ; que le très large pouvoir conféré ainsi à l'administration fiscale quant à l'appréciation de la nécessité de la visite domiciliaire, de l'étendue du contrôle et de sa durée, est disproportionné au regard des exigences de l'article 8 de la CEDH ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes précités" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure tirée de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt, après avoir relevé que l'activité de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Y... s'exerce nécessairement dans un cadre strictement réglementé au regard des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé publique, et que les articles L. 26 et suivants du livre des procédures fiscales, applicables en l'absence de tout soupçon de fraude, cantonnent les investigations à des inventaires et aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la législation des contributions indirectes, énonce qu'au cas d'espèce, les agents des douanes n'ont effectué aucune perquisition ou saisie de documents et n'ont réalisé, sur le seul appel de M. Y..., qui a été auditionné sur les conditions de l'activité de la société Y..., que des relevés matériels ; que les juges, après avoir rappelé que, par un arrêt du 4 avril 2012, rendu, dans la même affaire, à la suite de la transmission par le tribunal correctionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité déposée par les prévenus, la chambre criminelle a jugé que les articles L. 26 et L. 34 du livre des procédures fiscales ne méconnaissent aucun des droits ou principes que la Constitution garantit et que le droit de contrôle visé par ces dispositions répond, sans disproportion, aux objectifs à valeur constitutionnelle de lutte contre les fraudes à la législation sur les contributions indirectes, ajoutent que le caractère contradictoire de la procédure de contrôle ne saurait être contesté, le déroulement de celle-ci ne faisant pas obstacle à l'assistance d'un avocat, notamment lors de l'établissement du procès-verbal de notification d'infraction qui a eu lieu le 22 juin 2007, soit plus de deux mois après la visite initiale sur site du 3 avril 2007, M. Y... ayant pu faire valoir ses explications et contestations dont les agents des douanes ont tenu compte pour modifier les balances de certaines appellations ; que la cour d'appel relève que le courrier adressé par le conseil de M. Y... à la direction régionale des douanes, faisant part de l'accord du prévenu pour transiger, démontre la parfaite connaissance qu'avait celui-ci des éléments relevés lors du contrôle et qui ont fait l'objet d'une correspondance nourrie entre son conseil et la partie poursuivante ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que le demandeur n'invoquait aucun acte susceptible de compromettre irrémédiablement les droits de la défense dans la suite de la procédure, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

Qu'en effet, d'une part, le droit d'accéder aux éléments matériels nécessaires au contrôle, reconnu aux agents compétents, agissant sur le fondement des dispositions des articles L. 26 et L. 34 du livre des procédures fiscales, applicables même en l'absence de tout soupçon de fraude, ne fait pas obstacle à l'assistance d'un avocat, d'autre part, ces agents, dont les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire, ne bénéficient pas, lors des opérations matérielles de contrôle, qui ne peuvent être effectuées que dans les locaux professionnels, d'un pouvoir général d'audition de l'exploitant, ni d'un pouvoir de perquisition, enfin, en tout état de cause, le droit de ne pas s'auto-incriminer n'implique pas celui de s'opposer aux inventaires ainsi qu'aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la législation, seul ce comportement étant susceptible de faire l'objet de poursuites pénales du chef d'opposition à contrôle sur le fondement de l'article 1746 du code général des impôts ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, préliminaire du code de procédure pénale, du principe de présomption d'innocence et du droit à un procès équitable, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... et la société B... Y... C...                coupables de fausses déclarations de stocks 2006 par excédents ou manquants et de fausses déclarations de récolte 2006 par excédents ou manquants et les a, en conséquence, condamnés solidairement pour fausse déclaration de stock 2006 par minoration des quantités déclarées à une amende fiscale de 500 euros et à une pénalité proportionnelle évaluée à 168 000 euros, pour fausse déclaration de stock 2006 par majoration des quantités déclarées à une amende fiscale de 500 euros et à une pénalité proportionnelle évaluée à 56 000 euros, pour fausse déclaration de récolte 2006 par minoration des quantités déclarées à une amende fiscale de 150 euros et à une pénalité proportionnelle de 402 euros, pour fausse déclaration de récolte 2006 par majoration des quantités déclarées à une amende fiscale de 300 euros et à une pénalité proportionnelle de 2 758 euros ;

"aux motifs que l'examen de la culpabilité des mis en cause requiert une analyse détaillée des différents chefs de prévention au vu des éléments produits par les prévenus, huit ans après les constatations initiales :

Sur les fausses déclarations de stock 2006 par minoration des quantités déclarées :
[...]
- Excédent de 4,63 hl dans l'appellation [...], l'erreur d'appréciation alléguée par la société Y... n'est pas démontrée et n'a pas justifié de contre appel ; que la culpabilité sera confirmée [...] ;
- Excédent de 1,49 hl dans l'appellation de [...] premier cru l'affirmation des prévenus selon laquelle il s'agirait de stocks réservés à la consommation personnelle du domaine et proviendrait de M. Y... paraît tardive, et n'est pas justifiée par des éléments probants ; que la culpabilité sera continuée ;
- Excédent de 2,95 hl dans l'appellation [...] , aucune explication n'a été fournie pouvant mettre en doute les constatations douanières ; que la culpabilité sera confirmée ;
- 98,37 hl de vin dans l'appellation de vin en excédent dans l'appellation [...] rouge, l'erreur alléguée relative au marquage des palettes n'est pas démontrée ; que la culpabilité sera confirmée ;
- 15,74 hl de vin dans l'appellation [...] la confusion avec l'appellation Bourgogne grand ordinaire BOO rouge, procède de la simple affirmation sans aucun justificatif ; que la culpabilité sera confirmée - 23,51 hl de vin dans l'appellation [...]rouge, l'excédent appartiendrait au [...], le tribunal a justement relevé que le stock n'était pas précisé ; qu' un simple courrier du [...] est joint au dossier sans aucune force probante ; que la culpabilité sera confirmée ;
- 13,15 hl de vin dans l'appellation [...]                 ,78 hl de vin dans l'appellation Bourgogne rouge - 9,15 hl de vin dans l'appellation Bourgogne grand ordinaire (BGO) rosé - 1,81 hl de vin dans l'appellation [...] rouge, aucune explication n'est avancée par les prévenus, ce qui conduit à retenir leur culpabilité ;
Fausse déclaration de stock 2006 par majoration des quantités déclarées portant sur :
- 5,62 hl de vin dans l'appellation [..], l'erreur d'appréciation alléguée lors du contrôle s'agissant d'une confusion avec l'appellation [...] qui présente un excédent de 4,63 hl, relève de la simple affirmation ; que la culpabilité sera confirmée [...] ;
- 4,22 hl de vin dans l'appellation [...] [...], l'erreur du marquage des palettes invoquée n'est pas démontrée et aurait pu faire l'objet d'un contre-appel ;
- 36,92 hl de vin dans l'appellation Bourgogne passe tout grain rouge, cette quantité ferait partie d'une erreur sur le marquage des palettes, soit 4.759 bouteilles ; que cette erreur alléguée, non démontrée, conduit à la confirmation de la décision critiquée - 138,22 hl de vin dans l'appellation Bourgogne grand ordinaire (BGO) rouge ; qu'il est évoqué tardivement une erreur d'énonciation, la présence d'un tank de 22 hl qui se trouverait clans un grenier et différentes quantités qui auraient été stockées dans un hôtel voisin ; qu'il paraît peu probable que M. Y... ait oublié ces éléments lors de l'appel ; que la culpabilité sera confirmée - 67,60 hl de vin manquant dans l'appellation [...] ; qu'en l'absence d'observations des prévenus, la culpabilité sera confirmée ;
- 46,73 hl de vin dans l'appellation [...], l'argument tardif relatif à des quantités destinées à la consommation familiale et aux saisonniers repose sur les seules affirmations des prévenus et n'est pas justifié par d'autres éléments ; que la culpabilité sera confirmée ;
Fausse déclaration de récolte 2006 par minoration des quantités déclarées :
- 1,34 hl de vin dans l'appellation [...], les prévenus ne contestent pas les faits ; que la culpabilité sera confirmée - 1,08 hl de vin dans l'appellation [...] - 0,71 hl de vin dans l'appellation Bourgogne passe tout grain rouge - 0,07 hl de vin dans l'appellation [...] rouge - 4,66 hl dans l'appellation Bourgogne blanc ; que les prévenus évoquent la probabilité d'une erreur dénonciation, sans aucun autre argument ; que la culpabilité sera confirmée ;

"alors qu'en vertu du principe de la présomption d'innocence, la charge de la preuve de la culpabilité appartient à la partie poursuivante ; qu'en l'espèce, pour décider que M. Y... et la société B... Y... C...                seraient coupables de fausses déclarations de stocks 2006 par excédents ou manquants et de fausses déclarations de récolte 2006 par excédents ou manquants, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'ils ne rapportaient pas la preuve de leur innocence s'agissant des excédents ou manquants qu'elle a décidés de retenir ; que ce faisant, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve" ;

Attendu que, pour déclarer M. Y... et la société B... Y... C...                coupables d'infractions à la législation sur les contributions indirectes, les juges du fond, après avoir procédé à l'analyse détaillée des différents chefs de prévention, au vu des éléments produits par les prévenus, ont relevé qu'aucune explication n'avait été fournie pouvant mettre en doute les constatations des agents de l'administration ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le procès-verbal de notification d'infraction du 22 juin 2007 fait foi jusqu'à preuve contraire, non rapportée en l'espèce, la cour d'appel a, sans renverser la charge de la preuve, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 407, 408, 1791 et 1794-3 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe non bis in idem, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement M. Y... et la société B... Y... C...                pour fausse déclaration de stock 2006 par minoration des quantités déclarées à une amende fiscale de 500 euros et pour fausse déclaration de stock 2006 par majoration des quantités déclarées à une amende fiscale de 500 euros, pour fausse déclaration de récolte 2006 par minoration des quantités déclarées à une amende fiscale de 150 euros et pour fausse déclaration de récolte 2006 à une amende fiscale de 300 euros ;

"alors que les fausses déclarations de récolte sur les manquants et les fausses déclarations de récolte sur les excédents ne constituent qu'une seule et même infraction, de même que les fausses déclarations de stock sur les manquants et les fausses déclarations de stocks sur les excédents ; que dès lors en condamnant M. Y... et la société B... Y... C...                à quatre amendes fiscales distinctes pour chacun de ces faits reprochés, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu à l'encontre des prévenus deux infractions de fausse déclaration de récoltes et deux infractions de fausse déclaration de stocks, par majoration et minoration des quantités déclarées pour chacune d'elles, dès lors que les déclarations de récoltes et de stocks doivent distinguer les différentes appellations et les quantités par appellation et aucune compensation ne peut intervenir entre excédents et manquants des différents types de produits ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties, pris de la violation de l'article 112-1 du code pénal ;

Vu l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal ;

Attendu qu'en vertu de ce texte les dispositions législatives nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les juges ont entendu réduire le montant des amendes et pénalités fiscales infligées par le tribunal aux prévenus et qu'ils ont appliqué l'article 1800 du code général des impôts, alors en vigueur, aux termes duquel le juge pouvait, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise ainsi qu'à la personnalité de son auteur, modérer le montant des amendes et pénalités jusqu'au tiers de la somme servant de base au calcul de la pénalité proportionnelle ;

Mais attendu que la situation des prévenus n'a pas été examinée au regard de l'article 1800 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, laquelle a supprimé le minimum applicable en matière d'amendes et de pénalités fiscales ;

D'où il suit que l'annulation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée au montant des amendes et pénalités fiscales ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale par l'Institut national de l'origine et de la qualité :

Attendu que les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel ; que la déclaration de culpabilité des demandeurs étant devenue définitive, par suite du rejet de leurs moyens de cassation contestés par l'Institut national de l'origine et de la qualité, il y a lieu de faire droit à la demande du défendeur ;

Par ces motifs :

ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 4 décembre 2015, mais en ses seules dispositions relatives au montant des amendes et pénalités fiscales, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de l'annulation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil DAR ;

FIXE à 2000 euros la somme globale que devront payer M. Alain Y... et la société B... Y... C...                à l'Institut national de l'origine et de la qualité au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six décembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80216
Date de la décision : 06/12/2017
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Infractions - Constatation - Intervention dans les locaux professionnels - Pouvoirs conférés aux agents de l'administration par l'article L. 26 du livre des procédures fiscales - Droits de la défense - Compatibilité - Conditions - Détermination

Le droit d'accéder aux éléments matériels nécessaires au contrôle, reconnu aux agents des douanes compétents en matière de contributions indirectes, agissant sur le fondement des dispositions des articles L. 26 et L. 34 du livre des procédures fiscales, applicables même en l'absence de tout soupçon de fraude, ne fait pas obstacle à l'assistance d'un avocat. Les mêmes agents, dont les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire, ne bénéficient pas, lors de ces opérations matérielles de contrôle, qui ne peuvent être effectuées que dans les locaux professionnels, d'un pouvoir général d'audition de l'exploitant, ni d'un pouvoir de perquisition. Le droit de ne pas s'auto-incriminer n'implique pas celui de s'opposer aux inventaires ainsi qu'aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la législation, seul ce comportement étant susceptible de faire l'objet de poursuites pénales du chef d'opposition à contrôle sur le fondement de l'article 1746 du code général des impôts. Justifie sa décision, le prévenu n'invoquant aucun acte susceptible de compromettre irrémédiablement les droits de la défense dans la suite de la procédure, la cour d'appel qui relève que les articles L. 26 et suivants du livre des procédures fiscales, applicables en l'absence de tout soupçon de fraude, cantonnent les investigations matérielles à des inventaires et aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la législation des contributions indirectes, et énonce qu'au cas d'espèce, d'une part, les agents des douanes n'ont effectué aucune perquisition ou saisie de documents et n'ont réalisé que des relevés matériels, d'autre part, le caractère contradictoire de la procédure a été assuré, le prévenu, qui avait la possibilité de se faire assister par un avocat, ayant pu, dans des délais satisfaisants, faire valoir ses explications et contestations dont les agents des douanes ont tenu compte pour modifier les résultats du contrôle


Références :

articles L. 26 et L. 34 du livre des procédures fiscales 

article 1746 du code général des impôts

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 04 décembre 2015

Sur la détermination des pouvoirs conférés aux agents de l'administration par l'article L. 26 du livre des procédures fiscales, à rapprocher :Crim., 19 mai 2004, pourvoi n° 03-84528, Bull. crim. 2004, n° 129 (cassation), et les arrêts cités ;Crim., 23 janvier 2008, pourvoi n° 07-81128, Bull. crim. 2008, n° 19 (cassation), et les arrêts citésSur les droits de la défense du contribuable dans le cadre de l'intervention de l'administration en application de l'article L. 26 du livre des procédures fiscales, à rapprocher :Crim., 28 janvier 2004, pourvoi n° 03-82705, Bull. crim. 2004, n° 21 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 déc. 2017, pourvoi n°16-80216, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Foussard et Froger, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.80216
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award