LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 2016), que la société Electron qui a pour activité la promotion et la vente de cigarettes électroniques a réservé le 27 février 2013 un stand auprès de la société Expodience, organisatrice d'un salon du golf qui devait se tenir du 22 au 24 mars 2013 ; que le 19 mars 2013, la société Electron a annulé sa participation en se prévalant du risque que soit interdite la vente de ses produits par les pouvoirs publics avant de revenir sur sa décision, la veille du salon, au motif qu'elle n'était pas remboursée de la facture qu'elle avait acquittée ; que reprochant à la société Expodience le non-respect de ses engagements contractuels, la société Electron l'a assignée en réparation de son préjudice et, à titre subsidiaire, en annulation du contrat pour cause illicite et restitution de la somme versée ;
Attendu que la société Electron fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la société Electron soutenait, à titre subsidiaire, que le contrat devait être annulé pour cause illicite et que la somme de 4 186 euros devait lui être restituée ; que la société Expodience soutenait qu'aucun cas de force majeure ne justifiait l'inexécution du contrat, que les conditions générales de vente étaient valables et qu'elle n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles, mais ne formulait aucun moyen pour s'opposer aux demandes d'annulation du contrat et de restitution ; que la question de la possibilité pour la société Electron de solliciter la nullité du contrat pour cause illicite et le remboursement de la somme de 4 186 euros et par conséquent de l'application de l'adage « nemo auditur » n'était pas dans le débat ; qu'en relevant d'office que la société Electron était mal fondée à soutenir « la nullité du contrat puisqu'elle est elle-même à l'origine de la cause illicite qu'elle dénonce », sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que l'adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » ne s'oppose pas à l'action en nullité du contrat mais seulement, le cas échéant, à l'exercice des restitutions consécutives à la nullité du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que « la société Electron est également mal fondée à soutenir, à titre subsidiaire, la nullité du contrat puisqu'elle est elle-même à l'origine de la cause illicite qu'elle dénonce, en l'occurrence la prohibition de la publicité en faveur du tabac ou du produits de tabac, dont l'e-cigarette » ; qu'en appliquant ainsi l'adage « nemo auditur » pour déclarer la société Electron mal fondée à solliciter la nullité du contrat, tandis que cet adage ne s'oppose pas à l'action en nullité du contrat, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1133 du code civil ;
3°/ que l'adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » est seulement applicable à l'action en restitution consécutive à la nullité du contrat pour cause immorale, et non pour cause illicite ; qu'en l'espèce, en appliquant l'adage « nemo auditur » pour rejeter les demandes de la société Electron relatives à l'illicéité de la cause du contrat, tandis que cet adage ne peut s'appliquer à l'action en restitution pour cause illicite, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1133 du code civil ;
Mais attendu que le moyen, en ce qu'il invoque la violation d'un adage qui n'a pas été appliqué par la cour d'appel, est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Electron aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Expodience la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Electron
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Electron de ses demandes tendant, à titre principal, à ce qu'il soit constaté que la société Expodience n'avait pas respecté ses engagements et qu'elle soit par conséquent condamnée à lui payer la somme de 4.186 € en réparation de son préjudice subi du fait du non-respect de ses engagements contractuels et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit jugé que le contrat était nul pour cause illicite et que la société Expodience soit condamnée à lui rembourser la somme de 4.186 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le 27 février 2013, la société Electron a loué à la société Expodience un stand B 2 Bis de 12 m2 pour le salon du golf se tenant à Paris du 22 au 24 mars pour un montant de 4.186 € TTC ; que la facture émise le même jour a été acquittée par la société Electron ; que, par courrier électronique du 19 mars 2013 adressé à la société Expodience, la société Electron a indiqué qu'elle ne participerait pas à l'événement car son avocat l'avait mise en garde sur le fait que son activité, en l'occurrence la vente de cigarettes électroniques, pourrait être interdite et qu'elle ne voulait pas s'exposer à un tel risque ; que la société Expodience a répondu que le décret n'était pas passé, qu'elle prenait en compte l'annulation mais que la totalité de la somme restait due ; que la société Electron qui a finalement accepté de participer à l'événement a occupé un autre stand d'une plus petite surface que celui prévu au contrat ; que la société Electron est mal fondée à soutenir qu'un cas de force majeure l'a contrainte à annuler sa participation puisqu'aucun événement extérieur, imprévisible et irrésistible n'est intervenu entre la signature de la réservation le 27 février 2013 et l'annulation du 19 mars suivant ; que les mises en garde de son avocat sur l'éventuelle impossibilité de participer au salon du golf ne reposent sur aucun élément objectif et n'ont pas été fondées puisque la société Electron y a finalement présenté un stand ; qu'en avisant la société Expodience de son absence de participation 3 jours avant l'ouverture du salon, la société Electron a mis un terme au contrat sans motif légitime et hors cas de force majeure ; qu'elle est ainsi redevable de la somme facturée dont elle ne peut pas réclamer le remboursement ; que la société Expodience n'était plus tenue de conserver le stand à la disposition de la société Electron qui ne peut pas lui reprocher la mise à disposition d'un autre stand dans le cadre de nouvelles modalités dont les parties sont ensuite convenues ; que la société Electron est également mal fondée à soutenir, à titre subsidiaire, la nullité du contrat puisqu'elle est elle-même à l'origine de la cause illicite qu'elle dénonce, en l'occurrence la prohibition de la publicité en faveur du tabac ou de produits de tabac dont l'e-cigarette ; que le jugement déféré doit ainsi être confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 1134 du code civil dispose que « les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; que la société Electron a signé le 27 février 2013 un engagement de participation au salon du golf, que cet engagement est dûment revêtu de la signature et du cachet de la société Electron et qu'il renvoie sans ambiguïté aux « conditions générales de vente, extrait du règlement général du salon du golf 7ème édition » ; que l'article 6 des conditions générales stipule : « en cas de désistement ou en cas de non-occupation du stand pour une cause quelconque, les sommes versées au titre de la location du stand sont acquises à l'organisateur, même en cas de relocation à un exposant… » ; qu'il n'y a pas « déséquilibre significatif » dans la relation entre l'exposant et l'organisateur du salon ; qu'en effet, il est parfaitement compréhensible que ce dernier, prenant acte de la « démission » d'un exposant, réorganise son plan d'exposition ; que le demandeur ne prouve pas le caractère inévitable ou irrésistible de l'événement représenté par la simple crainte d'une réglementation défavorable à la cigarette électronique ; qu'en conséquence, on ne peut pas soutenir qu'il y ait eu en l'espèce force majeure ; que le préjudice subi par la société Electron (frais engagés, chiffre d'affaires non réalisé) ne peut être imputé à la société Expodience, l'organisateur du salon, mais bien à ses propres hésitation ;
1°) ALORS QUE le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la société Electron soutenait, à titre subsidiaire, que le contrat devait être annulé pour cause illicite et que la somme de 4.186 € devait lui être restituée (concl., p. 7 et 8) ; que la société Expodience soutenait qu'aucun cas de force majeure ne justifiait l'inexécution du contrat, que les conditions générales de vente étaient valables et qu'elle n'avait pas manqué à ses obligations contractuelles (concl., p. 4 à 10), mais ne formulait aucun moyen pour s'opposer aux demandes d'annulation du contrat et de restitution ; que la question de la possibilité pour la société Electron de solliciter la nullité du contrat pour cause illicite et le remboursement de la somme de 4.186 € et par conséquent de l'application de l'adage « nemo auditur » n'était pas dans le débat ; qu'en relevant d'office que la société Electron était mal fondée à soutenir « la nullité du contrat puisqu'elle est elle-même à l'origine de la cause illicite qu'elle dénonce » (arrêt, p. 4 § 4), sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, l'adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » ne s'oppose pas à l'action en nullité du contrat mais seulement, le cas échéant, à l'exercice des restitutions consécutives à la nullité du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que « la société Electron est également mal fondée à soutenir, à titre subsidiaire, la nullité du contrat puisqu'elle est elle-même à l'origine de la cause illicite qu'elle dénonce, en l'occurrence la prohibition de la publicité en faveur du tabac ou du produits de tabac, dont l'e-cigarette » (arrêt, p. 4 § 4) ; qu'en appliquant ainsi l'adage « nemo auditur » pour déclarer la société Electron mal fondée à solliciter la nullité du contrat, tandis que cet adage ne s'oppose pas à l'action en nullité du contrat, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1133 du code civil ;
3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, l'adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » est seulement applicable à l'action en restitution consécutive à la nullité du contrat pour cause immorale, et non pour cause illicite ; qu'en l'espèce, en appliquant l'adage « nemo auditur » pour rejeter les demandes de la société Electron relatives à l'illicéité de la cause du contrat, tandis que cet adage ne peut s'appliquer à l'action en restitution pour cause illicite, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1133 du code civil.