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22/11/2017 | FRANCE | N°13-19855

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 novembre 2017, 13-19855


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, L. 1133-1, L. 1321-3, 2°, du code du travail, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, L. 1133-1, L. 1321-3, 2°, du code du travail, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

Attendu qu'il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché ; qu'aux termes de l'article L. 1321-3, 2°, du code du travail, le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;

Attendu que, saisie par la Cour de cassation dans le présent pourvoi d'une question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne, par arrêt du 14 mars 2017 (CJUE, Asma Y..., aff. C-188/15), a dit pour droit : "L'article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doit être interprété en ce sens que la volonté d'un employeur de tenir compte des souhaits d'un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de cette disposition" ;

Attendu, par ailleurs, que, par arrêt du même jour (CJUE, 14 mars 2017, G4S Secure Solutions, C-157/15), la Cour de justice a dit pour droit : "L'article 2, § 2, sous a), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doit être interprété en ce sens que l'interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d'une règle interne d'une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions au sens de cette directive ; qu'en revanche, une telle règle interne d'une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte au sens de l'article 2, § 2, sous b), de la directive 2000/78/CE s'il est établi que l'obligation en apparence neutre qu'elle prévoit entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime, tel que la poursuite par l'employeur, dans ses relations avec ses clients, d'une politique de neutralité politique, philosophique ainsi que religieuse, et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier" ;

Attendu que la Cour de justice a précisé, dans les motifs de cette dernière décision (§ 43), s'agissant du refus d'une salariée de renoncer au port du foulard islamique dans l'exercice de ses activités professionnelles auprès de clients de l'employeur, qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise, et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il eût été possible à l'employeur, face à un tel refus, de lui proposer un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement ;

Attendu qu'il en résulte que l'employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l'ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l'article L. 1321-5 du code du travail, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n'est appliquée qu'aux salariés se trouvant en contact avec les clients ; qu'en présence du refus d'une salariée de se conformer à une telle clause dans l'exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l'entreprise, il appartient à l'employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée à compter du 15 juillet 2008 par contrat de travail à durée indéterminée par la société Micropole univers, société de conseil, d'ingénierie et de formation spécialisée dans le développement et l'intégration de solutions décisionnelles, en qualité d'ingénieur d'études ; qu'elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 15 juin 2009 et licenciée par lettre du 22 juin 2009 pour faute pour avoir refusé d'ôter son foulard islamique lorsqu'elle intervenait dans des entreprises clientes de la société ; que la salariée a saisi le 10 novembre 2009 la juridiction prud'homale en contestant son licenciement et en faisant valoir qu'il constituait une mesure discriminatoire en raison de ses convictions religieuses ;

Attendu que, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'une entreprise doit tenir compte de la diversité des clients et de leurs convictions et qu'elle est donc naturellement amenée à imposer aux employés qu'elle envoie au contact de sa clientèle une obligation de discrétion qui respecte les convictions de chacun, à la condition toutefois que la restriction qui en résulte soit justifiée par la nature de la tâche à effectuer et proportionnée au but recherché, qu'en l'espèce, il est établi qu'une société cliente a souhaité que les interventions de la salariée se fassent désormais sans port de voile afin de ne pas gêner certains de ses collaborateurs, que la restriction que l'employeur a alors imposée à la liberté de la salariée de manifester ses convictions religieuses par sa tenue vestimentaire a été proportionnée au but recherché puisque seulement limitée aux contacts avec la clientèle, les travaux effectués dans ses locaux par un ingénieur d'études portant un voile ne lui créant aucune difficulté selon ses propres déclarations, qu'ainsi, il apparaît que le licenciement ne procède pas d'une discrimination tenant à ses convictions religieuses puisque la salariée était autorisée à continuer à les exprimer au sein de l'entreprise mais qu'il est justifié par une restriction légitime procédant des intérêts de l'entreprise alors que la liberté donnée à la salariée de manifester ses convictions religieuses débordait le périmètre de l'entreprise et empiétait sur les sensibilités de ses clients et donc sur les droits d'autrui ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n'était prévue dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur en application de l'article L. 1321-5 du code du travail et que l'interdiction faite à la salariée de porter le foulard islamique dans ses contacts avec les clients résultait seulement d'un ordre oral donné à une salariée et visant un signe religieux déterminé, ce dont il résultait l'existence d'une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses, et alors qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice en réponse à la question préjudicielle posée que la volonté d'un employeur de tenir compte des souhaits d'un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une salariée portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000, la cour d'appel a méconnu la portée des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Micropole aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme Y... et à l'association ADDH ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y... et l'Association de défense des droits de l'homme (ADDH)

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR DEBOUTE Mme Y... de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à tout le moins vexatoire et sans cause réelle et sérieuse, et, par voie de conséquence, l'association ADDH, intervenant volontairement, de sa demande de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS propres QU'aux termes de sa lettre de licenciement du 22 juin 2009, la société Micropole Univers, se référant à l'intervention de la salariée, le 15 mai 2009, sur le site de Toulouse de la société Groupama à la suite de laquelle cette cliente a fait état de la gêne de certains de ses collaborateurs et a demandé à ce qu'il n'y ait « pas de voile la prochaine fois », reproche à la salariée d'avoir opposé un refus à sa demande de quitter le voile qu'elle porte tous les jours, dès lors qu'elle serait en contact, en interne ou en externe, avec les clients de l'entreprise ; (
) que l'employeur reconnaît toutefois qu'il avait connaissance, dès avant son embauche, qu'elle portait le voile dit islamique ; qu'il déclare que cette tenue ne créait aucune difficulté quand la salariée voilée travaillait au sein de l'entreprise mais qu'il l'avait mise en garde sur les problèmes qu'elle poserait à l'occasion de ses contacts avec les clients ; que le compte-rendu non contesté de l'entretien préalable au licenciement montre que la directrice des ressources humaines a proposé à Asma Y... de retirer son voile uniquement lorsqu'elle se trouverait avec la clientèle, ce que la salariée a refusé ; qu'il est communément admis que le port d'un voile par une femme constitue une manifestation extérieure de son appartenance à la religion musulmane, mais il est observé qu'en l'espèce, Asma Y... ne démontre pas que le port de cet accessoire vestimentaire lui était impérativement commandé par les préceptes de la religion qu'elle déclare pratiquer ; qu'en tout état de cause, la liberté de religion et la liberté d'exprimer ses convictions notamment religieuses sont proclamées par l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces libertés sont protégées dans l'entreprise par l'interdiction énoncée par l'article L. 1121-1 du Code du travail d'y apporter des "restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" ; que le but recherché par une entreprise commerciale est de réaliser son objet social en fournissant à ses clients des produits, des prestations ou des services leur donnant satisfaction ; que pour ce faire, elle doit tenir compte de la diversité des clients et de leurs convictions ; qu'elle est donc naturellement amenée à imposer aux employés qu'elle envoie au contact de sa clientèle une obligation de discrétion qui respecte les convictions de chacun, à la condition toutefois que la restriction qui en résulte soit justifiée par la nature de la tâche à effectuer et proportionnée au but recherché ; qu'en l'espèce, il est établi par l'attestation du directeur de projets que la société cliente Groupama a souhaité que les interventions d'Asma Y... se fassent désormais sans port de voile afin de ne pas gêner certains de ses collaborateurs ; que la restriction que la société Micropole a alors posée à la liberté de la salariée de manifester ses convictions religieuses par sa tenue vestimentaire a été proportionnée au but recherché puisque seulement limitée aux contacts avec la clientèle, les travaux effectués dans ses locaux par un ingénieur d'études portant un voile ne lui créant aucune difficulté selon ses propres déclarations ; qu'ainsi, il apparaît que le licenciement d'Asma Y... ne procède pas d'une discrimination tenant à ses convictions religieuses puisque la salariée était autorisée à continuer à les exprimer au sein de l'entreprise mais qu'il est justifié par une restriction légitime procédant des intérêts de l'entreprise alors que la liberté donnée à la salariée de manifester ses convictions religieuses débordait le périmètre de l'entreprise et empiétait sur les sensibilités de ses clients et donc sur les droits d'autrui ; que c'est à raison que le conseil des prud'hommes a considéré que le licenciement d'Asma Y... ne reposait pas sur une discrimination mais sur une cause réelle et sérieuse tenant à son refus de se conformer à la demande légitime de son employeur d'ôter son voile lorsqu'elle se trouvait au contact de la clientèle et a rejeté ses demandes d'indemnités pour licenciement nul, licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et licenciement vexatoire ;

Et AUX MOTIFS adoptés QUE la liberté religieuse est garantie par le droit du travail mais l'employeur a le droit d'imposer des normes vestimentaires telles le port d'un uniforme si elles sont justifiées par l'intérêt de l'entreprise, ce qui veut dire que le droit du travail reconnaît à l'employeur le droit de restreindre une liberté non fondamentale qui est la liberté de se vêtir selon son goût ; que la Société a demandé à Mme Y... de retirer le voile islamique uniquement quand elle était en mission auprès de clients en invoquant la discrétion dans l'expression de ses convictions ; que quand elle était en mission la salariée représentait son entreprise et non elle-même ; son employeur était donc en droit de vouloir présenter une image neutre afin de ne pas heurter les convictions variées de ses différents clients ; que de plus les missions auprès des clients ne représentaient au dire même de la salariée à la barre que 5 % de son temps de travail ; que la restriction à la liberté de Mme Y... de porter le voile islamique était donc limitée ; qu'elle était justifiée par son contact avec des clients, et proportionnée au but recherché par la société de contrôler son image et de ne pas heurter les convictions de ses clients ; que de plus, la Société avait informé la demanderesse lors de son embauche qu'elle serait susceptible de ne pas porter le voile en cas de contacts clientèles comme l'établit l'attestation de Mr A... ; qu'en conséquence son licenciement ne repose pas sur une discrimination mais sur une cause réelle et sérieuse ;

1° ALORS QUE les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ; qu'en s'abstenant de toute analyse précise de la nature de la tâche confiée à Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1321-3 et L. 1132-1 du code du travail, 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

2° ALORS QUE les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ; que le port du voile islamique, par la salariée d'une entreprise privée, en contact avec de la clientèle, ne porte pas atteinte aux droits ou aux convictions d'autrui ; que la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1321-3 et L. 1132-1 du code du travail, ensemble les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

3° ALORS QUE les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ; que la gêne ou la sensibilité de la clientèle d'une société commerciale prétendument éprouvée à la seule vue d'un signe d'appartenance religieuse ne constitue pas un critère opérant ni légitime, étranger à toute discrimination, justifiant de faire prévaloir des intérêts économiques ou commerciaux sur la liberté fondamentale du salarié ; que la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1321-3 et L. 1132-1 du code du travail, ensemble les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

4° ALORS QUE l'interdiction de porter le voile dans une entreprise privée commerciale, même limitée aux contacts avec la clientèle, prise pour ce seul motif, constitue une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté religieuse ; que la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1321-3 et L. 1132-1 du code du travail, ensemble les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-19855
Date de la décision : 22/11/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Règlement intérieur - Contenu - Restriction aux libertés individuelles - Restriction à la liberté religieuse - Validité - Conditions - Détermination - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Restriction aux libertés fondamentales - Restriction à la liberté religieuse - Limites UNION EUROPEENNE - Travail - Salarié - Principe de non-discrimination - Directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 - Application directe - Application directe dans les rapports entre particuliers - Portée

Saisie par la Cour de cassation d'une question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne, par arrêt du 14 mars 2017 (CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Bougnaoui et ADDH, C-188/15), a dit pour droit : « L'article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doit être interprété en ce sens que la volonté d'un employeur de tenir compte des souhaits d'un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de cette disposition ». Par arrêt du même jour (CJUE, arrêt du 14 mars 2017, G4S Secure Solutions, C-157/15), la Cour de justice a dit pour droit : « L'article 2, § 2, sous a), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doit être interprété en ce sens que l'interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d'une règle interne d'une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions au sens de cette directive. En revanche, une telle règle interne d'une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte au sens de l'article 2, § 2, sous b), de la directive 2000/78 s'il est établi que l'obligation en apparence neutre qu'elle prévoit entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime, tel que la poursuite par l'employeur, dans ses relations avec ses clients, d'une politique de neutralité politique, philosophique ainsi que religieuse, et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ». La Cour de justice a précisé, dans les motifs de cette dernière décision, s'agissant du refus d'une salariée de renoncer au port du foulard islamique dans l'exercice de ses activités professionnelles auprès de clients de l'employeur, qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise, et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il eût été possible à l'employeur, face à un tel refus, de lui proposer un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement. Il en résulte que l'employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l'ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur en application de l'article L. 1321-5 du code du travail, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n'est appliquée qu'aux salariés se trouvant en contact avec les clients ; qu'en présence du refus d'une salariée de se conformer à une telle clause dans l'exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l'entreprise, il appartient à l'employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement


Références :

2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail
articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, L. 1133-1, L. 1321-3, 2°, du code du travail, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 avril 2013

Sur l'étendue de l'obligation pour l'employeur de respecter les convictions religieuses des salariés , à rapprocher :Soc., 17 octobre 1973, pourvoi n° 72-40360, Bull. 1973, V, n° 484 (rejet) ;Ass. plén., 19 mai 1978, pourvoi n° 76-41211, Bull. 1978, Ass. plén, n° 1 (rejet) ;Soc., 16 décembre 1981, pourvoi n° 79-41300, Bull. 1981, V, n° 968 (1) (cassation partielle, cassation) ;Soc., 17 avril 1991, pourvoi n° 90-42636, Bull. 1991, V, n° 201 (cassation)

arrêt cité ;Soc., 24 mars 1998, pourvoi n° 95-44738, Bull. 1998, V, n° 171 (cassation) ;Ass. plén., 25 juin 2014, pourvoi n° 13-28369, Bull. 2014, Ass. plén, n° 1 (1) (rejet)

arrêt cité ;Soc., 1er février 2017, pourvoi n° 16-10459, Bull. 2017, V, n° ??? (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 nov. 2017, pourvoi n°13-19855, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:13.19855
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