Sur le moyen unique :
Vu les articles 1er et 75 de la Constitution du 4 octobre 1958 et les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Attendu que M. Y..., employé depuis huit ans par M. X... qui exploite à Mamoudzou un magasin d'alimentation de détail a été affecté en 1992 au rayon boucherie, en qualité de boucher ; qu'après deux années passées dans ce rayon, il s'est avisé qu'il était en contact avec de la viande de porc et, estimant que cette situation n'était pas compatible avec sa confession musulmane, il a demandé à son employeur de le muter dans un autre service ; que, devant le refus de son employeur, il a cessé le travail et a saisi le Tribunal en réclamant des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le Tribunal a rejeté cette demande ;
Attendu que, pour infirmer la décision du Tribunal et décider que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le tribunal supérieur d'appel énonce que l'employeur devait respecter les croyances religieuses de M. Y... dans un territoire essentiellement voué à l'Islam qui proscrit la viande de porc ; qu'en l'affectant au rayon boucherie, il aurait dû l'informer qu'il aurait à travailler cette viande, qu'en omettant de l'informer correctement sur la réalité de son nouveau poste de travail et en refusant de le réintégrer dans son service antérieur, l'employeur a commis une faute ;
Attendu, cependant, que s'il est exact que l'employeur est tenu de respecter les convictions religieuses de son salarié, celles-ci, sauf clause expresse, n'entrent pas dans le cadre du contrat de travail et l'employeur ne commet aucune faute en demandant au salarié d'exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché dès l'instant que celle-ci n'est pas contraire à une disposition d'ordre public ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, alors que le travail demandé à M. Y... correspondait à celui d'un boucher, poste qu'il avait accepté d'occuper, et alors que le salarié n'a jamais soutenu qu'une clause de son contrat de travail ou une disposition du statut local prévoyait qu'en raison de ses convictions religieuses il serait dispensé de traiter la viande de porc, le tribunal supérieur d'appel n'a pas caractérisé la faute de l'employeur et a ainsi violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 1995, entre les parties, par le tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion.