LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme Y... et de M. Z..., mariés sous le régime de la participation aux acquêts et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1570, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu que, selon ce texte, le patrimoine originaire comprend les biens qui appartenaient à l'époux au jour du mariage ;
Attendu que, pour dire que l'indemnité de licenciement reçue par Mme Y... ne devra pas être inscrite à son patrimoine originaire, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, qu'il est constant que les indemnités, même transactionnelles, réparatrices d'un dommage moral ou matériel, ne sont pas propres mais tombent en communauté dans le régime légal, de sorte qu'elles doivent être considérées comme des acquêts dans le régime de la participation aux acquêts ; qu'il retient que l'indemnité de licenciement, perçue après le mariage à la suite d'une rupture du contrat de travail préalable à celui-ci mais sur le fondement d'une transaction passée le surlendemain, doit dès lors être considérée comme un acquêt et ce, d'autant plus qu'elle constitue un substitut de rémunération qui aurait été perçu pendant la durée du régime de la participation aux acquêts ; qu'il ajoute que, comme le suggère le projet d'état liquidatif, il y a lieu de retenir la date d'encaissement pour la qualifier d'acquêt et d'écarter l'inscription de cette indemnité au patrimoine originaire de Mme Y... par application de l'article 1401 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la créance d'indemnité de licenciement, née le jour de la notification de la rupture du contrat de travail, préexistait au mariage, de sorte qu'elle devait être incluse dans le patrimoine originaire de Mme Y..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1572 du code civil, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, font partie du patrimoine final tous les biens qui appartiennent à l'époux au jour où le régime matrimonial est dissous ;
Attendu que, pour dire que les contrats Carel ne devront pas intégrer le patrimoine final de M. Z..., l'arrêt retient que, le projet liquidatif suggérant que les époux agissaient comme s'ils étaient en séparation de biens, de sorte qu'ils pouvaient librement dépenser leurs gains et salaires, c'est à juste titre que le premier juge, relevant que ces contrats s'analysaient en une assurance sur la vie, les a qualifiés de propres de M. Z... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement, dont elle approuvait les motifs, avait qualifié la garantie Carel de contrat de retraite par capitalisation à adhésion facultative, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'indemnité de licenciement de 54 890 euros de Mme Y... ne devra pas être inscrite à son patrimoine originaire et que les contrats Carel ne devront pas intégrer le patrimoine final de M. Z..., l'arrêt rendu le 7 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'indemnité de licenciement de 54 890 euros de Madame Laurence Y... ne devra pas être inscrite à son patrimoine originaire ;
Aux motifs qu'aux termes de l'article 1570 du code civil, le patrimoine originaire comprend les biens qui appartenaient à l'époux au jour du mariage et ceux qu'il a acquis depuis par succession ou libéralités, ainsi que tous les biens qui, dans le régime de la communauté légale, forment des propres par nature sans donner lieu à récompense ; que la consistance du patrimoine originaire éprouvé par l'état descriptif, même sous seing privé, établi en présence de l'autre conjoint et signé par lui ; qu'à défaut d'état descriptif ou s'il est incomplet, la preuve de la consistance du patrimoine originaire ne peut être rapportée que par les moyens de l'article 1402 du code civil ;
Que s'agissant de l'indemnité de licenciement, perçue après le mariage suite à une rupture préalable à celui-ci mais sur la base d'un protocole transactionnel passé le 31 juillet 2000 le surlendemain de la date du mariage, le projet d'état liquidatif suggérant de retenir la date d'encaissement pour la qualifier d'acquêts, c'est en effet à juste titre que le premier juge, par des motifs que la cour adopte, a retenu cette solution et écarté l'inscription de cette indemnité au patrimoine originaire de Mme Y... par application de l'article 1401 du même code (arrêt, page 10) ;
Et aux motifs, expressément adoptés du jugement, que Madame Y... demande l'inscription à son patrimoine originaire des indemnités de licenciement perçues quelques jours après le mariage, pour une rupture de contrat de travail intervenue avant, d'un montant total de 54.890 euros ; que selon l'article 1570 du code civil, le patrimoine originaire comprend les biens qui appartenaient à l'époux au jour du mariage et ceux qu'il a acquis depuis par succession ou libéralité, ainsi que tous les biens qui, dans le régime de la communauté légale, forment des propres par nature sans donner lieu à récompense ; qu'il n'est pas tenu compte des fruits de ces biens ni de ceux de ces biens qui auraient eu le caractère de fruit ou dont l'époux a disposé par donation entre vifs pendant le mariage ;
qu'il est constant que les indemnités mêmes transactionnelles réparatrices d'un dommage moral ou matériel ne sont pas propres mais tombent en communauté dans le régime légal de sorte qu'elles doivent être considérées comme des acquêts dans le régime de la participation aux acquêts ;
qu'en l'espèce, l'indemnité de licenciement perçue après le mariage par Madame Y... doit dès lors être considérée comme un acquêt et ce, d'autant plus qu'elle constitue un substitut de rémunération qui aurait été perçu pendant la durée du régime de la participation aux acquêts ; qu'en conséquence, la somme de 54 890 € ne pourra pas être inscrite au patrimoine originaire de Madame Laurence Y... et le débouté s'impose donc de ce chef (jugement, p. 9 etamp; 10) ;
Alors que, d'une part, le patrimoine originaire comprend les biens qui appartenaient à l'époux au jour du mariage ; qu'une créance d'indemnité de licenciement nait le jour de la notification de la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, Mme Y... a fait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 17 etamp; 18), que son employeur lui notifié un licenciement le 19 juillet 2000, soit 10 jours avant son mariage, de sorte que sa créance d'indemnité de licenciement, née le jour de cette notification, était préexistante au mariage ;
que pour juger que l'indemnité transactionnelle de licenciement de 54 890 euros versée à Mme Y... ne devait pas être inscrite au patrimoine originaire de cette dernière, la cour d'appel, après avoir relevé que l'indemnité avait été perçue après le mariage à la suite d'une rupture préalable à celui-ci mais sur la base d'un protocole transactionnel passé le surlendemain de la date du mariage, s'est fondée sur la date d'encaissement de cette indemnité ; qu'en se fondant ainsi sur la date d'encaissement de l'indemnité, tout en ayant constaté que la rupture du contrat de travail était préalable au mariage, la cour d'appel a violé l'article 1570 du code civil ;
Alors que, d'autre part, la transaction n'emporte en principe pas novation ;
qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a relevé que l'indemnité de licenciement avait été perçue après le mariage sur la base d'un protocole transactionnel passé le 31 juillet 2000 le surlendemain du mariage ; qu'en se fondant ainsi sur un protocole constatant une convention qui n'emporte pas novation, la cour d'appel a derechef violé l'article 1570 du Code civil.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les contrats Carel ne devront pas intégrer le patrimoine final de M. Z... ;
Aux motifs que s'agissant des primes versées pendant la vie commune pour constituer les contrats Carel, le projet d'état liquidatif suggérant que, les époux agissant comme s'ils étaient en séparation de biens pouvaient librement dépenser leurs gains et salaires, c'est en effet à juste titre que le premier juge, relevant que ces contrats s'analysent en une assurance vie, les a qualifiés de propres à M. Z... ; que par ailleurs, il est constant que les primes payées à titre pendant le temps de la vie commune n'ouvrant pas droit à récompense, par dérogation aux dispositions de l'article 1437 du même code, elles ne peuvent être réintégrées dans le patrimoine final (arrêt p. 10, § 6 etamp; 7) ;
Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que les contrats Carel s'analysent en une assurance sur la vie, Madame Laurence Y... demande à ce que la somme prélevée mensuellement depuis 2003 sur les indemnités d'élu de Monsieur Gérald Z... soit considérée comme des primes ayant été versées au moyen de fonds communs et doivent donner lieu à récompense à la communauté en application de l'article 1437 du code civil ; que cependant, la garantie Carel est destinée à permettre aux élus locaux percevant une indemnité de fonction de se constituer une pension de retraite par rente répondant aux critères de la loi n°92-108 du 3 février 1992 ; qu'il s'agit d'un contrat de retraite par capitalisation à adhésion facultative ; que cette garantie a pour objet, pour l'adhérent en vie à la date d'entrée en jouissance à 55 ans, le versement d'une rente viagère immédiate ou différée, constituée par la conversion du capital acquis à son compte individuel ; que ce contrat garantie Carel fait partie des contrats dits « hors succession » et de ce fait, il n'entre pas dans la communauté des biens et constitue un propre ; qu'en égard à la nature des indemnités prélevées sur les indemnités d'élu de Monsieur Gérald Z..., les contrats Carel n'ont pas à intégrer le patrimoine final de celui-ci (jug. p. 10) ;
Alors, d'une part, que le patrimoine final des époux se compose activement de tous les biens qui appartiennent aux époux au jour où le régime matrimonial est dissous ; que pour juger que les contrats Carel souscrits par M. Z... ne devront pas réintégrer le patrimoine final de ce dernier, la cour d'appel a retenu que le projet liquidatif suggérant que, les époux agissant comme s'ils étaient en séparation de biens pouvaient librement dépenser leurs gains et salaires, c'est à juste titre que le premier juge, relevant que ces contrats s'analysent en une assurance-vie, les a qualifiés de propres de M. Z... ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1572, alinéa 1er, du code civil ;
Alors, d'autre part, que les juges ne peuvent fonder leurs décisions sur des motifs intelligibles ; qu'en énonçant qu'« eu égard à la nature des indemnités prélevées sur les indemnités d'élus de Monsieur Gérald Z..., les contrats Carel n'ont pas à intégrer le patrimoine final de celui-ci », la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.