LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 17-82.968 F-P+B
N° 2786
FAR
8 NOVEMBRE 2017
REJET
M.SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par M. Jean Y..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-13, en date du 29 mars 2017, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs, notamment, de banqueroute, abus de biens sociaux, faux en écriture publique, fraude fiscale et travail dissimulé, a, avant dire droit au fond, déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques et ordonné la réouverture des débats à l'audience du 5 juillet 2017 AR ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 octobre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. d'Huy conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller D'HUY, les observations de la société civile professionnelle BÉNABENT et JÉHANNIN, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général QUINTARD ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 23 juin 2017, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 14, § 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 2, § 1, du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, L. 232 du livre des procédures fiscales, préliminaire, 421, 591 et 593 du code de procédure pénale, et la règle du double degré de juridiction :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques ;
"aux motifs qu'il est constant que le principe du double degré de juridiction fait obstacle à ce que soit déclarée recevable une constitution de partie civile formée pour la première fois en cause d'appel, quand bien même la personne ayant porté plainte n'aurait pas été avisée par le parquet de la date d'audience ; qu'en l'espèce, il est tout aussi constant que le directeur des services fiscaux du Val-de-Marne, qui avait saisi le 19 avril 2009 le procureur de la République de Créteil d'une plainte pour fraude fiscale, n'est pas intervenu devant le tribunal correctionnel, les pièces du dossier établissant qu'[il] n'a pas été avisé de la date de l'audience pas plus qu'[il] n'avait été avisé de l'ouverture d'une information judiciaire et de son droit de se constituer partie civile ; qu'il sera cependant précisé que l'administration fiscale ne saurait être assimilée à une victime susceptible de se constituer partie civile pour obtenir la réparation d'un préjudice personnel et direct occasionné par une infraction, en l'espèce le délit de fraude fiscale dont le Conseil constitutionnel a rappelé que sa répression était un objectif à valeur constitutionnelle ; que la nature spécifique de l'action de l'administration fiscale, qui n'est ni une action civile ni une action publique, trouve son fondement, non pas dans les articles 2 et 3 du code de procédure pénale mais dans l'article L. 232 du livre des procédures fiscales ; que cette action ne lui ouvre pas, comme en droit commun, le droit de demander une réparation distincte de celle qui est assurée par les majorations et amendes fiscales mais elle a pour but de lui permettre de suivre la procédure et d'intervenir dans les débats, étant rappelé qu'il incombe à l'administration fiscale, aux côtés du ministère public, d'apporter la preuve de l'élément intentionnel dudélit de fraude fiscale, délit pour lequel elle est seule à pouvoir, par sa plainte, déclencher la mise en oeuvre de l'action publique ; que pour l'ensemble de ces raisons, et alors que l'administration fiscale ne peut agir devant les juridictions civiles et que le principe du droit à un procès équitable lui est applicable, la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques sera déclarée recevable ;
"alors que la règle du double degré de juridiction, qui est d'ordre public, fait obstacle à ce qu'une partie civile intervienne pour la première fois en cause d'appel, quelle que soit la raison pour laquelle elle n'a pas été partie au jugement de première instance ; que, dès lors, en l'absence de disposition légale l'y autorisant, l'administration fiscale est irrecevable à se constituer partie civile pour la première fois en cause d'appel, peu important que l'action civile exercée par cette dernière présente une nature particulière ; qu'en se fondant cependant sur des motifs inopérants tenant à la nature de l'action civile de l'administration fiscale, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de la direction générale des finances publiques intervenue pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe susvisés" ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que, par jugement du tribunal correctionnel, M. Y..., poursuivi pour des faits, notamment, de fraude fiscale, commis dans le cadre de la société de gardiennage Force de Protection et de Sécurité Privée dont il était le gérant de fait, a été déclaré coupable et condamné de ce chef ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de cette décision et la direction générale des finances publiques, qui n'était pas intervenue devant le tribunal, s'est constituée partie civile en cause d'appel ;
Attendu que pour déclarer recevable cette constitution de partie civile, l'arrêt énonce notamment que l'administration fiscale ne saurait être assimilée à une victime se constituant partie civile pour obtenir la réparation d'un préjudice personnel et direct occasionné par une infraction et que la nature spécifique de son action, qui n'est ni une action civile ni une action publique, trouve son fondement, non pas dans les articles 2 et 3 du code de procédure pénale mais dans l'article L. 232 du livre des procédures fiscales, cette action ne lui ouvrant pas, comme en droit commun, le droit de demander une réparation distincte de celle assurée par les majorations et amendes fiscales mais ayant pour but de lui permettre de suivre la procédure et d'intervenir dans les débats, étant rappelé qu'il incombe à l'administration fiscale, aux côtés du ministère public, d'apporter la preuve de l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale, délit pour lequel elle est seule à pouvoir, par sa plainte, déclencher la mise en oeuvre de l'action publique ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes et du principe visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi DAR ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux novembre deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.