CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 1994, qui, après avoir condamné Pierre X..., sur l'appel du ministère public, à 2 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 francs d'amende ainsi qu'à des dommages-intérêts, pour infraction douanière, a déclaré l'administration des Douanes irrecevable à exercer l'action fiscale pour la première fois en cause d'appel et l'a débouté de ses demandes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 215, 336, 414, 419, 343 du Code des douanes, 509 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables les demandes de la demanderesse ;
" aux motifs que l'action publique et l'action douanière ont des finalités et des natures différentes ; que la juridiction correctionnelle n'a pas été saisie de l'action douanière puisqu'elle était saisie de la seule action publique ; que, dès lors, la Cour n'a pu être saisie, par l'appel, que des éléments du litige soumis à la juridiction du premier ressort ; que l'article 509 du Code de procédure pénale rend donc irrecevables les demandes de l'administration des Douanes, qui n'était pas partie au procès devant le tribunal correctionnel ;
" alors qu'il résulte du jugement, frappé d'appel par le parquet, que le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance de J. Mocaer, juge d'instruction, en date du 15 septembre 1992 pour avoir commis notamment le délit prévu et réprimé par les articles 215, 414, 419 du Code des douanes et l'arrêté du 24 septembre 1990 ; que le tribunal n'avait, cependant, condamné le prévenu que du chef du délit de droit commun ; qu'en déclarant irrecevables les demandes en appel de la demanderesse aux motifs que le tribunal n'aurait été saisi que de la seule action publique et non de l'action douanière, la cour d'appel a violé les articles 509 et 593 du Code de procédure pénale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en matière douanière, lorsque le ministère public exerce l'action fiscale accessoirement à l'action publique, son appel remet en cause tant l'une que l'autre de ces actions et autorise l'Administration à intervenir, devant la juridiction du second degré, au soutien de l'action fiscale ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Pierre X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, sur le fondement des articles 422-1, 3°, du Code pénal alors applicable, 215, 414, 419 du Code des douanes, pour détention de produits d'une marque contrefaite et détention de marchandise contrefaite réputée, faute de justification d'origine, avoir été importée en contrebande ; qu'à l'issue de l'audience, où l'administration des Douanes était absente, Pierre X... a été reconnu coupable de l'ensemble des faits visés à la prévention et condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 francs d'amende, ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts ; que le ministère public et le prévenu ont interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'intervention de l'administration des Douanes, pour la première fois en cause d'appel, les juges du second degré énoncent que le tribunal correctionnel n'ayant été saisi à l'origine que de l'action publique, l'effet dévolutif des appels formés n'avait pu saisir leur juridiction que de celle-ci, non de l'action douanière, et qu'ainsi l'Administration, qui n'avait pas la qualité de partie au procès, était irrecevable à intervenir à l'instance ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la juridiction correctionnelle avait été saisie, par le renvoi qui lui en avait été fait par ordonnance d'un juge d'instruction de son siège, d'une infraction douanière, et alors qu'en l'absence de l'Administration, l'action fiscale avait été nécessairement exercée par le ministère public, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du principe susvisé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 30 juin 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.