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08/11/2017 | FRANCE | N°16-10850

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 novembre 2017, 16-10850


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Mariage frères et Maisons de thé Mariage frères que sur le pourvoi incident relevé par M. X..., la société TWG Tea et M. Y...;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 2015), que les sociétés Mariage frères et Maisons de thé Mariage frères (les sociétés Mariage frères), exposant notamment qu'elles avaient développé un concept propre d'art français du thé, notamment par la création d'une identité visuelle et le d

épôt de nombreuses marques, ont agi contre M. Y..., ancien salarié, M. X..., qui avait...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Mariage frères et Maisons de thé Mariage frères que sur le pourvoi incident relevé par M. X..., la société TWG Tea et M. Y...;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 2015), que les sociétés Mariage frères et Maisons de thé Mariage frères (les sociétés Mariage frères), exposant notamment qu'elles avaient développé un concept propre d'art français du thé, notamment par la création d'une identité visuelle et le dépôt de nombreuses marques, ont agi contre M. Y..., ancien salarié, M. X..., qui avait notamment réalisé leur logo, ainsi que contre les sociétés singapouriennes Wellness Group et TWG Tea, en contrefaçon de marques et de droit d'auteur, et concurrence déloyale et parasitaire par copie, dans plusieurs pays d'Asie, des éléments caractérisant cette identité visuelle ; que M. X...a objecté la déchéance de certaines de ces marques et formé des demandes reconventionnelles, notamment en contrefaçon de ses propres droits d'auteur ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Mariage frères font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article 6. 2 du Règlement (CE) n° 864/ 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », lorsqu'un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, l'article 4 est applicable ; que selon l'article 4 du même Règlement, sauf disposition contraire du Règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; qu'en faisant application de la loi de Singapour à l'action engagée par les sociétés Mariage frères, qui reprochaient à la société TWG Tea et à M. Y...des actes de concurrence déloyale constitués par une communication déloyale s'inscrivant dans le droit fil de celle des sociétés Mariage frères pour créer et entretenir une confusion avec elles, le débauchage déloyal de salariés en France, l'usage déloyal d'informations privilégiées et des actes de parasitisme, tous ces actes affectant exclusivement les intérêts des sociétés Mariage frères, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 6. 1 et 6. 3 du Règlement dit « Rome II » et, par refus d'application, les articles 4. 1 et 6. 2 du même Règlement ;

2°/ que selon l'article 6. 1 du règlement (CE) n° 864/ 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être ; qu'en faisant application de la loi de Singapour, motifs pris que la société TWG Tea n'a aucune activité commerciale en France et que les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés n'ont pu avoir lieu qu'à Singapour, de sorte que le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d'être affectés est bien l'Etat de Singapour, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la loi française n'avait pas vocation à régir le litige dès lors que le projet de création de la société TWG Tea émanait de la rencontre et de la concertation de MM. Y...et Z...à Paris, que le débauchage des salariés des sociétés Mariage frères était survenu en France et qu'y avaient été signés les contrats de travail avec la société TWG Tea, que les fournisseurs des sociétés Mariage frères, contactés par la société TWG Tea, étaient établis en France, que M. X..., prestataire exclusif des sociétés Mariage frères depuis vingt-trois ans pour les lettrages et la peinture de ses boîtes travaillait désormais pour le compte de la société TWG Tea en France, de sorte que la relation de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs étaient affectés en France, ou susceptibles de l'être, par les actes de concurrence déloyale et de parasitisme imputés à la société TWG Tea et à M. Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6. 1 du règlement (CE) n° 864/ 2007 sur la loi applicable au obligations non contractuelles, dit « Rome II » ;

3°/ qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que « les actes de concurrence déloyale (…) reprochés » à la société TWG Tea « n'ont pu avoir lieu qu'à Singapour », pour en déduire que le pays « dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d'être affectés est bien l'Etat de Singapour », tout en constatant qu'il était reproché à cette société et à M. Y...d'avoir organisé un débauchage de salariés des sociétés Mariage frères en France, de sorte que la relation de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs étaient affectés en France, ou susceptibles de l'être, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 6. 1 du Règlement (CE) 864/ 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II » ;

4°/ que selon l'article 6. 2 du Règlement (CE) n° 864/ 207 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être ; qu'en faisant application de la loi de Singapour, motifs pris que la société TWG Tea n'a aucune activité commerciale en France et que les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés n'ont pu avoir lieu qu'à Singapour, de sorte que le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d'être affectés est bien l'Etat de Singapour, après avoir expressément constaté que les sociétés Mariage frères exploitent quatre maisons de thé au Japon, par le biais de leur filiale Mariage frères Japon, que leurs produits sont présents dans plus de soixante pays par l'intermédiaire d'un millier de revendeurs, qu'elles indiquent viser une clientèle traditionnelle parisienne et étrangère, la moitié de leur chiffre d'affaires étant réalisé à l'étranger, dont 85 % en Asie, et qu'elles indiquent disposer de vingt-quatre points de vente dans le monde, dont quatorze salons, et distribuer leurs produits par le biais de partenaires répartis dans trente trois pays, celles-ci faisant au surplus valoir que les produits TWG Tea étaient vendus en France, par l'intermédiaire du site e-commerce de Harrods, et dans les DOM-TOM, de sorte que le territoire sur lequel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés, ou susceptibles de l'être, par les actes de concurrence déloyale imputés à la société TWG Tea et à M. Y...n'est pas limité à Singapour, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 6. 1 du règlement (CE) n° 864/ 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II » ;

Mais attendu, en premier lieu, que si le principe selon lequel la loi applicable à l'action en concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être connaît une exception lorsque ce comportement affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, c'est précisément à la condition que ces actes n'aient pas d'effet sur le marché, ce que la cour d'appel a exclu, en retenant que le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d'être affectés est l'Etat de Singapour ;

Attendu, en deuxième lieu, que le seul fait que certains des actes incriminés au titre de la concurrence déloyale aient pu être commis en France n'implique pas que les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sur le marché français s'en trouveraient affectés ;

Et attendu, enfin, que les sociétés Mariage frères ayant demandé aux juges du fond de dire la loi française applicable à l'ensemble des faits litigieux et, à titre subsidiaire, de faire application de la seule loi de Singapour, le moyen pris de la nécessité de recourir à l'application distributive des lois des différents marchés est contraire à leurs écritures d'appel ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa quatrième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Attendu que les sociétés Mariage frères font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que selon l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, dont les dispositions sont applicables en France selon l'article L. 614-31 du code de la propriété intellectuelle, les pays de l'Union sont tenus d'assurer aux ressortissants de l'Union une protection effective contre la concurrence déloyale et que, notamment, devront être interdits tout fait quelconque de nature à créer une confusion par n'importe quel moyen avec l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent ; que le juge qui applique la loi étrangère d'un Etat signataire de cette Convention, à une action en concurrence déloyale dirigée contre un ressortissant membre de l'Union, doit le faire à la lumière de cette règle matérielle ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motif pris que les sociétés Mariage frères n'établissent pas l'existence d'un goodwill au mois d'avril 2008, à Singapour, sans prendre en considération la règle matérielle de l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris interdisant tout fait quiconque de nature à créer une confusion par n'importe quel moyen avec l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent, la cour d'appel a violé l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle ;

Mais attendu que l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle n'instituant pas une règle uniforme exigeant une protection inconditionnée contre la concurrence déloyale, la cour d'appel n'a pas méconnu cette convention en faisant application de la loi de l'Etat de Singapour, dont il n'était pas prétendu qu'elle rendait l'action en concurrence déloyale impossible ou quasi impossible ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi :

Attendu que les sociétés Mariage frères font grief à l'arrêt de rejeter leur action en contrefaçon de droit d'auteur à l'encontre de M. X...alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 5. 2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886, la législation du pays où la protection est réclamée est celle de l'Etat sur le territoire duquel se sont produits les agissements délictueux ; qu'en faisant application de la loi de Singapour pour apprécier les demandes en contrefaçon de droit d'auteur formées contre M. Robert X..., auquel il était reproché d'avoir reproduit, en France, des dessins appartenant aux sociétés Mariage frères, en violation de leur droit d'auteur, sur des boîtes ensuite vendues à la société TWG Tea et d'en avoir assuré l'exportation, une partie des actes de contrefaçon imputés à ce dernier s'étant ainsi produits sur le territoire français, sur lequel le dommage a également été subi, la cour d'appel a violé l'article 5. 2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 ;

Mais attendu que le pays où la protection est réclamée est, au sens de l'article 5. 2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886, le pays sur le territoire duquel se sont produits les agissements délictueux ; qu'ayant constaté que la société TWG Tea n'avait aucune boutique ou salon de thé sur le territoire français, dans lesquels seraient disponibles les documents argués de contrefaçon de droits d'auteur, la cour d'appel a pu en déduire que les atteintes au monopole de l'auteur n'ont pas été réalisées en France ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Mariage frères fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance de ses droits sur la marque française « French Tea » n° 3063213, en ce qui concerne le thé et les boissons à base de thé, à compter du 15 décembre 2005, et de déclarer, en conséquence, irrecevable sa demande en contrefaçon de cette marque alors, selon le moyen :

1°/ que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que l'attestation de M. Christophe A..., directeur financier et ressources humaines de la société Mariage frères, attestant « sur l'honneur de la réalité des ventes au public des produits revêtus de marques French Tea, French Breakfast Tea et Thai Orchid entre 2008 et 2013, telle qu'elle résulte des éléments comptables joints, signés de notre commissaire aux comptes », « émane d'un responsable de la société Mariage frères, laquelle ne saurait se constituer ainsi une preuve à elle-même et doit être corroborée par des justifications d'usage objectives », l'usage sérieux de la marque constituant un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tout moyen, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 714-5, alinéa 5, du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;

2°/ que dans leurs dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 14 septembre 2015, les sociétés Mariage frères faisaient expressément valoir, s'agissant de l'usage sérieux de la marque « French Tea », qu'il s'agit de la marque « ombrelle », apposée sur tous les thés de la maison Mariage frères, qui signe l'identité sur laquelle elle a fondé sa communication et bâti sa réputation ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions opérantes, de nature à établir l'usage sérieux de la marque « French Tea », apposée notamment sur les boîtes de thé de la marque « French Breakfast Tea » dont elle a constaté l'usage sérieux depuis 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas exclu qu'une telle déclaration sur l'honneur soit susceptible de revêtir une valeur probante, mais souverainement apprécié si, compte tenu de son origine, elle était suffisamment corroborée par des justifications objectives ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'usage sérieux de la marque « French Breakfast Tea » n° 01 3 081 912 avait repris depuis 2008, tandis que les photographies d'emballages et la reproduction d'un catalogue indiquant la liste des thés vendus dans un emballage portant la marque « French Tea » n° 3 063 213 n'avaient pas date certaine, de sorte que ni son usage sérieux, ni la reprise d'un tel usage n'étaient établis avant le 14 mars 2013, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions soutenant que cette seconde marque avait été utilisée aux côtés de la première ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de rejeter son action en contrefaçon de droit d'auteur alors, selon le moyen, que l'originalité d'une oeuvre peut résulter de la combinaison d'éléments qui, pris séparément, sont banals ou connus, mais qui sont traités de telle manière que la personnalité de l'auteur se reflète dans la composition ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que l'assemblage d'éléments issus de deux vignettes préexistantes n'était pas en lui-même susceptible de protection au titre du droit d'auteur, que les mentions relatives à l'origine des thés les plus connus étaient banales et que la reproduction, sur un mode de décalque, d'une photographie du fondateur de la maison Mariage frères n'était pas une création mais une simple opération d'exécution et que son apposition sur un logo destiné à constituer la marque de la société Mariage frères était également banale, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que « la simple combinaison de ces éléments ne présente en elle-même aucune originalité de nature à exprimer la créativité et la personnalité de l'auteur » ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer en quoi le choix de combiner ensemble ces différents éléments selon une certaine présentation ne résulterait pas d'un effort créatif et ne porterait pas l'empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs expressément adoptés, que l'attestation produite par M. X...n'est pas de nature, compte tenu de son caractère vague, à établir la qualité d'auteur du dessinateur et que la seule photographie du logo, tel qu'exploité, n'a pas date certaine ; que le moyen, qui postule que cette qualité d'auteur serait établie, est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne les sociétés Mariage frères et Maisons de thé Mariage frères aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société TWG Tea, à M. Y...et à M. X...la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour les sociétés Mariage frères et Maisons de thé Mariage frères.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés Mariage Frères et Maisons de Thé Mariage Frères de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

AUX MOTIFS QU'il suffit de rappeler que la SA Mariage Frères se présente comme la plus ancienne maison (le thé en France comme ayant été créée à Paris le 01 juin 1854 par Henri et Édouard Mariage, considérée comme la première marque mondiale de thé de luxe ; que cette entreprise familiale a été rachetée en 1984 par ses actuels dirigeants qui ont cherché à développer ce commerce de gros en commerce de détail, notamment par la création de salons de thé ; que la SA Mariage Frères est la structure holding, propriétaire des marques exploitées par la SA Maisons de Thé Mariage Frères qui a pour activité la vente au détail ; que ces sociétés revendiquent la création d'un art français du thé défini comme l'alliance du thé et de l'art de vivre à la française, en ayant développé des méthodes originales de présentation des thés, l'architecture de salons de thé originaux et la création de divers mélanges ; qu'elles revendiquent ainsi des droits d'auteur sur les différents éléments d'un univers original conçu et développé autour du thé qui véhicule, selon elles, l'empreinte de la personnalité de la SA Maisons de Thé Mariage Frères ; que ces sociétés exploitent à Paris cinq maisons de thé et quatre au Japon par le biais de leur filiale Mariage Frères Japon, leurs produits étant présents dans plus de soixante pays par l'intermédiaire d'un millier de revendeurs ; qu'elles indiquent viser une clientèle traditionnelle parisienne et étrangère, la moitié de leur chiffre d'affaires étant réalisé à l'étranger, dont 85 % en Asie ; que la SA Mariage Frères indique également disposer de 24 points de vente dans le monde, dont 14 salons et distribuer ses produits par le biais de partenaires répartis dans 33 pays ;

ET AUX MOTIFS QUE dans la mesure où les faits de concurrence déloyale reprochés à la société TWG Tea sont nécessairement postérieurs à sa création en avril 2008 et se poursuivent jusqu'à ce jour, le règlement (CE) n° 864/ 2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit " Rome II ") est applicable ; que l'article 6 de ce règlement dispose en son paragraphe 1 que " la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être " et en son paragraphe 3, sous a) que " la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte restreignant la concurrence est celle du pays dans lequel le marché est affecté ou susceptible de l'être " ; qu'il est constant que la société TWG Tea n'a aucune activité commerciale en France, que les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés n'ont pu avoir lieu qu'à Singapour et qu'en conséquence le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d'être affectés est bien l'Etat de Singapour ; que par ailleurs que la France et Singapour sont parties à la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle dont les Français peuvent revendiquer les dispositions à leur profit en vertu de l'article L 614-31 du code de la propriété intellectuelle ; que l'article 10 bis de cette Convention dispose en son paragraphe 1° que " les pays de l'Union sont tenus d'assurer aux ressortissants de l'Union une protection effective contre la concurrence déloyale " et que l'article 10 ter précise en son paragraphe 1° que " les pays de l'Union s'engagent à assurer aux ressortissants des autres pays de l'Union des recours légaux appropriés pour réprimer efficacement tous les actes visés aux articles 9, 10 et 10 bis " ; que tant en France qu'à Singapour il n'existe pas de législation sanctionnant spécifiquement les actes de concurrence déloyale, qu'en effet en droit français la concurrence déloyale est réprimée par le droit commun de la responsabilité civile délictuelle de l'article 1382 du code civil ; qu'à Singapour, il ressort tant du certificat de coutume de M. B...que de celui de M. C..., versés respectivement aux débats par chacune des parties, que la concurrence déloyale est sanctionnée par le délit de " passing off'(consistant à faire passer ses produits pour ceux d'un autre) et par les délits civils spécifiques d'incitation d'une personne à violer un contrat, d'immixtion illicite dans les affaires et de collusion par des moyens licites ; qu'il apparaît ainsi que le droit singapourien, comme le droit français, assure une protection effective contre la concurrence déloyale, distincte des droits privatifs de propriété intellectuelle, et qu'en conséquence le droit singapourien est bien applicable en l'espèce pour régir les demandes en concurrence déloyale sans qu'il y ait lieu pour le juge français de soulever une exception d'atteinte à l'ordre public ;

1°) ALORS QUE selon l'article 6. 2 du Règlement (CE) n° 864/ 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », lorsqu'un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, l'article 4 est applicable ; que selon l'article 4 du même Règlement, sauf disposition contraire du Règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; qu'en faisant application de la loi de Singapour à l'action engagée par les sociétés Mariage Frères et Maisons de Thé Mariage Frère, qui reprochaient à la société TWG Tea et à M. Y...des actes de concurrence déloyale constitués par une communication déloyale s'inscrivant dans le droit fil de celle de Mariage Frères pour créer et entretenir une confusion avec elle, le débauchage déloyal de salariés en France, l'usage déloyal d'informations privilégiées et des actes de parasitisme, tous ces actes affectant exclusivement les intérêts des sociétés Mariage Frères et Maisons de Thé Mariage Frères, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 6. 1 et 6. 3 du Règlement dit « Rome II » et, par refus d'application, les articles 4. 1 et 6. 2 du même Règlement ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon l'article 6. 1 du règlement (CE) n° 864/ 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être ; qu'en faisant application de la loi de Singapour, motifs pris que la société TWG Tea n'a aucune activité commerciale en France et que les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés n'ont pu avoir lieu qu'à Singapour, de sorte que le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d'être affectés est bien l'Etat de Singapour, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la loi française n'avait pas vocation à régir le litige dès lors que le projet de création de la société TWG Tea émanait de la rencontre et de la concertation de M. Y...et Murjani à Paris, que le débauchage des salariés de Mariage Frères était survenu en France et qu'y avaient été signés les contrats de travail avec la société TWG Tea, que les fournisseurs de Mariage Frères, contactés par la société TWG Tea, étaient établis en France, que M. X..., prestataire exclusif de Mariage Frères depuis 23 ans pour les lettrages et la peinture de ses boîtes travaillait désormais pour le compte de la société TWG Tea en France, de sorte que la relation de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs étaient affectés en France, ou susceptibles de l'être, par les actes de concurrence déloyale et de parasitisme imputés à la société TWG Tea et à M. Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6. 1 du règlement (CE) n° 864/ 2007 sur la loi applicable au obligations non contractuelles, dit « Rome II » ;

3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris que « les actes de concurrence déloyale (…) reprochés » à la société TWG Tea « n'ont pu avoir lieu qu'à Singapour », pour en déduire que le pays « dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d'être affectés est bien l'Etat de Singapour », tout en constatant qu'il était reproché à cette société et à M. Y...d'avoir organisé un débauchage de salariés de Mariage Frères en France, de sorte que la relation de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs étaient affectés en France, ou susceptibles de l'être, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 6. 1 du règlement (CE) 864/ 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II » ;

4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon l'article 6. 2 du Règlement (CE) n° 864/ 207 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être ; qu'en faisant application de la loi de Singapour, motifs pris que la société TWG Tea n'a aucune activité commerciale en France et que les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés n'ont pu avoir lieu qu'à Singapour, de sorte que le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d'être affectés est bien l'Etat de Singapour, après avoir expressément constaté que les sociétés Mariage Frères et Maisons de Thé Mariage Frères exploitent quatre maisons de thé au Japon, par le biais de leur filiale Mariage Frères Japon, que leurs produits sont présents dans plus de soixante pays par l'intermédiaire d'un millier de revendeurs, qu'elles indiquent viser une clientèle traditionnelle parisienne et étrangère, la moitié de leur chiffre d'affaires étant réalisé à l'étranger, dont 85 % en Asie, et qu'elles indiquent disposer de vingt-quatre points de vente dans le monde, dont quatorze salons, et distribuer leurs produits par le biais de partenaires répartis dans trente trois pays (arrêt attaqué, p. 3), celles-ci faisant au surplus valoir que les produits TWG Tea étaient vendus en France, par l'intermédiaire du site e-commerce de Harrods, et dans les DOM-TOM (concl., p. 33), de sorte que le territoire sur lequel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés, ou susceptibles de l'être, par les actes de concurrence déloyale imputés à la société TWG Tea et à M. Y...n'est pas limité à Singapour, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 6. 1 du règlement (CE) n° 864/ 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II ».

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés Mariage Frères et Maisons de Thé Mariage Frères de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la France et Singapour sont parties à la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle dont les Français peuvent revendiquer les dispositions à leur profit en vertu de l'article L 614-31 du code de la propriété intellectuelle ; que l'article 10 bis de cette Convention dispose en son paragraphe 1° que " les pays de l'Union sont tenus d'assurer aux ressortissants de l'Union une protection effective contre la concurrence déloyale " et que l'article 10 ter précise en son paragraphe 1° que " les pays de l'Union s'engagent à assurer aux ressortissants des autres pays de l'Union des recours légaux appropriés pour réprimer efficacement tous les actes visés aux articles 9, 10 et 10 bis " ; que tant en France qu'à Singapour il n'existe pas de législation sanctionnant spécifiquement les actes de concurrence déloyale, qu'en effet en droit français la concurrence déloyale est réprimée par le droit commun de la responsabilité civile délictuelle de l'article 1382 du code civil ; qu'à Singapour, il ressort tant du certificat de coutume de M. B...que de celui de M. C..., versés respectivement aux débats par chacune des parties, que la concurrence déloyale est sanctionnée par le délit de " passing off'(consistant à faire passer ses produits pour ceux d'un autre) et par les délits civils spécifiques d'incitation d'une personne à violer un contrat, d'immixtion illicite dans les affaires et de collusion par des moyens licites ; qu'il apparaît ainsi que le droit singapourien, comme le droit français, assure une protection effective contre la concurrence déloyale, distincte des droits privatifs de propriété intellectuelle, et qu'en conséquence le droit singapourien est bien applicable en l'espèce pour régir les demandes en concurrence déloyale sans qu'il y ait lieu pour le juge français de soulever une exception d'atteinte à l'ordre public ; (…) ; qu'il ressort de l'examen des certificats de coutume versés aux débats par les parties, que pour établir le délit de " passing off', il faut d'abord démontrer l'existence d'un " goodwill ", actif incorporel qui se définit, en droit de common law (tant à Singapour qu'au Royaume-Uni dont la jurisprudence est prise en compte par les juridictions singapouriennes), comme le bénéfice et l'avantage qu'une enseigne tire de sa renommée, de sa réputation et de ses relations commerciales, c'est-à-dire la force attractive qui permet à la société de capter des clients pour les inciter à acheter ou à rechercher ses produits ou services ; que selon la jurisprudence singapourienne, le " goodwill " se caractérise ainsi par l'association des produits ou services fournis par la société avec la présentation commerciale (" get up ") reconnue par le public comme l'élément distinctif de ces produits ou services ; qu'en outre le " goodwill " attaché à une marque ou à une dénomination commerciale est territorial et propre à chaque pays et doit exister à Singapour à la date du début de la conduite litigieuse alléguée, soit en l'espèce au mois d'avril 2008, date du début de l'activité de la société TWG Tea ; que le seul fait pour les sociétés Mariage Frères d'avoir enregistré en 1997 deux de leurs marques à Singapour et de les avoir renouvelées depuis est insuffisant pour établir l'existence d'un " goodwill ", qu'il en est de même de la liste de deux revendeurs et de cinq restaurants établis à Singapour diffusant les produits des sociétés Mariage Frères, celle-ci étant datée du 30 avril 2015, de la présence des sociétés Mariage Frères à un salon tenu à Singapour en mars 2015 et de courriels datant des années 2012 à 2015 et ne permettant pas d'établir l'existence d'un " goodwill " en avril 2008 ; qu'enfin la production d'une unique facture d'envoi de produits à une société singapourienne le 22 février 1999 (portant au demeurant sur des quantités infimes de produits) ne justifie pas de la réalité d'une distribution régulière des produits des sociétés Mariage Frères à Singapour depuis 1999 et de l'importante force d'attraction commerciale " (page 92 de leurs conclusions) que ces sociétés auraient acquise dès avril 2008 à Singapour ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit que les conditions d'applications des règles singapouriennes sur le " passing off'n'étaient pas réunies en l'absence de goodwill " ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, il convient d'appliquer la loi de Singapour, pays des faits générateurs et du dommage, étant rappelé que cet Etat est partie à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, dont l'article 10 prohibe les actes de concurrence déloyale entre concurrents ; que cette prohibition existe dans la législation de Singapour sous la forme du passing off, qui constitue un quasi-délit, selon l'affidavit versé aux débats ; que la condition de mise en oeuvre de ce quasi-délit impose que celui qui s'estime victime d'un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale, soit titulaire d'une marque ayant acquis dans cet Etat une renommée résultant d'un usage important ; que si la société Mariage Frères est titulaire d'une marque Singapourienne représentant son logo, les demanderesses n'exercent aucune activité à Singapour et leur marque n'est pas connue du public ; que dès lors les conditions d'application des règles juridiques de Singapour sur le passing off n'étant pas réunies, l'ensemble des demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire seront rejetées ;

ALORS QUE selon l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, dont les dispositions sont applicables en France selon l'article L. 614-31 du Code de la propriété intellectuelle, les pays de l'Union sont tenus d'assurer aux ressortissants de l'Union une protection effective contre la concurrence déloyale et que, notamment, devront être interdits tout fait quiconque de nature à créer une confusion par n'importe quel moyen avec l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent ; que le juge qui applique la loi étrangère d'un Etat signataire de cette Convention, à une action en concurrence déloyale dirigée contre un ressortissant membre de l'Union, doit le faire à la lumière de cette règle matérielle ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motif pris que les sociétés Mariage Frères et Maisons de Thé Mariage Frères n'établissent pas l'existence d'un goodwill au mois d'avril 2008, à Singapour, sans prendre en considération la règle matérielle de l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris interdisant tout fait quiconque de nature à créer une confusion par n'importe quel moyen avec l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent, la cour d'appel a violé l'article 10 bis de la Convention d'Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés Mariage Frères et Maisons de Thé Mariage Frères de leurs demandes tendant à voir dire et juger que M. X...s'est rendu coupable de contrefaçon de droit d'auteur et à le voir condamner à leur payer une somme de 300. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU'au sens des dispositions de l'article 5 § 2 de la Convention de Berne du 09 septembre 1886 pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, la législation du pays où la protection est réclamée n'est pas celle du pays où le domage est subi mais celle de l'État sur le territoire duquel se sont produits les agissements délictueux, l'obligation à réparation n'étant que la conséquence éventuelle de ceux-ci ; qu'en l'espèce les faits qualifiés de contrefaisants par les sociétés Mariage Frères se sont produits à Singapour, la société TWG Tea n'ayant aucune boutique ou salon de thé sur le territoire français dans lesquels seraient disponibles les documents argués de contrefaçon de droits d'auteur ; que c'est donc par des motifs pertinents et exacts tant en fait qu'en droit, que les premiers juges en ont déduit qu'il convenait d'appliquer la loi de Singapour aux demandes en contrefaçon de droits d'auteur présentées par les sociétés Mariage Frères ;

ET AUX MOTIFS QUE les sociétés Mariage Frères revendiquent également les dessins et la présentation graphique des boîtes à l'ancienne destinées exclusivement à décorer leurs boutiques et salons de thé, et non pas la forme des dites boîtes, cette contrefaçon ayant été réalisée par M. Robert X...en reproduisant des dessins leur appartenant pour les reproduire sur les boîtes vendues à la société TWG Tea et en assurer l'exportation ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE s'agissant de M. X..., il lui est reproché la contrefaçon des illustrations des boîtes pleine lune et thé oriental ; que cependant ces actes sont peu importants par rapport aux autres faits reprochés, étant précisé qu'en tout état de cause, ces boîtes n'ont pas été exploitées en France, mais sont exposées dans les salons de thé TWG Tea dans le monde ;

ALORS QU'aux termes de l'article 5. 2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886, la législation du pays où la protection est réclamée est celle de l'Etat sur le territoire duquel se sont produits les agissements délictueux ; qu'en faisant application de la loi de Singapour pour apprécier les demandes en contrefaçon de droit d'auteur formées contre M. Robert X..., auquel il était reproché d'avoir reproduit, en France, des dessins appartenant aux sociétés Mariage Frères et Maisons de Thé Mariage Frères, en violation de leur droit d'auteur, sur des boîtes ensuite vendues à la société TWG Tea et d'en avoir assuré l'exportation, une partie des actes de contrefaçon imputés à ce dernier s'étant ainsi produits sur le territoire français, sur lequel le dommage a également été subi, la cour d'appel a violé l'article 5. 2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la déchéance des droits de la société Mariage Frères sur la marque française French Tea n° 3063213, en ce qui concerne le thé et les boissons à base de thé, à compter du 15 décembre 2005 et, en conséquence, déclaré irrecevable la demande en contrefaçon de cette marque ;

AUX MOTIFS QUE dans la mesure où il est allégué une absence d'exploitation de ces marques pour les thés et boissons à base de thé, la période de référence de cinq années prévue par l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle, a pour point de départ la publication de la marque au BOPI (conformément aux dispositions de l'article R 712-23 du code de la propriété intellectuelle) ; qu'ainsi pour la marque " FRENCH BREAKFAST TEA " n° 01 3 081 912 (publiée au BOPI 2001-11), la période va du 16 mars 2001 au 16 mars 2006, pour la marque " FRENCH TEA " n° 3063213 (publiée au BOP1 2000-50), la période va du 15 décembre 2000 au 15 décembre 2005 et pour la marque " THAÏ ORCHID " n° 3 149 637 (publiée au BOPI 2002-13), la période va du 29 mars 2002 au 29 mars 2007 ; qu'il résulte des dispositions de l'article L 714-5, alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle (à interpréter à la lumière de l'article 12, § 1, 2eme alinéa de la directive n° 2008/ 05 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008, codifiant la directive n° 89/ 104 dont il est la transposition en droit interne) qu'une marque inexploitée depuis cinq ans ou plus ne peut être frappée de déchéance, dès lors que son titulaire a repris un usage sérieux de cette marque plus de trois mois avant la demande en déchéance ; qu'en l'espèce cette demande a été présentée par M. Robert X...en première instance par ses conclusions du 14 juin 2013 ; que les sociétés Mariage Frères ne produisent, pour justifier d'un usage sérieux de ces marques, qu'une déclaration rédigée le 11 septembre 2015 par M. Christophe A..., directeur financier et ressources humaines de la SA Mariage Frères, attestant " sur l'honneur de la réalité des ventes au public des produits revêtus des marques FRENCH TEA, FRENCH BREAKFAST TEA et THAÏ ORCHID entre 2008 et 2013, telle qu'elle résulte des documents comptables joins, signés de notre commissaire aux comptes " ; que toutefois cette attestation émane d'un responsable de la SA Mariage Frères, laquelle ne saurait se constituer ainsi une preuve à elle-même, et doit donc être corroborée par des justifications d'usage objectives ; qu'en ce qui concerne la marque " FRENCH TEA " n° 3063213, les photographies d'emballages et la reproduction d'un catalogue indiquant la liste des thés vendus dans un emballage portant cette marque n'ont pas de date certaine et qu'il n'est produit qu'une seule facture n° 58. 41165 du 22 septembre 2011, de telle sorte qu'il n'est pas démontré un usage sérieux de cette marque pendant la période de référence, pas plus qu'une reprise d'un tel usage avant le 14 mars 2013 ; qu'en ce qui concerne la marque " FRENCH BREAKFAST TEA " n° 013081912, si la facture n° 53849 du 17 mai 2013 et le catalogue du mois de novembre 2013 ne peuvent être retenus pour justifier d'une reprise d'un usage sérieux de cette marque avant le 14 mars 2013 et si les impressions d'écran et la photographie d'un emballage, ne sont pas probants dans la mesure où ils n'ont pas date certaine, en revanche il est produit les catalogues de janvier 2008, octobre 2009, février 2010, février 2011 et février 2012 et une facture n° 41165 du 22 septembre 2011 où ce signe est utilisé à titre de marque, démontrant ainsi une reprise de l'usage sérieux de cette marque depuis 2008 pour désigner les thés et boissons à base de thé ; qu'en ce qui concerne la marque " THAÏ ORCHID " n° 3 149 637, si les statistiques client et les statistiques de vente, de même que la facture n° 31975 ne peuvent être retenues dans la mesure où elles concernent une marque différente " THAÏ ORCHIDÉE, " et si les factures n° 217286 du 18 mars 2013, 223284 du 13 mai 2013 et 224468 du 22 mai 2013 ne peuvent justifier d'une reprise d'un usage sérieux de cette marque avant le 14 mars 2013, en revanche les factures n° 2926 du 29 novembre 2006, 51928 du 04 juillet 2008, 59709 du 29 octobre 2008, 70003 du 04 février 2009, 72455 du 06 mars 2009, 74902 du 08 avril 2009, 89256 du 28 octobre 2009, 95727 du 18 décembre 2009, 99560 du 28 janvier 2010, 101682 du 17 février 2010, 104965 du 24 mars 2010, 108247 du 04 mai 2010, 116091 du 20 août 2010, 118717 du 24 septembre 2010, 127276 du 09 décembre 2010, 137859 du 08 mars 2011, 142696 du 29 avril 2011, 152322 du 26 août 2011, 162213 du 01 décembre 2011, 172148 du 07 février 2012, 178705 du 05 avril 2012, 183 328 du 23 mai 2012 et 204204 du 11 décembre 2012 où ce signe est utilisé à titre de marque, démontrent une reprise de l'usage sérieux de cette marque depuis 2006 pour désigner les thés et boissons à base de thé ; qu'en conséquence que si le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la SA Mariage Frères en ce qui concerne les " thés et boissons à base de thé " sur la marque " FRENCH TEA " n° 3063213, il sera infirmé en ce qu'il a prononcé une telle déchéance pour les marques " FRENCH BREAKFAST TEA " n° 013081912 et " THAÏ ORCHID " n° 3149637 ; qu'en outre la déchéance des droits sur la marque " FRENCH TEA " prendra effet à compter du 15 décembre 2005 (et non pas du 01 juillet 2008 comme mentionné par erreur dans le jugement) ;

1°) ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que l'attestation de M. Christophe A..., directeur financier et ressources humaines de la SA Mariage Frères, attestant « sur l'honneur de la réalité des ventes au public des produits revêtus de marques French Tea, French Breakfast Tea et Thai Orchid entre 2008 et 2013, telle qu'elle résulte des éléments comptables joints, signés de notre commissaire aux comptes », « émane d'un responsable de la SA Mariage Frères, laquelle ne saurait se constituer ainsi une preuve à elle-même et doit être corroborée par des justifications d'usage objectives », l'usage sérieux de la marque constituant un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tout moyen, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 714-5 alinéa 5 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;

2°) ALORS QUE dans ses dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 14 septembre 2015, les sociétés Mariage Frères et Maisons de Thé Mariage Frères faisaient expressément valoir, s'agissant de l'usage sérieux de la marque French Tea, qu'il s'agit de la marque « Ombrelle », apposée sur tous les thés de la maison Mariage Frères, qui signe l'identité sur laquelle elle a fondé sa communication et bâti sa réputation (concl. d'app., pp. 57-58) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions opérantes, de nature à établir l'usage sérieux de la marque French Tea, apposée notamment sur les boîtes de thé de la marque French Breakfast Tea dont elle a constaté l'usage sérieux depuis 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour M. Y..., la société TWG Tea et M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes en contrefaçon de droit d'auteur de M. X...;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« en ce qui concerne le logo des sociétés Mariage Frères (au demeurant constituant leur marque semifigurative n° 1 344 152 reproduite plus haut), il apparaît, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que les éléments figuratifs revendiqués par M. Robert X...proviennent de deux vignettes (« Maison Rochet Frères » et « épicerie de la Reine Blanche ») d'un ouvrage intitulé « 500 vignettes françaises fin du siècle » édité en 1966, reproduisant des extraits de vignettes du catalogue Deberny et Peignot, datées entre 1873 et 1920 ; qu'en effet le logo mêle des éléments composant ces deux vignettes (les arbustes, le palmier, le sac en toile de jute, les tonneaux, les caisses et la banderole, la typographie ancienne), parfois en les inversant, ce seul assemblage formel n'étant pas en lui-même susceptible de protection au titre du droit d'auteur ; que les mentions relatives à l'origine des thés les plus connus sont banales et que la reproduction, sur un mode de décalque, d'une photographie du fondateur de la maison Mariage Frères n'est pas une création, mais une simple opération d'exécution, son apposition sur un logo destiné à constituer la marque de la société Mariage Frères étant également banale ; qu'enfin la simple combinaison de ces éléments ne présente en elle-même aucune originalité de nature à exprimer la créativité et la personnalité de l'auteur ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté les demandes en contrefaçon de M. Robert X...de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ; que ce droit est conféré, selon l'article L. 112-1 du même code, à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ; que sont notamment considérées comme oeuvres de l'esprit, en vertu de l'article L. 112-2 8° du code de la propriété intellectuelle les oeuvres graphiques ; qu'il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale ; que l'attestation versée au débat par Monsieur X...de Monsieur D...qui indique l'avoir vu réaliser ce logo en 1983 et avoir assisté aux discussions relatives à la maquette n'est pas de nature, compte tenu de son caractère vague, à établir la qualité d'auteur du dessinateur ou la nature originale de l'oeuvre revendiquée qui ressort de l'appréciation du juge ; que le tribunal relève qu'aucun croquis ou ébauche n'est versé au débat par Monsieur X..., sa seule pièce s'agissant du logo constituant une photographie du logo tel qu'exploité sans date certaine ; que M. X...reconnaît dans ses écritures détenir l'original de l'ouvrage « 5 000 vignettes françaises fin du siècle » édité en 1966 qui représente des extraits de vignettes du catalogue Deberny et Peignot, datées entre 1873 et 1920 et s'en être inspiré ; or, que le logo Mariage Frères est constitué par la reprise de deux vignettes de cet ouvrage, celle « Maison Rochet Frères » et celle « épicerie de la Reine Blanche » ; qu'en effet, le logo Mariage Frères reproduit, de manière mêlée, les éléments composant ces deux vignettes, à savoir les arbustes et palmier, le sac en toile de jute, les tonneaux, les caisses et le ruban ainsi que la typographie ancienne utilisée ; que les éléments ont pour certains été inversés ; que le seul assemblage de deux vignettes préexistantes n'est pas susceptible d'être protégeable au titre du droit d'auteur, pas plus que la mention de l'origine des thés les plus connus (Ceylan. Inde. Chine) ; que de plus, reproduire la photographie du créateur de la maison Mariage Frères à la plume, sur un mode de décalque, ne constitue pas une création mais une simple opération d'exécution ; qu'il s'ensuit que la création revendiquée par Monsieur X...n'est pas originale et que sa demande en contrefaçon de ce chef sera rejetée » ;

ALORS QUE l'originalité d'une oeuvre peut résulter de la combinaison d'éléments qui, pris séparément, sont banals ou connus, mais qui sont traités de telle manière que la personnalité de l'auteur se reflète dans la composition ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que l'assemblage d'éléments issus de deux vignettes préexistantes n'était pas en lui-même susceptible de protection au titre du droit d'auteur, que les mentions relatives à l'origine des thés les plus connus étaient banales et que la reproduction, sur un mode de décalque, d'une photographie du fondateur de la maison Mariage Frères n'était pas une création mais une simple opération d'exécution et que son apposition sur un logo destiné à constituer la marque de la société Mariage Frères était également banale, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que « la simple combinaison de ces éléments ne présente en elle-même aucune originalité de nature à exprimer la créativité et la personnalité de l'auteur » ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer en quoi le choix de combiner ensemble ces différents éléments selon une certaine présentation ne résulterait pas d'un effort créatif et ne porterait pas l'empreinte de la personnalité de son auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-10850
Date de la décision : 08/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 nov. 2017, pourvoi n°16-10850


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10850
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