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26/10/2017 | FRANCE | N°16-19083

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 octobre 2017, 16-19083


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que n'est pas en soi illicite la clause d'une convention prévoyant le paiement d'un honoraire de résultat dans sa totalité en cas de dessaisissement de l'avocat avant l'obtention d'une décision irrévocable, cet honoraire pouvant faire l'objet d'une réduction s'il présente un caractère exagéré au regar

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Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que n'est pas en soi illicite la clause d'une convention prévoyant le paiement d'un honoraire de résultat dans sa totalité en cas de dessaisissement de l'avocat avant l'obtention d'une décision irrévocable, cet honoraire pouvant faire l'objet d'une réduction s'il présente un caractère exagéré au regard du service rendu ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel et les productions, que Mme X... a confié à la société Cabinet Y... conseil et associés (l'avocat) la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à l'administration fiscale ; qu'elle a signé deux conventions d'honoraires prévoyant un honoraire forfaitaire d'un montant total de 42 500 euros hors taxes ainsi qu'un honoraire de résultat, variable, calculé sur le montant des dégrèvements obtenus et énonçant qu'en cas de dessaisissement de l'avocat, la cliente s'engage à régler sans délai l'honoraire forfaitaire ainsi que les frais, débours et dépens dus pour les diligences effectuées, l'honoraire complémentaire de résultat restant dû ; que Mme X... l'ayant dessaisi, l'avocat a demandé au bâtonnier de son ordre de fixer le montant de ses honoraires en calculant l'honoraire de résultat en considération de la transaction conclue par sa cliente après son dessaisissement ;

Attendu que, pour fixer à la somme de 180 000 euros HT, en application des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, le montant total des honoraires dus par Mme X... et dire que compte tenu de l'acompte versé, celle-ci devra payer la somme de 137 500 euros HT en principal, l'ordonnance retient que lorsque la mission de l'avocat n'a pas été menée jusqu'à son terme, le dessaisissement de l'avocat avant que soit intervenu un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable rend inapplicable la convention d'honoraires initialement conclue et que les honoraires dus à l'avocat pour la mission effectuée doivent alors être fixés selon les critères définis à l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 ; que s'il est possible pour les parties de prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement, elles ne peuvent en revanche prévoir que l'honoraire de résultat sera dû bien que la mission n'ait pas été menée à son terme ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 12 mai 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée D'AVOIR fixé à la somme de 180.000 € HT le montant total des honoraires dus à la SELARL Y... Conseil et Associés par Mme X... et D'AVOIR condamné Mme X... à payer à la SELARL Y... Conseil et Associés la somme de 137.500 € HT avec intérêts légal à compter de l'arrêt, outre la TVA au taux de 19,60 % ;

AUX MOTIFS QUE la SELARL Y... Conseil et Associés sollicite un honoraire de 200.000 euros, sur la base d'une fiche de diligence faisant état de 325 heures de travail, soit un taux horaire de 615 euros environ ; compte tenu de la situation de fortune de la cliente, qui après négociation a été redressée à hauteur de 1.800.000 euros sur la seule évaluation d'un bien immobilier, de l'incontestable notoriété du cabinet d'avocat, et de sa spécialisation mais également de la complexité du dossier, qui comportait une phase judiciaire au cours de laquelle des moyens de droit novateurs ont été développés et une phase extrajudiciaire de négociation, le taux horaire invoqué n'apparait pas excessif ; en ce qui concerne le temps passé, il résulte d'un état de prestation très précis, le « compteur » ayant été actionné à chaque prestation, si minime soit-elle ; toutefois, si les temps décomptés au titre notamment des travaux écrits, des négociations, des mémoires, des rendez-vous apparaissent totalement justifiés, d'autres tâches, qui relèvent de la simple gestion du dossier, voire d'un travail de secrétariat qui devrai être intégré dans le taux horaire compte tenu de son importance, sont retenues pour des durées excessives ; compte tenu de ces éléments, il sera retenu 300 heures de diligences, soit un honoraire total de 180 000 euros HT ;

1°) ALORS QU'en statuant par des motifs d'ordre général, sans faire état des critères déterminants de son estimation, ni le détail des diligences accomplies, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p.11 à 13), reprises oralement à l'audience, Mme X... a fait valoir que les honoraires de diligences réclamés étaient manifestement excessifs puisque par lettre AR datée du 5 août 2013, le cabinet Y... lui avait communiqué, à la demande de l'ordre des avocats de Paris en vue de l'audience de fixation, une fiche de diligences faisant état des diligences accomplies du 1er octobre 2010 au 28 avril 2013 par Jean Y... à hauteur de 86h25 au taux horaire de 450 €, par Camille Z... à hauteur de 173h30 au taux horaire de 133 €, par Emmanuelle A... à hauteur de 4h00 au taux horaire de 350 € et par Emmanuel B... à hauteur de 4h30 au taux horaire de 350 € ; en se bornant à relever que le taux horaire de 615 € HT sollicité par le cabinet Jean Y... pour l'ensemble de ses diligences n'était pas excessif sans répondre aux conclusions d'appel dont il était saisi, ni examiner la pièce qui les accompagnait, le délégué du premier président a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en appliquant un tarif horaire unique de 615 € HT à l'ensemble des 300 heures de diligences retenues sans distinguer, ainsi qu'il était invité à le faire, selon la nature des prestations facturées et la qualité des intervenants qui les avaient accomplies, le délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;

4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p.11), reprises oralement à l'audience, Mme X... a également fait valoir que le cabinet Y... ne lui avait jamais remis, comme l'article 12 du décret du 12 juillet 2005 lui en faisait obligation, un compte détaillé faisant ressortir distinctement les frais et déboursés, les émoluments tarifés et les honoraires et que la fiche de temps produite seulement en cause d'appel, dont les mentions ne répondaient à ces prescriptions, était dénuée de caractère probant ; en ne répondant pas à ces chefs pertinents des conclusions d'appel, le délégué du premier président a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet Y... conseil et associés.

Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée D'AVOIR fixé à la somme de 180 000 € HT le montant total des honoraires dus à la SELARL Y... conseil et Associés par Madame X..., D'AVOIR dit en conséquence que, compte tenu de l'acompte versé, Madame X... devra payer à la SELARL Y... conseil et Associés la somme de 137 5000 € HT, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, outre la TVA au taux de 19,60 %, D'AVOIR débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE « les deux conventions d'honoraires, portant sur des périodes de redressement différentes, prévoient, outre un honoraire principal forfaitaire, un honoraire de résultat déterminé en fonction de l'importance des montants dégrevés. Lorsque la mission de l'avocat n'a pas été menée jusqu'à son terme, le dessaisissement de l'avocat avant que soit intervenu un acte ou décision juridictionnelle irrévocable rend inapplicable la convention d'honoraires initialement conclue et les honoraires dus à l'avocat pour la mission effectuée doivent alors être fixés selon les critères définis à l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971. S'il est possible pour les parties de prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement, elles ne peuvent en revanche prévoir que l'honoraire de résultat sera dû en totalité bien que la mission n'ait pas été menée à son terme. Il importe peu à cet égard que Madame X... n'ait pas fait le choix d'un nouvel avocat, mais d'un conseiller qui n'a pas à ce titre, dans des conditions qui sont critiquées par la SELARL TOUTEE CONSEIL ET ASSOCIES, dès lors qu'en tout état de cause, cette dernière a bien été dessaisie, par un mail du 27 mars 2012 rédigé dans des termes non équivoques. C'est donc à juste titre que le bâtonnier a écarté l'application de l'honoraire de résultat, et décidé de faire application des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « deux conventions d'honoraires correspondant à deux procédures de redressement fiscal ont été signées entre les parties ; que l'article 4 de chacune de ces conventions prévoyait que "Dans l'hypothèse où la cliente souhaiterait dessaisir l'avocat et transférer son dossier à un autre avocat, elle s'engage à régler sans délai l'honoraire forfaitaire ainsi que les frais, débours et dépens dus à l'avocat pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement et l'honoraire complémentaire de résultat restera dû" ; que l'honoraire forfaitaire a été réglé ; il n'y a donc aucune difficulté sur ce point ; qu'il reste uniquement en jeu la question de l'honoraire de résultat et la validité de l'article 4 des conventions ; qu'il a été utilement rappelé par le Conseil de Me Y... que la 2ème Chambre Civile de la Cour de cassation en date du 19 mars 2009 avait statué : "M.Y … avait accepté le principe du paiement d'un honoraire complémentaire dans la convention qui stipulait expressément que M. X aurait droit à la moitié d'un tel honoraire si le dossier lui était retiré ert que l'avocat avait droit au paiement de cet honoraire eu égard aux intérêts en jeu, au travail important accompli… Le Premier Président a légalement justifié sa décision". Que la Cour de cassation a ainsi admis le principe de la validité d'une clause prévoyant que, au cas où le dossier soit retiré à l'avocat avant que le résultat soit définitif, l'avocat pouvait avoir droit à un honoraire complémentaire ; qu'il convient d'observer, sur le plan factuel, que la clause visée dans les conventions prévoyait non point, comme dans les faits ayant donné lieu à cette décision, le versement d'une partie de l'honoraire de résultat, mais bien sa totalité ; qu'une telle clause ne peut être validée ; qu'en effet, elle reviendrait à interdire à l'avocat qui succède d'inclure lui-même une clause d'honoraires de résultat, sauf à nuire de manière importante au client ; qu'on ne peut écarter l'arrêt rendu par la 2ème Chambre Civile de la Cour de cassation du 25 février 2010 disant qu'une convention préalablement d'honoraires n'est pas applicable si aucun acte, ni décision juridictionnelle irrévocable, n'est intervenu(e)… ; qu'il en serait différemment, dans l'hypothèse où l'avocat est dessaisi avant l'achèvement de sa mission, si la convention d'honoraires prévoyait une rémunération au prorata des démarches accomplies par rapport au résultat obtenu. C'est l'arrêt susvisé ; qu'il paraît dans ces conditions devoir être retenue la nullité de l'article 4 de la convention ; que cet article paraît déterminant dans le cadre du contrat qui a été passé ; que sa nullité entraîne la nullité de la convention ».

1°) ALORS, D'UNE PART, QUE, si l'honoraire de résultat ne peut être réclamé que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement ; que l'honoraire de résultat convenu dans la clause de dessaisissement est dû dès lors qu'une décision irrévocable permettant de l'allouer est intervenue à la date à laquelle le juge statue ; qu'en l'espèce, il est constant, d'une part que les deux conventions d'honoraires prévoyaient chacune, en leur article 4, qu'en cas de dessaisissement, « l'honoraire complémentaire de résultat sera dû » et d'autre part, qu'au jour où le premier président de la cour d'appel a statué, Mme X... avait déjà régularisé avec l'administration fiscale trois transactions définitives aux termes desquelles la somme totale due au titre du redressement d'ISF pour les années 2005 à 2010 a été réduite de 6 000 336 € à 1 802 341 € ; qu'en jugeant que l'honoraire de résultat n'était pas dû au motif que qu'aucun acte ou décision irrévocable n'était intervenu avant le dessaisissement de l'avocat, et en refusant, en conséquence, d'allouer l'honoraire de résultat convenu, quand il avait, lui-même, constaté qu'à la date à laquelle il statuait trois transactions définitives avaient été conclues, Le Premier président de la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'ancien article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil par refus d'application et l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 par fausse application.

2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE les parties peuvent régulièrement convenir qu'en cas de dessaisissement, un honoraire de résultat sera dû en totalité, même si la mission n'a pas été menée à son terme au jour du dessaisissement de l'avocat, dès lors qu'il appartient au juge de vérifier si au jour où il statue le résultat est définitif ; qu'en affirmant le contraire, tout en constatant qu'au jour où il statuait les transactions définitives avaient été régularisées avec l'administration fiscale, le premier Président de la cour d'appel a violé l'ancien article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil par refus d'application et l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 par fausse application.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-19083
Date de la décision : 26/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 oct. 2017, pourvoi n°16-19083


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.19083
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