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19/10/2017 | FRANCE | N°16-23679

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 octobre 2017, 16-23679


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 685 et 2261 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 juillet 2016), que deux actes, datant de 1964, ont, sur la parcelle cadastrée AT 340 appartenant à la SCI Tendres Pousses, conféré un droit de passage au bénéfice de la parcelle cadastrée AT 11 appartenant à Mme et M. X..., par le plus court trajet et sur une largeur de cinq mètres pour accéder au chemin "des Trois Rois" ; que Mme et M. X... ont assigné la SCI Tendres Pousses

en rétablissement de la servitude de passage ;

Attendu que, pour accueillir ce...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 685 et 2261 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 juillet 2016), que deux actes, datant de 1964, ont, sur la parcelle cadastrée AT 340 appartenant à la SCI Tendres Pousses, conféré un droit de passage au bénéfice de la parcelle cadastrée AT 11 appartenant à Mme et M. X..., par le plus court trajet et sur une largeur de cinq mètres pour accéder au chemin "des Trois Rois" ; que Mme et M. X... ont assigné la SCI Tendres Pousses en rétablissement de la servitude de passage ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'existence de l'ancien tracé résulte de l'attestation de Mme Y..., ancienne propriétaire de la parcelle AT 340 et du plan qui y est annexé et que, par application des dispositions de l'article 585 du code civil, l'assiette et le mode de servitude résultent d'un usage antérieur ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le plan annexé à l'attestation de Mme Y..., qui faisait état de deux tracés de servitude, n'était pas impropre à caractériser une possession non équivoque de l'assiette de la servitude de passage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne Mme et M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme et M. X... et les condamne à payer à la SCI Tendres Pousses la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société civile Tendres Pousses

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir ordonné à la SCI Tendres Pousses de rétablir la servitude de passage dont bénéficie la parcelle cadastrée sur la commune de Nieppe, section AT n° 11, sur la parcelle anciennement cadastrée sur la même commune section A n° 340 désormais cadastrée sous les références de parcelles n° 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72 et 73, selon le tracé figurant sur la pièce n° 01-1 communiquée par Mme Marie-Thérèse Z... veuve X... et M. Pascal X... dans le cadre de la présente instance et annexée au jugement, d'avoir condamné la SCI Tendres Pousses à procéder à la démolition – de la clôture et du portail entravant l'accès à la parcelle section AT n° 11, - des constructions situées sur les parcelles n° 66, 67, 68, 69, 72 et 73, qui sont édifiées sur le tracé initial de la servitude de passage, par référence à la pièce n° 01-1 annexée au jugement, - du revêtement de bitume sur la parcelle n° 71, ceci dans un délai de six mois à compter de la signification et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et d'avoir condamné la SCI Tendres Pousses à payer à Mme Marie-Thérèse Z... veuve X... et M. Pascal X... la somme de 2 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance, outre celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la servitude de passage : que l'article 701 du code civil dispose : « Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui ou elle a été primitivement assignée. Mais cependant si cette assignation était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser » ; que, se fondant sur ce texte, la SCI TENDRES POUSSES conclut à l'infirmation du jugement déféré ; qu'elle fait valoir, d'une part, que l'existence de la servitude n'est pas remise en cause alors que les deux actes de vente du 25 mars 1964 et du 16 janvier 2004 ne reprennent pas un tracé précis de la servitude conventionnelle et de son emplacement exact, d'autre part, qu'en l'absence d'assiette primitive précisément définie dans les actes, la possibilité de modifier la servitude existante lui était offerte par la loi à la condition que le passage soit aussi commode pour le propriétaire du fonds dominant ; Mais attendu que sur ces deux points, comme l'ont fait les premiers juges au vu des pièces produites, notamment les plans cadastraux successifs, les attestations de témoins et les constats d'huissier de justice établis les 25 avril 2012 et 1er mars 2013, et par adoption des motifs du jugement, le cour ne peut que relever : que le précédent tracé de la servitude de passage, tel que revendiqué par les consorts X..., apparaît cohérent avec la configuration antérieure des bâtiments, notamment pour permettre un accès en ligne droite aux engins à travers les parcelles n° 69 et 73 permettant l'entrée dans la parcelle enclavée n° 11 ; que par décision unilatérale de la SCI Tendres Pousses, l'assiette de la servitude

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur l'entrave à l'exercice de la servitude de passage : que l'article 701 alinéas 1 et 2 du code civil dispose que le propriétaire du fonds servant ne peut changer l'état des lieux, dans des conditions qui rendent plus incommode l'usage de la servitude ; qu'en l'espèce, l'acte de vente portant sur le fonds dominant, établi le 25 mars 1964 par Me Jean A..., définit la servitude de passage au profit de la parcelle cadastrée à NIEPPE, section A n° 353 comme « gratuit et perpétuel à pied, chevaux, voiture, tracteur et autre matériel agricole, par le passage le plus court trajet, sur la pâture cadastrée section A n° 340, et sur une largeur de cinq mètres, pour accéder au chemin dit « des Trois Rois » ; qu'une servitude de passage ne pouvant être fondée que sur le titre du fonds servant, il convient toutefois de relever que l'acte de vente du 16/01/2004 au profit de LA S.C.I. TENDRES POUSSES, actuel propriétaire du fonds servant, renvoie à un acte du 27 avril 1964, qui contient une formulation différente de cette servitude, selon les termes suivants : « laisser aux vendeurs-propriétaires des parcelles cadastrées Section A, n° 353 de trois hectares quatre vingt trois ares cinquante cinq centiares et n° 352 de un hectare quatre, vingt sept ares vingt centiares (nouvellement cadastrées AT 10 et AT 11), au lieudit « Les Trois Rois », ou à leur ayant cause, un droit de passage gratuit et perpétuel à pied, chevaux, voiture, tracteur et autre matériel agricole, sur la parcelle section A n° 340 (nouvellement cadastrées AT 60, AT 59 et AT 55), présentement vendue et sur une largeur de cinq mètres, pour accéder au chemin dit « des Trois Rois » » ; que la mention du trajet le plus court n'y figure pas ; qu'en outre, la référence actualisée aux seules parcelles cadastrées AT n° 55, 59 et 60 est manifestement erronée : d'une part, aucun des relevés cadastraux soumis à la juridiction ne fait apparaître la parcelle n° 60 comme correspondant à la propriété subissant la servitude d'autre part, la parcelle n° 55 ne dépend pas de l'ancienne parcelle section A n° 340 ; que l'ancienne parcelle section A n° 340 est désormais cadastrée n° 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72 et 73 ; que le précédent tracé de la servitude de passage ne résulte certes pas des actes de propriété, qui ne déterminent pas précisément son implantation sur les parcelles qui y sont soumises ; que pour autant, l'existence de l'ancien tracé (visé par la pièce n° 01-1 de Marie-Thérèse Z... épouse X... et Pascal X...) n'est pas contestée par LA S.C.I. TENDRES POUSSES, laquelle estime exclusivement que ce tracé ne s'impose pas comme résultant des actes de propriété et que la modification qu'elle ne conteste pas avoir apportée à ce tracé antérieur respecte les termes de l'article 701 alinéa 3 du code civil ; que cet ancien tracé résulte pourtant de l'attestation fournie par Christiane Y..., ancienne propriétaire de la parcelle vendue à LA S.C.I. TENDRES POUSSES (Pièce n° 14 des demandeurs), qui indique « avoir fait les 51 ans de (sa) carrière agricole en empruntant le passage de la rue des trois rois et qui passait la long de (sa) grange » ; que complétant les termes écrits du titre, ce témoignage est recevable, alors qu'y est annexé un plan descriptif du tracé de la servitude au profit de Marie-Thérèse Z... épouse X... et Pascal X... ; que les dispositions de l'article 685 du code civil sont en outre applicables à l'espèce, pour retenir l'assiette et le mode de servitude qui résulte de l'usage continu antérieur ; que l'attestation de Michel B... confirme un tracé rejoignant notamment l'accès à la parcelle AT n° 11 depuis la parcelle 73 pour accéder à une barrière ayant désormais disparu ; que ce tracé est en outre cohérent avec la configuration antérieure des bâtiments, notamment pour permettre un accès en ligne droite aux engins à travers les parcelles n° 69 et 73 vers cette barrière permettant d'entrer dans la parcelle enclavée » ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant, pour condamner la SCI Tendres Pousses à rétablir la servitude de passage bénéficiant à la parcelle AT n° 11 selon le tracé figurant sur la pièce n° 01-1 communiquée par les consorts X... et annexée au jugement, que l'existence de cet ancien tracé n'est pas contestée par la SCI Tendres Pousses qui estime seulement que ce tracé ne s'impose pas comme résultant des actes de propriété et que la modification qu'elle ne conteste pas avoir apporté à ce tracé antérieur respecte les termes de l'article 701 alinéa 3 du code civil, quand cette société, à l'appui de sa demande de fixation de la servitude selon le plan cadastral qu'elle a annoté, faisait valoir que l'assiette de la servitude de passage n'étant pas définie par les titres des parties et n'ayant pas été prescrite par trente ans d'usage continu, il appartenait au juge de la fixer conformément aux prévisions de l'article 683 du code civil, c'est-à-dire en empruntant le trajet le plus court et le moins dommageable pour le fonds servant, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE si l'assiette et le mode d'exercice de la servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu, il faut, pour pouvoir prescrire, une possession non équivoque ; que tel n'est pas le cas lorsque le passage emprunté pour accéder à la parcelle enclavée s'est effectué en différents points du fonds servant ; qu'en retenant, pour condamner la SCI Tendres Pousses à rétablir la servitude de passage bénéficiant à la parcelle AT n° 11 selon le tracé figurant sur la pièce n° 01-1 communiquée par les consorts X... et annexée au jugement, que cet ancien tracé résulte du plan établi par Mme Y..., ancienne propriétaire de la parcelle vendue à la SCI Tendres Pousses, lequel plan figure en annexe de l'attestation dans laquelle celle-ci indique « avoir fait les 51 ans de (sa) carrière agricole en empruntant le passage de la rue des trois rois et qui passait le long de (sa) grange », sans rechercher – comme il lui était demandé – si en tant qu'il mentionnait deux tracés différents, ledit plan, manuscrit et raturé, n'était pas impropre à caractériser une possession non équivoque de l'assiette de la servitude de passage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 685 et 2261 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-23679
Date de la décision : 19/10/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 07 juillet 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 oct. 2017, pourvoi n°16-23679


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.23679
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