LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert de griefs non fondés d'inversion de la charge de la preuve et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, de l'origine professionnelle de l'inaptitude et de la connaissance, par l'employeur, de cette origine au moment du licenciement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Atrium aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Atrium à payer à Mme X...la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Atrium
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par infirmation du jugement entrepris, jugé que l'inaptitude de Mme Y...est d'origine professionnelle et d'AVOIR en conséquence condamné la société Atrium à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement de préavis et de congés payés sur préavis, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « la cour constate que ne sont discutées par Malika X...-Y...que les conséquences liées à la reconnaissance de l'origine professionnelle ou non de son inaptitude de sorte que seront confirmées les dispositions de la décision jugeant que la SAS ATRIUM HOTEL avait respecté son obligation de recherche de reclassement, dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et constaté l'existence d'un procès-verbal de carence pour l'élection des délégués du personnel ; Attendu qu'il résulte de la lecture des documents versés au débat que Malika X...a reçu de la CPAM des indemnités journalières au titre de l'accident du travail subi le 14 juillet, ce pendant un an ; qu'elle a été déclarée définitivement inapte à la suite de la seconde visite médicale de reprise intervenue le 13 septembre 2012 ; qu'au terme de la seconde visite, le médecin du travail mentionnait : " inapte définitivement à son poste car ne peut plus marcher sans appui, seul un poste serait susceptible de convenir " ;
Attendu que par courrier du 4 octobre 2012, répondant à l'employeur dans le cadre d'une recherche de reclassement, le médecin du travail s'adressait à la SAS HOTEL ATRIUM en ces termes : « J'ai bien lu avec attention votre courrier attirant mon attention sur le problème de Madame Y..., pour laquelle j'ai rédigé un certificat médical d'inaptitude, dans la deuxième fiche en date du 13 septembre 2012. Malheureusement je ne vois dans votre entreprise aucun poste susceptible de lui convenir, au susceptible d'être aménageable. Pour mémoire, Mme Y...présente une affection rendant la station debout très difficile, douloureuse.
Le port de charges est dans son cas contre-indiqué, au risque de voir sa pathologie s'aggraver.
Cette visite de reprise a fait suite à un accident du travail, la patiente ayant été consolidée sans soins et sans séquelles par la sécurité sociale.
Concernant mon inaptitude, elle est prononcée pour une pathologie sans rapport avec l'accident initial ».
Attendu que Malika X...-Y...a communiqué un certificat médical du Dr A..., médecin généraliste en date du 29 avril 2013, indiquant :
« Je soussigné, certifie que Mme Malika X...-Y...présente dans les suites d'une chute sur son lieu de travail (AT du 14 juillet 2011) une impotence fonctionnelle de son genou droit ; il n'y avait aucune plainte antérieure sur ce genou depuis 1992 »
Au soutien de ses prétentions, reposant sur la circonstance qu'elle ne pouvait être licenciée sur le fondement d'une inaptitude issue d'une maladie ordinaire, Malika X...-Y...fait valoir :
- qu'elle conteste l'affirmation du médecin selon laquelle l'inaptitude ne serait pas liée à son accident du travail du 14 juillet 2011
- que les seules préconisations à retenir sont celles formulées dans les avis d'inaptitude, les indications ultérieures étant inopérantes de sorte que le courrier du 4 octobre doit être écarté
-que l'employeur ne peut utiliser des éléments tirés du dossier médical du salarié même s'ils lui sont communiqués par le médecin du travail,
- que le secret médical a été violé,
- que le médecin du travail n'a pas compétence pour se prononcer sur l'origine de l'inaptitude qu'il constate ainsi qu'il en résulte de la lecture de l'article R 4624-23 du code du travail,
- que l'expertise sollicitée pourrait ainsi déterminer l'origine de l'inaptitude ;
Attendu que le SAS HOTEL ATRIUM réplique pour sa part :
- que la CPAM des Bouches du Rhône lui avait indiqué dans un courrier du 18 septembre 2012 qu'après examen des éléments médico-administratifs, et les conclusions du service médical, « le taux d'IPP était fixé à 0 % à compter du 16 juillet 2012, les douleurs du genou droit sans limitation articulaire, résultant d'un état antérieur indépendant »
- qu'en raison de l'inaptitude non professionnelle, l'employeur a servi à Malika X...-Y... les indemnités prescrites par l'article L 1226-4 du code du travail ;
- qu'il n'existe aucune violation du secret médical, le médecin ayant agi dans le cadre de la compétence qui est la sienne, et l'employeur étant tenu de tenir compte de ses préconisations ;
- que s'agissant de la demande d'expertise, il y a lieu de constater que Malika X...-Y...n'a pas usé de la seule voie de recours dont elle disposait à l'encontre de l'avis du médecin du travail, à savoir un recours administratif devant l'inspecteur du travail ;
- que le juge judiciaire ne peut ordonner une expertise aux fins de contrôler le bien-fondé de l'avis médical que la cour est incompétente pour mettre en cause la responsabilité professionnelle du médecin du travail comme l'invoque l'appelante-que si le certificat médical du Dr A...ne devait pas être écarté, sa rédaction vient corroborer les conclusions de la médecine du travail et du médecin de la cpam, précisant que Malika X...souffrait antérieurement à 1992 de son genou droit ;
- que l'article R 4624-47 du code du travail donne compétence au médecin du travail pour se prononcer sur l'origine de l'inaptitude qu'il constate, son avis s'imposant aux parties ;
- que remettre en cause l'avis médical par une expertise porterait atteinte à la sécurité juridique des décisions du médecin du travail ;
Attendu qu'il est constant que Malika X...-Y...a fait une chute dans les escaliers séparant les deux salles du restaurant de l'hôtel le 14 juillet 2011 à 23 h 05 ; qu'il a été établi par l'employeur une déclaration d'accident du travail précisant le nom du témoin ayant assisté à l'accident et que le siège des lésions se trouvait au genou droit ; que la salariée a été indemnisée à ce titre pendant un an ; qu'au terme des deux visites de reprise, elle a été déclarée inapte définitivement à son poste, ne pouvant plus marcher sans appui ;
Attendu que les obligations indemnitaires de l'employeur varient selon que l'inaptitude constatée a une origine professionnelle ou non ;
Attendu que la survenance de l'accident du travail n'est pas discutée ni dans ses circonstances, ni dans ses conséquences ;
Attendu que s'agissant de l'origine de l'inaptitude, c'est au salarié de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre l'accident et l'inaptitude à son poste ;
Attendu que les certificats de non reprise du travail ne portaient pas de mention sur l'origine de l'inaptitude de sorte que Malika X...-Y...n'avait pas de motif de saisir l'inspection du travail, ne contestant pas la décision d'inaptitude comme le lui reproche à tort l'employeur ;
Attendu que l'appréciation sur l'origine de l'inaptitude par le médecin du travail n'a donc été portée à sa connaissance, faute d'élément justifiant du contraire, qu'à travers la relation qu'en a faite l'employeur dans le courrier de licenciement ;
Attendu qu'il y a lieu de constater que les mentions d'inaptitude portées par le médecin du travail sur les deux certificats correspondent à la nature des lésions se rapportant à l'accident du travail et sont bien issues des deux visites de reprise, faisant suite à l'accident du travail ainsi que l'a écrit le médecin dans son courrier du 4 octobre ;
Attendu que les conclusions de la CPAM, l'avis curieusement exprimé par le médecin du travail en réponse à un courrier ne portant que sur la compatibilité de deux postes avec l'état de santé de l'intéressé, ne peuvent être considérés comme propres à repousser les demandes de la salariée, dès lors qu'à supposer que l'accident ait pu même précipiter l'évolution d'un état pathologique antérieur, il n'est pas rapporté la preuve que ce dernier avait entraîné des arrêts de travail avant la date de l'accident et qu'ainsi, la chute du 14 juillet 2011 doit être considérée comme un fait générateur d'un état de santé s'étant dégradé, en lien ou non avec d'autres pathologies mais ayant en tout cas abouti à l'inaptitude constatée ;
Attendu qu'en effet les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident, et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement ;
Attendu que dès lors et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, Malika X...-Y...est fondée à réclamer le paiement des sommes prévues en tel cas à l'article L 1224-14 du code du travail dont le montant n'est pas discuté par l'intimé ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à Malika X...-Y...la somme de 1. 000 €
en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile »
1/ ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne s'appliquent que lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que suite à l'accident du travail subi par Mme Y...le 14 juillet 2011, la salariée avait été déclarée inapte par le médecin du travail le 13 septembre 2012, sans qu'aucun des deux avis émis par ce dernier ne porte de mention quant à l'origine de l'inaptitude ; que la Cour d'appel a encore relevé que par courrier du 4 octobre 2012, le médecin du travail avait informé la société Atrium de ce que la « visite de reprise a fait suite à un accident du travail, la patiente ayant été consolidée sans soins et sans séquelles par la sécurité sociale. Concernant mon inaptitude, elle est prononcée pour une pathologie sans rapport avec l'accident initial », et que la CPAM avait, par décision du 18 septembre 2012 notifiée à l'employeur, fixé « le taux d'IPP à 0 % à compter du 16 juillet 2012, les douleurs du genou droit sans limitation articulaire résultant d'un état antérieur indépendant » ; qu'en faisant néanmoins application à l'inaptitude des règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle en dépit de ces circonstances, lorsqu'il s'en évinçait qu'à la date du licenciement prononcé le 19 octobre 2012, l'employeur ne pouvait avoir de doute sur le caractère non professionnel de la maladie, la Cour d'appel a violé l'article L 1226-10 du Code du travail ;
2/ ALORS QU'il appartient au salarié d'établir le lien entre l'inaptitude et une affection d'origine professionnelle ; qu'en retenant qu'à supposer que l'accident ait pu même précipiter l'évolution d'un état pathologique antérieur, il n'est pas rapporté la preuve que ce dernier avait entraîné des arrêts de travail avant la date de l'accident, pour conclure que l'accident du travail du 14 juillet 2011 devait être considéré comme un fait générateur d'un état de santé s'étant dégradé ayant abouti à l'inaptitude constatée, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil.