LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. Lionel X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 9 juin 2017, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment de blanchiment, importation de marchandises prohibées, importation de marchandises contrefaites et travail dissimulé, a annulé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant de révoquer son contrôle judiciaire et modifiant les obligations de ce dernier ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 septembre 2017 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Le Dimna ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller MÉNOTTI, les observations de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., mis en examen notamment des chefs de blanchiment, importation de marchandises prohibées, importation de marchandises contrefaites et travail dissimulé, a été placé sous contrôle judiciaire le 15 juin 2016, avec notamment l'obligation de verser un cautionnement de 15 000 euros à payer en cinq versements de 3 000 euros à compter du 1er juillet 2016 ; qu'à défaut de paiement de cette somme, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de révocation du contrôle judiciaire ; que par ordonnance du 31 mai 2017, le juge des libertés et de la détention a refusé de placer l'intéressé en détention provisoire et a modifié les obligations du contrôle judiciaire, supprimant l'obligation de versement dudit cautionnement ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 139 et suivants du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale ; violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé l'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant supprimé l'obligation de payer un cautionnement dont était assortie l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 15 juin 2016 ;
"aux motifs que le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention ont l'un et l'autre compétence pour décider du placement d'une personne mise en examen sous contrôle judiciaire selon les moments et les modalités de leurs saisines respectives (article 137-2 et 138 du code de procédure pénale) et déterminer les obligations et interdictions auxquelles la personne mise en examen est soumise ; que seul le juge des libertés et de la détention a compétence pour statuer sur la révocation du contrôle judiciaire lorsqu'il est saisi à cette fin par le juge d'instruction ; que seul le juge d'instruction a compétence, à tout moment, pour imposer, supprimer tout ou partie des obligations comprises dans le contrôle judiciaire, modifier une ou plusieurs de ces obligations ou accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d'observer certaines d'entre elles (article 139 du code de procédure pénale) ; qu'en supprimant le cautionnement auquel était soumis M. Lionel X... selon ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 15 juin 2016, le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de révocation du contrôle judiciaire, a outrepassé ses attributions et violé les dispositions de l'article 139 du code de procédure pénale lesquelles constituent des règles de répartition des compétences d'attribution entre deux juridictions ; que dans ces conditions, l'ordonnance dont appel ne remplit pas les conditions légales nécessaires à son existence et doit être annulée ;
"alors que le juge des libertés et de la détention peut, lorsqu'il est saisi aux fins de révocation du contrôle judiciaire par le juge d'instruction, refuser d'ordonner cette révocation et procéder à la modification du contrôle judiciaire ; qu'en considérant cependant que le juge des libertés et de la détention avait outrepassé ses attributions et violé les dispositions de l'article 139 du code de procédure pénale lesquelles constitueraient des règles de répartition des compétences d'attribution entre deux juridictions en supprimant le cautionnement pénal qui avait été prévu dans l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 15 juin 2016, après avoir refusé de révoquer ledit contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des articles 139 et suivants du code de procédure pénale" ;
Attendu qu'en énonçant que le juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction aux fins de révocation d'un contrôle judiciaire dont les modalités avaient été fixées par ce magistrat, n'avait pas le pouvoir de modifier ces dernières, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des articles 139 et 141-2 du code de procédure pénale ;
Qu'en effet, dans ce cas et à la différence de la possibilité que lui confère l'article 137-2 du code de procédure pénale lorsqu'il est saisi d'une demande de placement en détention provisoire ou de prolongation de cette mesure, le juge des libertés et de la détention a le seul pouvoir de décider souverainement s'il y a lieu ou non de révoquer le contrôle judiciaire et de placer la personne mise en examen en détention provisoire, sa décision étant elle-même susceptible d'appel devant la chambre de l'instruction ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le moyen soulevé d'office, après communication à l'avocat du demandeur, pris de la violation de l'article 207 du code de procédure pénale ;
Vu ledit article ;
Attendu que ne constitue pas une évocation, mais la conséquence nécessaire de l'effet dévolutif de l'appel, la décision d'une chambre de l'instruction qui, saisie de l'appel du ministère public contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention disant n'y avoir lieu à révocation du contrôle judiciaire de la personne mise en examen, statue sur cette mesure ;
Attendu qu'après avoir, à bon droit, relevé que le juge des libertés et de la détention avait excédé ses pouvoirs en modifiant les modalités du contrôle judiciaire fixées par le juge d'instruction, l'arrêt se borne à renvoyer le dossier au magistrat instructeur, estimant ne pouvoir se prononcer sur la révocation du contrôle judiciaire en application de l'article 207 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en procédant ainsi, alors qu'il lui appartenait de statuer sur l'appel du ministère public en appréciant elle-même s'il y avait lieu ou non de placer la personne mise en examen en détention provisoire, la chambre de l'instruction a méconnu ses pouvoirs au regard du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 9 juin 2017, mais en ses seules dispositions ayant renvoyé le dossier au juge d'instruction, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf septembre deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.