LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015, et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu que le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d'un droit de poursuite sur cet immeuble, qu'il doit être en mesure d'exercer en obtenant, s'il n'en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un acte notarié du 30 décembre 2010, M. Lakhdar Y... (le débiteur) a déclaré sa résidence principale insaisissable, avant d'être mis en liquidation judiciaire le 9 décembre 2011 ; que la société Crédit lyonnais (la banque), qui avait consenti au débiteur un prêt pour en faire l'acquisition, l'a assigné aux fins de voir juger que, détenant une créance antérieure à la publication de la déclaration d'insaisissabilité, elle était en droit de poursuivre le recouvrement de cette créance seulement sur l'immeuble insaisissable et que l'arrêt à intervenir vaudrait titre exécutoire contre le débiteur, mais seulement aux fins de sûretés ou voies d'exécution sur cet immeuble ou tout bien subrogé ;
Attendu qu'en rejetant la demande au motif qu'aucun texte ne lui permettait de l'accueillir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne M. Lakhdar Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Crédit lyonnais
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté le Crédit Lyonnais de ses demandes tendant à voir juger qu'il détenait contre monsieur Lakhdar Y... une créance née antérieurement à la publication d'une déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble de ce dernier, qu'il était en droit de poursuivre le recouvrement de sa créance sur ledit immeuble et que la décision vaudrait titre exécutoire ;
AUX MOTIFS QU'il n'était pas contesté et il était établi par la production du contrat de prêt en date du 24 novembre 2009 et de la déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble constituant la résidence principale de monsieur Lakhdar Y... en date du 30 décembre 2010 que les droits du Crédit Lyonnais n'étaient pas nés postérieurement à la publication de la déclaration d'insaisissabilité à l'occasion de l'activité professionnelle de monsieur Lakhdar Y... ; qu'en conséquence et en application de l'article L. 526-11 du code de commerce, la déclaration d'insaisissabilité lui était inopposable ; que pour autant, cette inopposabilité ne donnait pas le droit au Crédit Lyonnais de saisir le bien sans remplir les conditions lui permettant de poursuivre l'exécution forcée de sa créance ; qu'en l'espèce, le liquidateur avait informé le Crédit Lyonnais par lettre du 9 avril 2014 que la liquidation judiciaire de monsieur Lakhdar Y... avait été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 29 janvier 2014 ; qu'en application de l'article L. 643-11 du code de commerce, "le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur" ; que ce texte prévoyait diverses exceptions permettant aux créanciers de recouvrer le droit de poursuite individuelle qu'ils ne pouvaient cependant exercer sans avoir obtenu de titre exécutoire ; que si leur créance avait été admise, ils pouvaient obtenir un titre exécutoire par le président du tribunal de commerce ou, s'ils en détenaient un de faire constater qu'ils remplissaient les conditions prévues par le texte ; que si leur créance n'avait pas été vérifiée, ils devaient mettre en oeuvre leur droit de poursuite dans les conditions de droit commun ; que ce même texte prévoyait qu'en cas de fraude à l'égard d'un ou plusieurs créanciers, le tribunal de commerce autorisait la reprise des poursuites individuelles lors de la clôture de la procédure ou postérieurement, à la demande de tout intéressé, selon la procédure qu'il prévoyait ; que devant la cour, le Crédit Lyonnais n'invoquait aucune exception et ne fondait pas ses demandes sur les dispositions de ce texte ; qu'or, en dehors des exceptions prévues par ce texte qui permettaient au créancier de retrouver le droit de poursuite individuelle, aucun texte ne permettait à la cour d'appel de juger qu'un créancier était en droit d'exercer une voie d'exécution pour recouvrer une créance dont elle fixait le montant en reprenant celui de la créance déclarée mais non admise, les créances n'ayant pas été vérifiées (pièce 13 de l'appelant), sans prononcer de condamnation à l'encontre du débiteur (le Crédit Lyonnais admettant que la procédure collective et sa clôture l'interdisaient) et de juger que sa décision vaut titre exécutoire ; qu'il convenait dès lors de débouter le Crédit Lyonnais de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris dont il sollicitait la réformation mais sans articuler aucun moyen à son soutien (arrêt, pp. 4 et 5) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le créancier dont la créance est née antérieurement à la publication d'une déclaration d'insaisissabilité d'un bien de son débiteur, ne peut se voir opposer cette déclaration et a donc le droit de poursuivre individuellement la réalisation dudit bien, nonobstant l'éventuelle ouverture ultérieure d'une liquidation judiciaire à l'encontre du débiteur ; que la cour d'appel, qui a relevé l'antériorité de la créance de la banque à la publication de la déclaration d'insaisissabilité et a du reste expressément retenu l'inopposabilité consécutive de cette déclaration à la banque, mais qui a néanmoins retenu l'absence de droit de celle-ci de demander la réalisation du bien, a refusé de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L.526-1 du code de commerce ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a entravé l'exercice, par un créancier antérieur à la publication de la déclaration d'insaisissabilité, de son droit de gage sur le bien donné en garantie par son débiteur et porté une atteinte illégitime au droit d'un tel créancier au respect de ses biens, violant en cela l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant que l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité à la banque ne donnait pas à cette dernière le droit de saisir le bien si elle ne remplissait pas les conditions prévues par le régime légal de la liquidation judiciaire pour la poursuite de l'exécution forcée de sa créance, cependant que lesdites conditions légales sont étrangères à la situation du créancier à qui la déclaration d'insaisissabilité n'est pas opposable, la cour d'appel a violé l'article L. 643-11 du code de commerce, par fausse application.