N° U 17-83.874 FS-P+B
N° 2380
FAR
12 SEPTEMBRE 2017
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze septembre deux mille dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
REJET du pourvoi formé par M. Mubarak X..., contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 19 avril 2017, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité de travail dissimulé aggravé, complicité d'emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail, blanchiment aggravé, concours en bande organisée à une opération de placement et dissimulation ou conversion du produit d'un délit et aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour d'un étranger, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire AR ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 7 avril 2016, M. X... a été mis en examen des chefs susvisés puis placé sous mandat de dépôt ; que sa détention provisoire a été prolongée à plusieurs reprises et en dernier lieu, par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 29 mars 2017, dont l'intéressé a relevé appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2 de la directive n° 2010/64/UE du 20 octobre 2010, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles préliminaire et D. 594-3 du code de procédure pénale :
Attendu que, pour écarter l'argumentation du mis en examen selon laquelle il n'avait pas pu s'entretenir avec son avocat à la maison d'arrêt, préalablement au débat contradictoire, faute d'avoir obtenu que lui soit adjoint un interprète, et rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance, l'arrêt attaqué énonce que par courrier du 9 février 2017, le juge d'instruction a fait savoir à Me Gillioen qu'il était tout à fait disposé à établir une réquisition pour qu'il puisse se rendre en détention avec un interprète et préparer les interrogatoires à venir et qu'il appartenait juste au conseil de faire connaître le nom de l'interprète et les jour et heure auxquels il se rendrait en détention avec lui ; que les juges ajoutent qu'il n'appartenait pas en effet au juge d'instruction de faire cette recherche et que l'avocat a, à cette occasion, été informé de la convocation de son client pour le 7 mars 2017, soit un mois plus tard, afin qu'il s'organise pour préparer utilement sa défense ; que les juges retiennent en outre que lors du débat contradictoire du 28 mars 2017 relatif à la prolongation de la détention provisoire, il a été proposé à Me Gillioen de s'entretenir avec son client, en présence d'un interprète, durant la durée qu'il souhaitait dans une pièce jouxtant la salle d'audience et qu'il a refusé en précisant être attendu à une autre audience ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que le conseil de M. X... n'alléguait pas avoir recherché, comme l'y avait invité le juge d'instruction, un interprète disponible sur les listes visées à l'article D. 594-16 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3 de la directive n° 2010/64/UE du 20 octobre 2010 et de la directive n° 2013/48/UE du 22 octobre 2013 :
Attendu que, pour écarter l'argumentation du mis en examen selon laquelle il n'avait pas pu avoir un accès concret et effectif à son avocat en l'absence de traduction écrite des éléments essentiels de la procédure dans un certain délai, et écarter la demande d'annulation de l'ordonnance, l'arrêt retient que les dispositions de l'article préliminaire transposant l'article 3 de la directive n° 2010/64/UE du 20 octobre 2010 ont été parfaitement respectées en l'espèce, dès lors que M. X... a été assisté à tous les stades de la procédure d'un interprète qui lui a donné lecture des actes rédigés ou lui a traduit les motifs et le dispositif des décisions rendues, que son conseil a pu communiquer avec lui sans difficulté et que M. X... a pu exercer sa défense de manière concrète et effective ; que les juges ajoutent que ce n'est que par courrier en date du 15 août 2016 que son conseil a sollicité la traduction écrite de quelques pièces essentielles du dossier dans un délai raisonnable, demande acceptée par le juge d'instruction le 27 septembre 2016 et concrétisée en janvier 2017 et que, à ce jour, la notion de délai raisonnable, qui ne constitue pas un concept autonome du droit de l'Union européenne, apparaît respectée ; que les juges en déduisent que rien ne justifie la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles relatives à l'interprétation des directives susvisées ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués au moyen, dès lors que, d'une part, les dispositions des directives n°2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 et n° 2013/48/UE du 22 octobre 2013 ont été transposées en droit interne par les lois n° 2013-711 du 5 août 2013, n° 2014-535 du 27 mai 2014 et n° 2016-731 du 3 juin 2016 et que par suite, toute demande de traduction de pièces essentielles acceptée par le juge d'instruction doit être satisfaite dans un délai raisonnable, conformément aux dispositions générales de l'article préliminaire du code de procédure pénale et aux dispositions particulières de l'article D. 594-8 du même code, dont la chambre de l'instruction a fait l'exacte application ; d'autre part, à supposer qu'il n'ait pas obtenu l'autorisation de disposer d'une reproduction des pièces traduites, le mis en examen avait la possibilité de les consulter par l'intermédiaire de son avocat, de sorte qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense ;
D'où il suit, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 137 et 144 du code de procédure pénale :
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi DAR ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Soulard, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lagauche ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.