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06/09/2017 | FRANCE | N°16-13879

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 septembre 2017, 16-13879


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant estimé que le départ de M. X..., associé, en compagnie de trois collaborateurs, d'un consultant et de deux secrétaires constituait « un départ, même non concerté, d'un nombre significatif d'associés et/ou de collaborateurs de l'Association », au sens de l'article 12.2.5 du contrat d'association, l'association d'avocats à responsabilité professi

onnelle individuelle Gide Loyrette Nouel (l'association) a refusé, sur le fondemen...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant estimé que le départ de M. X..., associé, en compagnie de trois collaborateurs, d'un consultant et de deux secrétaires constituait « un départ, même non concerté, d'un nombre significatif d'associés et/ou de collaborateurs de l'Association », au sens de l'article 12.2.5 du contrat d'association, l'association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle Gide Loyrette Nouel (l'association) a refusé, sur le fondement de cette disposition, de lui payer l'ensemble de ses droits financiers ; que M. X... a soumis à l'arbitrage du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris le différend l'opposant à l'association, en application de l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Attendu que, pour annuler l'article 12.2.5 du contrat d'association, l'arrêt retient qu'en soumettant le paiement à l'associé retrayant de ses droits financiers, tels que définis au contrat, à la réalisation cumulée de deux conditions, dont la seconde dispose que son retrait ne doit pas s'inscrire dans le cadre d'un départ significatif de plusieurs associés ou collaborateurs, même non concerté, alors que la notion de « départ significatif » n'est pas définie, l'article 12.2.5 porte directement atteinte au libre droit de retrait de l'associé ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une atteinte substantielle au droit de retrait de l'associé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme Y... et quatre-vingt sept autres demandeurs.

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR annulé les dispositions de l'article 12.2.5 du contrat d'association du cabinet Gide Loyrette Nouel, et condamné les associés, pris tant en leur personnel qu'es qualités d'associés de l'association à responsabilité professionnelle individuelle Gide Loyrette Nouel à payer à M. Alban X... la somme de 299 343 euros,

AUX MOTIFS QUE « M. Alban X... est devenu associé de l'ARPI Gide Loyrette Nouel qu'il avait rejoint en 1995 en qualité de collaborateur, à compter du 1er janvier 2002 jusqu'à son départ le 30 septembre 2012 ; que le comité de gestion ayant estimé que son départ en compagnie de trois collaborateurs, d'un consultant et de deux secrétaires était significatif au sens de l'article 12.2.5, l'ARPI Gide Loyrette Nouel a refusé de lui régler les "droits à report" ainsi que le solde de ses "droits notionnels", constituant l'ensemble de ses droits financiers ; que l'article 12.2.5 est ainsi rédigé : "L'associé exclu conformément à l'article 7.1.1 ou démissionnaire autre que quittant définitivement la profession d'avocat perd, à compter de la date de départ, tout droit au report ainsi que le solde de son droit notionnel distribuable et au solde de son droit notionnel bloqué, sauf si les conditions cumulatives suivantes sont réunies : I - il ne fait pas l'objet, à la date de départ, d'une réduction de ses droits financiers conformément à l'article 8.1 ou à l'article 6.1.4 b du contrat, II - son départ ne s'inscrit pas dans le cadre du départ, même non concerté, d'un nombre significatif d'associés et/ou de collaborateurs de l'association ou des entités contrôlées et l'associé concerné a eu un comportement correct vis-à-vis de l'association, notamment au regard des principes du contrat et des circonstances et conditions de son départ" ; que M. Alban X... soutient que cet article porte atteinte au droit de retrait de l'associé et qu'il présente un caractère potestatif, voire léonin ; que l'ARPI Gide Loyrette Nouel, renvoyant la cour à la motivation adoptée par le délégué du bâtonnier, conclut à sa validité ; qu'en soumettant le paiement à l'associé retrayant de ses droits financiers tels que définis au contrat d'association, à la réalisation cumulée de deux conditions dont la deuxième dispose que son retrait ne doit pas s'inscrire dans le cadre d'un départ significatif de plusieurs associés ou collaborateurs, même non concerté, alors que la notion de "départ significatif" n'est pas définie, l'article 12.2.5 du contrat d'association porte ainsi directement atteinte au libre droit de retrait de l'associé et encourt à ce titre l'annulation ; qu'il importe peu à cet effet que par le passé d'autres associés se soient retirés de l'association sans être privés de leurs droits ; que par ailleurs la parfaite connaissance qu'avait M. Alban X... en sa qualité d'associé de l'ARPI Gide Loyrette Nouel des stipulations du contrat d'association ne peut avoir pour effet de le priver de la possibilité d'en demander ultérieurement judiciairement la nullité ; que de même il ne peut être admis qu'en ayant sollicité dans son mail du 18 septembre 2012 la non application des dispositions litigieuses il a ainsi implicitement renoncé à en discuter la validité ; que dès lors que l'article litigieux a été annulé il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur son éventuel caractère de clause pénale ; que, sur les droits financiers dus à M. Alban X..., il n'existe aucune contestation concernant les droits notionnels que les parties reconnaissent s'élever à la somme de 210 110 euros ; qu'en revanche, elles sont en opposition pour le calcul du montant du droit au report ; que, sur le droit au report, aux termes d'un avenant n° 2 à la convention d'association du 26 février 2000, passé le 6 septembre 2002 et portant la signature de M. Alban X..., (nouvel associé avec quelques autres), les droits de celui-ci dans "le report de 2001 sur 2002" ont été fixés à la somme de 122 900, 27 euros ; que M. Alban X..., contrairement à ce qu'a décidé le délégué du bâtonnier et à ce que soutient son contradicteur, estime que cette somme ne peut être déduite de celle devant lui revenir au titre de ce droit ; que, cependant, M. Alban X... reconnaît dans ses écritures que l'article 4 de l'annexé 8 intitulé "Modalités de correction du report revenant à tout associé entré dans l'association à compter du 1er janvier 1989" fait état d'une déduction au titre de "l'année de départ" ; que par ailleurs l'avenant n° 2 susmentionné, se référant expressément à l'annexe 4 de la convention d'association énonce que les nouveaux associés au 1er janvier 2002, dont fait partie M. Alban X..., "ont reçu des droits dans le report de l'année précédant leur première année d'association, droits dont le montant sera déduit des droits qui leur seront attribués à leur départ de l'association" ; que l'article 12.1 du contrat d'association auquel fait référence M. Alban X... pour prétendre que le report d'entrée qui lui a été alloué "a nécessairement déjà été déduit du solde" de son compte d'associé, prévoit les droits revenant à l'associé partant conformément à l'annexe 8 ; que dans ces conditions c'est à juste titre que le délégué du bâtonnier a déduit de la somme revenant à l'intéressé au titre du droit de report celle de 122 900 euros ; que s'agissant du calcul du montant du droit au report, il résulte d'un rapport d'activité consolidée pour l'exercice 2011 que le montant total du report 2011 sur 2012, tel qu'analysé par le cabinet Grant international s'élève à la somme de 18 472 k euros ; que ce document n'est pas critiqué par M. Alban X..., notamment la pertinence de l'analyse à laquelle a procédé le cabinet Grant international alors que le calcul que lui-même livre à l'appui de ses prétentions repose essentiellement sur le tableau de bord qu'il a établi unilatéralement ; que par ailleurs M. Alban X... dénonce l'écart existant entre la prévision du compte associé qui lui a été communiquée le 18 septembre 2012 et la dernière estimation en date du 15 mai 2013 ; qu'il s'avère cependant que dans ses conclusions prises devant le délégué du bâtonnier, auxquelles M. Alban X... se réfère expressément à l'appui de sa contestation (pièce 13) que l'association s'est expliquée sur les variations du ratio découvert à retenir en rappelant que la variation sur une année du compte d'associé est constituée par la différence entre les acomptes perçus en cours d'année par l'associé, qui sont aisément déterminables et la quote-part de celui-ci de droits dans le résultat BNC, qui est délicate à établir dès lors que le retrait se situe aux deux tiers de l'exercice, que l'association compte dix-huit bureaux étrangers et que les BNC pour une performance économique équivalente peuvent fortement varier en fonction des délais de facturation et d'encaissement, critères d'appréciation à l'encontre desquels l'intéressé ne porte aucune critique précise et pertinente ; que dès lors eu égard au pourcentage de 1,15 que représente la part détenue par l'intéressé, le délégué du bâtonnier a ainsi justement retenu au titre du report susceptible de lui être attribué la somme de 212 133 euros de laquelle il a déduit celle de 122 900 euros, soit un solde de 89 233 euros ; […] » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, suivant l'article 12.2.5 du contrat d'association, l'associé démissionnaire perd, à compter de la date de départ, tout droit au report ainsi que le solde de son droit notionnel distribuable et au solde de son droit notionnel bloqué, sauf si les conditions cumulatives suivantes sont réunies : 1) il ne fait pas l'objet, à la date de départ, d'une réduction de ses droits financiers conformément à l'article 8.1 ou à l'article 6.1.4 b du contrat, 2) son départ ne s'inscrit pas dans le cadre du départ, même non concerté, d'un nombre significatif d'associés et/ou de collaborateurs de l'association ou des entités contrôlées et l'associé concerné a eu un comportement correct vis-à-vis de l'association, notamment au regard des principes du contrat et des circonstances et conditions de son départ ; que, pour annuler cette stipulation contractuelle, la cour d'appel a énoncé qu'en soumettant le paiement à l'associé retrayant de ses droits financiers à la réalisation cumulée de deux conditions, la notion de "départ significatif" n'étant pas définie, elle porte directement atteinte au libre droit de retrait de l'associé ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une atteinte substantielle au droit de retrait de l'associé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2°/ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE suivant l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour annuler la clause litigieuse, sans se prononcer sur le caractère proportionné d'une telle sanction au regard des intérêts patrimoniaux légitimes de l'association, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

3°/ALORS, de troisième part, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, dans leurs écritures d'appel (concl., p. 6), les exposants ont invoqué le point 34 de la note publiée par l'ordre des avocats de Paris sur l'association d'avocats, suivant lequel « l'associé retrayant a droit de recevoir sa part de résultat calculée à la date de son retrait selon les dispositions applicables aux bénéfices non commerciaux (à moins que l'association n'ait opté pour l'impôt sur les sociétés) », ce dont ils ont déduit que le principe du non-paiement des bénéfices constaté au sein de GLN.I (bénéfices qui ne peuvent être perçus que dans le cadre d'une distribution de dividendes) est validé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour annuler la clause litigieuse, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, non plus que sur le point de la note du conseil de l'ordre invoquée par les exposants, propres à établir qu'elle ne portait nullement atteinte au droit de retrait de M. Alban X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°/ALORS, de quatrième part, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, dans leurs écritures d'appel (concl., p. 6), les exposants ont invoqué le point 34 de la note publiée par l'ordre des avocats de Paris sur l'association d'avocats, suivant lequel « la question est plus délicate pour les bénéfices que dégageront les comptes clients et les travaux en cours à la date du retrait qui ne seront pas pris en compte dans le calcul des bénéfices non commerciaux. Dans le silence du contrat d'association, et sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, il paraît équitable que l'associé qui se retire ait droit à une part des bénéfices calculée à la date de son retrait en tenant compte des comptes clients et des travaux en cours » ; qu'ils en ont déduit que l'association est en droit de déterminer si l'associé retrayant peut, ou non, recevoir ce qui est qualifié dans le contrat de report ; qu'ils ajoutaient que M. Alban X... n'avait pas été privé de tout droit aux bénéfices, seuls les bénéfices éventuellement réalisés dans le futur (et donc inconnus à la date du retrait) étant visés par la clause litigieuse ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour annuler la clause litigieuse, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, non plus que sur le point 34 de la note du conseil de l'ordre invoquée par les exposants, propres à établir qu'elle ne portait nullement atteinte au droit de retrait de M. Alban X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

5°/ALORS, enfin, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, dans leurs écritures d'appel (concl., p. 6-7), les exposants ont fait valoir que la clause litigieuse ne constituait en aucune manière un empêchement au retrait d'un associé et que la liberté de départ de M. Alban X... était totale, ce que démontre le fait qu'il a rejoint, sans difficulté aucune, le cabinet Jones Day ; qu'ils invoquaient l'attitude de M. Alban X... au moment de son départ, qui avait seulement demandé que la clause ne lui soit pas appliquée et n'avait pas, dans son courriel du 18 septembre 2012 contesté la décision du comité, émettant, au contraire, un remerciement ; qu'ils précisaient qu'entre le 31 mars 2011 et le 15 avril 2013, 22 associés avaient quitté le cabinet, dont 14 s'étaient vus appliquer la clause litigieuse, de sorte qu'elle n'était pas de nature à interdire aux associés de le quitter ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions propres à établir que la clause litigieuse ne portait nullement atteinte au droit de retrait de M. Alban X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-13879
Date de la décision : 06/09/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 sep. 2017, pourvoi n°16-13879


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13879
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