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11/07/2017 | FRANCE | N°16-83932

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2017, 16-83932


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Mme Agnès X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 28 avril 2016, qui, pour dénonciation calomnieuse, l'a condamnée à 2 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 juin 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ricard, conse

iller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Mme Agnès X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 28 avril 2016, qui, pour dénonciation calomnieuse, l'a condamnée à 2 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 juin 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 226-10 du code pénal et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Mme X... coupable des faits de dénonciation calomnieuse qui lui étaient reprochés et l'a condamnée, sur l'action pénale, à une amende de 2 000 euros avec sursis et, sur l'action civile, à payer à M. Y... une indemnité de 1 500 euros au titre de son préjudice moral ;

"aux motifs qu'en application de l'alinéa 1 de l'article 226-10 du code pénal, la dénonciation faits la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ; que, selon les dispositions du même article, la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée ; qu'en l'espèce, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu Mme X... dans les liens de la prévention ; qu'en effet Mme X... a dénoncé aux services de police des faits de viol qu'elle imputait alors à M. Y... ; que cependant l'information judiciaire qui s'en est suivie a été clôturée par une ordonnance de non-lieu dans laquelle le juge d'instruction expose que le seul élément matériel recueilli, à savoir la présence de sperme sur des vêtements de la victime, pouvait s'expliquer par l'existence quelques semaines auparavant d'une reprise de relations sentimentales et intimes entre les intéressés ; que, selon cette ordonnance, le délai écoulé entre les faits dénoncés et le dépôt de plainte ne permettait pas d'établir que la plaignante portait ces vêtements le jour des faits ; que le juge d'instruction pointait aussi le fait qu'aucun élément extérieur aux déclarations de Mme X... ne venait accréditer ses accusations ; qu'ainsi, il ne résultait aucune charge précise, lourde et concordante contre M. Y..., d'avoir commis les faits de viol dénoncés ; que M. Y... n'a pas été mis en examen par le juge d'instruction qui l'a placé sous le statut de témoin assisté ; que la fausseté du fait dénoncé par Mme X... résulte nécessairement des termes de l'ordonnance de non-lieu rendue par le magistrat instructeur, ordonnance devenue définitive ; que la cour confirmera donc la décision de culpabilité ainsi que la peine de 2 000 euros d'amende avec sursis prononcée qui constitue une juste appréciation de la gravité des faits commis au regard de la situation personnelle, sociale et pénale de Mme X... qui n'a jamais été condamnée par le passé ; que compte tenu de la nature des faits et de l'absence de toute condamnation antérieure, il convient de faire droit à la demande de non inscription de cette peine au bulletin numéro 2 du casier judiciaire de Mme X... ;

"1°) alors qu'aux termes de l'article 226-10 du code pénal la fausseté du fait ne résulte nécessairement d'une ordonnance de non-lieu devenue définitive que si celle-ci a déclaré que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée ; que dans les autres cas, le tribunal apprécie la pertinence des accusations portées par le dénonciateur ; qu'en l'espèce, il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que l'ordonnance de non-lieu, devenue définitive, n'a ni déclaré que les faits dénoncés par Mme X... n'avaient pas été commis, ni qu'ils n'auraient pas été imputables à M. Y... mais a seulement constaté que les éléments matériels existants étaient insuffisants pour renvoyer ce dernier devant le tribunal correctionnel ; que la cour d'appel ne pouvait donc, comme elle l'a fait, déduire la fausseté du fait dénoncé de la seule existence d'une ordonnance de non-lieu devenue définitive ;

"2°) alors que dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait entrer dans les liens de la prévention sans avoir au préalable apprécié la pertinence des accusations portées par Mme X..., ce qu'elle n'a pas fait ;

"3°) alors que la cour d'appel, qui a retenu la culpabilité de Mme X... sans même avoir consacré un mot à l'élément intentionnel de l'infraction, a statué comme s'il s'agissait d'une infraction purement matérielle et ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 121-3 et 226-10 du code pénal" ;

Vu l'article 226-10 du code pénal ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'il appartient à la juridiction
saisie de poursuites pour dénonciation calomnieuse, d'apprécier la pertinence des accusations lorsque les faits dénoncés ont donné lieu à une décision de non-lieu fondée sur d'autres motifs que l'absence de commission des faits ou de leur imputabilité à la personne dénoncée ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 5 août 2009, Mme Agnès X... a déposé une plainte reprochant à son époux, M. Roger Y..., des faits de viol commis le 20 juin précédent, alors que, tout en résidant séparément, elle s'était rendue chez ce dernier afin d'évoquer le déroulement de la garde de leur fils durant les vacances scolaires ; que l'information, ouverte de ce chef, au cours de laquelle M. Y... a été entendu en qualité de témoin assisté, a été clôturée par une ordonnance de non-lieu, faute d'élément matériel suffisant permettant d'appuyer les déclarations de Mme X... quant à la réalité des faits dénoncés ; que M. Y... ayant déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse, Mme X... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de ce chef ; que cette juridiction l'a déclarée coupable des faits qui lui étaient reprochés ; que la prévenue a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens en retenant notamment que la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement des termes de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, ordonnance devenue définitive ;

Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, alors que la décision de non-lieu ne constate pas que les faits dénoncés par Mme X... n'ont pas été commis, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 28 avril 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-83932
Date de la décision : 11/07/2017
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DENONCIATION CALOMNIEUSE - Faits dénoncés - Fausseté - Décision d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu - Conditions - Détermination - Portée

Il appartient à la juridiction saisie de poursuites pour dénonciation calomnieuse d'apprécier la pertinence des accusations lorsque les faits dénoncés ont donné lieu à une décision de non-lieu fondée sur d'autres motifs que l'absence de commission des faits ou leur imputabilité à la personne dénoncée. Encourt la cassation l'arrêt qui déclare le prévenu coupable du délit prévu à l'article 226-10 du code pénal sans avoir procédé à cette appréciation, alors que la procédure relative aux faits dénoncés avait été conclue par une décision de non-lieu ne constatant pas que ces derniers n'avaient pas été commis


Références :

article 226-10 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 28 avril 2016

Sur la nécessité pour la juridiction saisie de poursuites pour dénonciation calomnieuse d'apprécier la pertinence des accusations lorsque les faits dénoncés donnent lieu à un classement sans suite, à rapprocher :Crim., 12 octobre 2010, pourvoi n° 10-80157, Bull. crim. 2010, n° 154 (cassation partielle)

arrêt citéSur l'insuffisance d'une décision définitive de relaxe retenant que la réalité des faits n'étaient pas démontrée, à rapprocher :Crim., 6 mai 2014, pourvoi n° 13-84376, Bull. crim. 2014, n° 122 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2017, pourvoi n°16-83932, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Lemoine
Rapporteur ?: M. Ricard
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.83932
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