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28/06/2017 | FRANCE | N°17-80055

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 juin 2017, 17-80055


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Aissa X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1ère section, en date du 12 décembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viols aggravés et agressions sexuelles aggravées, a prononcé sur sa demande de nullité d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 mai 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pe

rs, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, Farrenq...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Aissa X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1ère section, en date du 12 décembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viols aggravés et agressions sexuelles aggravées, a prononcé sur sa demande de nullité d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 mai 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Guého, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Quintard ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général QUINTARD ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 20 février 2017, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que des prélèvements biologiques ont été recueillis sur les lieux de commission de plusieurs viols et agressions sexuelles en Essonne, entre 1995 et 2001 ; qu'une information judiciaire a été ouverte au cours de laquelle le profil génétique de l'auteur présumé et non identifié a été enregistré au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et rapproché des caractéristiques génétiques d'individus précédemment répertoriés ; que les investigations demeurant vaines, l'information a été clôturée par une ordonnance de non-lieu en date du 28 septembre 2005 ; qu'à la suite de l'ouverture d'une nouvelle information, le juge d'instruction a ordonné, le 14 avril 2014, une expertise de rapprochements en parentèle confiée au chef de service central d'identité judiciaire chargé de l'application du FNAEG destinée notamment à ce qu'il soit procédé, dans la base de données du fichier, à des rapprochements en ligne directe entre une des traces inconnues enregistrée en 2009 et des individus signalisés en application des alinéas1 et 2 de l'article 706-54 du code de procédure pénale ; que, le même jour, le juge a délivré une commission rogatoire tendant à ce que les enquêteurs de la brigade criminelle de la direction régionale de la police judiciaire de Versailles exploitent les résultats de la demande d'expertise en parentèle ainsi diligentée ; que l'expertise a établi la proximité génétique de 29 personnes ; que les enquêteurs ont procédé ensuite à des investigations sur les ascendants ou descendants, puis de façon horizontale sur les collatéraux de ces personnes ; que M. Aissa X..., frère de M. Abdelhamid X..., individu ciblé par la parentèle, a été interpellé ; qu'à la suite des résultats d'un rapport d'expertise indiquant que son profil génétique était identique au profil masculin inconnu enregistré en 2009, il a été mis en examen pour viols, tentative de viol et agressions sexuelles ; que, par requête du 30 juin 2016, il a demandé l'annulation de la procédure ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 34 de la Constitution, 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-5 du code pénal, 16-10 et 16-11 du code civil, L. 112-1 du code de justice administrative, préliminaire, 706-54 à 706-56-1, R. 53-9 à R. 53-21, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité de la recherche ADN en parentalité ;
" aux motifs que, par ordonnance du 14 avril 2014 (D 978), le juge d'instruction, constatant que les rapprochements " en parentèle " semblaient devoir être le seul moyen d'enquête à même de permettre l'identification d'un suspect, a commis le chef du service central d'identité judiciaire,- direction d'application du FNAEG aux fins d'expertise, à savoir :
- de prendre connaissance du profil génétique masculin inconnu enregistré en 2009 en qualité de « trace inconnue » sous le numéro de gestion CB 400162093000 à partir du scellé n° 4 de la procédure n° 97/ 01913 du SRPJ de Versailles (victime Mme Y...) ; pour information, cette trace a fait l'objet d'un rapport de rapprochement avec le profil génétique masculin inconnu caractérisé à partir de la trace inconnue n° de gestion CB 100004071000 enregistrée eni2003 (scellé n° 1 de la procédure n° 1400/ 2009 de la DRPJ de Versailles (scellé n° 1, victime Mme Z...) (rapport de rapprochement ci-joint) ;
- de procéder, dans la base de données du FNAEG, à des rapprochements en parentèle en ligne directe entre cette trace inconnue et des individus signalisés en application des alinéas 1 et 2 de l'article 706 · 54 du code de procédure pénale ; qu'il conviendra de présenter les éventuels résultats des rapprochements de données par groupes constitués en fonction du nombre de marqueurs en commun, de procéder dans la base de données du FNAEG, à un rapprochement entre cette trace inconnue et les profils génétiques des personnes disparues (à l'exclusion de la parentèle de ces personnes disparues) et des cadavres non identifiés dans l'hypothèse où l'auteur des faits serait décédé ou disparu ; que plus généralement, faire tout acte utile à la manifestation de la vérité. " ; que le rapport d'expertise a été reçu par le juge d'instruction le 3 octobre 2014 ; que depuis 1997 il était enquêté sur une série très importante de viols, viols aggravés, viols, tentatives de viols, agressions sexuelles aggravées et agressions sexuelles (au total près d'une cinquantaine d'agressions sexuelles) ; que dans un premier temps, une ordonnance de non-lieu avait été délivrée, faute de découverte du ou des auteurs de ces agressions ; qu'il ressort de l'analyse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que pour cette juridiction, " il est hors de doute que la lutte contre la criminalité, et notamment contre le crime organisé et le terrorisme, qui constitue l'un des défis auxquels les sociétés européennes doivent faire face à l'heure actuelle, dépend dans une large mesure de l'utilisation des techniques scientifiques modernes d'enquête et d'identification " ; que le protocole du 1er octobre 2012 relatif aux rapprochements dits " en parentalité " dans le FNAEG, signé de la directrice des affaires criminelle et des grâces, du directeur général de la police nationale et du directeur général de la gendarmerie nationale, a été conclu au visa des articles 706 · 54 à 706-56 · 1 et R. 53-9 à R. 53-21 du code de procédure pénale ; qu'il y est mentionné que la recherche " en parentalité " parait régulière au regard de la finalité du fichier, " faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions " dès lors que l'article 706-54 ne précise pas si cette identification doit être directe ou indirecte ; qu'ainsi qu'il est exposé dans l'introduction du protocole, la recherche " en parentalité ", qui est une technique de recherche en vue de l'identification de l'auteur d'une infraction consistant à comparer les résultats des analyses d'identification par empreintes génétiques d'une part, d'une trace biologique issue d'une personne inconnue d'autre part, des échantillons biologiques prélevés soit dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction soit sur des personnes définitivement condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 du code de procédure pénale, s'inscrit directement dans la finalité principale du FNAEG, qui a lui-même été créé par la loi 98-468 du 17 juin 1998 ; que le protocole détermine strictement les cas dans lesquels il peut être recouru à la recherche de parentèle ainsi que les conditions de réalisation de cette recherche (article 2, article 4) ; que pour ces raisons, il ne peut être soutenu que ce protocole est intervenu en violation du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, qu'il n'est pas conforme à la loi et n'a aucune valeur normative ; que conformément au protocole, dans la présente procédure, la recherche en parentèle effectuée en 2014 est intervenue sur une des infractions prévues par l'article 706-47 du code de procédure pénale auquel se réfère l'article 706-55 du code de procédure pénale (article 2 du protocole) ; que le protocole prévoit que la recherche dite " en parentalité " est réservée aux enquêtes diligentées dans le cadre d'une instruction préparatoire ; que tel était bien le cas en l'espèce comme exposé ci-dessus, l'expertise en parentèle ayant été effectuée sous le contrôle d'un juge d'instruction ; qu'il est indiqué dans le rapport d'expertise que les recherches ont été réalisées uniquement en recherche de la parentèle, en ligne directe, par rapport au profil génétique soumis à la recherche, ce en conformité avec l'article 4 du protocole ; que, par ailleurs que l'article 16-10 du code civil dispose que l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique ; que le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen ; que l'article 16-11 de ce code dispose que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que, dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ; qu'en l'espèce, la recherche en parentèle effectuée par le service central d'identité judiciaire en 2014 devait permettre, par une comparaison de l'empreinte génétique référencée sous le numéro de code-barres 400162093000 avec les empreintes génétiques d'autres personnes, d'identifier celui qui serait susceptible d'être l'auteur des agressions sexuelles objet de l'instruction ; qu'il n'a pas été procédé à un examen des caractéristiques génétiques de la personne, examen régi par l'article 16-10 précité ; que seul l'examen des caractéristiques génétiques de la personne, hors le cadre prévu par l'article 16-10, porte atteinte aux droits de la personne ; qu'en conséquence que ce chef de nullité sera également rejeté ;

" 1°) alors qu'il résulte de l'article 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, que toute ingérence dans le droit au respect de la vie privée doit reposer sur une base légale suffisamment accessible et prévisible ; que selon la Cour européenne (CEDH, Grande Chambre, 4 décembre 2008, S. et Marper c. Royaume-Uni, Req. n° 30562/ 04, § 39), constitue une ingérence particulièrement grave l'utilisation de la base de données ADN pour la recherche de personnes apparentées à une personne inconnue dont les données génétiques ont été relevées ; que le protocole du 1er octobre 2012, signé entre la direction des affaires criminelle et des grâces, le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, qui n'a fait l'objet d'aucune publication, ne constitue pas une base légale satisfaisant aux exigences européennes ; que la chambre de l'instruction ne pouvait se borner, pour répondre à ce moyen conventionnel, à relever qu'« il ressort de l'analyse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que pour cette juridiction, « il est hors de doute que la lutte contre la criminalité, et notamment contre le crime organisé et le terrorisme, qui constitue l'un des défis auxquels les sociétés européennes doivent faire face à l'heure actuelle, dépend dans une large mesure de l'utilisation des techniques scientifiques modernes d'enquête et d'identification », et se retrancher derrière l'existence du protocole précité ;
" 2°) alors que la recherche ADN « en parentèle », qui consiste à rechercher dans le FNAEG les proches biologiques d'un suspect à partir d'une trace inconnue, n'est légalement prévue que depuis la création de l'article 706-56-1-1 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 ; qu'en l'espèce, par ordonnance du 14 avril 2014, le juge d'instruction a commis le chef du service central d'identité judiciaire à fin d'effectuer des rapprochements « en parentèle » à partir d'une trace de sperme prélevée le 9 octobre 1997 ; que la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale en justifiant le recours cette méthode par l'existence d'un simple protocole, signé le 1er octobre 2012 et pour une durée de trois ans entre la direction des affaires criminelle et des grâces, le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, lequel constitue un simple exposé d'intentions manifestement dépourvu de toute valeur juridique ;
" 3°) alors qu'en tout état de cause, le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; qu'à supposer que le protocole du 1er octobre 2012 soit considéré comme constituant un fondement juridique pour la recherche ADN « en parentèle », ses stipulations sont de nature réglementaire ; qu'a violé le principe constitutionnel susvisé la chambre de l'instruction qui s'est fondée, pour justifier la mise en oeuvre de cette procédure, sur ce texte qui procède d'une méconnaissance de la compétence du législateur et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ;
" 4°) alors qu'en outre, il résulte du dernier alinéa de l'article 706-54 du code de procédure pénale qu'un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés détermine les modalités d'application de cette disposition relative au FNAEG ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a nécessairement privé sa décision de base légale en se fondant sur le protocole litigieux, qui ne porte ni la signature du Premier ministre ni celle du Président de la République, ne s'apparente pas à un décret en Conseil d'Etat, et a été conclu sans aucune consultation de la Commission nationale informatique et libertés ;
" 5°) alors qu'enfin, en prétextant que « seul l'examen des caractéristiques génétiques de la personne, hors le cadre prévu par l'article 16-10 (du code civil), porte atteinte aux droits de la personne », et en se référant à l'article 16-11 du même code qui dispose que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques peut être recherchée, notamment, dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire, lorsque la violation de ces dispositions n'avait jamais été alléguée par le demandeur, et qu'elles sont sans rapport avec la méthode d'exploitation du FNAEG dénoncée, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs totalement inopérants " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, du protocole du 1er octobre 2012 relatif aux rapprochements dits « en parentalité » dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques relatif, préliminaire, 81, 151, 152, 706-54 à 706-56-1, R. 53-9 à R. 53-21, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité de la recherche ADN en parentalité ;
" aux motifs qu'il est exposé dans la requête que le protocole du 1er octobre 2012 dispose que la recherche est effectuée en ligne directe uniquement et non collatérale ; que les enquêteurs étaient chargés en exécution de la commission rogatoire du 14 avril 2014 d'exploiter les résultats de la demande d'expertise en parentèle ; qu'ils devaient donc limiter leurs rapprochements aux individus en ligne directe, ascendants et descendants, que l'expertise aurait permis de cibler ; que le rapport de synthèse révèle que les enquêteurs ont travaillé d'autorité, en contradiction avec la mission donnée, de manière horizontale, sur les frères des personnes ciblées ; que ces investigations sont donc irrégulières ; que par commission rogatoire du 14 avril 2014, il était demandé au directeur de la DRPJ de Versailles notamment, sur le point touchant à l'identification de l'auteur, d'exploiter les résultats de la demande d'expertise en parentèle diligentée auprès du FNAEG et également de faire toute investigation utile à la manifestation de la vérité ; qu'ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, l'expertise en parentèle a été effectuée, conformément aux dispositions du protocole du 1er octobre 2012 en son article 4, exclusivement en ligne directe par rapport au profil génétique soumis à la recherche, soit également en respect des dispositions de la commission rogatoire du 14 avril 2014 ; que les enquêteurs de la police judiciaire étaient saisis aux fins " d'exploiter les résultats de la demande d'expertise en parentèle " ; que, saisis de cette délégation précise, il entrait dans leur mission d'investigation, ainsi qu'exprimé dans la commission rogatoire, de travailler sur les résultats de l'expertise en parentèle, ce qui leur permettait, au vu de résultats négatifs sur les 29 personnes ciblées par la parentèle, de faire porter leurs investigations sur les frères de chacune de ces vingt-neuf personnes ; qu'en effet, selon les dispositions du protocole du 1er octobre 2012 et de la commission rogatoire du 14 avril 2014, seule la recherche en parentalité devait se faire en ligne directe ; que l'impossibilité que la comparaison soit effectuée en ligne collatérale ne s'imposait que dans le cadre des opérations d'expertise dite en parentalité et pas aux enquêteurs, lesquels n'opéraient pas de " comparaison " au sens de l'expertise mais, conformément à leur mission et plus généralement aux missions de police judiciaire, des investigations aux fins de recherche de l'auteur des infractions objet de l'instruction ; que les investigations menées par les enquêteurs sur ce point de la commission rogatoire du 14 avril 2014 ne sont donc pas irrégulières ; qu'elles ne seront donc pas annulées ; qu'en conséquence que ce chef de nullité sera également rejeté ; que la requête en nullité formée au nom de M. Aïssa X... sera donc rejetée ;
1°) alors que, à supposer que le protocole du 1er octobre 2012 ait pu suffire de fondement à une recherche ADN « en parentèle », celui-ci autorisait exclusivement les recherches « en ligne directe », c'est-à-dire ciblant les ascendants et les descendants de la personne correspondant à la trace inconnue, et non ses collatéraux ; qu'il résulte pourtant en l'espèce des éléments de la procédure que la recherche mise en oeuvre a permis d'identifier dans le FNAEG, M. Abdelhamid X..., frère du demandeur ; que ce résultat ne pouvait donc être exploité ; que la chambre de l'instruction n'était dès lors pas fondée à prétendre, pour refuser d'annuler l'expertise, que « l'expertise en parentèle a été effectuée, conformément aux dispositions du protocole du 1er octobre 2012 en son article 4, exclusivement en ligne directe par rapport au profil génétique soumis à la recherche ;
" 2°) alors qu'en tout état de cause, la commission rogatoire délivrée par le magistrat instructeur prescrivait expressément aux enquêteurs « de procéder, dans la base de données du FNAEG, à des rapprochements en parentèle en ligne directe entre cette trace inconnue et des individus signalés » ; que la recherche ayant abouti à l'identification d'un collatéral, ce résultat ne pouvait être exploité sans que les enquêteurs excèdent les pouvoirs qu'ils tenaient de la commission rogatoire ;
" 3°) alors qu'enfin, si la recherche ADN « en parentèle » ne peut être mise en oeuvre qu'en ligne directe, cette restriction implique également qu'au stade de l'exploitation du résultat, les enquêteurs s'abstiennent de toute recherche sur les collatéraux de la personne ciblée ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que les enquêteurs n'ayant obtenu que « des résultats peu « révélateurs » en travaillant sur les ascendants et descendants », ils ont décidé de « travailler de manière « horizontale », à savoir sur les frères des personnes ciblées » ; que c'est en violation des textes précités, et notamment de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, que la chambre de l'instruction a cru pouvoir affirmer que « seule la recherche en parentalité devait se faire en ligne directe ; que l'impossibilité que la comparaison soit effectuée en ligne collatérale ne s'imposait que dans le cadre des opérations d'expertise dite en parentalité et pas aux enquêteurs, lesquels n'opéraient pas de « comparaison » au sens de l'expertise mais, conformément à leur mission et plus généralement aux missions de police judiciaire, des investigations aux fins de recherche de l'auteur des infractions objet de l'instruction " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter la requête en nullité de la recherche en parentèle, l'arrêt retient que l'expertise devant permettre, par une comparaison de l'empreinte génétique trouvée dans le prélèvement correspondant au scellé n° 4 avec les empreintes génétiques d'autres personnes, d'identifier celui qui serait susceptible d'être l'auteur des agressions sexuelles objet de l'instruction, a été effectuée exclusivement en ligne directe par rapport au profil génétique soumis à la recherche, conformément au protocole signé le 1er octobre 2012 par la directrice des affaires criminelles et des grâces, le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale et qui, au visa des articles 706-54 à 706-56-1 et R. 53-9 à R. 53-21 du code de procédure pénale, prévoyait le recours aux rapprochements dits " en parentalité " dans le FNAEG dès lors que cette technique de recherche s'inscrit directement dans la finalité du fichier qui est de " faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions ", l'article 706-54 ne précisant pas si cette identification doit être directe ou indirecte ; que, s'agissant de l'exécution de la commission rogatoire, les enquêteurs étaient saisis aux fins " d'exploiter les résultats de la demande d'expertise en parentèle ", ce qui leur permettait de faire porter leurs investigations sur les frères des personnes ciblées en parentèle, seule la recherche en parentalité devant se faire en ligne directe ; que les juges ajoutent que l'impossibilité que la comparaison soit effectuée en ligne collatérale ne s'imposait que dans le cadre des opérations d'expertise dite en parentalité et pas aux enquêteurs, lesquels n'opéraient pas de " comparaison " au sens de l'expertise mais, conformément à leur mission et plus généralement aux missions de police judiciaire, des investigations aux fins de recherche de l'auteur des infractions objet de l'instruction ;

Attendu que, si c'est à tort que la chambre de l'instruction a fondé sa décision sur le protocole susmentionné signé le 1er octobre 2012, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors que les articles 81, 706-54 et suivants du code de procédure pénale permettaient au juge d'instruction d'ordonner une expertise ayant pour objet l'identification et la recherche des auteurs des crimes et délits mentionnés par l'article 706-55 dudit code en sélectionnant, par une comparaison avec le profil génétique identifié comme étant celui de l'auteur de l'infraction, parmi les personnes enregistrées dans la base de données, celles qui étaient susceptibles de lui être apparentées en ligne directe, la liste proposée pouvant exceptionnellement comporter des collatéraux de l'auteur recherché, du fait que leurs profils génétiques auraient des caractéristiques analogues à celles d'ascendants ou de descendants ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-54 à 706-56-1, R. 53-9 à R. 53-21, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen tiré de l'expertise réalisée sur le scellé n° 4 ;
" aux motifs que le scellé n° 4 a fait l'objet, après l'expertise réalisée en 1997 par M. A..., docteur du CHU de Nantes, d'une conservation à-20° C (D 133) ; qu'en 2009, lorsque le brigadier B...contactait le service biologie du CHU de Nantes afin qu'il soit procédé à une nouvelle analyse des scellés, il apprenait de Mme C...qu'un seul scellé, le scellé n° 4, un prélèvement de sperme, était stocké dans leur service, à température ambiante ; que le rapport d'expertise de 2009 mentionne effectivement que ce scellé était conservé à température ambiante et que ce scellé complet était envoyé au SCPPB ; que la requête en nullité soulève les irrégularités qui auraient affecté la conservation de ce scellé pour demander que l'expertise effectuée en 2009 soit déclarée nulle ; qu'en même temps, il est exposé dans la requête qu'aucun texte ne régit à ce jour le " conditionnement normalisé " prévu par l'article R. 53-20 du code de procédure pénale depuis le décret du 18 mai 2000 ; que l'article R. 53-20 précité dispose depuis le décret 2000-413 du 18 mai 2000 que les scellés contenant des échantillons de matériel biologique saisis et ayant fait l'objet d'un conditionnement normalisé sont conservés par le SCPPB ; que le décret 2004-470 du 25 mai 2004 prévoit que le conditionnement est normalisé selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de la justice, garde des sceaux, du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense ; que l'arrêté évoqué dans les deux décrets précités n'a pas été adopté à ce jour ; que donc si des normes techniques (température, hygrométrie) sont respectées par le SCPPB pour garantir une conservation optimale des scellés qu'il reçoit ainsi qu'il est exposé dans la circulaire de la DACG du 20 juillet 2001, aucun texte ne fixe les modalités du conditionnement normalisé des scellés relatifs aux traces biologiques issues de personnes inconnues recueillies dans le cadre d'une enquête préliminaire, d'une enquête pour crime ou délit flagrant, ou d'une instruction préparatoire ; qu'aucune irrégularité ne peut donc avoir été commise à cet égard ; qu'il doit être constaté s'agissant du scellé n° 4 qu'il a été conservé de 1998 à 2009 au CHU de Nantes et qu'ayant fait l'objet d'une nouvelle expertise en 2009 à l'institut génétique Nantes Atlantique, ce dernier, une fois l'expertise réalisée, envoyait le scellé complet au SCPPB ; que ce scellé n'a donc pas été conservé de longues années au greffe du tribunal de grande instance comme dans l'espèce invoquée dans la requête ayant donné lieu à arrêt de la cour de révision, mais au CHU de Nantes,- institut de biologie-laboratoire de génétique moléculaire, donc dans un milieu médical protégé, même s'il était découvert en 2009, en vue de la nouvelle expertise, conservé à température ambiante ; que ce chef de la requête en nullité sera donc rejeté ;
" 1°) alors qu'il découle de l'article R. 53-20 du code de procédure pénale tel qu'issu du décret n° 2004-470 du 25 mai 2004 que les scellés contenant du matériel génétique font l'objet d'un conditionnement normalisé selon des modalités devant être fixées par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre de l'intérieur ; qu'aucun arrêté n'est pourtant intervenu ; que la chambre de l'instruction ne pouvait s'appuyer sur cette carence réglementaire pour considérer « qu'aucune irrégularité ne peut donc avoir été commise à cet égard ;
" 2°) alors que le décret n° 2000-413 du 18 mai 2000 relatif au fichier national automatisé des empreintes génétiques a créé le Service Central de Préservation des Prélèvements Biologiques (SCPPB), astreint à des normes techniques de conservation des scellés ; qu'en l'espèce, le prélèvement objet de l'analyse critiquée a été réalisé le 9 octobre 1997, pour n'être transmis au SCPPB qu'en 2009, après avoir fait l'objet d'une nouvelle expertise ; que la chambre de l'instruction, qui constatait que ce prélèvement était resté près de neuf ans dans un laboratoire privé sans avoir été transmis au service national seul habilité à recevoir ce type de scellé, ne pouvait refuser d'accueillir le moyen de nullité ;
" 3°) alors que la chambre de l'instruction, qui constatait qu'en 1997 un rapport d'expertise avait prescrit la conservation du sperme à une température de moins vingt degrés, et qu'il avait été découvert en 2009 « conservé à température ambiante », ne pouvait écarter le moyen tiré de l'irrégularité des conditions de conservation de ce matériel génétique ;
" 4°) alors qu'il découle de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme que le droit interne doit contenir des garanties de nature à conserver les données à caractère personnel enregistrées et à protéger efficacement contre les usages impropres et abusifs ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments de la procédure que l'analyse ADN ayant servi de base à la recherche en parentalité a été réalisée en 2009 sur un prélèvement de sperme datant d'octobre 1997, et conservé entre-temps dans un laboratoire privé malgré la création en 2000 du SCPPB ; qu'il a été retrouvé à température ambiante lorsque le rapport d'expertise établi en 1998 prescrivait sa conservation à moins vingt degrés ; que dans ces conditions, il appartenait à la chambre de l'instruction de constater que la conservation et l'exploitation ultérieure de cet ADN n'a pas fait l'objet de garanties adéquates au sens des exigences conventionnelles ;
" 5°) alors qu'enfin, en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le juge interne a la « responsabilité de veiller au respect du droit à un procès équitable de ceux qui comparaissent devant lui et, en particulier, de s'assurer que l'équité de la procédure n'est pas compromise par les conditions dans lesquelles les éléments sur lesquels il se fonde ont été recueillis » (CEDH, El Haski c. Belgique, 25 septembre 2012, n° 649/ 08) ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'ADN objet de l'expertise réalisée en 2009, qui constitue un matériel biologique particulièrement fragile, n'a fait l'objet d'aucune précaution de conservation particulière ; que la chambre de l'instruction se devait dès lors de constater une violation du droit à un procès équitable et des droits de la défense " ;
Attendu que, pour refuser de faire droit à la requête du demandeur tendant à l'annulation de l'expertise effectuée en 2009 et relative au scellé d'un prélèvement n° 4 portant l'empreinte génétique de l'auteur de l'une des infractions en raison de sa conservation irrégulière par les enquêteurs, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que l'authenticité et l'intégrité du scellé ne sont pas contestées et que l'expert a procédé aux opérations d'expertise, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80055
Date de la décision : 28/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FICHIER NATIONAL AUTOMATISE DES EMPREINTES GENETIQUES - Données - Exploitation - Identification et recherche de l'auteur d'une infraction - Expertise - Recherche en parentalité - Régularité - Conditions - Application antérieure à la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016

INSTRUCTION - Pouvoirs du juge - Expertise - Analyse de l'ADN - Fichier national automatisé des empreintes génétiques - Recherche en parentalité - Régulartié - Conditions - Application antérieure à la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016

Antérieurement à la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 ayant introduit l'article 706-56-1-1 du code de procédure pénale, les articles 81, 706-54 et suivants dudit code permettaient au juge d'instruction d'ordonner une expertise ayant pour objet l'identification et la recherche des auteurs des crimes et délits mentionnés par l'article 706-55 dudit code en sélectionnant, par une comparaison avec le profil génétique identifié comme étant celui de l'auteur de l'infraction, parmi les personnes enregistrées dans la base de données, celles qui étaient susceptibles de lui être apparentées en ligne directe, la liste proposée pouvant exceptionnellement comporter des collatéraux de l'auteur recherché, du fait que leurs profils génétiques auraient des caractéristiques analogues à celles d'ascendants ou de descendants


Références :

articles 81 et 706-54 et suivants du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 12 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jui. 2017, pourvoi n°17-80055, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Quintard
Rapporteur ?: Mme Harel-Dutirou
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:17.80055
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