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14/06/2017 | FRANCE | N°15-26953

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 juin 2017, 15-26953


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article L. 622-20 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 17 octobre 2008, M. Y... et la société Evacom BV (la société Evacom) ont cédé à la société LSO international (la société LSO), filiale des sociétés BCD et BCD Management et dirigée par M. A..., les titres qu'ils détenaient dans la société D... Y... E... (la société MMA) pour un prix payable pour moitié à la signature de l'acte, l

e solde devant être réglé les 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009 selon des modalités dét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article L. 622-20 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 17 octobre 2008, M. Y... et la société Evacom BV (la société Evacom) ont cédé à la société LSO international (la société LSO), filiale des sociétés BCD et BCD Management et dirigée par M. A..., les titres qu'ils détenaient dans la société D... Y... E... (la société MMA) pour un prix payable pour moitié à la signature de l'acte, le solde devant être réglé les 31 décembre 2008 et 31 décembre 2009 selon des modalités déterminées ; qu'en application du protocole d'accord signé à cette occasion, la société MMA a été absorbée par la société LSO et M. Y... a été désigné en qualité de dirigeant de cette dernière ; qu'en raison de difficultés de trésorerie révélées immédiatement après la réalisation de la cession, M. Y... a déclaré la cessation des paiements de la société LSO, laquelle a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 13 février 2008 et 27 mars 2009 ; que l'expert, désigné aux fins de déterminer la date réelle de la cessation des paiements et les causes de celle-ci, a relevé que, dès 2004, la société LSO était dans une situation structurellement déficitaire, et que l'état de cessation des paiements, caractérisé dès le troisième trimestre 2007, avait été causé, d'une part, par la mauvaise gestion de M. A..., lequel faisait payer par la société la quasi-totalité de ses frais personnels, d'autre part, par la société Ersnt etamp;amp; Young, commissaire aux comptes, qui avait artificiellement augmenté les résultats de la société et n'avait pas révélé aux actionnaires le comportement de M. A..., et enfin, par la société BCD qui, non seulement, n'avait pas soutenu sa filiale, mais s'était fait verser des dividendes de façon anormale ; qu'après avoir régulièrement déclaré leur créance de complément du prix de cession au passif de la procédure collective, M. Y... et la société Evacom ont assigné M. A..., les sociétés Ernst etamp;amp; Young et BCD en paiement de dommages-intérêts, pour le solde impayé du prix de vente et la perte de la possibilité d'un complément de prix, outre la perte de la rémunération garantie à M. Y... ;

Attendu que, pour déclarer ces demandes irrecevables, l'arrêt retient que les réclamations portent sur des sommes qui ont été déclarées au passif de la procédure collective de la société LSO et trouvent leur cause dans la mise en liquidation judiciaire de la société qui n'a pu payer ses dettes ; qu'il en déduit que le préjudice allégué, qui n'a pu naître indépendamment de toute procédure collective, est identique à celui qui a été subi indistinctement et collectivement par tous les créanciers ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans distinguer entre le préjudice résultant de l'impossibilité pour les cédants de se faire payer par la société LSO leur créance résultant du solde du prix de cession, lequel ne constitue qu'une fraction du passif collectif dont l'apurement est assuré par le gage commun des créanciers, qu'il appartient au seule mandataire judiciaire de reconstituer, et la perte de la chance des cédants de percevoir pour l'avenir un complément de prix, ainsi que, pour M. Y..., la perte, pour l'avenir, des rémunérations qu'il aurait pu percevoir en tant que dirigeant social, préjudices dont la réparation est étrangère à la reconstitution du gage commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne M. A..., les sociétés Ernst et Young, BCD Management BV et BCD NV aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. Y... et la société Evacom BV la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Y... et la société Evacom BV.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de M. Y... et de la société Evacom BV ;

Aux motifs que, M. Y... et la société Evacom BV font valoir qu'ils ont été victimes d'un dol, en consentant à un accord dont leurs interlocuteurs BCD, le signataire final A... et le maître d'oeuvre Ernst etamp;amp; Young savaient qu'il conduisait à court terme à leur dépouillement ; que leur action est recevable, car le liquidateur judiciaire ne peut pas rechercher la responsabilité des parties qui ont été assignées s'agissant d'un préjudice personnel que seules les victimes de l'opération litigieuse ont qualité à rechercher, ce préjudice n'étant pas inhérent à la liquidation judiciaire de LSO International mais à l'opération d'acquisition-disparition de la société MMA ; que le préjudice subi par la société Evacom BV s'élève à la somme de 89 200 € concernant la perte du solde du prix de cession garanti de ses parts, outre 357 915 € correspondant à la perte de chance d'obtenir une valorisation de la valeur de ses parts sociales et de percevoir un complément de prix soit au total 447 115 € ; que le préjudice subi par M. Y... s'élève à la somme de 110 800 € qui correspond au solde du prix de cession garanti outre la somme de 444 585 € qui correspond à la perte de chance d'obtenir une valorisation de la valeur de ses parts sociales, ainsi que la perte d'emploi engendrant une perte de rémunération sur trois ans de 350 000 €, soit au total 905 385 € ; mais, que ces réclamations, portant sur des sommes, qui ont été déclarées au passif de la liquidation de la société LSO International par M. Y... et par la société Evacom BV, trouvent leur cause dans la mise en liquidation de la société qui n'a pu payer ses dettes ; que le préjudice allégué est donc identique à celui qui a été subi indistinctement et collectivement par tous les créanciers, quel que soit le fondement juridique de l'action qui vise l'article 1382 du code civil ; qu'or, l'article L. 622-20 du code de commerce reconnaît au seul mandataire judiciaire désigné par le tribunal la qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers, lorsqu'une procédure collective a été ouverte, de sorte qu'est irrecevable l'action individuelle d'un créancier, faute d'intérêt, en l'absence de tout préjudice distinct de celui des autres créanciers, c'est-à-dire qui a pu naître indépendamment de toute procédure collective ; qu'à ce sujet, les sociétés BCD soutiennent très justement que le retrait des lettres annuelles de confort n'a pas fait naître de préjudice distinct, puisque, à supposer qu'elles aient créé une garantie de couverture de toutes les créances, leur non-renouvellement n'a pas constitué une faute dont peuvent se prévaloir seuls M. Y... et la société Evacom BV, étant observé que ni l'un ni l'autre n'ont reçu l'[...]                                                       de la vente des actions de MMA, ni même une garantie sur l'état de santé financière de la société LSO International qu'il leur était d'ailleurs loisible de vérifier préalablement à la cession ; qu'enfin, à cette irrecevabilité s'ajoute celle tirée par M. A... de ce qu'il n'est pas démontré qu'il a commis une faute séparable de ses fonctions de dirigeant de la société LSO International puisqu'en effet, son rôle a consisté à exécuter, le 17 octobre 2008, les précédents accords négociés par la société Evacom BV et M. Y... avec le groupe BCD, représenté par ses dirigeants, en particulier M. Joop B..., le 26 mars 2008, sans intervention de sa part ; que les demandes sont donc irrecevables ;

1°) Alors que, le créancier d'une société en liquidation judiciaire est recevable à agir individuellement pour la réparation de son préjudice personnel, s'il est distinct de celui des autres créanciers ; qu'en considérant que les préjudices résultant pour M. Y... et la société Avecom BV de la perte du solde du prix de cession des actions de la société MMA, de la perte de chance d'obtenir une valorisation de la valeur de leurs parts sociales et, partant, d'un complément de prix, étaient identiques à ceux collectivement subis par la collectivité des créanciers de la société LSO International en liquidation, quand ces préjudices étaient personnels et distincts de ceux subis collectivement par les autres créanciers et résultaient d'un dol par tromperie commis par la société BCD NV, M. A... et la société Ernst etamp;amp; Young, consistant à mettre en place une architecture juridique de transformation de société cédée sur la base d'un rapport totalement inexact, établi par ce cabinet d'audit, ayant permis leur spoliation, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 31 du code de procédure civile et L.622-20 du code de commerce ;

2°) Alors que, le préjudice que subit un dirigeant d'une société faisant l'objet d'une liquidation judiciaire et qui consiste en la perte pour l'avenir des rémunérations qu'il aurait pu percevoir est personnel et distinct de celui du préjudice collectif ; qu'en considérant que la perte pour M. Y... de sa rémunération sur trois années, correspondant à 350 000 €, était identique à celui subi collectivement par tous les créanciers de la société liquidée, la cour d'appel a derechef violé, ensemble, les articles 31 du code de procédure civile et L.622-20 du code de commerce ;

3°) Alors que, en relevant que ni M. Y... ni la société Evacom BV ne pouvaient se prévaloir seuls du retrait des lettres annuelles de confort consenties par la société mère BCD NV à sa filiale, la société LSO International, lesquelles n'emportaient aucune garantie de couverture de leurs créances, la cour d'appel, qui a statué par une motivation inopérante à écarter l'existence d'un préjudice distinct subi par les exposants et résultant des effets d'un comportement dolosif de leurs interlocuteurs consistant à avoir mis en place une architecture juridique aboutissant à leur spoliation, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.622-20 du code de commerce ;

4°) Alors que, en relevant, pour considérer que Y... et la société Avecom BV invoquaient des préjudices identiques à ceux collectivement subis par les créanciers de la société liquidée, que leurs réclamations portent sur des sommes qui ont été déclarées au passif de la liquidation de la société LSO International, quand il résulte de l'état des créances dressé pour cette dernière, que seul le montant correspondant au solde du prix de la cession a été déclaré, à l'exception du complément du supplément de prix et de la perte de la rémunération, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé l'article 1134 du code civil ;

5°) Alors que, le dirigeant qui commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité dans l'exercice de ses fonctions sociales engage sa responsabilité personnelle à l'égard des tiers ; qu'en l'espèce, les exposants avaient fait valoir dans leurs conclusions (notamment p. 25) que M. A..., en sa qualité de dirigeant de la société LSO International dans les années ayant précédé la signature du protocole d'accord du 17 octobre 2008, avait une parfaite connaissance de sa situation financière irrémédiablement compromise et ne pouvait ignorer que les engagements qu'il signait sur les instructions de son actionnariat, le groupe BCD, sur la base d'un rapport établi par la société Ernst etamp;amp; Young qu'il savait inexact, ne seraient jamais exécutés au profit des cédants ; qu'en se bornant à énoncer que M. A... a exécuté le protocole du 17 octobre 2008 sans intervenir dans les accords l'ayant précédé, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce dernier, même agissant dans les limites de ses attributions, n'avait pas commis une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions de gérant en obtenant un accord tout en sachant que la situation de la société LSO International était irrémédiablement compromise, que les engagements pris ne seraient pas respectés et, partant, en trompant M. Y... et la société Evacom BV, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-26953
Date de la décision : 14/06/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Créanciers - Représentation - Intérêt collectif - Domaine d'application - Actions tendant à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers - Exclusion - Cas

Un créancier n'est pas recevable à demander réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de se faire payer par une société en liquidation judiciaire la créance résultant du solde du prix d'une cession de titres, lequel ne constitue qu'une fraction du passif collectif dont l'apurement est assuré par le gage commun des créanciers, qu'il appartient au seul mandataire judiciaire de reconstituer. Tel n'est pas le cas de la demande formée au titre de la perte de la chance des cédants de percevoir pour l'avenir un complément de prix, ainsi que de la perte, pour l'avenir, des rémunérations qu'aurait pu percevoir l'un d'entre eux désigné en qualité de dirigeant de la société cessionnaire en application d'un protocole d'accord signé à l'occasion de la cession, préjudices dont la réparation est étrangère à la reconstitution du gage commun


Références :

article L. 622-20 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 septembre 2015

Dans le même sens que :Com., 3 février 2016, pourvois n° 14-25.733 et 14-25.695, Bull. 2016, IV, n° ??? (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 jui. 2017, pourvoi n°15-26953, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26953
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