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13/06/2017 | FRANCE | N°16-82950

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 juin 2017, 16-82950


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. François X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 7 avril 2016, qui, dans la procédure suivie contre M. Geoffrey Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mme Farrenq-Nési, MM. Bellenger

, Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. François X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8e chambre, en date du 7 avril 2016, qui, dans la procédure suivie contre M. Geoffrey Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mme Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;
Avocat général : Mme Caby ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO, les observations de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 1er et 2 de la loi du 5 juillet 1985, 2 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a évalué le préjudice « aménagement du logement » à la somme de 160 227, 55 euros seulement, avec intérêt au taux légal à dater du 25 novembre 2014 ;
" aux motifs propres qu'il convient de rappeler que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit afin d'assurer une réparation intégrale ; qu'à cet égard, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, l'indemnisation des frais de logement adapté correspond à l'adaptation de l'habitation existante ou de l'habitation découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté, en prenant en compte le surcoût financier engendré par ladite acquisition ; qu'en effet, constitue un préjudice réparable en relation directe avec l'accident ayant causé un handicap de la victime, le montant des frais qu'elle doit débourser pour adapter son logement et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec son handicap ; qu'en l'espèce, au regard du jeune âge de M. François X... au moment de son accident et des revenus tirés de son activité professionnelle, il aurait en tout état de cause envisagé à moyen terme d'investir dans l'acquisition d'un logement en pleine propriété ; que cet investissement ne découle, dès lors, pas directement de son accident, mais d'un choix légitime et personnel, l'indemnisation de son préjudice ne pouvant aboutir au financement d'un logement auquel il aurait dû faire face, sous une forme ou sous une autre, sauf à aboutir à un enrichissement patrimonial sans lien direct avec les faits dont il a été victime ; que la décision entreprise sera en conséquence confirmée, l'évaluation du surcoût lié à l'aménagement de l'habitation ayant été parfaitement évaluée par le tribunal à la somme de 160 227, 55 euros ;
" et aux motifs adoptés qu'il y a lieu de relever que l'indemnisation des frais de logement adapté correspond à l'adaptation de l'habitation existante ou de l'habitation découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté en prenant en compte le surcoût financier engendré par ladite acquisition ; qu'il est acquis au débat qu'au moment de l'accident dont a été victime M. X..., le couple était locataire, depuis 2004, d'une maison ancienne située à Bonnières-sur-Seine et que M. X... était employé du Crédit agricole et son épouse enseignante ; que Mme X... s'est fait muter à Évreux pour se rapprocher de son époux qui se trouvait dans un établissement spécialisé près d'Évreux à la suite de son accident ; que courant 2010, Mme X... a été mutée à Lannion et que M. X... s'est également fait muter dans cette commune ; qu'ils ont loué une maison individuelle dans un lotissement, sans aménagement spécifique relatif à l'état de M. X... ; que le couple s'est séparé en juin 2011 ; que M. X... a acquis un terrain de 1 394 mètres carrés, dont 593 constructibles, pour un montant de 170 000 euros TTC ; qu'il a conclu un contrat de construction individuelle avec la société Tricobat pour un montant de 287 708 euros TTC ; qu'il a passé commande d'une piscine auprès de la société Aquilus pour un montant de 79 634 euros ; que le permis de construire a été accordé le 20 février 2012 et les travaux ont commencé en juillet 2012 ; qu'il y a lieu de relever que M. X... a pris la décision d'acquérir un terrain et de se faire construire une maison individuelle après sa séparation avec son épouse ; que le fait d'acquérir un terrain et de se faire construire une maison n'est pas la conséquence directe de l'accident dont il a été victime ; qu'en effet, il s'agit d'un choix personnel qui n'a pas de lien direct avec le préjudice subi ; qu'en revanche l'adaptation du logement au handicap de M. X... et non l'acquisition du dit logement est un préjudice direct avec l'accident dont il été victime et doit être intégralement réparé ; qu'en l'espèce, l'expert a détaillé le coût global du projet de M. X... ; que l'expert explique que le handicap dont souffre M. X... a nécessité une augmentation de la surface habitable afin de permettre un libre accès en fauteuil roulant dans tous les endroits de l'habitation ; que cette surface supplémentaire est de 37 m2 ; qu'ainsi l'expert a chiffré, avec l'aide d'un sapiteur, le surcoût des aménagements spécifiques extérieurs à la somme de 9 249, 16 euros TTC et intérieurs à la somme de 23 809 euros TTC ; qu'en fin l'expert évalue à la somme de 115 013, 79 euros TTC le montant global des adaptations du logement de M. X... auquel il faut ajouter la somme de 2 366, 78 euros TTC au titre de l'indemnité annuelle de renouvellement de divers équipements complémentaires mobiliers ; que l'expert précise qu'aucune partie n'a émis d'observations particulières sur les conclusions ; qu'il convient de fixer à la somme de 115 013, 79 euros TTC le montant global des adaptations du logement de M. X... ; qu'il y a lieu de relever que M. X... retient comme montant de ces équipements mobiliers complémentaires, arrêtés au 24 juin 2014 ; qu'à ce titre, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à la somme de 43 405, 42 euros TTC, compte tenu de l'euro de rente viager pour une constitution de capitalisation à l'âge de 33 ans, âge de M. X... au jour du jugement ; que le préjudice de M. X... sera justement indemnisé par l'octroi de la somme de 160 227, 55 euros ;
" 1°) alors que la victime a droit à la réparation intégrale de son préjudice ; que si le préjudice subi par la victime a été aggravé du fait de causes non imputables au responsable du dommage, celui-ci n'en doit pas moins être condamné à la réparation intégrale des conséquences dommageables de l'accident sans lequel celles-ci ne se seraient pas produites ; qu'en l'espèce, pour débouter M. X... de sa demande d'indemnisation pour l'acquisition d'un logement adapté à son handicap, la cour d'appel a retenu que cette acquisition résultait d'un choix personnel après sa séparation d'avec son épouse et n'avait pas « de lien direct avec le préjudice subi » ; que cependant, la nécessité dans laquelle M. X... s'est trouvé, après le départ de son épouse, d'acquérir un logement adapté avait pour cause le grave handicap résultant de l'accident qui l'empêchait de vivre seul dans une location n'ayant fait l'objet d'aucun aménagement ; qu'il en résulte que l'indemnisation de l'acquisition de la maison adaptée était en lien de causalité avec le handicap et incombait intégralement à M. Y... et à son assureur la Matmut ;
" 2°) alors que lorsque le handicap de la victime rend nécessaires des aménagements de son logement incompatibles avec le caractère provisoire d'une location, la nécessité de l'acquisition d'un nouveau logement plus adapté au handicap constitue un préjudice dont la réparation incombe intégralement au responsable de l'accident ou à son assureur ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que, d'une part, les séquelles de l'accident imposent à M. X... de vivre dans un logement adapté à son handicap, d'autre part, la location dans laquelle M. X... vivait ne possédait aucun aménagement spécifique et que, sans l'aide de son épouse, il rencontrait d'importantes difficultés à y habiter seul ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que l'acquisition de la maison résultait d'un choix personnel que M. X..., compte tenu de son jeune âge, aurait dû faire à un moment ou à un autre, qui ne pouvait être indemnisée intégralement « sauf à aboutir à un enrichissement patrimonial sans lien direct avec les faits dont il a été victime » ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il résultait de ses constatations que la nécessité d'acquérir une maison adaptée découlait directement du handicap, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a ainsi méconnu le principe de la réparation intégrale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. François X... a été grièvement blessé à l'occasion d'un accident de la circulation dont M. Geoffrey Y..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré tenu à réparation intégrale ; que le tribunal correctionnel, statuant sur les intérêts civils, a notamment fixé le poste de préjudice lié aux frais d'aménagement du logement à la somme de 160 227, 55 euros en rejetant la demande de remboursement du coût total d'acquisition de l'habitation ; que M. X... a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, retient notamment qu'après avoir loué une maison sans aménagement spécifique avec son épouse, M. X... a acquis, après leur séparation, un terrain et s'y est fait construire une maison individuelle, choix légitime et personnel qui n'a pas de lien direct avec le préjudice subi ; que les juges en déduisent que seul le surcoût lié à l'aménagement de l'habitation doit être pris en charge ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui en a déduit que l'acquisition d'une maison d'habitation par le demandeur n'était pas en relation directe avec l'accident, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-82950
Date de la décision : 13/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 jui. 2017, pourvoi n°16-82950


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.82950
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