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08/06/2017 | FRANCE | N°16-12994

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juin 2017, 16-12994


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Paris, 10 février 2016), qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article 64 du code des douanes, autorisé l'administration des douanes à procéder à des visites et des saisies dans des locaux et des véhicules situés à Paris, Livry-Gargan et Sevran, susceptibles d'être occupés par la société Trace sports et M. X..., afin de rechercher la preuve des dé

lits douaniers que ceux-ci auraient commis par utilisation de fausses déclarati...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Paris, 10 février 2016), qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article 64 du code des douanes, autorisé l'administration des douanes à procéder à des visites et des saisies dans des locaux et des véhicules situés à Paris, Livry-Gargan et Sevran, susceptibles d'être occupés par la société Trace sports et M. X..., afin de rechercher la preuve des délits douaniers que ceux-ci auraient commis par utilisation de fausses déclarations d'origine relatives à l'importation de bicyclettes ou par utilisation de faux documents ou de documents inapplicables afin d'éluder le paiement de droits de douanes et de droits antidumping ; que la société Trace sports, M. X... et Mme Y... ont relevé appel de l'ordonnance d'autorisation de visite ;

Attendu que la société Trace sport, M. X... et Mme Y... font grief à l'ordonnance de rejeter leur appel alors, selon le moyen :

1°/ que le premier président saisi d'un appel contre une ordonnance ayant autorisé des visites et saisies doit, en vertu de l'effet dévolutif, rechercher et caractériser lui-même les éléments laissant présumer l'existence d'une infraction de nature à justifier la requête de l'administration ; qu'en se bornant à retenir que le juge des libertés et de la détention avait régulièrement effectué son office en examinant le dossier selon la méthode du faisceau d'indices pour caractériser l'existence de présomptions d'agissements prohibés, le premier président a méconnu l'étendue de son office et a violé les articles 64 du code des douanes et 561 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge des libertés et de la détention doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu'en l'espèce, la société Trace Sport et les consorts X...-Y... faisaient valoir que l'administration douanière ne justifiait d'aucune demande de contrôle a posteriori, selon la procédure obligatoire prévue par les articles 97 vicies et 97 unvicies des dispositions d'application du code des douanes communautaire, des certificats FORM A délivrés par les autorités sri-lankaises, en sorte qu'elle était infondée à se prévaloir de leur invalidation ou à émettre des doutes sur l'origine déclarée des marchandises à l'appui de sa requête ; qu'en retenant que ce moyen relevait du fond du dossier et non du contentieux des autorisations de visite et de saisies pour refuser de l'examiner, le premier président a violé l'article 64 du code des douanes ;

3°/ que les pièces annexées à la requête de l'administration sollicitant du juge une autorisation de visite domiciliaire constituent des pièces de la procédure qui doivent impérativement être rédigées en langue française ou, à défaut, faire l'objet d'une traduction par un traducteur assermenté ; qu'en refusant de tirer les conséquences de l'absence de traduction d'un rapport en langue anglaise annexé à la requête des douanes motif pris que des éléments importants de ce rapport avaient été repris en langue française dans la requête de l'administration des douanes, le premier président a violé les articles 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539 et 64 du code des douanes ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'ordonnance de Villers-Cotterêts ne concerne que les actes de procédure et qu'il appartient au juge du fond, dans l'exercice de son pouvoir souverain, d'apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'article 64 du code des douanes que le juge des libertés et de la détention n'est pas le juge du fond du droit et n'a pas à rechercher si les infractions sont caractérisées, mais seulement s'il existe des présomptions d'agissements frauduleux justifiant d'autoriser les opérations de visite et de saisie ;

Attendu, en troisième lieu, qu'ayant constaté que le juge des libertés et de la détention avait examiné le dossier et apprécié concrètement l'existence de présomptions d'agissements prohibés, le premier président, devant lequel l'existence de ces présomptions n'était pas autrement contestée, n'a pas méconnu son office en s'abstenant de les caractériser lui-même ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Trace sport, M. X... et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Trace sport, M. X... et Mme Y....

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée D'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Créteil en date du 11 février 2014 et D'AVOIR rejeté toutes les autres demandes ;

AUX MOTIFS QUE le juge des libertés et de la détention signataire de l'ordonnance et qui de ce fait se l'approprie en demandant des rectifications ou des modifications est amené à donner des consignes verbales à l'administration lorsque la requête est déposée à son greffe ; qu'en l'espèce, entre le dépôt (7 février 2014) de la requête et la signature de l'ordonnance (12 février 2014), il peut être amené à donner des instructions à la DNRED afin que celle-ci corrige la requête, au besoin se la faire transmettre par courriel afin que lui-même la modifie et se l'approprie (ou bien, s'il a en sa possession une copie numérisée de l'ordonnance la rectifie à sa guise) ; qu'il peut enfin refuser de signer le projet d'ordonnance, déposé en version papier par simple commodité, par les agents des douanes, son rôle ne se limitant à une simple mission de chambre d'enregistrement ; qu'il est précisé que le juge des libertés et de la détention a eu quatre jours pour examiner ce dossier, qui en l'espèce était relativement mince (y compris avec les annexes), ce qui lui a laissé le temps d'examiner la pertinence de la requête, d'étudier les pièces jointes à celle-ci, de vérifier les habilitations des agents des douanes et le jour de la signature, de demander aux agents de la DNRED toute information pertinente préalablement à la signature de son ordonnance ; qu'il s'est donc totalement approprié l'autorisation qu'il a délivrée ; qu'enfin sur l'absence des annexes lors de la demande du 19 février au greffe du juge des libertés et de la détention il ne peut être déduit que le juge des libertés et de la détention ne les disposait pas lors de l'examen du dossier présenté, à savoir, entre le 7 et le 11 février 2014 ; que si aux termes de l'article 64 du code des douanes, le juge des libertés doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée et ce au regard de la requête présentée et de ses annexes, cet examen in concreto portant sur des présomptions d'agissements prohibés résulte non seulement des conclusions traduites dans la requête du rapport de l'OLAF mais également des investigations diligentées en amont par les services des douanes, citées dans la requête, et notamment les réponses évasives ou l'absence de réponse sur des points précis de M. X..., de l'existence d'incohérences émanant des documents douaniers et sur le doute sur l'authenticité de certaines factures ; que le juge des libertés et de la détention a en l'espèce, examiné in concreto qu'il existait des présomptions d'agissements prohibés et a délivré une ordonnance n'ayant nul besoin de justifier quel était l'élément ou les éléments qui ont déterminé sa décision ; qu'il convient de préciser qu'en l'espèce, le compte rendu du rapport de l'OLAF n'était pas le seul élément visé dans la requête et ses annexes ; que la premier juge a donc régulièrement effectué son office ; que s'agissant du non-respect des modalités du contrôle a posteriori tels que prévues par articles 97 vicies et 97 unvicies des dispositions d'application du code des douanes communautaire qui n'auraient pas été produites au juge des libertés et de la détention ; qu'il y a lieu de retenir qu'il s'agit d'un moyen qui relève du fond du dossier et non pas du contentieux des autorisations de visite et de saisies ; que les appelants pourront utilement faire valoir le cas échant ce moyen devant la juridiction de jugement ; qu'au stade de la phase de l'enquête préparatoire, le rôle du magistrat doit simplement se limiter à vérifier de manière concrète le dossier et à constater l'éventuelle existence de présomptions qui pourraient l'amener à délivrer une autorisation de visite et de saisies ; qu'il est demandé l'annulation de l'autorisation de visite et de saisies en date du 11 février 2014 eu égard à l'absence de traduction d'un rapport de 2000 pages de l'OLAF produit en annexe sur support informatique ; que le rapport de l'OLAF n'a pas été le seul élément et la pièce déterminante ayant conduit le juge des libertés et de la détention de Créteil de prendre sa décision ; que par ailleurs, la requête des services des douanes servant de fondement à l'autorisation délivrée a repris en langue française des éléments importants de ce rapport lequel compte tenu de son importance ne concernait pas uniquement la société Trace Sport ; qu'enfin il appartenait au premier juge d'apprécier s'il disposait de suffisamment d'éléments lui permettant de retenir des présomptions d'agissements prohibés étant précisé qu'à ce stade, aucune accusation n'est portée à l'encontre de la société Trace Sport et de son dirigeant ; que le premier juge a estimé que la traduction complète des 2000 pages du rapport de l'OLAF n'était pas indispensable pour sa prise de décision et d'autant plus qu'une synthèse concernant la société Trace Sport était rédigée en français dans la requête ;

1°) ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance de toute pièce présentée au juge en vue d'influencer sa décision, dans des conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse ; que la faculté de consultation du dossier au greffe ne dispense pas le greffe de communiquer à la partie qui le demande les pièces ainsi que la requête déposées par l'administration des douanes à l'appui de sa demande d'autorisation de visite domiciliaire ; qu'en ne s'expliquant pas, ainsi qu'il était invité à le faire, sur le refus de communication par le greffe de la requête et des pièces déposées par l'administration des douanes, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 64 du code des douanes ;

2°) ALORS QU'il appartient au premier président de la cour d'appel, saisi à cette fin par les conclusions des parties, de s'assurer que le juge des libertés et de la détention a apprécié de façon concrète et effective, la portée des pièces et éléments d'information détenus et produits par l'administration requérante ; qu'en se fondant sur la seule affirmation que l'absence au dossier le 19 février des pièces annexées à la requête ne permettait pas de déduire que le juge des liberté et de la détention ne les pas en sa possession, sans vérifier si les annexes avaient été réellement déposées avec la requête et qu'en se fondant sur de simples présomptions tirées d'une part du délai de quatre jours entre le dépôt de la requête par l'administration des douanes et la date de l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire et d'autre part du caractère « relativement mince du dossier » le fait que le juge des libertés et de la détention avait eu « amplement le temps d'examiner la pertinence de la requête » et avait régulièrement effectué son office, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 64 du code des douanes, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européennes des droits de l'homme et du citoyen ;

3°) ALORS QUE le premier président saisi d'un appel contre une ordonnance ayant autorisé des visites et saisies doit, en vertu de l'effet dévolutif, rechercher et caractériser lui-même les éléments laissant présumer l'existence d'une infraction de nature à justifier la requête de l'administration ; qu'en se bornant à retenir que le juge des libertés et de la détention avait régulièrement effectué son office en examinant le dossier selon la méthode du faisceau d'indices pour caractériser l'existence de présomptions d'agissements prohibés, le premier président a méconnu l'étendue de son office et a violé les articles 64 du code des douanes et 561 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le juge des libertés et de la détention doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu'en l'espèce, la société Trace Sport et les consorts X...-Y... faisaient valoir que l'administration douanière ne justifiait d'aucune demande de contrôle a posteriori, selon la procédure obligatoire prévue par les articles 97 vicies et 97 unvicies des dispositions d'application du code des douanes communautaire, des certificats FORM A délivrés par les autorités sri-lankaises, en sorte qu'elle était infondée à se prévaloir de leur invalidation ou à émettre des doutes sur l'origine déclarée des marchandises à l'appui de sa requête ; qu'en retenant que ce moyen relevait du fond du dossier et non du contentieux des autorisations de visite et de saisies pour refuser de l'examiner, le premier président a violé l'article 64 du code des douanes ;

5°) ALORS QUE les pièces annexées à la requête de l'administration sollicitant du juge une autorisation de visite domiciliaire constituent des pièces de la procédure qui doivent impérativement être rédigées en langue française ou, à défaut, faire l'objet d'une traduction par un traducteur assermenté ; qu'en refusant de tirer les conséquences de l'absence de traduction d'un rapport en langue anglaise annexé à la requête des douanes motif pris que des éléments importants de ce rapport avaient été repris en langue française dans la requête de l'administration des douanes, le premier président a violé les articles 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539 et 64 du code des douanes.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-12994
Date de la décision : 08/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2017, pourvoi n°16-12994


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.12994
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