LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 juillet 2015), que la SCI Saint Louis, invoquant l'état d'enclave de sa parcelle cadastrée AY 470, a assigné Mme X...en revendication d'un passage sur les parcelles cadastrées AY 469 et 35 lui appartenant ; que la SCI Saint-Louis a appelé à l'instance l'Office public de l'habitat Cannes et rives droite du Var, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (le Conservatoire), le syndicat des copropriétaires La Farigoule, M. Y...
et la SCI Mimosas ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande et d'ordonner la constitution d'une servitude de passage sur les parcelles cadastrées AY n° 469 et n° 35 selon le tracé teinté en jaune sur le plan annexé au rapport d'expertise ;
Mais attendu, d'une part, que, Mme X... n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que l'enclave de la parcelle cadastrée AY 470 résultait de la vente des parcelles AY 37 et 38 par M. Y..., le moyen est nouveau, mélangé de fait, et, partant, irrecevable ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le fonds cadastré AY 470 était entouré d'autres parcelles et ne disposait d'aucune issue sur la voie publique et que le passage d'une largeur de 3, 50 m pris sur les parcelles cadastrées AY 35 et 469 était le plus court et le moins dommageable que tout autre passage qui pourrait être pris sur les autres fonds et ayant retenu qu'il n'était pas établi que le tracé soit incompatible avec les contraintes d'urbanisme et environnementales applicables au fonds de Mme X..., la cour d'appel, qui n'était tenue ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à la SCI Saint Louis et à M. Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'état d'enclave de la parcelle AY 470, ordonné son désenclavement par la constitution d'une servitude de passage sur les parcelles cadastrées section AY n° 469 et n° 35 selon le tracé teinté en jaune sur le plan en annexe 3 du rapport de M. Z..., et ordonné la publication du jugement à la Conservation des Hypothèques à l'initiative de la partie la plus diligente ;
AUX MOTIFS QUE « Selon l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opération de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ;
L'article 683 dispose : le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé ;
L'article 684 dispose : si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes. Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable ;
Le rapport d'expertise du 8 mars 2012 permet d'établir :
- que la parcelle AY 470 est entourée d'autres parcelles et qu'elle ne dispose d'aucune issue sur la voie publique,
- que cette parcelle confronte :
- à l'est la parcelle AY 469 qui confronte elle-même la parcelle AY 35, bordée à l'est par le boulevard des Mimosas,
- au nord, le fonds de la SCI Mimosas, constitué de la parcelle AY 37 et de la parcelle AY 1542, bordée à l'est par le boulevard des Mimosas,
- au sud, le fonds cadastré section AY n° 1326 et n° 1327 dont M. Y... est propriétaire pour l'avoir acquis par acte notarié du 23 novembre 1965,
- que la SCI Mimosas est propriétaire de la parcelle AY 37 ainsi que de la parcelle AY 1542 qui provient de la division de la parcelle AY 38 suivant un document d'arpentage du 27 novembre 2009, pour les avoir acquises le 22 décembre 2009 de la société la Farigoule,
- que la société la Farigoule avait acquis les parcelles AY 37 et AY 38 le 23 décembre 1980 de la société Val des Mimosas à qui M. Y... avait vendu ce fonds le 13 juin 1968, après l'avoir acquis, pour partie de Marius A...selon acte du 3 décembre 1964, et pour partie de Louise B...selon acte du 9 juillet 1965 ;
Il résulte de ce qui précède, en premier lieu que le fonds cadastré AY 470 appartenant à la SCI Louis est enclavé, en second lieu, que les dispositions de l'article 684 ne sont pas applicables en l'espèce ;
La SCI Louis ne peut en effet se prévaloir des dispositions de ce texte à l'égard de Mme X... car si la parcelle AY 470 était enclavée lors de la vente du 10 mai 1965, elle a cessé de l'être le 9 juillet 1965 lorsqu'elle a fait partie d'un seul et même tènement appartenant à M. Y... et ayant une issue suffisante sur le boulevard des Mimosas, et ce n'est qu'en raison de la vente par ce dernier d'une partie de ce tènement à la société Val des Mimosas qu'elle est redevenue enclavée le 13 juin 1968 ;
La SCI Louis ne peut davantage opposer les dispositions de l'article 684 à la SCI Mimosas car lors de la vente du 13 juin 1968 de laquelle résulte directement l'enclave de sa parcelle AY 470, la vente de cette parcelle à M. Y... n'avait pas encore été publiée en sorte qu'elle n'était pas opposable aux tiers ; Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que l'article 684 du code civil était applicable ;
Si l'article 684 du code civil n'est pas applicable, il résulte cependant de l'extrait du plan cadastral constituant l'annexe 1 du rapport d'expertise du 8 mars 2012, que le passage d'une largeur de 3, 50 m pris sur les parcelles AY 35 et AY 469, le long de leur limite nord conformément à l'assiette figurant en teinte jaune sur le plan constituant l'annexe 3 du rapport susvisé, est à l'évidence plus court et moins dommageable que tout autre passage qui pourrait être pris les autres fonds ;
La création d'une voie et la coupe d'arbres dans un espace boisé classé n'étant pas interdits par principe, il n'est pas établi que le tracé susvisé soit incompatible avec les contraintes d'urbanisme et environnementales applicables au fonds de Mme X... ; Ce tracé répondant le mieux aux exigences de l'article 683 du code civil, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a retenu, mais il sera infirmé en ce qu'il a dit que Mme X... ne pouvait prétendre à une indemnité en compensation du dommage occasionné par le passage » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
« Sur la demande de désenclavement de la parcelle cadastrée section AY n° 470 Attendu que la SCI LOUIS a fait l'acquisition de la parcelle cadastrée section AY 470 d'une contenance de 17 a 60 ca lieudit L'Aubarède, quartier de la Croix des Gardes à CANNESpar acte authentique du 16 mai 2007 et demande, en application des articles 682 et 684 du Code civil, le désenclavement de cette parcelle ;
Attendu que le rapport d'expertise de Monsieur Z..., dressé au contradictoire des parties, procédant à une analyse objective des données de fait de la cause, à une étude complète et détaillée des questions posées dans ses missions et retenant des conclusions sérieusement motivées par des arguments techniques, doit servir sur le plan technique de support à la décision relativement au litige opposant les parties ;
Attendu que l'expert judiciaire a constaté la réalité de l'état d'enclave de la parcelle cadastrée section AY 470 ;
Attendu que l'examen des titres de propriété des voisins de la SCI LOUIS a permis de déterminer que la parcelle cadastrée section AY 470 est issue de la division d'une parcelle plus grande anciennement cadastrée AY 36, ayant fait l'objet d'un document d'arpentage dressé par Monsieur C..., géomètre, en date du 19 avril 1971 ;
Attendu que la parcelle anciennement cadastrée AY 36 d'une contenance de 2. 680 m2 appartenait à Madame D...veuve E...pour l'avoir acquise par acte du 30 décembre 1958 et la parcelle AY 469, d'une contenance de 920 m2, issue également de la division de la parcelle AY 36 est restée incluse dans la propriété de Mme E...composée également des parcelles AY 33-34-3 5, laquelle dispose d'un accès à la voie publique, boulevard des mimosas ;
(…)
Attendu que Madame Denise X... est mal fondée à soutenir que l'assiette de la servitude de passage doit être établie sur le fonds appartenant à Monsieur Aldo Y... cadastré 1326 et 1327 alors que, s'il est exact que Monsieur Aldo Y... a été propriétaire d'un fonds composé des parcelles 1326 et 1327 et 470 entre le 30 avril 1976 et le 16 mai 2007, les parcelles qui lui appartiennent à ce jour, soit 1326 et 1327, ne disposent d'aucun accès à la voie publique et ne peuvent donc pas devenir le fonds servant au profit de la parcelle litigieuse n° 470 ;
Attendu que Madame Denise X... est mal fondée à invoquer l'existence d'autres accès qui auraient été négligés par l'expert judiciaire (...) ;
Attendu que l'expert judiciaire a proposé un tracé de l'assiette de la servitude qui est teinté en jaune sur le plan en annexe 3 de son rapport ;
Attendu que le passage d'une largeur de 3, 50 m correspond au trajet le plus court du fonds enclavé à la voie publique et respecte également le critère du moindre dommage édicté par l'article 683 du Code civil puisqu'il est pris en limite Nord du terrain du côté de la parcelle AY 1542 ;
Attendu que ce passage est suffisant pour assurer la desserte de la parcelle cadastrée section AY 470 inconstructible qui se trouve dans une zone classée en espace boisé inconstructible alors que la constitution de la servitude de passage n'entraîne la réalisation d'aucun ouvrage ni d'aucun aménagement du fonds servant ; que, dès lors, Madame Denise X... est mal fondée à contester la constitution sur son fonds d'une telle servitude de passage qui ne porte pas atteinte à la réglementation applicable aux zones classées EBC ;
Attendu qu'il convient en conséquence d'ordonner le désenclavement de la parcelle cadastrée section AY 470 par la constitution d'une servitude de passage sur les parcelles n° 469 et 35 selon le tracé teinté en jaune sur le plan en annexe 3 du rapport de Monsieur Z...; »
1°) ALORS QUE seul le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds ; qu'en ne recherchant pas, ainsi que cela lui était demandé (conclusions de Mme X..., p. 14), si la SCI Louis ne bénéficiait pas déjà, pour sa parcelle n° AY 470, d'un autre accès sur le boulevard des Mimosas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE le propriétaire d'un fonds enclavé n'est pas fondé à invoquer le bénéfice d'une servitude de passage pour cause d'enclave quand l'état d'enclavement résulte de son fait volontaire ; que le caractère volontaire de l'état d'enclave créé par le vendeur d'une parcelle est opposable à l'acquéreur de ladite parcelle ; qu'en jugeant que la parcelle AY n° 470 appartenant à la SCI Louis, ayant-cause de M. Y..., pouvait bénéficier d'une servitude de passage sur le fonds de Mme X... alors qu'elle constatait par ailleurs que ce n'était qu'en raison de la vente, le 13 juin 1968, par M. Y... d'une partie de son terrain, à savoir les parcelles AY n° 37 et 38, à la société Val des Mimosas, que la parcelle AY n° 470 était devenue enclavée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 682 du code civil.
3°) ALORS, encore plus subsidiairement, QUE le tracé de l'assiette d'une servitude ne peut pas ignorer les contraintes d'urbanisme et environnementales ; que dans ses conclusions (p. 6 et 7), Mme X... faisait valoir que compte tenu du classement de son fonds en zone boisée classée interdisant tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements, l'assiette de la servitude de passage ne pouvait en aucun cas être implantée sur son fonds comme l'avait envisagé l'expert ; qu'en se bornant à apprécier le tracé de la servitude en fonction des seules exigences des articles 682 et 683 du code civil, sans s'assurer qu'il n'existait pas un tracé compatible avec les contraintes d'urbanisme et environnementales applicables à cette zone, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 682, 683 du code civil et L. 130-1 (ancien) du code de l'urbanisme ;
4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en considérant qu'il résultait du plan cadastral constituant l'annexe 1 du rapport d'expertise du 8 mars 2012, que le passage d'une largeur de 3, 50 m pris sur les parcelles AY 35 et AY 469, le long de leur limite nord conformément à l'assiette figurant en teinte jaune sur le plan constituant l'annexe 3 du rapport susvisé était à l'évidence le tracé le plus court et le moins dommageable que tout autre passage qui pourrait être pris sur les autres fonds, sans examiner le procès-verbal du 14 octobre 2014 établi par la SCP Treiber – Julien – Nonclercq-Regina et Laleure, huissier, postérieurement au rapport d'expertise, et qui établissait avec certitude qu'il existait déjà un passage le long de la parcelle voisine de celle de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.