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07/06/2017 | FRANCE | N°16-87114

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 juin 2017, 16-87114


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Andrezj Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de TOULOUSE, en date du 17 novembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de travail dissimulé, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 mai 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanja

t, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, M. Talabardon, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Andrezj Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de TOULOUSE, en date du 17 novembre 2016, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de travail dissimulé, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 mai 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, M. Talabardon, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle JEAN-PHILIPPE CASTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 27 février 2017, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 80-1, 116, 154-2, 173, 591, 593 et 694-3 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité de M. Y... ;
" aux motifs qu'en application de l'article 154-2 du code de procédure pénale, le juge d'instruction qui envisage de procéder à la mise en examen d'une personne qui n'a pas été entendue en tant que témoin assisté peut saisir par commission rogatoire tout juge d'instruction qui procédera selon les modalités de l'article 116 du code de procédure pénale ; que si le juge d'instruction saisi estime qu'il n'existe pas d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la culpabilité, la personne entendue est informée qu'elle bénéficie du statut de témoin assisté ; que le magistrat instructeur saisi de l'information peut dans les mêmes conditions procéder par voie de commission rogatoire internationale et charger une juridiction étrangère de la mise en examen d'une personne résidant sur son territoire, ce qui a été le cas en l'espèce ; que la commission rogatoire internationale doit répondre aux règles de forme édictées par l'article 151 du code de procédure pénale, à savoir indiquer la nature de l'infraction et les textes visés ; qu'elle est datée et signée par le magistrat et revêtue du sceau ; qu'elle doit comporter un exposé des faits et une copie des textes visés et une traduction ; qu'en l'espèce, le magistrat instructeur a délivré une commission rogatoire internationale aux autorités polonaises le 24 octobre 2014 accompagnée de sa traduction en vue de la mise en examen de M. Y... à titre personnel et en qualité de représentant de la sarl Universal Bud 2 ; qu'elle répondait aux formes de l'article 151 du code de procédure pénale ; que la commission rogatoire reprenait les prescriptions de l'article 116 qui devaient être notifiées à M. Y... au cours de son interrogatoire de première comparution ; qu'à la demande des autorités polonaises et suite aux observations de l'avocat de M. Y..., un complément de commission rogatoire leur a été adressé le 1er septembre 2015 au terme duquel il était précisé que M. Y... devait être entendu en qualité de partie à la procédure et en particulier en vue de lui signifier sa mise en examen (inculpé) ; que lors de l'exécution d'une commission rogatoire internationale, le choix de l'autorité qui doit procéder aux actes délivrés par les autorités judiciaires françaises dans le pays requis leur appartient et doit être effectué selon les règles propres à leur législation ; que si elles ne sont pas conformes à la législation française, elles ne sont pas susceptibles d'être annulées dans la mesure où elles ont été accomplies dans le respect des droits de la défense et des dispositions de droit du pays requis ; qu'en Pologne, l'équivalent du juge d'instruction n'existe pas ; que la commission rogatoire et en particulier la mise en examen de M. Y... a été dans ces conditions effectuée par un tribunal polonais et en audience publique, juridiction choisie par les autorités polonaises pour procéder à l'exécution de la commission rogatoire, ce qui laisse supposer que les règles de procédure polonaises ont été respectées, M. Y... étant assisté d'un avocat, les droits de la défense ont été en conséquence respectés ; que préalablement à son interrogatoire et à deux reprises, l'avocat de M. Y... a pu présenter des observations sur la validité de la commission rogatoire et son exécution, le statut de M. Y..., l'interrogatoire, l'exécution de la commission rogatoire, la compétence du tribunal polonais, la nature des infractions reprochées, qui ne trouveraient pas leur équivalent en Pologne et les déclarations de M. Y... lors de l'enquête initiale en France, ce qui implique qu'il a eu accès à la procédure française ; que ces observations n'ont pas été considérées comme étant de nature à empêcher l'exécution de la commission rogatoire internationale même si, en Pologne, une telle mise en examen et une telle audition relèveraient des pouvoirs du parquet ; que le magistrat chargé de la commission rogatoire internationale disposait en conséquence, des éléments pour déterminer s'il était nécessaire de procéder à la mise en examen ; que M. Y... a eu ensuite connaissance des faits qui lui étaient reprochés et de ses droits ; qu'il a choisi de ne pas répondre aux questions et a usé du droit de se taire, tout en faisant des déclarations et en précisant qu'il ne reconnaissait pas les faits et s'en tenait aux déclarations qu'il avait effectuées lors de son audition en France au cours de l'enquête préliminaire ; qu'enfin il lui a été indiqué au cours de l'interrogatoire, qu'il bénéficiait des droits d'inculpé, ce qui implique qu'il lui a été notifié qu'il avait le statut de mis en examen ;
" 1°) alors que les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires françaises et destinées aux autorités étrangères sont exécutées dans les formes prévues par le code de procédure pénale et impliquent que la régularité de leur exécution soit contrôlée par la juridiction française ; qu'en affirmant, pour rejeter la requête en nullité de M. Y..., qu'à la demande des autorités polonaises et suite aux observations de son cavocat, un complément de commission rogatoire leur avait été adressé le 1er septembre 2015, précisant que M. Y... devait être entendu en qualité de partie à la procédure et en particulier en vue de lui signifier sa mise en examen (inculpé), outre qu'en Pologne, l'équivalent du juge d'instruction n'existait pas et que la commission rogatoire, particulièrement la mise en examen de M. Y..., avait été effectuée par un tribunal polonais et en audience publique, juridiction choisie par les autorités polonaises pour procéder à l'exécution de la commission rogatoire, ce qui laissait supposer que les règles de procédure polonaises avaient été respectées, l'intéressé étant assisté d'un avocat, de sorte que les droits de la défense avaient été respectés, sans rechercher si la circonstance que M. Y... ait été interrogé en qualité d'« inculpé » ne préjugeait pas de la mise en examen et que cette issue était d'autant plus inéluctable que le droit polonais ignorait la possibilité de décider, à défaut de mise en examen, d'informer la partie qu'elle bénéficiait du statut de témoin assisté, la chambre de l'instruction de la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'au demeurant, en affirmant de la sorte qu'à la demande des autorités polonaises et suite aux observations de l'avocat de M. Y..., un complément de commission rogatoire leur avait été adressé le 1er septembre 2015, précisant que M. Y... devait être entendu en qualité de partie à la procédure et en particulier en vue de lui signifier sa mise en examen (inculpé), outre qu'en Pologne, l'équivalent du juge d'instruction n'existait pas et que la commission rogatoire, particulièrement la mise en examen de M. Y..., avait été effectuée par un tribunal polonais et en audience publique, juridiction choisie par les autorités polonaises pour procéder à l'exécution de la commission rogatoire, ce qui laissait supposer que les règles de procédure polonaises avaient été respectées, l'intéressé étant assisté d'un avocat, la chambre de l'instruction de la cour d'appel, qui a statué par des motifs hypothétiques, a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires françaises et destinées aux autorités étrangères sont exécutées dans les formes prévues par le code de procédure pénale et impliquent que la régularité de leur exécution soit contrôlée par la juridiction française ; qu'en ajoutant que, préalablement à son interrogatoire et à deux reprises, l'avocat de M. Y... avait pu présenter des observations sur la validité de la commission rogatoire et son exécution, le statut de l'intéressé, l'interrogatoire, l'exécution de la commission rogatoire, la compétence du tribunal polonais, la nature des infractions reprochées, qui ne trouvaient pas leur équivalent en Pologne, et ses déclarations, ce qui impliquait que M. Y... avait eu accès à la procédure française et que ces observations n'avaient pas été considérées comme étant de nature à empêcher l'exécution de la commission rogatoire internationale, même si en Pologne une telle mise en examen et une telle audition relevaient des pouvoirs du parquet, pour en déduire que le magistrat chargé de la commission rogatoire internationale disposait des éléments pour déterminer s'il était nécessaire de procéder à la mise en examen, sans rechercher si le juge polonais avait ou non disposé d'un pouvoir d'appréciation réel des faits avant de prononcer la mise en examen, la chambre de l'instruction de la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
" 4°) alors que les demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires françaises et destinées aux autorités étrangères sont exécutées dans les formes prévues par le code de procédure pénale et impliquent que la régularité de leur exécution soit contrôlée par la juridiction française ; qu'en retenant, enfin, que M. Y... avait eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés et de ses droits, qu'il avait choisi de ne pas répondre aux questions, usant du droit de se taire, tout en faisant des déclarations et en précisant qu'il ne reconnaissait pas les faits et s'en tenait aux déclarations qu'il avait effectuées lors de son audition en France au cours de l'enquête préliminaire, sans constater que le magistrat polonais avait pris connaissance desdites déclarations avant de prononcer la mise en examen de M. Y..., la chambre de l'instruction de la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 15 avril 2013, les gendarmes ont procédé au contrôle d'un chantier situé au lieudit La croix des Monges à Cornebarrieu (31) sur réquisitions du procureur de la République ; qu'à la suite de ce contrôle ils ont diligenté une enquête portant sur les activités de la société de droit polonais Universal Bud 2, ayant pour gérant M. Andrezj Y..., et qui, depuis septembre 2011, détachait en France des ouvriers plombiers polonais ; que les investigations ont mis en doute le fait que cette société puisse se prévaloir des règles relatives au détachement temporaire des salariés sur le territoire français et établi qu'elle était susceptible d'être assujettie aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire national ; que par réquisitoire introductif en date du 5 mai 2014, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire du chef susvisé ; que, le 24 octobre 2014, le juge d'instruction a adressé aux autorités judiciaires polonaises une commission rogatoire internationale aux fins de mise en examen de M. Y... ; que les pièces d'exécution de cette commission rogatoire ont été reçues le 21 janvier 2016 par le juge d'instruction, lesquelles comprenaient un " procès-verbal d'audience " du tribunal d'arrondissement de Nowy Sacz (Pologne) dont il résultait notamment qu'il avait été procédé à la mise en examen du demandeur, qui avait comparu devant cette juridiction assisté de son avocat, lequel avait pu obtenir une copie des pièces de la procédure qu'il avait sollicitées et être entendu en ses observations, et qui s'était vu notifier le droit de se taire, qu'il avait exercé, ainsi que la qualification juridique des faits reprochés, leur date et le lieu de leur commission ; que, le 12 juillet 2016, le conseil de M. Y... a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de la mise en examen de l'intéressé, prise de la violation des droits de la défense lors de la mise en examen ;
Attendu que pour rejeter cette demande, la chambre de l'instruction prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, abstraction faite de motifs surabondants relatifs au respect de la procédure pénale polonaise, en ce que le juge français n'a pas qualité pour apprécier la régularité d'un acte au regard de la législation étrangère, et dès lors que, d'une part, l'appréciation du bien-fondé de la mise en examen relève du seul juge d'instruction de l'Etat requérant en charge de l'information judiciaire, d'autre part, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que l'acte dont la nullité est alléguée n'a pas été accompli en violation des droits de la défense, ni d'aucun principe général du droit, en ce que la personne mise en examen est recevable à contester devant la chambre de l'instruction l'existence à son encontre d'indices graves ou concordants d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés ou à demander au juge d'instruction de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de témoin assisté, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-87114
Date de la décision : 07/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Commission rogatoire - Commission rogatoire internationale - Exécution - Mise en examen - Régularité - Condition

L'appréciation du bien-fondé de la mise en examen effectuée en exécution d'une commission rogatoire internationale relève du seul juge d'instruction de l'Etat requérant en charge de l'information judiciaire. Il n'en résulte pas d'atteinte aux droits de la défense, ni à aucun principe général du droit, dès lors que la personne mise en examen est recevable à contester devant la chambre de l'instruction l'existence à son encontre d'indices graves ou concordants d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés ou à demander au juge d'instruction de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de témoin assisté


Références :

articles 116, 154-2 et 694-3 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, 17 novembre 2016

Sur la nécessité, pour un acte exécuté à l'étranger sur délégation d'un juge français, d'avoir été accompli dans le respect des droits de la défense et des principes généraux du droit, à rapprocher :Crim., 4 novembre 1997, pourvoi n° 97-83463, Bull. crim. 1997, n° 366 (rejet) ;Crim., 17 mars 2015, pourvoi n° 14-88351, Bull. crim. 2015, n° 54 (irrecevabilité et rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jui. 2017, pourvoi n°16-87114, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Desportes
Rapporteur ?: M. Ascensi
Avocat(s) : SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.87114
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