La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2017 | FRANCE | N°16-18314

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 juin 2017, 16-18314


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2016), statuant en référé, que Jean Y... est décédé le [...]       , laissant pour lui succéder son épouse, Mme X..., leurs deux enfants, Raphaël et A..., ainsi que deux enfants nés de sa première union avec Mme Z..., Hélène et Julien ; que Mme X..., ses enfants (les consorts Y...) et la société Moebius production Jean Y... (la société) ont assigné Mme Z..., sur le fondement de l'article 145 du code de procédure

civile, pour voir communiquer par celle-ci la liste exhaustive des oeuvres de Jean Y......

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2016), statuant en référé, que Jean Y... est décédé le [...]       , laissant pour lui succéder son épouse, Mme X..., leurs deux enfants, Raphaël et A..., ainsi que deux enfants nés de sa première union avec Mme Z..., Hélène et Julien ; que Mme X..., ses enfants (les consorts Y...) et la société Moebius production Jean Y... (la société) ont assigné Mme Z..., sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, pour voir communiquer par celle-ci la liste exhaustive des oeuvres de Jean Y... qu'elle détient en original ;

Attendu que les consorts Y... et la société font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé, alors selon le moyen :

1°/ que l'autorisation donnée par le juge au mandataire successoral de dresser un inventaire dans les formes prescrites à l'article 789 du code civil ne dessaisit pas les héritiers de leurs droits héréditaires au nombre desquels figure celui d'agir en revendication d'un actif successoral, ce dont il résulte que l'héritier a qualité à agir en référé pour solliciter toute mesure d'instruction légalement admissible afin de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve dont pourrait dépendre la solution d'un litige ayant pour objet la revendication d'un actif successoral ; d'où il suit qu'en décidant que, du fait de la désignation de Me B... comme mandataire successoral avec mission de dresser inventaire de la succession de Jean Y..., les consorts Y... avaient perdu qualité à agir afin de demander en référé la condamnation de Mme Z..., à communiquer la liste exhaustive des oeuvres originales du défunt dont elle était dépositaire ou dont elle avait été dépositaire depuis 1987, la cour d'appel a violé les articles 724, 813-4 et 813-5 du code civil, ensemble les articles 31 et 145 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en affirmant qu'il appartenait incontestablement au seul mandataire successoral de demander à Mme Z..., s'il l'estimait utile, de communiquer la liste des oeuvres qu'elle détenait afin de dresser un inventaire complet de l'actif de la succession et en cas de refus, d'agir au besoin en justice, sans constater que Me B..., mandataire judiciaire à la succession de Jean Y..., avait reçu du juge le pouvoir d'agir en vue de rechercher, y compris judiciairement, les éléments d'actifs constitués par les oeuvres du de cujus détenues par des tiers, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 813-4 et 813-5 du code civil, ensemble les articles 31 et 145 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'un mandataire successoral avait été désigné à l'effet d'administrer la succession de Jean Y... et investi du pouvoir d'accomplir les actes prévus aux articles 813-4 et 813-5 du code civil, notamment celui de dresser inventaire dans les formes prescrites par l'article 789 du même code, la cour d'appel qui a constaté que la demande d'obtention de la liste des oeuvres du défunt détenues par Mme Z... avait pour objet de déterminer la masse de l'actif de la succession, en a exactement déduit que la désignation du mandataire avait dessaisi les héritiers de l'exercice des prérogatives entrant dans la mission de celui-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X..., M. et Mme Y... et la société Moebius production Jean Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour
Mme X..., M. et Mme Y... et la société Moebius production Jean Y....

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de référé rendue le 1er juillet 2014 ayant dit n'y avoir lieu à référé et, y ajoutant, d'avoir débouté les consorts Y... et la Sarl Moebius Production Jean Y... de toutes leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE Mme Claudine Z... soutient que la désignation du mandataire successoral par ordonnance du 7 août 2013, aux fins notamment d'administrer provisoirement la succession de Jean Y... et de dresser inventaire dans les formes prescrites par l'article 789 du code civil, a pour effet de dessaisir les héritiers de leurs droits et actions ; que le mandataire successoral représente les héritiers et de ce seul fait, les consorts Y... ont perdu toute qualité à agir aux fins de déterminer la masse successorale à partager ; que toute autre considération doit être écartée ; que les appelants répliquent qu'ils ont qualité et intérêt à agir ; que Mme Isabelle X... veuve Y... a qualité à agir en tant que créancière de la succession au titre de récompenses dues par la communauté notamment en ce que la prestation compensatoire dont était redevable Jean Y... à l'égard de l'intimée a été payée sur des deniers communs ; que Mme Isabelle Y..., M. Raphaël Y... et Mme A... Y..., ses enfants, ont qualité à agir en tant que légataires, héritiers réservataires et ayants droit de Jean Y... ; qu'Isabelle Y... est co-indivisaire, usufruitière de la totalité des biens de Jean Y... et titulaire du droit moral sur les oeuvres de Jean Y... ; qu'en vertu de l'article 724 du code civil, ils sont fondés à agir contre tout tiers détenteur d'un bien qui aurait été soustrait à l'actif de la succession ; que la Sarl Moebius Production Jean Y... dispose du droit d'exploiter toute l'oeuvre de Jean Y..., ce qui lui donne un intérêt légitime à connaître son étendue ; que le juge a limité les pouvoirs du mandataire successoral de sorte que ce dernier ne peut agir que dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés ; que la mission de dresser un inventaire dans les formes prescrites par l'article 789 du code civil ne confère pas le pouvoir au mandataire successoral de faire toutes diligences pour rechercher et établir la consistance active et passive de la succession ; qu'il résulte du dossier que l'action des consorts Y... et de la Sarl Moebius Production Jean Y... s'inscrit dans le cadre de la succession de Jean Y... à l'effet de déterminer la masse successorale à partager ; qu'ils font grief à Mme Claudine Z... divorcée Y... de faire obstacle à la reconstitution des actifs de ladite succession et sollicitent sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile de voir enjoindre à cette dernière de communiquer la liste exhaustive de l'ensemble des oeuvres de Jean Y... qu'elle détient en original, ce sous astreinte ; que par ordonnance en la forme des référés du 7 août 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a désigné maître B... en qualité de mandataire successoral à l'effet d'administrer provisoirement la succession de Jean Y... et de dresser inventaire dans les formes prescrites par l'article 789 du code civil ; que le juge a conféré au mandataire désigné le pouvoir d' accomplir les actes prévus aux articles 813-4 et 813-5 du code civil ; que, ultérieurement, par ordonnance du 25 septembre 2013, maître B... a été, en outre, autorisée à prendre tous renseignements utiles auprès de la Direction Générale des finances publiques et la demande tendant à retirer tous objets, titres, papiers, deniers ou valeurs qui auraient été déposés par le défunt ou contenus dans tous coffres a été rejetée ; que l'article 813-5 du code civil dispose : « Dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, le mandataire successoral représente l'ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et en justice » ; qu'il ressort de ce texte que le mandataire successoral peut, dans l'exercice de sa mission, non seulement passer des actes juridiques mais aussi agir en justice tant en demande qu'en défense ; que la désignation d'un mandataire en justice implique le dessaisissement des héritiers représentés de sorte que ces derniers sont, pour toute la durée de la mission du mandataire successoral, privés de la possibilité d'exercer librement leurs droits et actions ; que maître B... ayant été désigné notamment pour dresser inventaire et la présente action étant justifiée sur la nécessité de disposer d'une liste de biens qui seraient détenus par Mme Claudine Z... divorcée Y... à réintégrer dans la masse successorale à partager, il appartient incontestablement au seul mandataire successoral pour remplir ce chef de mission, de demander à Mme Claudine Z..., s'il l'estime utile, de communiquer la liste des oeuvres qu'elle détient afin de dresser un inventaire complet de l'actif de la succession qui doit contenir la consistance active et passive de la succession et en cas de refus de cette dernière de déférer à sa demande, d'agir au besoin en justice comme il en a le pouvoir ; que comme l'observe Mme Claudine Z..., l'action s'inscrivant dans le cadre de la succession de Jean Y... dont il convient de déterminer les éléments d'actifs, seule la qualité d'héritiers des appelants est susceptible de justifier leur qualité à agir de sorte que même à les supposer établies, les qualités de créancière de la succession de Mme Isabelle Y... ou de titulaire du droit moral sur l'oeuvre de Jean Y... sont indifférents dès lors qu'en tant qu'héritiers, ils sont dessaisis de leur droit sans que les dispositions de l'article 724 du code civil instaurant la saisine de plein droit des héritiers ne puissent être valablement opposée en présence de l'instauration du mandataire successoral issue de la loi du 23 juin 2006, sauf à priver cette dernière de tout intérêt ; que la Sarl Moebius Production Jean Y..., quant à elle, invoque son droit d'exploiter toute l'oeuvre de Jean Y... pour soutenir qu'elle aurait intérêt à connaître l'étendue de ladite oeuvre dans son intégralité ce qui lui confère qualité à agir ; mais que l'article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle pose le principe de l'indépendance du droit d'auteur portant sur l'oeuvre du droit de propriété corporelle du support matériel de cette oeuvre, leur régime respectif obéissant à des règles différentes ; que le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et de divulgation et la qualité de titulaire des droits patrimoniaux et/ou moral n'a pas d'incidence sur le droit de propriété corporelle sur les supports alors même que l'article L 11-3 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle dispose que les droits d'auteur subsistent en la personne de l'auteur ou de ses ayants droit qui pourtant ne pourront exiger du propriétaire de l'objet matériel la mise à leur disposition de cet objet pour l'exercice de leurs droits ; qu'il s'ensuit que la Sarl Moebius Production Jean Y... n'a aucune qualité à agir à quelque titre que ce soit dans un litige qui prend place dans la reconstitution de l'actif de la succession de Jean Y... ; que Mme Isabelle Y..., M. Raphaël Y... et Mme A... Y..., en leur qualité d'héritiers de Jean Y..., ont perdu du fait de la désignation de maître B... en qualité de mandataire successoral toute qualité à agir dans le cadre de la présente instance et que la Sarl Moebius Production Jean Y... n'a pas qualité à agir de sorte que les appelants sont irrecevables en leurs demandes » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE par ordonnance rendue en la forme des référés le 7 août 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a désigné Mme B... en qualité de mandataire successoral à l'effet d'administrer provisoirement la succession de Jean Y... et de dresser un inventaire dans les formes prescrites à l'article 789 du code civil ; que par ordonnance du 25 septembre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé Mme B... à prendre tous renseignements utiles auprès de la Direction générale des Finances publiques ; que l'ordonnance du 7 août 2013 précise expressément en son dispositif que le mandataire successoral dispose du pouvoir d'accomplir les actes prévus aux articles 813-4 et 813-5 du code civil ; que l'article 813-5 du code civil donne pouvoir au mandataire successoral de représenter les héritiers pour les actes de la vie civile et en justice ; que l'ordonnance du 7 août 2014 donnant expressément pouvoir au mandataire de dresser un inventaire, c'est à ce mandataire successoral qu'il appartient de demander à Mme Claudine Y..., s'il l'estime utile, de communiquer la liste des oeuvres qu'elle détient afin de pouvoir dresser un inventaire complet de l'actif de la succession ; qu'en cas de refus par Mme Claudine Y... de déférer à cette demande, c'est toujours au mandataire successorale d'agir en justice si nécessaire comme il en a le pouvoir ; que même si l'action est intentée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile en raison d'un motif légitime, Mme Isabelle Y..., A... Y..., M. Raphaël Y... et la SARL Moebius Production Jean Y... rappellent bien que c'est le périmètre du patrimoine successoral qui reste à déterminer ; que le fait que les parties en présence n'ont pas le même intérêt à la présente action est indifférent ; que dès lors qu'il s'agit de dresser l'inventaire des biens qui doivent être inclus dans la succession, c'est au mandataire successoral de procéder à cet inventaire, comme il en a le pouvoir et l'obligation en vertu de l'ordonnance du 7 août 2013 ; que les héritiers sont donc irrecevables à agir » (ordonnance, p. 3-4) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'autorisation donnée par le juge au mandataire successoral de dresser un inventaire dans les formes prescrites à l'article 789 du code civil ne dessaisit pas les héritiers de leurs droits héréditaires au nombre desquels figure celui d'agir en revendication d'un actif successoral, ce dont il résulte que l'héritier a qualité à agir en référé pour solliciter toute mesure d'instruction légalement admissible afin de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve dont pourrait dépendre la solution d'un litige ayant pour objet la revendication d'un actif successoral ; d'où il suit qu'en décidant que, du fait de la désignation de Maître B... comme mandataire successoral avec mission de dresser inventaire de la succession de Jean Y..., les consorts Y... avaient perdu qualité à agir afin de demander en référé la condamnation de Claudine Z..., divorcée Y..., à communiquer la liste exhaustive des oeuvres originales du défunt dont elle était dépositaire ou dont elle avait été dépositaire depuis 1987, la cour d'appel a violé les articles 724, 813-4 et 813-5 du code civil, ensemble les articles 31 et 145 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, ET EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en affirmant qu'il appartenait incontestablement au seul mandataire successoral de demander à Mme Claudine Z..., s'il l'estimait utile, de communiquer la liste des oeuvres qu'elle détenait afin de dresser un inventaire complet de l'actif de la succession et en cas de refus, d'agir au besoin en justice, sans constater que Maître B..., mandataire judiciaire à la succession de Jean Y..., avait reçu du juge le pouvoir d'agir en vue de rechercher, y compris judiciairement, les éléments d'actifs constitués par les oeuvres du de cujus détenues par des tiers, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 813-4 et 813-5 du code civil, ensemble les articles 31 et 145 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-18314
Date de la décision : 01/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SUCCESSION - Indivision successorale - Administration - Administration provisoire - Mandataire successoral - Effets - Dessaisissement des héritiers - Pouvoir de dresser un inventaire - Cas

INDIVISION - Action en justice - Qualité pour agir - Mandataire successoral - Effets - Dessaisissement des héritiers - Cas

La désignation d'un mandataire successoral investi du pouvoir d'accomplir les actes prévus aux articles 813-4 et 813-5 du code civil, dont celui de dresser un inventaire dans les formes prescrites par l'article 789 du même code, dessaisit les héritiers de l'exercice des prérogatives entrant dans le cadre de sa mission


Références :

articles 724, 789, 813-4 et 813-5 du code civil

articles 31 et 145 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 mars 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 jui. 2017, pourvoi n°16-18314, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.18314
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award