LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Hôpital privé Nord parisien (l'hôpital) et à la société Axa France IARD du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme X..., M. Y..., la Mutuelle intégrance, la société Medical Insurance Company et la société Mutuelle d'assurance corps santé français ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Christopher Z..., né prématurément, le 4 mai 1989, à la clinique Alexis Carrel, présente une infirmité motrice cérébrale ; qu'à l'issue de plusieurs expertises médicales judiciaires, il a, avec ses parents, M. et Mme Z..., et son frère, M. Freddy Z..., (les consorts Z...) assigné en responsabilité et indemnisation M. A..., gynécologue-obstétricien ayant suivi la grossesse et réalisé l'accouchement, et ses assureurs successifs, la société Gan assurances et la société Medical Insurance Company, ainsi que l'hôpital venant aux droits de la clinique et son assureur, la société Axa France IARD ; que les consorts Z... ont invoqué l'existence de fautes dans la prise en charge de Mme Z... et de M. Christopher Z... à l'origine de son handicap ;
Attendu que, pour condamner le praticien et l'hôpital à réparer les conséquences des lésions présentées par M. Christopher Z..., imputées à une amniotite à streptocoque B, après avoir relevé l'existence de fautes ayant consisté, pour M. A..., en l'absence de contrôle de l'exécution de prélèvements bactériologiques permettant de déceler l'infection, en une arrivée tardive lors de l'accouchement et en un défaut d'instructions quant à la prise en charge de l'enfant et, pour l'hôpital, en un défaut d'organisation des soins, en une absence de réactivité de la sage-femme constatant l'anomalie du rythme cardiaque foetal, en un appel tardif à un pédiatre et en l'absence de soins donnés à l'enfant avant son transfert, l'arrêt retient que ces fautes ont joué un rôle causal majeur et sont en lien direct avec le dommage, et que la réalisation d'une IRM a permis d'exclure toute pathologie ante-natale, tout en constatant, lors de l'examen de la faute initiale commise par le praticien concernant les prélèvements bactériologiques, que si de tels prélèvements avaient été effectués, ils auraient probablement permis de prendre des décisions limitant les conséquences de l'amniotite à streptocoque B pour l'enfant, soit en traitant l'infection, soit en extrayant celui-ci en urgence ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que, même si l'infection avait été décelée et l'enfant et sa mère avaient alors été correctement pris en charge, il n'était pas certain que ce dernier n'aurait présenté aucune lésion consécutive à sa survenue, de sorte que les fautes commises lui avaient seulement fait perdre la chance de ne conserver aucune séquelle ou de subir des séquelles moins graves, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum la société Axa France IARD, la société Hôpital privé Nord parisien, M. A... et la société Gan assurances à indemniser l'ensemble des préjudices résultant de l'infirmité motrice cérébrale présentée par M. Christopher Z..., l'arrêt rendu le 14 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD et la société Hôpital privé Nord parisien.
IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum le docteur A..., l'Hôpital, le Gan et Axa à indemniser les préjudices subis à la suite de l'accident d'accouchement du 4 mai 1989 et d'AVOIR dit que le Docteur A... et la société GAN ASSURANCES IARD, d'une première part, et, d'une seconde part, l'HÔPITAL PRIVE DU NORD PARISIEN et la société AXA FRANCCE IARD supporteront chacun 50 % de la charge indemnitaire et d'AVOIR condamné in solidum le Docteur A..., l'HÔPITAL PRIVE NORD PARISIEN, le GAN et la compagnie AXA FRANCE IARD à verser à Christopher Z... une provision de 800.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « sur la notion de perte de chance C'est à tort que les experts se réfèrent à cette notion pour s'interroger sur le point de savoir si, en l'absence des manquements précités, Christopher pouvait espérer naître sans handicap. La perte de chance qui correspond à la disparition de la probabilité d'un événement favorable permet d'indemniser la victime d'un dommage potentiel. Tel n'est pas le cas en l'espèce, le dommage étant constant et lié à des fautes caractérisées qui ont toutes participé à la réalisation du sinistre, permettant la condamnation in solidum de leurs auteurs à réparation intégrale. II en résulte que la question soulevée se réfère en réalité à la causalité de la prématurité dans le handicap. Elle était partiellement résolue par les premiers rapports qui ont mis en évidence une prématurité modérée avec un poids satisfaisant de l'enfant (2,130 kg) permettant d'augurer l'absence de toutes difficultés, qui n'interviennent en toute hypothèse que dans 1/3 des cas. La question a été définitivement tranchée par la dernière interprétation du bilan IRM, les docteurs B... et C... ayant formellement éliminé toute existence d'une pathologie foetale in vitro. Il est ainsi démontré que l'IMOC est la conséquence exclusive des complications neurologiques par anoxo ischémie cérébrale secondaire à la souffrance foetale et post natale imputable à la présence d'un streptocoque B » ;
ET AUX MOTIFS propres QUE « sur les responsabilités : Le docteur A..., qui n'a jamais comparu au cours de l'instance au fond, mais qui a participé aux opérations d'expertise, n'a jamais contesté les conclusions des experts. Le simple exposé des circonstances de la naissance de Christopher Z... suffit à caractériser les multiples fautes constituant la cause majeure de son handicap, étant l'appelé que les IRM successivement pratiquées ont éliminé toute pathologie anténatale. Les parties ne discutent d'ailleurs ni les constatations et conclusions des experts, ni véritablement les fautes commises, et s'opposent essentiellement sur leur imputabilité à l'une ou l'autre d'entre elles et le partage de responsabilité, lequel ne concerne pas la victime. En ce qui concerne le docteur A..., il est justement relevé qu'il n'a pas veillé à la bonne exécution des prélèvements bactériologiques qu'il prétend avoir prescrits, lesquels auraient probablement permis de prendre des décisions limitant les conséquences de l'aminiotite pour l'enfant, soit en traitant l'infection, soit en extrayant l'enfant en urgence, carence constituant une première faute. En second lieu, il a, dans un premier temps, déclaré aux experts qui l'ont relevé qu'il n'avait pas jugé inquiétante la tachycardie de l'enfant, puis qu'il n'était arrivé que quelques minutes avant la naissance, soit vers 10 h 20, comme il l'aurait fait un dimanche, en sorte que les carences antérieures dans le suivi du travail ne lui seraient pas imputable. Le tribunal a cependant justement considéré que, quelle que soit la thèse soutenue, elle révèle une faute du médecin, soit par erreur technique fautive, soit en raison du retard lui aussi fautif avec lequel il a pris sa garde. Enfin, il lui incombait, en l'absence du pédiatre, et ce même s'il avait également à s'occuper de la mère, pour une révision utérine et à la suite d'une hémorragie de la délivrance, de donner les instructions utiles pour le bébé, qui auraient pu être mises en oeuvre par la sage-femme, et ainsi permis d'entreprendre immédiatement les soins indispensables au bébé, qui n'ont cependant été entamés qu'à l'arrivée du SAMU, plus d'une heure après la naissance. En ce qui concerne l'Hôpital, a justement été retenue une organisation défectueuse des soins, spécialement lors d'un jour férié, en ce que : - les médecins de garde, que ce soit pour la nuit ou à compter de 8 h le 4 mai ne sont pas intervenus alors que la situation le justifiait, parce qu'il n'a pas été utilement fait appel à eux, - la sage-femme, nouvelle dans l'établissement, n'a pas réagi avec une efficacité suffisante en constatant l'anomalie du RCF, étant rappelé que, si elle a affirmé avoir fait appel au médecin de garde jusqu'à huit heures (qui n'était pas le docteur A...), appel n'ayant laissé aucune trace, elle n'a pas non plus fait état des instructions que ce médecin, qui n'a pu être retrouvé, lui aurait données. Elle ne s'est pas davantage adressée au médecin de garde à compter de huit heures, soit le docteur A..., devant la persistance des anomalies. - la sage-femme n'avait pas non plus de directives en ce qui concerne l'appel au pédiatre, dont il n'est pas contesté qu'il a été appelé bien après la naissance,-alors que la gravité de l'état de l'enfant était connue de tous les membres de l'équipe médicale, et que les bonnes pratiques exigeaient, en cas de prématurité, et tel était le cas, que le pédiatre soit présent dès la naissance, - alors qu'elle était seule à avoir de facto la responsabilité de l'enfant, ce qui est un autre manquement de l'hôpital à son obligation de prodiguer des soins attentifs, elle ne les lui a pas apportés, alors il n'est pas contesté qu'elle était en capacité technique de le faire (ventilation au balIon), En ce qui concerne le docteur X..., rien ne permet de la contredire lorsqu'elle affirme ne pas avoir assisté à l'accouchement ni vu l'enfant, et n'avoir été appelée auprès de la mère que pour la révision utérine rendue nécessaire par l'hémorragie de la délivrance. Il n'est pas davantage contesté qu'elle est arrivée au chevet de Mme Z... à 10 h 58, et l'a prise en charge jusqu'à 15 h 05. Aucune faute n'est donc établie contre elle, La responsabilité du docteur Y... n'est pas davantage engagée, puisqu'il n'avait pas été appelé, et qu'une fois alerté, à 11 h 40, soit plus d'une heure après la naissance, il a immédiatement, et sans même avoir vu l'enfant, appelé le SAMU de son domicile. Le jugement sera donc confirmé en ce que les responsabilités in solidum du docteur A... et de l'Hôpital ont été retenues, et en ce que les demandes contre les docteurs X... et Y..., ainsi que la MACSF ont été rejetées » ;
1. ALORS QUE s'il n'est pas établi que des soins administrés à temps eussent guéri le patient, l'absence ou le retard fautifs de diagnostic ou de traitement d'une affection ne peuvent être indemnisés qu'au titre de la perte de chance ; que la Cour d'appel a constaté que, en l'absence des fautes reprochées au médecin et à la sage-femme, l'extraction de l'enfant en urgence ou le traitement de l'infection materno foetale auraient permis de limiter les conséquences de l'amniotite pour l'enfant ; qu'en condamnant l'Hôpital Privé Nord Parisien, et Axa France lard in solidum avec le docteur A... et le Gan à indemniser l'intégralité des préjudices subis à la suite de l'accouchement du 4 mai 1989 lorsque ces préjudices ne pouvaient être indemnisés qu'au titre de la perte de chance, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient, a violé l'article 1147 du Code civil, applicable en la cause ;
2. ALORS QUE hormis en cas d'infection nosocomiale, les établissements de soins ne sont responsables que des conséquences de leur faute ; que la Cour d'appel qui n'a pas recherché, malgré les conclusions qui l'y invitaient, (conclusions signifiées le 27 octobre 2014, p. 37 – 38) si l'infection materno foetale sans caractère nosocomial, cause probable de l'accouchement prématuré, n'avait pas joué un rôle causal dans la survenance du dommage, a privé de base légale sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil, applicable en la cause.