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24/05/2017 | FRANCE | N°15-18484

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mai 2017, 15-18484


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 12 février 2015), que la société Nord Toitures a souscrit le 28 décembre 2006, auprès de la Société commerciale de télécommunications (la société SCT), opérateur en téléphonie à destination des professionnels, un contrat portant sur un service de téléphonie fixe et de raccordement direct, la société SCT s'engageant à résilier "l'abonnement France Télécom" et à assurer le dégroupage ; que, reprochant à la société SCT de n'avoir pas réalisé le racc

ordement, la société Nord Toitures lui a adressé, le 2 septembre 2008, une lettre de r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 12 février 2015), que la société Nord Toitures a souscrit le 28 décembre 2006, auprès de la Société commerciale de télécommunications (la société SCT), opérateur en téléphonie à destination des professionnels, un contrat portant sur un service de téléphonie fixe et de raccordement direct, la société SCT s'engageant à résilier "l'abonnement France Télécom" et à assurer le dégroupage ; que, reprochant à la société SCT de n'avoir pas réalisé le raccordement, la société Nord Toitures lui a adressé, le 2 septembre 2008, une lettre de résiliation puis, usant de la possibilité qui lui était offerte par une lettre du 15 septembre 2008 de revenir sur sa décision, a décidé de se rétracter le 16 octobre 2008 ; que la société SCT a refusé d'y donner suite et a assigné la société Nord Toiture en paiement d'une facture au titre de l'indemnité de résiliation du service de téléphonie fixe ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Nord Toitures fait grief à l'arrêt de dire que la résiliation du contrat lui est imputable et de la condamner à payer à la société SCT une indemnité contractuelle de résiliation alors, selon le moyen, que l'offre faite à un cocontractant de rétracter la résiliation doit être maintenue pendant un délai raisonnable, à défaut de délai spécifié par l'offrant ; que pour retenir que la société Nord toitures a tardivement rétracté la résiliation, les juges du fond ont retenu que les lignes étaient déconnectées à la date de rétractation ; que ce faisant, les juges du fond ont pris en compte un délai technique correspondant à une modalité d'exécution du contrat, quand ils auraient dû s'interroger sur l'exercice de la rétractation dans un délai raisonnable ou à tout le moins dans un délai spécifié par la SCT ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1109 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'en prenant acte de la demande de résiliation de sa cocontractante, la société SCT l'avait prévenue qu'un délai de trois semaines était nécessaire pour déconnecter les lignes et ayant constaté que celles-ci étaient déconnectées le 16 octobre 2008, date à laquelle la société Nord Toitures a accepté l'offre de la société SCT de revenir sur sa décision, la cour d'appel a fait ressortir que la société SCT avait exercé sa faculté de rétractation au-delà d'un délai raisonnable, qu'elle a souverainement apprécié ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Nord Toitures fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la société Nord Toitures faisait valoir dans ses écritures que la clause régissant les conséquences financières de la résiliation était nulle au regard des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, comme créant un déséquilibre significatif au détriment de la société Nord Toitures et au bénéfice de la SCT ; que les juges du fond ont statué au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; que, ce faisant, les juges du fond ont violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la clause ayant pour objet la réparation d'un préjudice subi par une partie au contrat du fait de sa cessation anticipée est une clause pénale ; que tel est le cas de la clause ayant pour objet de « réparer le fait que le contrat a disparu de façon anticipée » ; qu'en décidant qu'une telle clause ne pouvait recevoir la qualification de clause pénale, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, violant ainsi les articles 1152 et 1229 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel, qui était saisie d'une demande en nullité de la clause pour déséquilibre significatif fondée de manière inopérante sur l'article L. 442-6 du code de commerce, a, statuant au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation que la société Nord Toitures évoquait dans ses écritures, retenu que le contrat conclu entre les deux sociétés, toutes deux commerçantes, pour les besoins professionnels de l'une d'elles, ne relevait pas de la législation sur les clauses abusives dont seul cet article permettait l'annulation ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que les sommes réclamées par la société SCT au titre d'indemnités liées à la résiliation anticipée des contrats de téléphonie fixe étaient destinées à réparer le fait que le contrat avait disparu de façon anticipée, quel qu'en soit le motif, et relevé qu'elles n'étaient pas stipulées comme sanction des manquements du client dans le cadre de l'exécution du contrat, la cour d'appel a pu en déduire que la clause ne pouvait s'analyser en une clause pénale, susceptible de modération par le juge ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Nord Toitures aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la Société commerciale de télécommunications la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Nord Toitures

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a décidé que la résiliation du contrat du 28 décembre 2006 était imputable à la société Nord toitures, puis condamné cette dernière au payement de la somme de 16 146 euros ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'imputabilité de la résiliation du contrat, la société SCT reproche au jugement de l'avoir considérée comme à l'origine de la rupture du contrat et de l'avoir déboutée de sa demande relative au payement d'une indemnité de résiliation ; que selon la société Nord toitures, la résiliation serait imputable à la faute contractuelle de la société SCT qui n'a pas été en mesure de réaliser le dégroupage effectif des lignes et qui aurait manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté en proposant un tel dégroupage qui n'aurait pas été possible dans la zone géographique où elle se situe ; que toutefois, d'une part, la société Nord toitures n'établit en rien que le dégroupage n'aurait pas été possible dans cette zone géographique alors que la société SCT produit la confirmation qu'au mois de septembre 2008 la ligne était éligible au dégroupage, permettant le raccordement sur la zone considérée ; que d'autre part, l'exécution du contrat est conçue en deux phase successives et il existe une phase dite de présélection, préalable au raccordement, si le site du client n'est pas situé dans la zone de raccordement direct, qui est stipulée d'une durée minimale de 12 mois, qui devient de 48 mois dès disponibilité géographique ; que dès le 29 août 2008, la société SCT a envoyé un courrier à la société Nord toitures lui notifiant la nécessité d'une intervention technique et le passage à la deuxième phase, la sollicitant pour convenir d'un rendez-vous ; qu'elle lui spécifiait précisément que faute de sa réaction, la deuxième phase du contrat de raccordement direct serait entamée ; que le 2 septembre 2008, la société Nord toitures résiliait, sans motif ni grief exprimé, le contrat, marquant sa volonté de ne pas laisser la société SCT réaliser le dégroupage, dont sait qu'il était désormais possible ; que jusque-là, la société Nord toitures n'avait fait part d'aucun mécontentement et ce n'est que postérieurement à la résiliation, au moment de la réclamation d'une indemnité de résiliation, que la société Nord toitures remettait en question l'engagement souscrit ; que, actant la demande de résiliation de sa co-contractante le 15 septembre 2008, la société SCT la prévenait qu'un délai de trois semaines était nécessaire pour déconnecter les lignes ; qu'ainsi, il est clair que lorsque la société Nord toitures a voulu revenir sur sa décision le 16 octobre 2008, possibilité qui lui avait été offerte par la société SCT, les lignes étaient déconnectées, ce qui explique la raison pour laquelle il n'était plus possible de revenir sur son choix ; qu'en conséquence, la société Nord toitures est bien à l'origine de la résiliation et elle n'établit pas, à défaut de tout autre élément, que la société SCT aurait manqué à ses obligations en ne procédant pas au raccordement direct avant même l'expiration de la phase de présélection, à laquelle elle avait contractuellement adhéré ; que le jugement doit être réformé sur ce point ; que sur l'applicabilité des conditions générales et particulières de vente, sur le bulletin de souscription signé le 21 décembre 2006 du représentant de la société Nord toitures, il est fait explicitement mention de ce que « le client déclare avoir pris connaissance et accepté les conditions générales de vente imprimées au verso, les conditions particulières relatives à chaque service fourni par SCT nord ainsi que de leurs annexes » ; que d'autre part, ces conditions particulières font partie intégrante et ne sont pas détachables du bulletin de souscription puisqu'elles figurent au verso de celui-ci ; qu'il importe peu que les conditions générales n'aient pas été paraphées ; que par ailleurs, elles sont parfaitement lisibles de même que la mention figurant sur le bulletin de souscription, juste au-dessus des signatures ; que sur l'indemnité de résiliation, l'article 13.1.2 la prévoit à charge du client pour le cas où il n'est pas établi un manquement grave du fournisseur à ses obligations qui légitimerait cette résiliation ; qu'il s'avère que si le raccordement direct n'est pas intervenu à la date de la résiliation, qui est le point de départ de la deuxième phase, cela est dû au client qui de façon fautive a refusé l'opération de raccordement qui lui était proposée ; que si aucun délai ne peut courir sans que celui auquel il est opposé en soit informé, tel n'est pas le cas de l'espèce, le courrier du 29 août 2008 ayant clairement précisé à la société Nord toitures qu'un rendez-vous devait être pris pour la finalisation et le passage de la phase de présélection d'une durée minimale de 12 mois à la phase de raccordement direct d'une durée minimale de 48 mois ; que cette indemnité est prorata temporis de 500 euros multipliée par le nombre de mois restant à échoir, « le contrat étant automatiquement prolongé pour une durée globale et minimale de quarante-huit (48) mois étant entendu que la période (initiale ou renouvelée) de la connexion via la présélection s'imputera sur cette durée de quarante-huit (48) mois » ; que le chiffre demandé doit être entériné ; que sur la nullité de la clause, le texte de l'article L 132-1 du code de la consommation vise les contrats conclus entre un professionnel et un non-professionnel et la jurisprudence n'a pas entendu appliquer le principe des clauses abusives aux contrats conclus pour les besoins professionnels ; qu'au cas d'espèce, le contrat a été passé entre deux sociétés commerçantes de surcroît pour les besoins professionnels de l'une des deux parties ; que ce contrat ne relève pas de la législation sur les clauses abusives ; que le débouté s'impose sur ce point ; que sur la demande de réduction de la clause, les sommes réclamées par la société au titre d'indemnités liées à la résiliation anticipée des contrats de téléphonie fixe sont destinées à réparer le fait que le contrat a disparu de façon anticipée, quel qu'en soit le motif, et elles ne sont pas stipulées comme sanction des manquements du client dans le cadre de l'exécution du contrat ; qu'ainsi, la clause ne peut s'analyser en une clause pénale susceptible de modération par le juge s'il l'estime manifestement excessive ; que la demande de réduction doit être écartée ; que par ailleurs, la société Nord toitures reconnaît que la somme de 500 euros est contractuellement prévue comme étant un seuil minimum ; qu'elle ne peut donc plaider qu'elle est supérieure à ses consommations mensuelles effectives ; qu'ainsi, le calcul opéré par la société SCT est juste et il convient de l'entériner ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande telle qu'elle a été formulée par la société SCT »

ALORS QUE l'offre faite à un co-contractant de rétracter la résiliation doit être maintenue pendant un délai raisonnable, à défaut de délai spécifié par l'offrant ; que pour retenir que la société Nord toitures a tardivement rétracté la résiliation, les juges du fond ont retenu que les lignes étaient déconnectées à la date de rétractation ; que ce faisant, les juges du fond ont pris en compte un délai technique correspondant à une modalité d'exécution du contrat, quand ils auraient dû s'interroger sur l'exercice de la rétractation dans un délai raisonnable ou à tout le moins dans un délai spécifié par la SCT ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1109 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'il a décidé que la résiliation du contrat du 28 décembre 2006 était imputable à la société Nord toitures, puis condamné cette dernière au payement de la somme de 16 146 euros ;

AUX MOTIFS QUE « sur la nullité de la clause, le texte de l'article L 132-1 du code de la consommation vise les contrats conclus entre un professionnel et un non-professionnel et la jurisprudence n'a pas entendu appliquer le principe des clauses abusives aux contrats conclus pour les besoins professionnels ; qu'au cas d'espèce, le contrat a été passé entre deux sociétés commerçantes de surcroît pour les besoins professionnels de l'une des deux parties ; que ce contrat ne relève pas de la législation sur les clauses abusives ; que le débouté s'impose sur ce point ; que sur la demande de réduction de la clause, les sommes réclamées par la société au titre d'indemnités liées à la résiliation anticipée des contrats de téléphonie fixe sont destinées à réparer le fait que le contrat a disparu de façon anticipée, quel qu'en soit le motif, et elles ne sont pas stipulées comme sanction des manquements du client dans le cadre de l'exécution du contrat ; qu'ainsi, la clause ne peut s'analyser en une clause pénale susceptible de modération par le juge s'il l'estime manifestement excessive ; que la demande de réduction doit être écartée ; que par ailleurs, la société Nord toitures reconnaît que la somme de 500 euros est contractuellement prévue comme étant un seuil minimum ; qu'elle ne peut donc plaider qu'elle est supérieure à ses consommations mensuelles effectives ; qu'ainsi, le calcul opéré par la société SCT est juste et il convient de l'entériner ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande telle qu'elle a été formulée par la société SCT »

ALORS QUE, premièrement, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la société Nord toitures faisait valoir dans ses écritures que la clause régissant les conséquences financières de la résiliation était nulle au regard des dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce (conclusions de la société Nord toitures, pp. 13 à 15), comme créant un déséquilibre significatif au détriment de la société Nord toitures et au bénéfice de la SCT ; que les juges du fond ont statué au regard de l'article L 132-1 du code de la consommation ; que ce faisant, les juges du fond ont violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, la clause ayant pour objet la réparation d'un préjudice subi par une partie au contrat du fait de sa cessation anticipée est une clause pénale ; que tel est le cas de la clause ayant pour objet de « réparer le fait que le contrat a disparu de façon anticipée » (arrêt, p. 5 in fine et p. 6 alinéa 1) ; qu'en décidant qu'une telle clause ne pouvait recevoir la qualification de clause pénale, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, violant ainsi les articles 1152 et 1229 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-18484
Date de la décision : 24/05/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 12 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mai. 2017, pourvoi n°15-18484


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.18484
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