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11/05/2017 | FRANCE | N°16-13278

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 mai 2017, 16-13278


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2016), que, par acte notarié du 1er octobre 2008, la société Crédit foncier de France (la banque) a consenti un prêt viager hypothécaire à Adèle Y..., décédée le [...]        ; qu'après avoir signifié son titre exécutoire aux héritiers de la défunte, Mmes Geneviève, Anne-France et Irène Y..., Mme Anne-Marie Y..., représentée par sa tutrice Mme Z..., MM. André, Roger et Michel Y..., MM. B..., C... et I... H..

.                leur a délivré, courant octobre et novembre 2014, un commandement de pay...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2016), que, par acte notarié du 1er octobre 2008, la société Crédit foncier de France (la banque) a consenti un prêt viager hypothécaire à Adèle Y..., décédée le [...]        ; qu'après avoir signifié son titre exécutoire aux héritiers de la défunte, Mmes Geneviève, Anne-France et Irène Y..., Mme Anne-Marie Y..., représentée par sa tutrice Mme Z..., MM. André, Roger et Michel Y..., MM. B..., C... et I... H...                leur a délivré, courant octobre et novembre 2014, un commandement de payer valant saisie immobilière ;

Attendu que Mme Geneviève Y... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'annulation et de mainlevée du commandement de payer, et d'ordonner la vente forcée du bien, alors, selon le moyen :

1°/ que le point de départ du délai biennal de prescription de l'action en remboursement d'un prêt viager hypothécaire doit être fixé à la date à laquelle la créance de remboursement est devenue exigible, correspondant à la date du décès de l'emprunteur ou à la date de l'aliénation ou du démembrement de la propriété de l'immeuble hypothéqué s'ils sont survenus avant le décès ; que, pour débouter Mme Geneviève Y... de ses demandes, l'arrêt retient, après avoir relevé que l'emprunteuse est décédée le [...]       , que le délai de deux ans n'a toutefois couru qu'à compter du 6 mai 2013, date de l'établissement de l'acte de notoriété ayant porté à la connaissance de l'établissement de crédit les éléments factuels lui permettant de recouvrer sa créance, dès lors qu'il ne pouvait auparavant être certain de l'identité de tous les héritiers ; qu'en statuant ainsi, en fixant le point de départ du délai de prescription à la date de l'établissement de l'acte de notoriété, c'est-à-dire d'un document dressé à la demande d'un ou plusieurs ayants droit à des fins probatoires par le notaire en charge de la succession, et non à la date du décès de l'emprunteuse ayant rendu exigible le remboursement du prêt, la cour d'appel a violé les articles L. 137-2, L. 314-1 et L. 314-13 du code de la consommation, ensemble les articles 2219, 2224 et 2233 du code civil ;

2°/ qu'à la demande d'un créancier, le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale ; que, pour débouter Mme Geneviève Y... de ses demandes, l'arrêt se borne à retenir que la banque ne pouvait faire nommer un administrateur provisoire à la succession, les conditions d'une telle désignation n'étant pas remplies puisque la succession n'était ni vacante ni en déshérence et puisqu'il n'était pas allégué de carence, faute, mésentente ou opposition d'intérêts entre héritiers ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si la complexité de la situation successorale n'aurait pas pu justifier en l'espèce la désignation d'un mandataire successoral à la demande de l'établissement de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 813-1 du code civil ;

Mais attendu que le point de départ du délai biennal de prescription prévu à l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en recouvrement d'un prêt viager hypothécaire, à la date à laquelle le prêteur a connaissance de l'identité des héritiers de l'emprunteur ; qu'ayant souverainement estimé que la banque n'avait connu l'identité des héritiers d'Adèle Y... qu'au jour de la transmission de l'acte de notoriété établi par le notaire chargé de la succession, soit le 6 septembre 2013, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche non demandée, en a exactement déduit que la prescription biennale de l'action de la banque n'était pas acquise au jour de la délivrance du commandement de payer ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Geneviève Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour Mme Geneviève Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, d'une part, confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Mme Geneviève Y... de ses demandes de nullité et de mainlevée du commandement de saisie immobilière et de toutes ses demandes, en ce qu'il a ordonné la vente forcée des biens immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière, en ce qu'il a fixé l'audience d'adjudication au 7 janvier 2016, à 14 heures, salle des criées du tribunal de grande instance de Paris et dit que la vente forcée aurait lieu à cette date dans les conditions visées au cahier des conditions de vente, en ce qu'il a mentionné que le montant retenu pour la créance du poursuivant était de la somme de 388 359,50 € arrêtée au 30 septembre 2014, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2014, et en ce qu'il a fixé les conditions de visite et de publicité et d'avoir, d'autre part, rejeté toute autre demande ;

Aux motifs propres qu'« il ressort des débats et des pièces produites que les débiteurs saisis sont les héritiers de Mme Adèle J...             veuve Y..., décédée le [...]       , à qui le Crédit foncier de France avait consenti par acte de Me F..., notaire associé à Paris, en date du 1er octobre 2008, un prêt viager hypothécaire d'un montant de 285 000 €, remboursable au décès de l'emprunteur par les héritiers de celui-ci, lesquels disposent conventionnellement d'un délai de six mois à compter du décès pour s'exécuter ; que l'acte de notoriété ayant été établi le 6 mai 2013, la banque a fait notifier le titre aux héritiers par actes des 19, 23, 24 et 26 juin 2014, puis le 18 septembre 2014 à Mme Z..., tutrice de Mme Anne-Marie Y... ; qu'un commandement valant saisie immobilière leur a été signifié les 6, 7, 8, 9 et 14 octobre et 14 novembre 2014 ; que le Crédit foncier de France produit aux débats l'acte de dénonciation du titre à Mme Z..., tutrice de Mme Anne-Marie Y..., le moyen tiré de l'absence de cette notification manque donc en fait ; que selon l'appelante, le délai de prescription biennal de l'article L. 137-2 du code de la consommation courait à compter du décès, date à laquelle la banque aurait, au sens de l'article 2224 du code civil, connu les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'elle soutient en conséquence que la prescription était acquise dès le 27 juin 2014, et que l'action était donc prescrite au jour de la délivrance du commandement ; que c'est cependant à bon droit que le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte, a retenu que le créancier ne pouvait exercer son droit à l'encontre des héritiers avant d'avoir connaissance de l'acte de notoriété établi le 6 mai 2013, acte qui lui a été adressé le 6 septembre 2013 par l'étude notariale, sise au Lamentin (Martinique) ; qu'en effet, il ne peut être sérieusement soutenu qu'avant cette date, le créancier avait connaissance des éléments factuels lui permettant de recouvrer sa créance dès lors qu'il ne pouvait être certain de l'identité de tous les héritiers avant d'être en possession de l'acte de notoriété, sur l'établissement duquel il n'a aucune prise, étant encore observé que l'argument selon lequel il aurait été "parfaitement loisible" à la banque de faire nommer un administrateur provisoire à la succession et de poursuivre la procédure contre lui n'est pas pertinent, dès lors que les conditions n'en étaient nullement remplies, la succession n'étant ni vacante, ni en déshérence, et qu'il n'est pas allégué de carence, faute, mésentente ou opposition d'intérêts entre héritiers au sens de l'article 813-1 du code civil ; que le délai de deux ans courant à compter du 6 mai 2013, la banque disposait de l'intégralité de ce délai pour agir, le moyen tiré de ce que "l'attestation de notoriété ayant été établie le 6 mai 2013 pour une prescription acquise un an plus tard laissant largement le temps à l'établissement bancaire d'agir dans le délai" étant inopérant, la prescription n'était donc pas acquise au jour de la délivrance des commandements ; que le jugement, qui n'est pas autrement critiqué, sera donc confirmé en toutes ses dispositions » (arrêt, p. 5 et 6) ;

Et aux motifs adoptés que « le requérant soutient qu'en application des dispositions de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir à la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure[,] qu'en application des dispositions de l'article 877 du code civil, toutes les poursuites préalables à rencontre des ayants droit d'un emprunteur décédé ne peuvent valablement être engagées qu'après notification du type [sic] de créance et qu'il avait donc jusqu'au 6 mai 2015 pour engager les poursuites ;
qu'il oppose la force majeure ; que le créancier ne pouvait, à l'évidence, être certain de l'identité de tous les héritiers de l'emprunteuse décédée avant son décès puisque, même en présence de descendants, il existe une quotité disponible et que le disposant peut modifier ses volontés jusqu'à son décès ; qu'en l'espèce l'acte de notoriété révèle d'ailleurs qu'il existait un testament ; que le créancier ne pouvait être certain de l'identité de tous les héritiers qu'au vu de l'acte de notoriété qui date du 6 mai 2013, l'identité des héritiers n'étant pas totalement prévisible avant ; que cette circonstance est extérieure au créancier et il n'avait pas de moyen d'y déroger, en conséquence, elle présente bien les caractéristiques de la force majeure ; qu'aux termes de l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux professionnels se prescrit par deux ans ; qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, le point de départ du délai de prescription se situe au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer soit, en l'espèce, du jour de l'attestation de notoriété ; que l'action du créancier poursuivant n'était donc pas prescrite au moment de la délivrance du commandement en octobre 2014, ni au moment de la délivrance des assignations ; que la requise sera donc déboutée de ses demandes sur ce point et de ses demandes de nullité et de mainlevée du commandement de saisie immobilière » (jugement, page 5);

Alors, premièrement, que le point de départ du délai biennal de prescription de l'action en remboursement d'un prêt viager hypothécaire doit être fixé à la date à laquelle la créance de remboursement est devenue exigible, correspondant à la date du décès de l'emprunteur ou à la date de l'aliénation ou du démembrement de la propriété de l'immeuble hypothéqué s'ils sont survenus avant le décès ; que pour débouter Mme Geneviève Y... de ses demandes, l'arrêt retient, après avoir relevé que l'emprunteuse est décédée le [...]       , que le délai de deux ans n'a toutefois couru qu'à compter du 6 mai 2013, date de l'établissement de l'acte de notoriété ayant porté à la connaissance de l'établissement de crédit les éléments factuels lui permettant de recouvrer sa créance, dès lors qu'il ne pouvait auparavant être certain de l'identité de tous les héritiers ; qu'en statuant ainsi, en fixant le point de départ du délai de prescription à la date de l'établissement de l'acte de notoriété, c'est-à-dire d'un document dressé à la demande d'un ou plusieurs ayants droit à des fins probatoires par le notaire en charge de la succession, et non à la date du décès de l'emprunteuse ayant rendu exigible le remboursement du prêt, la cour d'appel a violé les articles L. 137-2, L. 314-1 et L. 314-13 du code de la consommation, ensemble les articles 2219, 2224 et 2233 du code civil ;

Alors, deuxièmement, qu'à la demande d'un créancier, le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale ; que pour débouter Mme Geneviève Y... de ses demandes, l'arrêt se borne à retenir que le Crédit foncier de France SA ne pouvait faire nommer un administrateur provisoire à la succession, les conditions d'une telle désignation n'étant pas remplies puisque la succession n'était ni vacante ni en déshérence et puisqu'il n'était pas allégué de carence, faute, mésentente ou opposition d'intérêts entre héritiers ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si la complexité de la situation successorale n'aurait pas pu justifier en l'espèce la désignation d'un mandataire successoral à la demande de l'établissement de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 813-1 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-13278
Date de la décision : 11/05/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Prêt viager hypothécaire - Action - Prescription - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs - Point de départ

PRESCRIPTION CIVILE - Délai - Point de départ - Prêt viager hypothécaire PRET - Prêt d'argent - Crédit à la consommation - Défaillance de l'emprunteur - Prescription - Point de départ - Cas - Prêt viager hypothécaire

Le point de départ du délai biennal de prescription prévu à l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en recouvrement d'un prêt viager hypothécaire, à la date à laquelle le prêteur a connaissance de l'identité des héritiers de l'emprunteur


Références :

article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation

articles L. 314-1 et L. 314-13 du code de la consommation, abrogés par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016

articles 813-1, 2219, 2224 et 2233 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 mai. 2017, pourvoi n°16-13278, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13278
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