LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X...et de Mme Y...;
Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que, pour condamner M. X... à payer à Mme Y... une prestation compensatoire, l'arrêt retient que si les revenus de l'épouse sont supérieurs à ceux du mari, son patrimoine prévisible, après la liquidation du régime matrimonial, sera moins important et que les choix professionnels qu'elle a faits pour l'éducation des enfants entraînent une réduction de ses droits à retraite ;
Qu'en statuant ainsi, sans déduire des ressources de M. X... la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants communs qu'elle avait elle-même mise à sa charge, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à Mme Y... une prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 14 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé partiellement le jugement entrepris en ce qu'il avait prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse et statuant à nouveau, de l'avoir prononcé aux torts partagés des époux ;
AUX MOTIFS QUE : « sur le prononcé du divorce : Mme Y... reproche à son époux des violences morales et physiques, et sa relation extra-conjugale avec Mme Z...depuis mars 2012 ; que M. X... de son côté allègue que son épouse entretenait une liaison adultère avec M. A...; que chacun des époux sollicite le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'autre parties ; que des pièces produites à la procédure, il apparaît de façon incontestable que Monsieur X... et Mme Z... vivaient au même domicile en 2012 et en 2013 ; que M. X... verse à la procédure des SMS échangés entre les deux époux en 2010 dont il n'est pas établi qu'ils ont été obtenus sous la contrainte ou sous la violence et dont il n'est pas davantage contesté qu'ils en sont les auteurs, dont il ressort que Madame Y... reconnaît prendre sa part de responsabilité dès 2010 dans les difficultés conjugales qui ont amené les époux à se séparer ; que sans qu'il soit davantage besoin d'examiner les autres griefs, il y a lieu de constater que les deux époux ont participé à l'échec de leur couple par leur comportement fautif réciproque constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations nés du mariage qui rend intolérable le maintien de la vie commune ; qu'il convient d'infirmer le jugement de ce chef et de prononcer le divorce des époux aux torts partagés » ;
ALORS QUE les fautes d'un époux peuvent enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce ; qu'en l'espèce, M. X..., qui ne contestait pas avoir débuté une relation avec Mme Z... à compter de mars 2012, soutenait cependant que seule la relation adultérine entretenue dès 2010 par son épouse, avait été à l'origine de la rupture du couple en 2011, l'épouse ayant pris l'initiative de la procédure de divorce la même année ; que pour prononcer aux torts partagés le divorce des époux, la cour d'appel a retenu que ces derniers avaient « participé à l'échec de leur couple par leur comportement fautif réciproque constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations nés du mariage qui rend [ait] intolérable le maintien de la vie commune » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le comportement de Mme Y... n'était pas de nature à atténuer la gravité des faits reprochés à l'époux qui en aurait fait une cause de divorce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 245 alinéa 1er du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. X... était tenu de payer à Mme Y... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 50 000 euros et au besoin de l'y avoir condamné ;
AUX MOTIFS QUE « sur la prestation compensatoire : qu'en application de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible ; qu'il y a lieu de tenir compte, notamment, de la durée du mariage, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la qualification et de la situation professionnelles des époux, des conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, de leurs droits existants et prévisibles, de leur situation respective en matière de pension de retraite ;
qu'aux termes de l'article 274 du code civil, le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital ; que celles-ci sont limitativement prévues par la loi et l'article 275 du code civil précise que lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues à l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite du huit années, sous la forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires ;
qu'il convient de rappeler que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux et qu'elle doit permettre d'éviter que l'un des époux ne soit plus atteint que l'autre par le divorce ; que pour le surplus, les simples espérances successorales, par définition incertaines, n'ont pas à être prises en compte pour l'appréciation de la prestation compensatoire ;
que Mme Y... sollicite une prestation compensatoire d'un montant de 500 000 euros ; qu'en première instance elle avait sollicité à ce titre une somme de 151 380 euros ;
que pour sa part M. X... qui devant le premier juge avait demandé la condamnation de son épouse à lui verser une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 80 000 euros, ne fait aucune demande si ce n'est qu'il s'oppose à celle de son épouse ;
que Mme Y... allègue l'absence de transparence dans l'exposé de la situation financière et patrimoniale de son époux, notamment le fait qu'il a occulté pendant très longtemps sa position d'associé avec ses parents dans une S. C. I familiale propriétaire d'un parc immobilier conséquent et en particulier comprenant la maison qu'il occupe et dont il règle un loyer ; qu'elle indique qu'elle a longtemps travaillé à temps partiel pour s'occuper de ses quatre enfants, et que c'est lorsque son époux a décidé d'accepter un poste à la C. P. A. M. de Versailles pour un salaire de 40 % inférieur à celui de son précédent poste qu'elle a décidé de s'investir davantage dans sa vie professionnelle pour faire face aux charges du ménage compte tenu des engagements financiers contractés par le couple ; qu'elle ajoute que le patrimoine de chacun des époux doit être pris en compte dans son intégralité pour la détermination de la prestation compensatoire même si les biens leur appartiennent en propre, et que M. X... dispose d'un patrimoine mobilier et immobilier qui ne saurait être évalué à une somme inférieure à deux millions d'euros alors qu'elle ne dispose pour sa part au total que d'une somme de 401 712 euros ; que M. X... qui s'oppose à cette demande réplique notamment que son épouse a un revenu supérieur au sien ; qu'il ajoute qu'il a effectivement un patrimoine immobilier à la constitution duquel son épouse n'a pas contribué mais qui résulte de donations de ses parents de biens immobiliers dont il ne possède actuellement que la nue-propriété et n'en retire donc en l'état aucun profit ni revenu ; qu'il conteste l'argumentation de son épouse selon laquelle il percevra dans un avenir prévisible d'importants revenus fonciers en qualité de seul héritier de ses parents, en soulignant que la vocation successorale ne doit pas être prise en considération pour la fixation de la prestation compensatoire ; qu'à titre superfétatoire il conteste la méthode de calcul utilisée portant plus particulièrement sur des biens immobiliers appartenant aux deux époux qui sont grevés d'un usufruit et dont ils ne détiennent que la nue-propriété, ce qui amène en définitive le notaire à exclure ces biens grevés d'usufruit dans son calcul ; que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 20 mai 1988 sous le régime de la séparation de biens ; que leur mariage a duré 28 ans et leur vie commune 22 ans ; que l'époux est âgé de 53 ans, l'épouse de 49 ans ; qu'ils ont eu ensemble quatre enfants nés entre 1993 et 2000, seule Lauréna, leur dernière fille est encore mineure ; qu'ils ont acquis le 29 septembre 1995 en indivision par moitié une maison située à HERBLAY qui suite à leur conflit conjugal a été vendue le 12 mars 2012 pour un prix net vendeur de 495 000 euros ; qu'après avoir remboursé par anticipation le prêt souscrit pour l'acquisition de ce bien ils se sont répartis la somme restante et ont reçu chacun celle de 232 836 euros ; que ni l'un ni l'autre des époux ne fait état de problème de santé, Mme Y... soulignant toutefois qu'elle se trouve dans un état de fragilité psychologique et de fatigue nerveuse qui a été constatée par le médecin et qu'elle est suivie de façon régulière par un psychiatre ; que M. X... a occupé plusieurs emplois et notamment celui de chef comptable de supermarché entre 2002 et mai 2007 date de son licenciement. Il a ensuite intégré la fonction publique et il est actuellement responsable financier comptable à la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de Versailles (C. P. A. M) ; qu'il a déclaré aux impôts au titre de ses revenus de l'année 2012 la somme de 40 207 euros et 2443 euros de revenus de capitaux mobiliers, au titre de ses revenus de l'année 2013 la somme de 42 730 euros et 3338 euros de revenus de capitaux mobiliers, au titre de ses revenus de l'année 2014 la somme de 42 577 euros et 2858 euros de revenus de capitaux mobiliers ;
que son bulletin de salaire de décembre 2015 mentionne un montant cumulé net imposable de 44 414, 45 euros soit une moyenne mensuelle de 3700 euros ; que selon sa déclaration sur l'honneur il indique avoir une épargne totale de 111 713 euros et être nu-propriétaire de neuf biens immobiliers qui ne génèrent aucun revenu, le capital ne pouvant d'autre part pas être aliéné ; que M. X... n'indique pas la valeur de son patrimoine mais son épouse affirme qu'il est à la tête d'un patrimoine mobilier et immobilier qui ne saurait être évalué à une somme inférieure à deux millions d'euros, alors qu'elle ne dispose pour sa part au total que d'une somme de 401 712 euros ; que M. X... fait valoir qu'il s'acquitte d'un loyer mensuel de 1600 euros mais ne verse aucune pièce complémentaire sur l'ensemble de ses charges ; qu'enfin concernant sa retraite future il ne produit aucun document qui pourrait renseigner la cour ; que Mme Y... produit un relevé de la situation individuelle de M. X... qui en 2013 lui attribue 112 trimestres au titre de la retraite de base et 3370, 41 points ARRCO et 19. 016 points AGIRC parvenant selon son calcul à une pension de retraite qui serait d'environ 2086 euros par mois ; que Mme Y... a été salariée depuis le 1er octobre 1992 de la société NMPP devenue PRESTALIS ; qu'elle a exercé son métier à temps partiel jusqu'en 2010 notamment pour s'occuper de sa famille et de ses quatre enfants ; qu'elle a notamment déclaré au titre de ses revenus de l'année 2013 la somme de 71 876 euros et celle de 2503 euros au titre du revenu des capitaux mobiliers ; que son poste a été supprimé en début de l'année 2014 dans le cadre d'une rupture conventionnelle et en 2014 elle a retrouvé un emploi dans le secteur privé et a déclaré pour ses revenus 2014 une somme de 96 602 euros comprenant ses salaires et la somme perçue dans le cadre de la rupture conventionnelle (54 712 euros) et 581 euros de revenus de valeurs et capitaux mobiliers ; que son dernier bulletin de paye de 2015 (mois de décembre) fait apparaître un cumul net imposable de 66. 240 euros soit une moyenne mensuelle de 5520 euros ; que concernant la somme perçue au titre de la rupture conventionnelle, M. X... fait observer que seule une partie de cette somme est soumise à l'impôt et que Mme Y... n'a pas indiqué de façon transparente quelle était la somme globale qu'elle avait reçue ;
que dans sa déclaration sur l'honneur Mme Y... indique qu'elle a un patrimoine mobilier constitué d'un dépôt à terme de 120 000 euros à la BNP et d'une assurance-vie de 84 000 euros au Crédit Agricole Île-de-France ; qu'elle est nue propriétaire suite à une donation de ses parents d'un bien évalué à la somme de 147 000 euros qu'elle précise ne disposer pour sa part que d'un patrimoine total évalué à la somme de 401 712 euros, soit selon elle cinq fois moins important que celui de son époux dont on rappelle qu'elle le chiffre à deux millions d'euros ; qu'elle acquitte un loyer mensuel d'environ 3950 euros par mois et a réglé en 2015 au titre de l'impôt sur le revenu 2014 la somme de 13 283 euros ; qu'elle partage les charges courantes avec M. A...et notamment les frais de gaz et d'électricité (400 euros par mois), la taxe d'habitation (environ 200 euros par mois), les assurances habitation et véhicules automobiles etc... hors toutes les dépenses concernant ses enfants qui ne doivent pas être prises en compte dans le cadre du calcul de la prestation compensatoire ; que sa pension de retraite calculée serait d'environ 1900 euros par mois ; qu'eu égard à la durée du mariage des époux, de leur âge, des conséquences des choix professionnels faits par Mme Y... pendant la vie commune et pour l'éducation des quatre enfants, qui a certes travaillé pendant plusieurs années à temps partiel pour s'occuper de sa famille, mais toutefois qui perçoit actuellement un revenu très nettement supérieur à celui de son époux alors que sa carrière professionnelle peut encore évoluer de façon très positive, puisqu'elle est encore jeune (moins de 50 ans), du patrimoine prévisible de ceux-ci en capital après la liquidation du régime matrimonial et de leurs droits prévisibles (étant précisé qu'il est de jurisprudence constante que la vocation successorale ne doit pas être prise en considération pour la fixation de la prestation compensatoire) et de leur situation respective en matière de pension de retraite alors qu'à temps partiel, elle a moins cotisé que M. X... ; qu'il résulte de ce qui précède que la rupture du lien conjugal crée une disparité entre les époux au détriment de Mme Y... justifiant le versement d'une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 50. 000 euros ; que le jugement qui avait rejeté en première instance cette demande de prestation compensatoire est infirmé » ;
ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée en tenant compte des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre ; que la contribution d'un époux à l'entretien et à l'éducation des enfants du couple constitue une charge venant en déduction des ressources de l'époux débiteur ; qu'en condamnant M. X... à verser à Mme Y... une prestation compensatoire de 50 000 euros, sans déduire des ressources de l'exposant la contribution alimentaire due pour l'entretien et l'éducation des quatre enfants qu'elle avait elle-même portée à la somme de 1850 euros par mois à la charge de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à voir condamner Mme Y... à payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
AUX MOTIFS POPRES QUE « sur les dommages et intérêts : que Mme Y... sollicite la somme de 30 000 euros à titre de dommages intérêts sans préciser le fondement juridique de sa demande ; que M. X... sollicite la condamnation de son épouse à lui verser également la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts et fonde sa demande dans ses conclusions sur les articles 266 et 1382 code civil sans toutefois faire un rappel des textes dont il se prévaut dans le dispositif de ses conclusions qui lie la cour ; que l'article 266 du code civil prévoit l'attribution de dommages-intérêts à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'autre conjoint ; que le divorce ayant été prononcé aux torts partagés des époux Mme Y... et M. X... doivent être déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 266 du code civil ; qu'il y a pas davantage lieu de faire droit à ces demandes sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, le divorce étant prononcé aux torts partagés des époux ; que le jugement de première instance ayant débouté les époux de leur demande réciproque de dommages-intérêts au titre des articles 266 et 1382 du code civil sera confirmé de ce chef » ;
ALORS QUE les torts réciproques ne font pas obstacle à une demande de réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la dissolution du mariage ; qu'en énonçant « qu'il n'y a pas davantage lieu de faire droit [aux demandes de dommages-intérêts formées par l'exposant] sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, le divorce étant prononcé aux torts partagés des époux » (arrêt attaqué p. 5, pénultième §), la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.