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26/04/2017 | FRANCE | N°17-80979

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 avril 2017, 17-80979


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Marc Marie X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BASTIA, en date du 25 janvier 2017, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'association de malfaiteurs, détention et transport de substances ou produits incendiaires ou explosifs en bande organisée, infractions à la législation sur les armes, détention d'arme malgré interdiction et recel, l'a maintenu en détention provisoire après infirmation de l'ordo

nnance du juge des libertés et de la détention l'ayant mis en liberté ;

Vu le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Marc Marie X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BASTIA, en date du 25 janvier 2017, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'association de malfaiteurs, détention et transport de substances ou produits incendiaires ou explosifs en bande organisée, infractions à la législation sur les armes, détention d'arme malgré interdiction et recel, l'a maintenu en détention provisoire après infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention l'ayant mis en liberté ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 80-1, 80-1-1, 113-5, 137, 144, 145-1, 146, 174-1, 591, 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à lever la détention provisoire de M. X... et à le remettre en liberté ;

" aux motifs que sur l'application de l'article 146 du code de procédure pénale : l'article 146 du code de procédure pénale dispose notamment : " S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, soit saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en examen, soit prescrire sa mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire ; que l'article 174-1 du code de procédure pénale dispose par ailleurs : " Lorsque la chambre de l'instruction annule une mise en examen pour violation des dispositions de l'article 80-1, la personne est considérée comme témoin assisté à compter de son interrogatoire de première comparution et pour l'ensemble de ses interrogatoires ultérieurs, jusqu'à l'issue de l'information, sous réserve des dispositions des articles 113-6 et 113-8 ; que l'article 113-5 du code de procédure pénale dispose enfin : " Le témoin assisté ne peut être placé sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire, ni faire l'objet d'une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que M. X... bénéficiait, à compter du 18 janvier 2017, du statut de témoin assisté pour les faits retenus par le magistrat instructeur sous la qualification criminelle au moment de sa mise en examen, et restait mis en examen pour les autres faits, tous de nature correctionnelle ; qu'or, l'article 146 n'est par définition applicable qu'à une hypothèse de correctionnalisation de faits criminels, ce qui implique nécessairement une mise en examen préalable, qui en l'espèce faisait défaut ; qu'il en découle que l'article n'était pas applicable à la situation de M. X... ; que, sur le régime de la détention de M. X... : il résulte des développements qui précèdent que M. X... a été placé en détention provisoire à l'issue d'une unique et initiale mise en examen pour une tentative de crime et divers délits, de sorte que, comme le montre l'examen de l'ensemble des pièces de procédure établies à cette occasion, et spécialement l'ordonnance de placement en détention provisoire et le mandat de dépôt, la détention provisoire avait, à la lumière des critères de l'article 144 du code de procédure pénale, pour fondement autant le crime que les délits pour lesquels l'intéressé venait d'être mis en examen ; qu'ainsi, après la décision de la chambre de l'instruction annulant la mise en examen du seul chef criminel, le titre de détention initial demeurait en principe valable en était, du fait de cette décision, de plein droit soumis aux règles de la détention provisoire en matière correctionnelle, l'annulation partielle de la mise en examen étant en toute hypothèse sans conséquences sur la validité des actes établis antérieurement, sauf pour le magistrat saisi à considérer que la situation de l'intéressé devait être revue au regard des critères des articles 144 et suivants du code de procédure pénale ; que sur la détention provisoire de M. X... : saisi d'une contestation sur la régularité de la détention de Marc Marie X..., qui dénonce une détention arbitraire, il appartient à la chambre de l'instruction d'en vérifier le bien-fondé ; que sur la durée de la détention provisoire M. X... a été mis en examen pour des délits punis d'une peine d'emprisonnement de dix ans, pour les plus graves ; que l'intéressé a été condamné :
- le 14 mars 1986 à dix ans de réclusion criminelle pour complicité d'assassinat,
- le 16 mars 2004 à un an et deux mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis pour acquisition sans autorisation d'arme ou de munition par une personne déjà condamnée,
- le 10 septembre 2014 à quatre ans d'emprisonnement pour extorsion par violence, menace ou contrainte et vol aggravé ; que le régime de détention qui lui est applicable relève donc des articles 145-1, alinéa 2, et, le cas échéant, 145-3 du code de procédure pénale, à savoir que la période de détention est de quatre mois renouvelable deux fois ; que M. X... ayant été placé en détention provisoire le 28 mai 2016, il n'était en détention arbitraire, de ce point de vue, ni le 18 janvier 2017, ni ce jour, à charge pour le magistrat instructeur, le cas échéant, de saisir le juge des libertés et de la détention en vue d'une seconde prolongation avant le 26 janvier 2017, le cas échéant ; que sur les indices graves ou concordants M. X... a été interpellé en flagrant délit : les constatations des enquêteurs sur sa tenue vestimentaire, la nature des objets transportés dans le véhicule, la nature des objets saisis au domicile de l'intéressé constituent autant d'éléments objectifs qui sont des indices graves ou concordants rendant plausible la participation de M. X..., comme auteur ou complice, à tout ou partie des faits pour lesquels il a été mis en examen ; que, sur les nécessités de l'information, si M. X... peut légitimement user de son droit au silence, la nécessité d'identifier les personnes auxquelles il a eu à faire dans les temps qui ont précédé son interpellation ou qu'il devait rencontrer plus tard demeure une priorité ; qu'il apparaît par ailleurs que les observations des policiers qui l'ont repéré ainsi que les constatations des officiers de police judiciaire imposent de considérer comme très probable l'existence d'autres complices ou co-auteurs, qui restent à identifier ; qu'en l'état, le risque de concertation en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité, eu égard, en outre, aux éléments de personnalité, est donc avéré ; que sur la mesure de sûreté M. X... a été incarcéré au centre pénitencier de Borgo du 25 octobre 2012 au 26 septembre 2015 pour des faits d'extorsion par violence, menace et vol aggravé ; qu'il a bénéficié de permissions de sortir du 16 mai 2015 au 18 mai 2015, le 17 juillet 2015 au 19 juillet 2015 ; que le 27 juillet 2015 il a été placé sous surveillance électronique jusqu'au 26 septembre 2015 ; que l'interpellation de l'intéressé dans les circonstances décrites ci-dessus, quelques mois seulement après sa sortie de prison, en l'état des condamnations figurant au casier judiciaire, impose de considérer le risque de réitération comme réel ; qu'il apparaît en outre que, de son propre aveu, M. X... avait adopté un rythme de vie qui, pour n'être pas totalement clandestin, procédait d'une volonté de se dissimuler, sans disposer de réel domicile ou d'une activité quelconque ; que dans ces conditions, les garanties de représentation de l'intéressé restent insuffisantes ; que, sur la détention provisoire, toute personne mise en examen, présumée innocente, doit rester libre. Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou faire l'objet d'une assignation à résidence avec placement sous surveillance électronique et, si de telles mesures sont insuffisantes, la personne mise en examen peut être placée en détention provisoire ; qu'il résulte en effet de l'article 144 du code de procédure pénale que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par ce texte et que ceux-ci ne pourraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ; que les risques ci-dessus décrits ne pourraient être écartés par aucune des obligations, si contraignantes soient-elles, auxquelles l'intéressé pourrait être astreint dans le cadre d'un placement sous contrôle judiciaire, qui procède par essence d'un contrôle a posteriori ; qu'il en va de même en matière d'assignation à résidence avec surveillance électronique, une telle mesure ne permettant pas, notamment, de prévenir suffisamment les risques de pression sur les témoins ou de concertation frauduleuse ; qu'à la lumière des explications ci-dessus et au regard des éléments précis et circonstanciés qui résultent de la procédure, exposés précédemment, la détention provisoire de M. X... constitue l'unique moyen de :
- conserver les preuves et indices nécessaires à la manifestation de la vérité et prévenir toute concertation entre l'intéressé et les co-auteurs ou complices,
- prévenir le renouvellement de l'infraction,
- garantir le maintien de la personne à la disposition de la justice, la détention provisoire de M. X... est donc régulière et justifiée en droit et en fait ;

" 1°) alors que l'annulation de la mise en examen d'une personne pour absence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation à des faits criminels entraîne nécessairement la nullité du mandat de dépôt criminel dont elle faisait l'objet ; qu'en l'espèce, M. X... a été mis en examen pour des faits délictuels ainsi que du chef de tentative de meurtre en bande organisée et a été placé sous mandat de dépôt criminel le 28 mai 2016 ; que par un arrêt du 18 janvier 2017, la chambre de l'instruction a annulé sa mise en examen de ce dernier chef ; qu'en affirmant que le titre de détention initial demeurait valable malgré cette annulation, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;

" 2°) alors que, lorsque la chambre de l'instruction annule une mise en examen pour violation des dispositions de l'article 80-1, la personne est considérée comme témoin assisté, au regard de cette infraction, à compter de son interrogatoire de première comparution ; qu'en matière correctionnelle, la détention provisoire ne peut excéder quatre mois, faute de décision de prolongation intervenue dans ce délai ; qu'en énonçant que M. X..., placé en détention provisoire depuis le 28 mai 2016, n'était pas détenu arbitrairement le 18 janvier 2017, lorsque sa détention, qui n'avait pas été prolongée, avait excédé quatre mois à cette date, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, lors du contrôle d'un véhicule, dont le conducteur, M. X..., portait, sous une casquette, une cagoule remontée sur le front, les services de police ont constaté que ce véhicule, volé et faussement immatriculé, contenait un engin incendiaire artisanal, un bidon d'essence, deux bouteilles de type white-spirit, un fusil comportant une cartouche chambrée et approvisionné de sept autres munitions ; qu'après une enquête et l'ouverture d'une information judiciaire, l'intéressé a été mis en examen pour des faits retenus sous une qualification criminelle, ainsi que des chefs susénoncés, et placé en détention le 28 mai 2016 ; que par arrêt en date du 18 janvier 2017, la chambre de l'instruction a annulé la mise en examen de l'intéressé pour les faits retenus sous une qualification criminelle aux motifs qu'il n'existait pas, au moment de la mise en examen, d'indices graves ou concordants rendant plausible sa participation, comme auteur ou complice, à tout ou partie de ces faits ; que, le même jour, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention en application de l'article 146 du code de procédure pénale aux fins du maintien de la personne mise en examen en détention provisoire ; que le juge des libertés et de la détention a dit n'y avoir lieu à maintenir la détention provisoire par ordonnance en date du 19 janvier 2017, portée à la connaissance du ministère public à 17 heures 05 ; que, le même jour, à la même heure, le procureur de la République a relevé appel de cette décision et saisi d'un référé-détention le premier président de la cour d'appel, qui a ordonné la suspension des effets de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et le maintien en détention jusqu'à ce que la chambre de l'instruction statue sur l'appel du ministère public ;
Attendu que, pour infirmer l'ordonnance entreprise et maintenir la détention provisoire de la personne mise en examen, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu que, si c'est à tort que les juges énoncent que le demandeur doit être considéré comme témoin assisté, au regard des faits objet de la mise en examen annulée, à compter de l'arrêt d'annulation et non de l'interrogatoire de première comparution, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors que la durée maximum de la détention provisoire encourue au regard des délits, punis de dix ans d'emprisonnement, pour lesquels le demandeur restait mis en examen n'avait pas été dépassée à la date à laquelle l'arrêt d'annulation partielle de la mise en examen était devenu définitif, et que la détention provisoire n'avait pas à être prolongée, en l'espèce, avant le 28 janvier 2017 ;

Qu'en effet, dans le cas où la mise en examen pour des faits recevant une qualification criminelle et des faits relevant d'une qualification correctionnelle, pour laquelle la personne concernée peut être placée en détention provisoire, a été annulée pour les faits criminels, le titre de détention demeure valable et la détention se trouve soumise, à compter du jour où la décision d'annulation est devenue définitive, aux règles qui découlent de la qualification des faits prévues aux articles 145-1 et 145-3 du code de procédure pénale, compte tenu de la durée de détention déjà écoulée depuis qu'elle a été ordonnée ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guérin, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Moreau, Mme Drai, MM. Stephan, Parlos, Guéry, conseillers de la chambre, M. Laurent, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Salomon ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80979
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DETENTION PROVISOIRE - Décision de prolongation - Qualification différente des faits en cours d'information - Effet

INSTRUCTION - Détention provisoire - Décision de prolongation - Qualification différente des faits en cours d'information - Effet

Dans le cas où la mise en examen pour des faits de nature criminelle et des faits relevant d'une qualification correctionnelle a été annulée en ce qui concerne les faits criminels, le titre de détention demeure valable, cette détention provisoire se trouvant alors soumise, à compter du jour où la décision d'annulation est devenue définitive, aux règles qui découlent de la qualification des faits prévues aux articles 145-1 et 145-3 du code de procédure pénale, compte tenu de la durée de détention déjà écoulée depuis qu'elle a été ordonnée


Références :

articles 145-1 et 145-3 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, 25 janvier 2017

Sur le régime de la détention provisoire en cas de changement de qualification des faits au cours d'une information, à rapprocher :Crim., 9 janvier 1997, pourvoi n° 96-85211, Bull. crim. 1997, n° 8 (1) (rejet), et les arrêts cités ;Crim., 26 avril 2017, pourvoi n° 17-81316, Bull. crim. 2017, n° ??? (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 avr. 2017, pourvoi n°17-80979, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Salomon
Rapporteur ?: M. Béghin
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:17.80979
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