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26/04/2017 | FRANCE | N°15-28197

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 avril 2017, 15-28197


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 2015), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 25 mars 2014, pourvoi n° 13-13.839), que la société Subiteo, devenue Cowes (la société Cowes) a été créée le 31 mai 2000 avec pour objectif d'entrer sur le marché de la fourniture d'accès à haut débit sur internet (ADSL), que dominait la société France Telecom devenue Orange (la société Orange), opérateur historique et seul titulaire de la boucle locale ou "pa

ire de cuivre" donnant accès aux services ADSL ; que la fourniture d'accès à ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 2015), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 25 mars 2014, pourvoi n° 13-13.839), que la société Subiteo, devenue Cowes (la société Cowes) a été créée le 31 mai 2000 avec pour objectif d'entrer sur le marché de la fourniture d'accès à haut débit sur internet (ADSL), que dominait la société France Telecom devenue Orange (la société Orange), opérateur historique et seul titulaire de la boucle locale ou "paire de cuivre" donnant accès aux services ADSL ; que la fourniture d'accès à ces services s'établissait alors selon trois options principales, l'option 1, dite de dégroupage de la boucle locale, permettant à l'opérateur alternatif d'accéder physiquement à celle-ci pour exploiter son propre réseau, l'option 3, dite ADSL Connect Atm (ACA) laissant à la société Orange l'acheminement du trafic généré par l'opérateur alternatif tout en permettant à ce dernier de conserver la maîtrise de certains éléments du réseau, et l'option 5, limitée à la commercialisation des abonnements par l'opérateur alternatif, la société Orange assurant l'intégralité des prestations techniques ; qu'après avoir conclu avec la société Orange, le 29 août 2000, un accord pour la présentation des offres haut débit de l'opérateur historique, engagé avec lui des négociations sur une convention de dégroupage et obtenu à cette fin, le 24 avril 2001, un avis favorable de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) à sa demande d'autorisation d'exploiter un réseau, puis, le 16 mai 2001, l'arrêté ministériel confirmant cette autorisation, la société Cowes a pris la décision, en mai 2001, de se retirer du marché ; que, le 22 décembre 2009, elle a assigné la société Orange en responsabilité, lui reprochant de l'avoir empêchée de mener à bien son projet ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq dernières branches :

Attendu que la société Orange fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts à la société Cowes alors, selon le moyen :

1°) qu'en ne déterminant pas et en ne distinguant pas, comme elle y était pourtant invitée, les faits, prétendument fautifs et imputables à la société Orange, liés à la réglementation relative à l'option 1, d'une part, et les faits susceptibles de caractériser une faute sur le fondement de la violation des règles qui gouvernent l'option 3, d'autre part, la cour d'appel a statué par des motifs généraux, sans caractériser les faits précis dont elle a déduit l'existence des fautes litigieuses, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°) qu'en considérant que des fautes seraient imputables à la société Orange, sans relever les faits précis dont elle a déduit l'existence de fautes, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle de la qualification de la faute et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°) qu'en se prononçant par voie de référence à des décisions étrangères au présent litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4°) qu'en se fondant sur des décisions relatives à des mesures conservatoires dépourvues de toute autorité pour établir l'existence de fautes prétendument imputables à la société Orange, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

5°) qu'en justifiant l'existence d'une faute prétendue, imputable à la société Orange au sens de l'article 1382 du code civil, par des avis de l'ART ne prononçant aucune sanction à l'encontre de la société Orange et ne caractérisant aucune faute au sens de l'article 1382 du code civil, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que, si le juge ne peut statuer par voie de référence à des décisions étrangères au litige, il ne lui est pas interdit d'apprécier, au regard des pièces qui lui sont soumises, notamment des décisions et avis rendus par une autorité de régulation, les éléments du comportement de la partie poursuivie constitutifs d'une faute ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir constaté que la société Cowes avait souscrit un contrat d'expérimentation du dégroupage auprès de la société Orange le 9 novembre 2000 correspondant à l'option 1, l'arrêt relève la succession de décisions et mises en demeure adressées par l'ART à la société Orange jusqu'en avril 2002 pour qu'elle procède à la publication d'une offre de référence, conforme aux attentes du régulateur, relative à l'accès à la boucle locale correspondant à cette option et en déduit que la société Orange n'a pas répondu à la demande de la société Cowes en publiant une offre de référence viable dans un délai compatible avec les impératifs économiques, comme l'exigeaient les règles relatives à la libre concurrence et les termes du décret du 12 septembre 2000 ; qu'il relève encore qu'à l'issue de plusieurs décisions du Conseil de la concurrence ayant conduit au prononcé de deux sanctions pécuniaires successivement infligées à la société France Télécom par des décisions devenues irrévocables en date des 13 mai 2004 et 7 novembre 2005, il a été constaté que le dégroupage de la boucle locale n'avait débuté effectivement qu'en 2003 et que le non-respect de l'injonction qui avait été adressée à la société Orange le 18 février 2000 concernant l'option 3, lui avait permis de fermer à ses concurrents le seul canal technique qui leur restait ouvert, le tarif proposé aux opérateurs à la fin de l'année 2000 pour cette option ne leur permettant pas, du fait de sa structure et de son niveau, de concurrencer de manière effective les offres de la société Orange ; qu'en cet état, la cour d'appel a distingué et caractérisé les différentes fautes reprochées à la société Orange ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Orange fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°) qu'en considérant que la demande, l'envoi de dossiers et la proposition d'une rencontre destinés à présenter toutes les offres de la société Orange et non seulement l'offre relative à l'option 3 caractériserait à suffisance un « intérêt » pour cette offre de la part de la société Subitéo devenue Cowes susceptible d'engager la responsabilité de la société France Télécom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°) qu'à supposer que l'intérêt de la société Subitéo pour l'option 3 soit avérée, encore fallait-il démontrer que cette société avait l'expertise nécessaire et le plan d'affaire adapté pour ladite option 3 ; qu'en relevant que le plan d'affaire de la société Subitéo était fondée sur l'option 1, tout en condamnant la société Orange sur la base d'un « intérêt » de la société Subitéo pour l'option 3, la cour d'appel n'a pas caractérisé de lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice allégué et a violé l'article 1382 du code civil ;

3°) qu'en se prononçant par des motifs abstraits et généraux tirés du caractère complémentaire, selon l'ART, des options 1 et 3 et de l'objectif pour tout opérateur de pénétrer le marché, sans rechercher concrètement la volonté réelle de la société Subitéo ni même le simple intérêt de cette dernière en faveur de l'option 3 au moment des faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4°) qu'en retenant une faute prétendue relative à l'option 3 pour apprécier le montant de la réparation en considération du plan d'affaires de la société Subitéo, fondé exclusivement sur l'option 1, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

5°) qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si d'autres opérateurs concurrents de la société Subitéo ne s'étaient pas maintenus sur le marché quand bien même les fautes reprochées à la société Orange auraient été caractérisées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

6°) qu'il était acquis au débat que l'échec de la société Subitéo à lever les fonds nécessaires à son entrée sur le marché provenait du basculement de la sphère financière, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que dans sa décision du 13 mai 2004 le Conseil de la concurrence avait relevé que l'option 1 n'avait pu être mise en oeuvre de manière effective qu'en 2003 et que le tarif proposé par la société Orange pour l'option 3 lui avait permis de fermer à ses concurrents le seul canal technique qui leur restait ouvert, l'arrêt constate la complémentarité de ces options, telle qu'elle a été rappelée à plusieurs reprises par l'ART ; qu'il relève que la société Cowes a postulé à l'option 1 et retient, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que les échanges intervenus au cours du mois d'août 2000 entre les sociétés Orange et Cowes établissent l'intérêt que cette dernière a porté à l'option 3 ; qu'il retient que la société Orange ne peut lui reprocher de ne pas s'être portée candidate sur l'option 3 alors qu'elle est à l'origine de la fermeture du marché concernant cette option ; qu'il relève qu'il était pratiquement impossible de concurrencer la société Orange sur le marché de l'ADSL entre septembre 2000 et juin 2001, période au cours de laquelle la société Cowes était candidate à des offres qui ne permettaient pas de subsister économiquement et observe qu'une grande majorité de ses concurrents ont abandonné le marché, comme en attestent les articles du journal les Échos et l'analyse du marché par le Conseil de la concurrence ; qu'il ajoute, par des motifs qui excluent le postulat de la sixième branche, que la société Cowes a démontré sa capacité à réunir des fonds à compter du mois de septembre 2000, tandis que les offres présentées par la société Orange étaient totalement dissuasives sur le plan financier pour des investisseurs, et en déduit que la société Cowes, au même titre que les sociétés cherchant à s'introduire sur le marché, a subi les conséquences de ce comportement et ainsi été contrainte de renoncer à son projet ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à d'autres recherches, a caractérisé le lien de causalité entre les différentes fautes retenues à l'encontre de la société Orange, dont les effets se sont conjugués, et le préjudice de la société Cowes ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Orange fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°) qu'en considérant que le dommage allégué par la société Subitéo, devenue Cowes, consisterait en une perte de chance, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°) qu'en ne répondant pas au moyen péremptoire tiré de ce qu'à défaut de publication de l'arrêté ministériel d'autorisation d'exploiter un réseau, la société Subitéo n'avait en tout état de cause aucune « chance » de s'installer sur le marché, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève qu'est versé aux débats un arrêté du 14 septembre 2001 du secrétaire d'État à l'industrie, abrogeant l'autorisation d'exploiter un réseau de télécommunication antérieurement délivrée le 16 mai 2001 à la société Cowes ; qu'il en déduit que cette dernière avait bénéficié d'une licence ; qu'en l'état de ces constatations faisant ressortir que la société Cowes disposait des autorisations requises pour l'exploitation d'un réseau indépendamment de leur publication à intervenir, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre la société Orange dans le détail d'une argumentation inopérante, a satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que le préjudice subi par la société Cowes correspond aux investissements qu'elle a effectués en vain et à la perte de chance de mener le projet à son terme, écartant la perte des parts de marché et des gains escomptés si elle avait mené à bien celui-ci ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a retenu que le préjudice subi par la société Cowes consistait en la perte d'une chance qu'elle a souverainement évaluée, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Orange aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Cowes la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Orange.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR condamné la société Orange à payer à la société Subiteo (actuellement Cowes) la somme de 7 millions d'euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « il n'y a aucune contestation sur le fait que la société Subiteo ait postulé à l'option 1.

Par un email du 10 août 2000, la société France Telecom a envoyé à la société Subiteo, à la demande de celle-ci, un dossier complet sur l'offre Adsl Connect Atm; le même jour, la société France Telecom transmettait également à la société Subiteo son dossier Ip Adsl; par e-mail séparé du 10 août 2000, la société France Telecom offrait à la société Subiteo de la rencontrer «début septembre, avec notre soutien technico-commercial spécialisé dans les offres de transmission de données pour une présentation des offres haut débit de France Telecom», offre à laquelle la société Subiteo marquait son accord le 29 août suivant et que la société France Telecom confirmait ensuite […]

Il résulte de ces éléments que la société Subiteo a manifesté son intérêt pour l'option n°3.

Le 12 septembre 2000 est adopté le décret fixant les bases de l'encadrement réglementaire du dégroupage […]

La société France Télécom (Orange) justifie avoir publié le 22 novembre 2000 son offre de référence relative à l'accès à la boucle locale.

Le 18 décembre 2000 est adopté un règlement communautaire harmonisant les contours du dégroupage et reprenant pour l'essentiel les dispositions du décret du 12 septembre 2000. Par décision n°01-135 du 8 février 2001, l'ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) demande à la société France Télécom (Orange) de préciser avant le 23 février 2001 les modalités des prestations définies dans son offre du 22 novembre 2000 et de publier une nouvelle offre de référence avant le 23 février 2001 […]

II y a lieu de constater que si France Télécom a publié une offre de référence le 22 novembre 2000, celle-ci a dû être modifiée à de nombreuses reprises après que France Télécom ait été plusieurs fois mise en demeure d'y procéder […]
La société Subiteo abandonnait le marché au mois d'avril- mai 2001, [R] [U] indiquant dans un communiqué de presse: "le DSL est une bonne technologie. On y croit, mais la sphère financière a basculé et il est impossible de se faire financer un projet. "On avait besoin de 30 millions d'euros et incepta ne voulait pas être le seul" […]

Par décision du 18 février 2000, le conseil de la concurrence relevait que "1 'attitude dilatoire de France Télécom est susceptible d'avoir pour objet et pour effet de limiter la concurrence à la seule commercialisation des services que cette société produit et d'empêcher le développement de la concurrence sur les services, dans un contexte où celui-ci repose largement sur l'accès à la boucle locale". "Les pratiques dénoncées, qui paraissent consister de la part de France Télécom, à se préserver une avance décisive sur ses concurrents dans la proposition d'une offre d'accès originale à Internet par ADSL, revêtent un caractère de gravité et d'immédiateté de nature à porter atteinte au secteur intéressé, qui justifient le prononcé de mesures d 'urgence propres à faire disparaître le trouble grave qu'elles provoquent , que les enjeux en cause, ainsi que l'importance décisive, dans le secteur concerné, des délais dans lesquels une innovation est mise sur le marché, justifient le prononcé d 'une mesure conservatoire; le conseil de la concurrence a précisé que l'accès à la boucle locale (option 1) ne peut être que favorable au développement de la concurrence sur le marché concerné". Il a été enjoint à la société France Télécom de proposer aux opérateurs tiers dans un délai maximum de S semaines une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL tant par les prix que par la nature des prestations offertes.

Par décision du 13 mai 2004, le conseil de la concurrence infligeait à la société France Télécom une amende de 20 millions d'euros aux motifs qu'elle n'avait pas respecté son injonction. L'amende a été portée à 40 millions d'euros par une décision de la cour d'appel de Paris du 11 janvier 2005 qui a confirmé cette décision. »

1/ ALORS QUE dans l'arrêt rendu le 25 mars 2014 dans la présente affaire, la Cour de cassation a censuré l'arrêt du 21 décembre 2012 de la cour d'appel de Paris pour violation de l'article 1382 du code civil et écarté la qualification de faute au regard des faits soumis à la cour d'appel ; qu'en retenant malgré tout une faute de la société Orange pour des faits identiques, sur lesquels la Cour de cassation avait déjà exclu la qualification de faute, la cour d'appel a, dans l'arrêt attaqué du 2 octobre 2015, violé l'article 1382 du code civil ;

2/ ALORS QU'en ne déterminant pas et en ne distinguant pas, comme elle y était pourtant invitée, les faits, prétendument fautifs et imputables à la société Orange, liés à la réglementation relative à l'option 1, d'une part, et les faits susceptibles de caractériser une faute sur le fondement de la violation des règles qui gouvernent l'option 3, d'autre part, la cour d'appel a statué par des motifs généraux, sans caractériser les faits précis dont elle a déduit l'existence des fautes litigieuses, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.

3/ ALORS QU' en considérant que des fautes seraient imputables à la société Orange, sans relever les faits précis dont elle a déduit l'existence de fautes, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle de la qualification de la faute et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4/ ALORS QU'en se prononçant par voie de référence à des décisions étrangères au présent litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

5/ ALORS QU'en se fondant sur des décisions relatives à des mesures conservatoires dépourvues de toute autorité pour établir l'existence de fautes prétendument imputables à la société Orange, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

6/ ALORS QU'en justifiant l'existence d'une faute prétendue, imputable à la société Orange au sens de l'article 1382 du code civil, par des avis de l'ART ne prononçant aucune sanction à l'encontre de l'exposante et ne caractérisant aucune faute au sens de l'article 1382 du code civil, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR condamné la société Orange à payer à la société Subiteo (actuellement Cowes) la somme de 7 millions d'euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « il n'y a aucune contestation sur le fait que la société Subiteo ait postulé à l'option 1.

Par un email du 10 août 2000, la société France Telecom a envoyé à la société Subiteo, à la demande de celle-ci, un dossier complet sur l'offre Adsl Connect Atm; le même jour, la société France Telecom transmettait également à la société Subiteo son dossier Ip Adsl; par e-mail séparé du 10 août 2000, la société France Telecom offrait à la société Subiteo de la rencontrer « début septembre, avec notre soutien technico-commercial spécialisé dans les offres de transmission de données pour une présentation des offres haut débit de France Telecom », offre à laquelle la société Subiteo marquait son accord le 29 août suivant et que la société France Telecom confirmait ensuite […]

Il résulte de ces éléments que la société Subiteo a manifesté son intérêt pour l'option n°3.

Le 12 septembre 2000 est adopté le décret fixant les bases de l'encadrement réglementaire du dégroupage […]

La société France Télécom (Orange) justifie avoir publié le 22 novembre 2000 son offre de référence relative à l'accès à la boucle locale.

Le 18 décembre 2000 est adopté un règlement communautaire harmonisant les contours du dégroupage et reprenant pour l'essentiel les dispositions du décret du 12 septembre 2000.

Par décision n°01-135 du 8 février 2001, l'ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) demande à la société France Télécom (Orange) de préciser avant le 23 février 2001 les modalités des prestations définies dans son offre du 22 novembre 2000 et de publier une nouvelle offre de référence avant le 23 février 2001 […]

II y a lieu de constater que si France Télécom a publié une offre de référence le 22 novembre 2000, celle-ci a dû être modifiée à de nombreuses reprises après que France Télécom ait été plusieurs fois mise en demeure d'y procéder […]

La société Subiteo abandonnait le marché au mois d'avril- mai 2001, [R] [U] indiquant dans un communiqué de presse: "le DSL est une bonne technologie. On y croit, mais la sphère financière a basculé et il est impossible de se faire financer un prof et. "On avait besoin de 30 millions d'euros et incepta ne voulait pas être le seul" […]

Par décision du 18 février 2000, le conseil de la concurrence relevait que "1 'attitude dilatoire de France Télécom est susceptible d'avoir pour objet et pour effet de limiter la concurrence à la seule commercialisation des services que cette société produit et d'empêcher le développement de la concurrence sur les services, dans un contexte où celui-ci repose largement sur l'accès à la boucle locale". "Les pratiques dénoncées, qui paraissent consister de la part de France Télécom, à se préserver une avance décisive sur ses concurrents dans la proposition d'une offre d'accès originale à Internet par ADSL, revêtent un caractère de gravité et d'immédiateté de nature à porter atteinte au secteur intéressé, qui justifient le prononcé de mesures d 'urgence propres à faire disparaître le trouble grave qu'elles provoquent , que les enjeux en cause, ainsi que l'importance décisive, dans le secteur concerné, des délais dans lesquels une innovation est mise sur le marché, justifient le prononcé d 'une mesure conservatoire; le conseil de la concurrence a précisé que l'accès à la boucle locale (option 1) ne peut être que favorable au développement de la concurrence sur le marché concerné". Il a été enjoint à la société France Télécom de proposer aux opérateurs tiers dans un délai maximum de S semaines une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technolologie ADSL tant par les prix que par la nature des prestations offertes.

Par décision du 13 mai 2004, le conseil de la concurrence infligeait à la société France Télécom une amende de 20 millions d'euros aux motifs qu'elle n'avait pas respecté son injonction. L'amende a été portée à 40 millions d'euros par une décision de la cour d'appel de Paris du 11 janvier 2005 qui a confirmé cette décision ».

1/ ALORS QU'en considérant que la demande, l'envoi de dossiers et la proposition d'une rencontre destinés à présenter toutes les offres de la société Orange et non seulement l'offre relative à l'option 3 caractériserait à suffisance un « intérêt » pour cette offre de la part de la société Subitéo devenue Cowes susceptible d'engager la responsabilité de la société France Télécom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2/ ALORS QU'à supposer que l'intérêt de la société Subitéo pour l'option 3 soit avérée, encore fallait-il démontrer que cette société avait l'expertise nécessaire et le plan d'affaire adapté pour ladite option 3 ; qu'en relevant que la plan d'affaire de la société Subitéo était fondée sur l'option 1, tout en condamnant la société Orange sur la base d'un « intérêt » de la société Subitéo pour l'option 3, la cour d'appel n'a pas caractérisé de lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice allégué et a violé l'article 1382 du code civil ;

3/ ALORS QU'en se prononçant par des motifs abstraits et généraux tirés du caractère complémentaire, selon l'ART, des options 1 et 3 et de l'objectif pour tout opérateur de pénétrer le marché, sans rechercher concrètement la volonté réelle de la société Subitéo ni même le simple intérêt de cette dernière en faveur de l'option 3 au moment des faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

4/ ALORS QU'en retenant une faute prétendue relative à l'option 3 pour apprécier le montant de la réparation en considération du plan d'affaires de la société Subitéo, fondé exclusivement sur l'option 1, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

5/ ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si d'autres opérateurs concurrents de la société Subitéo ne s'étaient pas maintenus sur le marché quand bien même les fautes reprochées à la société Orange auraient été caractérisées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

6/ ALORS QU'il était acquis au débat que l'échec de la société Subitéo à lever les fonds nécessaires à son entrée sur le marché provenait du basculement de la sphère financière, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR condamné la société Orange à payer à la société Subiteo (actuellement Cowes) la somme de 7 millions d'euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « il n'y a aucune contestation sur le fait que la société Subiteo ait postulé à l'option 1.

Par un email du 10 août 2000, la société France Telecom a envoyé à la société Subiteo, à la demande de celle-ci, un dossier complet sur l'offre Adsl Connect Atm; le même jour, la société France Telecom transmettait également à la société Subiteo son dossier Ip Adsl; par e-mail séparé du 10 août 2000, la société France Telecom offrait à la société Subiteo de la rencontrer « début septembre, avec notre soutien technico-commercial spécialisé dans les offres de transmission de données pour une présentation des offres haut débit de France Telecom », offre à laquelle la société Subiteo marquait son accord le 29 août suivant et que la société France Telecom confirmait ensuite […]

Il résulte de ces éléments que la société Subiteo a manifesté son intérêt pour l'option n°3.

Le 12 septembre 2000 est adopté le décret fixant les bases de l'encadrement réglementaire du dégroupage […]

La société France Télécom (Orange) justifie avoir publié le 22 novembre 2000 son offre de référence relative à l'accès à la boucle locale.

Le 18 décembre 2000 est adopté un règlement communautaire harmonisant les contours du dégroupage et reprenant pour l'essentiel les dispositions du décret du 12 septembre 2000.

Par décision n°01-135 du 8 février 2001, l'ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) demande à la société France Télécom (Orange) de préciser avant le 23 février 2001 les modalités des prestations définies dans son offre du 22 novembre 2000 et de publier une nouvelle offre de référence avant le 23 février 2001 […]

II y a lieu de constater que si France Télécom a publié une offre de référence le 22 novembre 2000, celle-ci a dû être modifiée à de nombreuses reprises après que France Télécom ait été plusieurs fois mise en demeure d'y procéder […]

La société Subiteo abandonnait le marché au mois d'avril- mai 2001, [R] [U] indiquant dans un communiqué de presse: "le DSL est une bonne technologie. On y croit, mais la sphère financière a basculé et il est impossible de se faire financer un prof et. "On avait besoin de 30 millions d'euros et incepta ne voulait pas être le seul" […]

Le préjudice subi par la société Subité s'analyse en investissements exposés en vain dans le cadre du projet et dans la perte de chance de réussir celui-ci mais non en la perte de marché subie si elle avait mené à bien son projet qui comporte toujours un aléa. Elle justifie par la production de ses comptes de résultat que le montant de ses pertes s'est élevé à 4 millions d'euros pour les années 2000 et 2001. La perte de chance sera évaluée en tenant compte de la date à laquelle la société Subiteo s'est retirée du marché soit en mai-juin 2001 alors qu'elle a été créée en mai 2000 ; le préjudice subi par la société Subité sera évalué à 7 millions d'euros. »
1/ ALORS, d'une part, QU'en toute hypothèse, en considérant que le dommage allégué par la société Subitéo, devenue Cowes, consisterait en une perte de chance, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2/ ALORS, d'autre part, QU'en ne répondant pas au moyen péremptoire tiré de ce qu'à défaut de publication de l'arrêté ministériel d'autorisation d'exploiter un réseau, la société Subitéo n'avait en tout état de cause aucune « chance » de s'installer sur le marché, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-28197
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 octobre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 avr. 2017, pourvoi n°15-28197


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.28197
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