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26/04/2017 | FRANCE | N°15-27800

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 avril 2017, 15-27800


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et sixième branches :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 18 novembre 2015), qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à une visite avec saisies dans des locaux et dépendances sis à Villiers-sur-Marne, susceptibles d'être occupés par la société de d

roit suisse IKEA Supply AG (la société ISAG) et les sociétés IKEA Trading Serv...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et sixième branches :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 18 novembre 2015), qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à une visite avec saisies dans des locaux et dépendances sis à Villiers-sur-Marne, susceptibles d'être occupés par la société de droit suisse IKEA Supply AG (la société ISAG) et les sociétés IKEA Trading Services France et Meubles France IKEA, afin de rechercher la preuve de fraudes commises par la société ISAG au titre de l'impôt sur les sociétés et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que ces opérations se sont déroulées le 19 juin 2014 ; que les sociétés ISAG, Distribution services IKEA France, Actionvest, IKEA Holding France, Meubles IKEA France, IKEA Trading services France, Inter IKEA Centre France, IKEA développement, Finpart, Inter IKEA Centre Bry, Inter IKEA Centre Fleury, Le Champ éolien des Rochers, Ferme éolienne de Hauteville 1, Ferme éolienne de Hauteville 2, Inter IKEA Centre Thillois, Inter IKEA Centre Vedene, Inter IKEA Centre Bayonne, Inter IKEA Centre Clermont, Retail Centres Management et les sociétés civiles immobilières (SCI) Le Morellon, Franconville Saint Marcs, Roques, Ferme éolienne de Corpe, Du lac, Toulon La Valette, Actionvest, Strasbourg-Cronenbourg, Sainte-sophie, Moselle La Maxe, Val-Bréon, Cagnes Nice, Vélizy Petit Clamart, Lorraine La Maxe, Le Grand But, Saint Herblain Atlantis, Du champs du pont, Franconville Clos Bertin, Montepellier Odysseum, Marseille La Ravelle, Finvest, Plaisir, Lot A 1 Paris Nord II, Dardilly, Villiers armoiries (les sociétés du groupe IKEA) ont formé un recours contre le déroulement de ces opérations ;

Attendu que les sociétés du groupe IKEA font grief à l'arrêt de rejeter leur recours alors, selon le moyen :

1°/ que les enquêteurs qui procèdent à des visites et saisies doivent révéler à la personne visitée les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés de manière à lui permettre de s'assurer que seuls des documents en rapport avec les fraudes recherchées sont saisis ; qu'en affirmant que l'administration fiscale, qui avait visité les sociétés du groupe IKEA, n'était pas tenue de leur communiquer avec précision les critères de sélection des données qu'elle avait saisies, ni de leur révéler les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L.16 B du livre des procédures fiscales ;

2°/ que les personnes qui font l'objet de visites et saisies doivent avoir eu la possibilité d'établir que les fichiers informatiques saisis entraient dans les prévisions de l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention ; qu'en affirmant que l'administration fiscale n'était pas tenue de communiquer avec précision les critères de sélection des données qu'elle avait saisies, ni de révéler les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les sociétés du groupe IKEA qui avaient été visitées avaient été mises à même de s'assurer que les fichiers informatiques saisis entraient dans les prévisions de l'autorisation délivrée le 17 juin 2014 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales ;

3°/ que l'administration fiscale qui procède à une visite domiciliaire n'est pas en droit de saisir des documents qui présentent un caractère purement privé ; qu'en relevant que les sociétés du groupe IKEA avaient démontré le caractère purement privé de fichiers saisis sur les ordinateurs de MM. [Y] et [N], sans répondre aux conclusions par lesquelles elles faisaient également valoir que présentaient un caractère purement privé les lignes n° 1368 à 1385 identifiées « PERSO » et n° 9831 à 9905 identifiées « PRIVATE » de l'inventaire des fichiers saisis sur l'ordinateur de M. [X], ainsi que les lignes n° 4 à 12 de l'inventaire des fichiers saisis sur l'ordinateur de M. [M] comportant ses évaluations annuelles, le premier président de la cour d'appel n'a pas respecté les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que le premier président n'ayant pas statué dans le dispositif de sa décision sur l'annulation de la saisie des documents litigieux, le moyen, sous le couvert d'un grief de défaut de réponse à conclusions, critique en sa sixième branche une omission de statuer, laquelle peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ;

Et attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ni d'aucun autre texte, que les enquêteurs aient l'obligation de révéler les modalités techniques, les mots de passe et les moteurs de recherche utilisés lors des opérations ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société de droit suisse IKEA Supply AG et les quarante-trois autres sociétés demanderesses aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 2 500 euros au directeur général des finances publiques ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Ikea Supply AG et les quarante-trois autres sociétés demanderesses

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée de n'AVOIR annulé que la saisie des pièces 91 de l'inventaire des documents saisis sur l'ordinateur de Monsieur [N] [Y], 18.530 et 19.493 de l'inventaire des documents saisis sur l'ordinateur de Monsieur [K] [N], ainsi que du fichier « image » et d'un fichier intitulé « PRIVAT » présent sur l'ordinateur de Monsieur [K] [N] à l'intérieur d'un répertoire intitulé « 99-J2V » présentant un caractère privé, d'AVOIR rejeté les autres demandes formulées par les sociétés IKEA et d'AVOIR confirmé toutes les autres dispositions de l'ordonnance d'autorisation rendue le 17 juin 2014 ;

AUX MOTIFS QUE l'article 8 §2 de la CESDH dispose, tout en énonçant le droit de chacun au respect de sa vie privée et familiale, qu'« il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'il y a lieu de rappeler que le juge des libertés et de la détention lorsqu'il a été saisi de la requête de l'administration a connaissance de ces éléments et des recherches effectuées a posteriori par l'administration fiscale concernant des manquements présumés à certaines obligations fiscales ; qu'il effectue un contrôle de proportionnalité entre les présomptions qui lui sont produites et l'atteinte aux libertés ; que le nombre de documents saisis importe peu au regard des éléments qui lui étaient soumis au moment de sa prise de décision ; qu'en l'espèce, il y a lieu de rappeler que les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 19 juin 2014 en présence de Monsieur [E] [F], commandant de police en poste au service de police nationale détaché auprès de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ; que les agents de la DNEF se sont présentés ce jour au [Adresse 4]), locaux susceptibles d'être occupés par les sociétés IKEA SUPPLY AG (ISAG), IKEA TRADING SERVICES FRANCE et/ou MEUBLES IKEA FRANCE (MIF) et susceptibles de contenir des documents ou supports d'information relatifs à la fraude présumée de la société de droit suisse IKEA SUPPLY AG (ISAG) ; qu'ils ont été reçus par Monsieur [N] [Y], représentant légal de la SARL IKEA TRADING SERVICES FRANCE, accompagné de Monsieur [T] [C], chargé des ressources humaines ; que l'ensemble des opérations de visites et de saisies se sont déroulées avec l'ensemble des agents de la DNEF, les officiers de police judiciaire et Monsieur [N] [Y] ; qu'à 13h30, trois avocats du cabinet [D] [V], conseils de cette société, se sont présentés dans les locaux et ont demandé à s'isoler avec Monsieur [N] [Y] de 13h30 à 14h00 ; qu'au cours de la visite de la totalité des locaux occupés par ladite société, les agents de la DNEF ont découvert et saisi des documents et supports d'information relatifs à la fraude présumée, lesquels ont été inventoriés et identifiés à l'aide de 4 composteurs ; qu'au cours de la visite, il a été procédé, en présence de Monsieur [N] [Y] et des officiers de la police judiciaire de plusieurs ordinateurs ; et qu'à la demande du responsable informatique et en présence de Monsieur [N] [Y] et des OPJ, il a été procédé à la modification des droits de l'application OUTLOOK afin de permettre l'exclusion des courriers d'avocats et des données personnelles ; que les agents de la DNEF ont constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le Juge des libertés et de la détention de CRETEIL ; et qu'il a alors été procédé à une analyse approfondie des ordinateurs mentionnés sur le procès-verbal ; que ces documents ont été copiés sur 4 disques durs externes vierges appartenant à l'administration, préalablement formatés devant Monsieur [N] [Y] et les officiers de police judiciaire ; et qu'il a été précisé qu'avant la copie des messageries il a été procédé à l'exclusion des courriels se rapportant à des données personnelles ou à des données couvertes par le secret professionnel des avocats ; que par la suite, il a été procédé à l'authentification numérique de chaque fichier ; et que 11 inventaires informatiques ont été élaborés à partir des fonctionnalités du logiciel « Encase » ; qu'il convient de rappeler que le logiciel « Encase » utilisé par les administrations ou les autorités administratives indépendantes, est un logiciel d'investigation et de recherche de preuves cryptées ou effacées directement dans le serveur ; que ce logiciel offre la possibilité de combiner, d'ajuster différents critères de recherche, notamment les mots clés, les valeurs de hachage, les expressions régulières et les périodes (prescription) ; que les inventaires des fichiers copiés ainsi que l'authentification numérique de chaque fichier a été gravé sur deux CD-ROM de marque VERBATIM, finalisés et identifiés dont l'un était destiné à Monsieur [N] [Y] et l'autre au magistrat signataire de l'ordonnance ; que le procès-verbal a été signé par le représentant légal de la société, les agents de la DNEF et les officiers de police judiciaire ; et que les observations des avocats présents ont été annexées au procès-verbal ; qu'il convient de rappeler que l'intitulé d'un fichier peut être fantaisiste pour masquer un contenu qui rentrerait dans le champ d'application de l'ordonnance ; que cette pratique est celle qui permet de concilier l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée dans la mesure où, si chaque fichier devait être vérifié, l'activité économique de ladite société pourrait être bloquée pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui n'est pas l'objectif d'une visite domiciliaire, à savoir ralentir, voire stopper l'activité économique et commerciale d'une société ; que ceci étant précisé, une saisie, lorsqu'elle est opérée dans ces conditions, ce qui semble être le cas en l'espèce, puisque le nom des avocats a été demandé préalablement, ne présente pas un caractère massif et indifférencié sous réserve que l'extraction des fichiers informatiques opérée par des agents de l'administration, assistés d'un officier de police judiciaire, soit faite à partir de mots dont l'intitulé est en lien avec le champ d'application de l'autorisation du juge puisque la société IKEA et qu'un contrôle de proportionnalité a été effectué ; que ces moyens seront rejetés ; que le Juge des libertés et de la détention de CRETEIL n'a pas exclu dans sa décision la possibilité de saisir à partir des locaux à visiter des documents ayant un lien avec la fraude présumée ; que les saisies peuvent être effectuées depuis les ordinateurs des locaux visités qui permettent d'accéder à des serveurs distants ; qu'il importe peu que ces serveurs soient situés à l'étranger, en l'espèce MILAN, si certaines règles sont respectées, à savoir rester dans le champ de l'application de l'ordonnance et avoir un outil permettant de discriminer tout document relatif au secret professionnel de l'avocat ; que notamment, l'article L.16 B du LPF ne limite pas les autorisations de saisies aux seuls documents, papiers ou informations, aux seuls locaux dans lesquels la visite est autorisée ; qu'elle permet la saisie de données informatiques de tout document dématérialisé depuis le local visité même si le serveur est situé à l'étranger ; qu'il y a lieu de remarquer qu'à la lecture du procès-verbal de visite et de saisie, le serveur installé à MILAN aurait été consulté à partir de l'ordinateur portable de marque DELL portant le nom de « TSOITMIL-NB0074.ikea.com » présent dans l'open space et dans l'espace de travail de Madame [A] [B] ; qu'il est indiqué deux paragraphes après : « aucune édition, ni copie n'a été réalisée à partir de ces ordinateurs » ; que les agents de la DNEF ne se sont pas introduits dans l'ensemble des serveurs du groupe IKEA ; et que les modalités de visites et de saisies ont respecté les critères de la jurisprudence de la CEDH cités par les requérants (CEDH, 2 avril 2015, affaire VINCI) aux termes desquels la Cour a considéré que ne sont pas massives et indifférenciées des saisies, dès lors que les enquêteurs ont essayé de circonscrire leur recherche aux documents détenus par les employés travaillant dans le domaine d'activité concerné, étant précisé que l'espace personnel n'est pas un espace privé et que le logiciel « Encase » dont les fonctionnalités ont été décrites précédemment a permis de circonscrire les recherches au champ d'application de l'ordonnance et de tenter d'exclure toute immixtion dans la sphère privée ; que le champ d'action de l'administration doit être assez vaste à ce stade préparatoire ; que l'ensemble de ces moyens seront rejetés ; que dès lors que les documents appréhendés sont en rapport avec les agissements reprochés aux sociétés suspectées de fraude, les documents ne concernant pas les sociétés visées par l'ordonnance peuvent être appréhendés ; que, de ce fait, l'administration n'était pas tenue de communiquer avec précision les critères de sélection des données qu'elle a saisies, ni les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche, ni les mots-clés utilisés, étant précisé qu'il résulte du procès-verbal de visite et de saisie en date du 19 juin 2014 (page 8) que les agents de la DNEF en présence du responsable informatique, Monsieur [J] [H], du représentant légal de la société, Monsieur [N] [Y], et des officiers de police judiciaire, ont procédé à la modification des droits de l'application OUTLOOK afin de permettre l'exclusion des courriers d'avocats et des données personnelles ; que dans l'hypothèse où des documents auraient été par inadvertance saisis et excéderaient l'autorisation de recherche et de preuve, il appartenait aux requérantes de les verser aux débats pour qu'il puisse en être juger ; que l'ensemble de ces moyens seront rejetés ; qu'il y a lieu de constater qu'il ressort des procès-verbaux de visite et de saisie que 11 ordinateurs ont fait l'objet d'investigations dont celui du Président, alors qu'environ 400 salariés sont présents sur le site ; qu'il est constant que les textes autorisent la saisie de tous documents dématérialisés accessibles dès lors qu'ils sont en rapport avec les soupçons de fraude ; qu'une lecture approfondie et exhaustive du procès-verbal de visite et de saisie du 19 juin 2014 révèle qu'il n'a été effectué aucune édition, ni copie de fichiers à partir de trois ordinateurs de salariés et notamment l'ordinateur donnant accès au serveur milanais « TSOITMILNB0074. ikea.com » ; que par contre, il a été procédé à la modification des droits de l'application OUTLOOK afin de permettre l'exclusion des courriers d'avocats et des données personnelles sur les autres ordinateurs consultés et également sur les messageries consultées ; qu'une discrimination a donc été réalisée ; et que la saisie n'a pas été massive ; que s'agissant des fichiers THUMBS, ce sont en réalité des miniatures de fichiers existants générés par le système ; qu'il n'y a donc pas lieu à annulation ; que concernant des fichiers saisis qui seraient sans lien avec la fraude présumée, ceux-ci se trouvant dans des locaux professionnels et plus précisément sur des ordinateurs professionnels pouvaient être présumés avoir un caractère professionnel, étant précisé que plusieurs personnes de la société visitée seraient présumées exercer des fonctions mixtes dont certaines auraient un lien avec la fonction de centrale d'achat ; que de ce fait, les fichiers pouvaient être saisis ; qu'il est précisé que le jour de l'audience, il a été remis un disque dur externe susceptible de contenir 14.773 fichiers ainsi qu'un listing des intitulés des fichiers ; et qu'il a été demandé l'annulation de l'ensemble de ces fichiers ; que s'agissant du disque dur présenté le jour de l'audience et contenant fichiers ainsi qu'un listing, il y a lieu de constater que ces fichiers étaient saisissables dans la mesure où des personnels avaient des fonctions mixtes dont certaines auraient un lien avec la fonction de centrale d'achat ; et que les sociétés requérantes ne démontrent pas en quoi chaque fichier serait hors du champ d'application de l'ordonnance (même en s'y rattachant indirectement ou ayant un lien avec la fraude présumée), aurait un caractère privé ou porterait atteinte au secret professionnel de l'avocat ; qu'il est invoqué qu'en pratiquant, sans mot-clé officiellement communiqué, les saisies, les agents ont d'abord consulté les messageries visées dans le procès-verbal et ont exclu a posteriori les correspondances avocats/clients après les avoir ouvertes et lues, ce qui rendrait les opérations irrégulières ; que les sociétés requérantes citent deux exemples, à savoir l'échange de courriels entre une avocate du cabinet LANDWELL et ASSOCIES et Monsieur [N] et, d'autre part, une lettre du cabinet d'avocats DEBRE et WEBER concernant un membre de la famille de Monsieur [K] [N] ; qu'il est demandé l'annulation de ces saisies ; qu'il est constant que les agents peuvent prendre connaissance des documents afin de juger s'ils doivent ou non les saisir ; et qu'il n'est nullement discuté que les documents couverts par le secret professionnel de l'avocat ne sont pas saisissables ; qu'il convient cependant de préciser que seules sont couvertes les correspondances échangées entre le client et son avocat ou entre l'avocat et ses confrères ce qui ne seraient pas le cas d'une correspondance échangée entre un avocat et un expert comptable, les correspondances d'avocats directement adressées à la partie adverse ou de factures ; que le seul fait qu'un courrier émane d'un avocat n'a pas pour effet d'en interdire la saisie (dans l'hypothèse où il serait susceptible d'être impliqué dans la fraude présumée) ; et qu'il est nécessaire d'en prendre connaissance pour en apprécier le caractère saisissable ou non ; qu'il y a lieu de préciser que l'administration est tributaire des informations qui sont données sur place par le représentant de la société et notamment des noms des avocats représentant la société, mais également des noms des anciens avocats l'ayant représentée et des avocats avec laquelle cette société est en contact, ce qui a été fait en l'espèce ; que les sociétés requérantes démontrent que deux fichiers émanant d'avocats ont été saisis et que ces fichiers correspondraient aux numéros 19.493 et 18.530 de l'inventaire des documents saisis sur l'ordinateur de Monsieur [K] [N] ; que, cependant, la saisie irrégulière d'une pièce n'a pas pour conséquence l'annulation de l'ensemble des opérations ;

1°) ALORS QUE les enquêteurs qui procèdent à des visites et saisies doivent révéler à la personne visitée les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés de manière à lui permettre de s'assurer que seuls des documents en rapport avec les fraudes recherchées sont saisis ; qu'en affirmant que l'administration fiscale, qui avait visité les sociétés du groupe IKEA, n'était pas tenue de leur communiquer avec précision les critères de sélection des données qu'elle avait saisies, ni de leur révéler les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés, le Premier Président de la Cour d'appel a violé l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les personnes qui font l'objet de visites et saisies doivent avoir eu la possibilité d'établir que les fichiers informatiques saisis entraient dans les prévisions de l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention ; qu'en affirmant que l'administration fiscale n'était pas tenue de communiquer avec précision les critères de sélection des données qu'elle avait saisies, ni de révéler les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les sociétés du groupe IKEA qui avaient été visitées avaient été mises à même de s'assurer que les fichiers informatiques saisis entraient dans les prévisions de l'autorisation délivrée le 17 juin 2014 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de CRETEIL, le Premier Président de la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ;

3°) ALORS QUE les enquêteurs qui procèdent à des saisies de fichiers informatiques doivent utiliser des mots-clés de manière à permettre à la personne visitée de s'assurer que seuls des documents en rapport avec les fraudes recherchées sont saisis ; qu'en affirmant, de manière générale, qu'une saisie ne présente pas un caractère massif et indifférenciée sous réserve que l'extraction des fichiers informatiques opérée par l'administration soit faite à partir de mots dont l'intitulé est en lien avec le champ d'application de l'autorisation du juge, sans rechercher si, en l'espèce, les mots-clés qui auraient été utilisés par l'administration étaient effectivement en lien avec les fraudes recherchées, le Premier Président de la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

4°) ALORS QU'il incombe à l'administration fiscale qui a procédé à des visites et saisies de rapporter la preuve de ce que les documents qu'elle a saisis sont en rapport avec les fraudes suspectées et, partant, de ce que les saisies opérées n'ont pas été massives et indifférenciées ; qu'en considérant qu'il appartenait aux sociétés du groupe IKEA de verser aux débats tous les documents dont la saisie aurait excédé le champ de l'autorisation pour qu'il puisse en être jugé et de rapporter la preuve de ce que les documents saisis n'étaient pas en lien avec les fraudes suspectées, présentaient un caractère privé ou étaient protégés par le secret professionnel des avocats, le Premier Président de la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du Code civil et L.16 B du Livre des procédures fiscales ;

5°) ALORS QUE l'administration fiscale qui procède à une visite domiciliaire n'est pas en droit de saisir des documents qui se trouvent hors du champ d'application de l'ordonnance d'autorisation, qui présentent un caractère purement privé ou qui portent atteinte au secret professionnel des avocats ; qu'en affirmant que l'administration fiscale était en droit de saisir des fichiers « THUMBS » au motif inopérant qu'il s'agissait en réalité de miniatures de fichiers existants générés par le système, sans rechercher si ces fichiers ne contenaient pas des documents hors du champ d'application de l'ordonnance d'autorisation, de caractère purement privé ou portant atteinte au secret professionnel des avocats, le Premier Président de la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ;

6°) ALORS QUE l'administration fiscale qui procède à une visite domiciliaire n'est pas en droit de saisir des documents qui présentent un caractère purement privé ; qu'en relevant que les sociétés du groupe IKEA avaient démontré le caractère purement privé de fichiers saisis sur les ordinateurs de Messieurs [N] [Y] et [K] [N], sans répondre aux conclusions par lesquelles elles faisaient également valoir que présentaient un caractère purement privé les lignes n° 1368 à 1385 identifiées « PERSO » et n° 9831 à 9905 identifiées « PRIVATE » de l'inventaire des fichiers saisis sur l'ordinateur de Monsieur [B] [X], ainsi que les lignes n° 4 à 12 de l'inventaire des fichiers saisis sur l'ordinateur de Monsieur [Y] [M] comportant ses évaluations annuelles, le Premier Président de la Cour d'appel n'a pas respecté les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-27800
Date de la décision : 26/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 avr. 2017, pourvoi n°15-27800


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27800
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