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21/04/2017 | FRANCE | N°15-19353

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 avril 2017, 15-19353


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2015), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 26 septembre 2012 n° 11-13.333), que Mme [Q], engagée à compter du 18 avril 2005 en qualité de consultante senior par la sarl Ethix, a signé un avenant le 31 mars 2006 la promouvant consultante manager, membre du comité de direction et prévoyant une rémunération variable ; qu'en mars 2007, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat ; que le 1er avril suivant, la soc

iété Ethix qui la veille était devenue anonyme et Ethix expertise, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2015), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 26 septembre 2012 n° 11-13.333), que Mme [Q], engagée à compter du 18 avril 2005 en qualité de consultante senior par la sarl Ethix, a signé un avenant le 31 mars 2006 la promouvant consultante manager, membre du comité de direction et prévoyant une rémunération variable ; qu'en mars 2007, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat ; que le 1er avril suivant, la société Ethix qui la veille était devenue anonyme et Ethix expertise, a cédé son droit de présentation à sa clientèle à la société Economie comptabilité associés qui deviendra la sas Ethix et transféré ses contrats de travail dont celui de la salariée à cette société ; que la société cédante a décidé sa dissolution amiable et le 27 juin 2008, a pris la dénomination de société Xithe, Mme [H] étant nommée liquidateur amiable ; que par lettre du 29 mai 2009, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat et dirigé ses demandes en paiement au titre d'un rappel de salaires et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'encontre de la sas Ethix (la société) laquelle a appelé en garantie la société cédante devenue Xithe ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société qui est préalable :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner une cassation ;

Sur le second moyen de ce pourvoi :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une somme au titre du solde du compte épargne-temps, alors, selon le moyen, qu'il appartient au salarié de prouver la créance qu'il revendique et aux juges du fond de la caractériser ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir qu'elle avait réglé à la salariée la totalité des jours figurant dans son compte épargne temps, i.e 4.5 jours ; que, pour dire que la salariée avait un solde de 10 jours de congés sur son compte épargne temps pour l'année 2006, la cour d'appel s'est fondée sur le courriel de M. [K] du 7 février 2007 ; qu'en statuant au visa d'un tel courriel qui se bornait à rappeler à la salariée son solde de congés non utilisés de 23 jours, son souhait de les prendre dans leur totalité et le fait que si à fin février 2006 tous les jours de congés n'étaient pas utilisés, 10 jours seraient placés dans son compte épargne temps, la cour d'appel n'a pas caractérisé que la créance de la salariée sur son compte épargne temps s'élevait à 10 jours, et partant a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3151-1 du code du travail, ensemble l'article 5 de l'accord d'entreprise sur le temps de travail ;

Mais attendu que sous couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la cour de cassation l'appréciation souveraine des juges du fond des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral consécutif à un harcèlement moral, alors, selon le moyen :

1°/ que ne lient pas le juge les résultats de l'enquête menée par l'inspecteur du travail au terme de laquelle ce dernier a conclu à l'absence de faits relevant de la qualification de harcèlement moral ; qu'en retenant que l'enquête menée par l'inspecteur du travail n'avait pas révélé de faits relevant de la qualification de harcèlement moral pour la débouter de sa demande à ce titre, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en violation des dispositions de l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;

2°/ que l'employeur, tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de sécurité des travailleurs doit en assurer l'effectivité ; que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique indépendamment de l'intention de son auteur ; qu'en l'espèce, ayant constaté d'une part que les contrôleurs du travail avaient relevé des « dysfonctionnements » et des « choix douteux en matière de management » et, d'autre part, que la dégradation de son état de santé était avéré depuis le mois de février 2007, la cour d'appel a retenu, pour la débouter de sa demande en réparation du préjudice moral consécutif à un harcèlement et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, qu'en sa qualité de membre du CODIR, elle participait au management de l'entreprise ; qu'en statuant par ce motif inopérant sans rechercher si la dégradation de son état de santé ne trouvait pas sa source dans les dysfonctionnements et méthodes de gestion dénoncés par les contrôleurs du travail comme par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1152-1, L. 1154-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

3°/ que lorsqu'un salarié établit des faits qui, selon lui, caractérisent un harcèlement moral, le juge est tenu de se prononcer sur l'ensemble de ces faits afin de dire s'ils permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, elle faisait notamment valoir au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral que, dans le cadre des procédures prud'homales engagées contre elle, la société Ethix l'avait accusée sans aucun fondement de s'être octroyée des jours de congés indus et de lui avoir ainsi causé un préjudice de 13 000 euros, avait mis en doute la réalité de son état de santé et son intégrité professionnelle et avait versé aux débats une lettre strictement personnelle sans relation avec le litige adressée à M. [N] à l'occasion du décès de son beau-père et dans laquelle elle évoquait la mort de sa propre mère ; qu'en se contentant d'affirmer qu'il ne pouvait être fait grief à la société Ethix et à son dirigeant de s'être défendus dans le cadre des instances judiciaires initiées à leur encontre, sans rechercher si les faits précis et vérifiables ainsi invoqués par la salariée ne permettaient pas de caractériser l'existence d'une présomption de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4°/ que lorsqu'un salarié établit des faits qui, selon lui, caractérisent un harcèlement moral, le juge est tenu de se prononcer sur l'ensemble de ces faits afin de dire s'ils permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, elle faisait notamment valoir au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral que son employeur avait multiplié les visites médicales de contrôle à son domicile pendant ses arrêts de travail en faisant contrôler son état de santé à trois reprises en vingt-sept mois ; qu'en s'abstenant d'examiner si ce fait précis et vérifiable ne permettait pas de caractériser l'existence d'une présomption de harcèlement moral, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des dispositions L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

5°/ que le refus répété de l'employeur de régler à un salarié la
rémunération variable qui lui est due en vertu de son contrat de travail constitue un manquement de l'employeur susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en retenant en l'espèce que les seules décisions managériales dont elle pouvait être considérée comme victime étaient le refus de lui régler ses primes et que ces faits ne caractérisaient pas le harcèlement moral dont elle se prévalait, alors qu'elle avait par ailleurs retenu que ces primes lui étaient dues conformément à l'avenant à son contrat de travail du 31 mars 2006, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Mais attendu que sous couvert de griefs non fondés de manque de base légale, violation de la loi, méconnaissance de ses pouvoirs, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de faits et de preuve dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit qu'il n'était pas établi de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen de ce pourvoi :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que sa prise d'acte produisait les effets d'une démission et de la débouter de ses demandes en dommages et intérêts et indemnités de rupture, alors, selon le moyen :

1°/ que le non-paiement réitéré par l'employeur d'un élément de la rémunération contractuelle du salarié constitue un manquement d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, peu important que ce manquement ait été régularisé par ce dernier antérieurement à la prise d'acte dès lors que cette régularisation est intervenue en exécution d'une décision de justice ; qu'en l'espèce, en retenant que le non-versement d'une partie de sa rémunération variable de 2006 et de 2007 ne constituait pas un manquement suffisamment grave pour justifier quelle prenne acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur au motif que ce manquement avait été régularisé au moment de la prise d'acte quand elle constatait que cette régularisation était intervenue en exécution d'une décision de justice, la cour d'appel qui s'est abstenue de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail puis, en cours de procédure, prend acte de la rupture de ce contrat, le juge doit prendre en compte l'ensemble des manquements invoqués à l'appui de la demande de résiliation judiciaire ; qu'il doit se placer à la date de cette demande de résiliation pour déterminer si ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'en l'espèce pour retenir que le non versement d'une partie de la prime exceptionnelle de 2006 et de 2007 ne constituait pas un manquement suffisamment grave pour justifier que la salariée prenne acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, la cour d'appel a retenu que ce manquement avait été régularisé au moment de la prise d'acte ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait invoqué le non-paiement de ses primes à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire et que la cour d'appel devait donc se placer à la date de cette demande pour apprécier si ce manquement était d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, elle a violé les dispositions des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ que des agissements de harcèlement moral constituent des manquements suffisamment graves pour justifier la prise d'acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur ; qu'en l'espèce, pour juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur devait produire les effets d'une démission, la cour d'appel a notamment retenu que les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée n'étaient pas établis ; qu'en conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera la cassation de l'arrêt sur le présent moyen ;

Mais attendu que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur avait régularisé, avant la prise d'acte, le paiement des primes qui restaient dues à la salariée en 2006 et 2007, a pu décider que ce manquement ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Condamne Mme [Q] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [Q].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame [Q] de ses demandes tendant à voir dire que son employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat et commis des faits de harcèlement moral à son égard et à voir, en conséquence, la société ETHIX condamnée à lui payer une somme en réparation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QUE « à titre liminaire, la cour rappelle que l'arrêt du 19 janvier 2011 a été cassé pour violation de l'article 1134 du code civil en rejetant la demande de la salariée en paiement d'un rappel de prime exceptionnelle ; que la cassation du chef de la prime a entraîné par voie de conséquence la cassation sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi qui reprochaient à la cour d'appel d'avoir débouté Mme [Q] de ses demandes de réparation de son préjudice moral du fait de l'attitude de l'employeur et au titre des indemnités de rupture par l'effet de la prise d'acte ; qu'en application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'ainsi Mme [Q] ne peut tirer argument de cette cassation par voie de conséquence, pour soutenir que la cour de cassation aurait reconnu le bien fondé de ses demandes relatives au comportement de l'employeur et à sa prise d'acte ;
que les parties étant replacées dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée, il convient de statuer sur l'ensemble du litige dévolu à la cour de renvoi, à l'exception de la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés exclue de la cassation » ;

QU' « il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-l du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; Attendu qu'aux termes de la lettre de prise d'acte, adressée à M. [N], président de la sas Ethix, la salariée invoque :- le refus par M. [L] [T] du paiement de la prime collective de la fin de l'année 2006, position confirmée par. la nouvelle direction jusqu'à la condamnation de l'employeur par jugement du 8 octobre 2008, - le fait que M. [T] ait rendu impossible tout développement du nouveau pôle d'activité de l'entreprise ("autres secteurs" que la banque) qui relevait de sa responsabilité selon les termes de l'avenant à son contrat de travail du 31 mars 2006, en ne lui donnant pas les moyens budgétaires et humains, l'obligeant à multiplier les tâches de production au détriment de la prospection, et en la dépouillant de ses prérogatives attachées à ses fonctions au sein du comité de direction, - des faits de harcèlement moral et de dénigrement systématique commis par M. [T], entre septembre 2006 et fin janvier 2007, ces agissements s'étant accentués quand, en tant que membre du comité de direction, elle avait voulu que la direction prenne au sérieux la plainte adressée par Mme [S] [A] à M. [E] (membre du CODIR, associé au capital de la société), qui évoquait des faits de harcèlement sexuel, puis de harcèlement moral visant la personne de M. [T], et de manipulations "ignobles" de ce dernier qui avait, de manière excessive depuis quelques mois, alourdi sa charge de travail afin d'obtenir des résultats rendant plus attirante l'entreprise que M. [N] devait racheter, agissements qui l'avaient détruite, l'obligeant, le 6 février 2007, à un arrêt maladie, - le fait qu'au moment de la reprise de l'activité par la sas Ethix, début avril 2007, et alors qu'elle n'aspirait qu'à reprendre, le plus vite possible, une fois sa santé rétablie, ses fonctions au sein de la société, et tout en prétendant "de manière perfide" qu'il comptait sur elle comme numéro 2 de l'entreprise, il avait préféré poursuivre la politique de M. [T], en l'accusant d'avoir pris des congés indus, dans le cadre de la procédure de référé qu'elle a initiée en mars 2007 pour obtenir le paiement de la prime 2006, en multipliant les calomnies et injures dans les conclusions devant le conseil de prud'hommes et en la menaçant d'exercer des pressions auprès de la CPAM pour obtenir qu'elle procède à des contrôles médicaux visant à suspendre le versement des indemnités journalières, comportement qui a eu pour effet d'aggraver son état de santé et qui l'ont convaincue que l'entreprise ne souhaitait pas son retour ; Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L. 1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; Attendu que l'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; Attendu que, pour étayer ses affirmations, Mme [Q] produit notamment : - le courrier adressé le 24 avril 2007 à l'Inspection du travail, retraçant l'historique de son arrivée au sein de la société Ethix en avril 2005, venant de la société Syndex, comme les fondateurs de la société et M. [L] [T], l'inquiétude des salariés qui ne faisaient plus confiance à la direction alors que le pronostic vital de l'entreprise était remis sans cesse en question, la situation de Mme [S] [A], jeune consultante qui se disait victime de harcèlement et avait tenté de porter atteinte à ses jours sur son lieu de travail, plainte dont elle soutenait qu'elle devait conduire à consulter la médecine du travail et un avocat alors que les autres membres du CODIR et M. [L] [T], directement mis en cause, estimaient suffisant d'engager un dialogue avec la salariée, sa remise en cause dans son savoir faire de responsable de missions délicates, surchargée de travail du fait des décisions de [L] [T], puis sa "mise en responsabilité de développement " sans moyens et sans aucun retour sur les succès réalisés, situation génératrice d'une "tension extrême" et "intenable " lorsque [L] [T] y ajouta une sanction incroyable et injustifiée (pas de prime) puis l'annonce du retrait de ses responsabilités, sans s'entretenir préalablement avec elle ; - un courriel que lui a adressé le 24 mai 2007 le contrôleur de travail, dont les termes sont les suivants : « Suite à votre plainte pour harcèlement moral à l'encontre de M. [L] [T], j'ai effectué une enquête au sein de l'entreprise Ethix. A ce jour cette enquête, si elle n 'est pas tout à fait close, ne me permet pas de mettre en évidence des faits tangibles de harcèlement susceptibles d'être portés à la connaissance du Procureur de la République. Il ne fait aucun doute que de gros dysfonctionnements et des choix douteux en matière de management peuvent être reprochés à l'entreprise. Cela a pu vous causer des préjudices pour lesquels vous pouvez demander réclamation auprès de conseil des prud'hommes. Mais le délit spécifique de harcèlement n'est pas établi. Il me semble que la nouvelle équipe dirigeante d'Ethix est disposée à vous rendre justice, c'est en tout cas ce que j 'ai cru comprendre de mon entretien avec M. [N] (…) » ; - un courrier adressé à la société, le 12 juin 2007, par les deux contrôleurs du travail qui ont enquêté dans l'entreprise, qui indiquent : "Suite à deux plaintes pour harcèlement moral émanant de deux de vos salariés et à notre enquête au sein de votre Société, nous vous prions de noter les observations suivantes : Après avoir entendu la totalité des salariés de l'entreprise, nous avons constaté un certain nombre d'éléments faisant apparaître un état de souffrance psychologique grave chez le personnel d'Ethix. Même si le délit de "harcèlement moral" proprement dit n'a pu être mis en évidence de façon claire, il n'en reste pas moins que les modes de management du personnel et d'organisation du travail, associés à l'incertitude entourant la cession de l'entreprise ont pu faire naître, chez certains salariés, un sentiment d'anxiété, de stress, voire d'injustice propre à les déstabiliser. La tentative de suicide de Mademoiselle [A] a contribué à accroître le malaise. Certains faits, notamment la concernant, pourraient soulever la question d'une éventuelle discrimination fondée sur le sexe. Il ne nous appartient pas de porter un jugement sur la manière dont la Société est gérée, nous nous réservons, en revanche si les problèmes persistent, la possibilité de saisir le Procureur de la République sur la base de l'article 40 du Code de procédure pénale pour mise en danger de la vie d'autrui dans la mesure où aucune disposition ne serait prise pour rétablir un climat serein parmi le personnel. Par courriel du 22 mars 2007, nous avons demandé à l'ancienne Direction ce qu'elle comptait faire pour garantir la santé et l'intégrité physique et psychologique des salariés. Nous lui avons également demandé pourquoi le recours à un consultant extérieur avait été remis à plus tard. Lors d'un entretien en date du 22 mai 2007, vous nous avez fait part de votre refus de faire appel au consultant pressenti. Or les attentes très fortes du personnel d'un Audit extérieur et la possibilité de recourir à différents Cabinets, y compris aux professionnels agréés par le Ministère du Travail auxquels peuvent recourir les C.H.S.C.T. dans le cadre de l'article L. 236-9 du Code du Travail, nous amènent à regretter cette décision. .Quoi qu'il en soit, vous voudrez bien : - nous informer des dispositions que vous comptez prendre, - nous faire parvenir le document unique d'évaluation des risques évoqués lors de notre entretien, - fixer les règles d'organisation de manière informelle et objective, par note de service et non plus par Mails individuels, en particulier en ce qui concerne le travail à domicile et les critères d'attribution des accessoires de rémunération (primes...), - rappeler à Monsieur [T] les limites de son autorité et l'inviter à se maintenir dans le cadre déterminé par ses nouvelles fonctions ; un certificat de son médecin traitant qui, le 30 juin 2008, a précisé qu'elle présentait "depuis 2006 des troubles anxiodépressifs constants ayant nécessité dans un premier temps un avis cardiologique (troubles du rythme cardiaque et essoufflement croissant) puis des troubles majorés franchement dépressifs dans le contexte d'un conflit de travail (...) Son état de santé a justifié: un arrêt depuis le 6/02/2007 et en soin conjoint avec un médecin psychiatre qui gère le traitement" ; - un certificat médical du docteur [O], mandaté par l'employeur qui, le 13 novembre 2008, a confirmé que "le patient est en arrêt justifié" dont "une prolongation est à envisager" dans la mesure, où il présente un "état dépressif réactionnel lié au contexte conflictuel professionnel" ; - un certificat médical du docteur [D], assistante au centre médico-psychologique à [Localité 1], du 26 mars 2009, qui indique la suivre régulièrement en consultation depuis le 2 janvier 2007, et qu' « elle présente un trouble anxio-dépressif secondaire à un important conflit professionnel ayant débuté en mars 2007 pour lequel elle est en cours de procédure juridique." ; Attendu que si la dégradation de l'état de santé de Mme [Q] est avérée depuis le mois de février 2007,l'enquête menée par l'Inspection du Travail n' a pas révélé de faits relevant de la qualification de harcèlement moral ; que les "calomnies et tortures " qu'elle impute à M. [T] ne reposent pas sur des faits précis ; qu'elle ne peut faire grief à la sas Ethix et à son dirigeant, M. [N], qu'elle a au demeurant accueilli avec enthousiasme à l'annonce de sa reprise fin 2006, et avec lequel elle n'a finalement pas travaillé, en congé maladie lors de la prise d'effet de la cession de l'activité en avril 2007, de s'être défendu dans le cadre des instances judiciaires qu'elle a initiées à son encontre ; que s'agissant des "dysfonctionnements" et les "choix douteux en matière de management" relevés par le contrôleurs du travail, il convient de relever que Mme [Q], en sa qualité de membre du CODIR, participait au management de l'entreprise, se considérant d'ailleurs comme employeur, "engageant sa résponsabilité humaine et pénale » face à la situation de Mme [A], dans son courrier adressé à l'Inspection du travail le 24 avril 2007 ; que le délégué du personnel, M. [G], atteste que "(...) Si les relations humaines n'ont pas toujours été très simples et tranquilles au sein d'Éthix jusqu'à fin 2005, une dégradation sensible s'est produite à partir de la mise en oeuvre du comité de direction dont la constitution a été initiée en janvier 2006... de nombreuses critiques portant sur les modalités de fonctionnement du comité de direction ont été exprimées" ; que les décisions managériales dont Mme [Q] pouvait être considérée comme victime, relevées par le contrôleur du travail dans son courriel du 24 mai 2007, étaient donc le refus de lui régler ses primes, faits qui ne caractérisent pas le harcèlement dont elle se prévaut ; Attendu qu'aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité.et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que les faits invoqués par Mme [Q] au soutien de sa demande tendant à voir engager la responsabilité de l'employeur sur ce fondement sont les faits de harcèlement moral dont il vient d'être retenu qu'ils ne sont pas établis ; qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande de réparation du préjudice moral consécutif à un harcèlement et un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « au vu des éléments fournis sur le déroulement des relations contractuelles, aucun argument ne vient soutenir les demandes de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ou de réparation de préjudice moral, qui ne peuvent prospérer qu'en cas de graves manquements aux droits du salarié ou au contrat. La demanderesse sera donc déboutée des demandes découlant de ces deux motifs ».

ALORS en premier lieu QUE ne lient pas le juge les résultats de l'enquête menée par l'inspecteur du travail au terme de laquelle ce dernier a conclu à l'absence de faits relevant de la qualification de harcèlement moral ; qu'en retenant que l'enquête menée par l'inspecteur du travail n'avait pas révélé de faits relevant de la qualification de harcèlement moral pour débouter Madame [Q] de sa demande à ce titre, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en violation des dispositions de l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;

ALORS en deuxième lieu QUE l'employeur, tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de sécurité des travailleurs doit en assurer l'effectivité ; que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique indépendamment de l'intention de son auteur ; qu'en l'espèce, ayant constaté d'une part que les contrôleurs du travail avaient relevé des « dysfonctionnements » et des « choix douteux en matière de management » et, d'autre part, que la dégradation de l'état de santé de Madame [Q] était avéré depuis le mois de février 2007, la Cour d'appel a retenu, pour débouter l'exposante de sa demande de réparation du préjudice moral consécutif à un harcèlement et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, que cette dernière, en sa qualité de membre du CODIR, participait au management de l'entreprise ; qu'en statuant par ce motif inopérant sans rechercher si la dégradation de l'état de santé de Madame [Q] ne trouvait pas sa source dans les dysfonctionnements et méthodes de gestion dénoncés par les contrôleurs du travail comme par la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1152-1, L. 1154-1 et L. 4121-1 du Code du travail ;

ALORS ensuite QUE lorsqu'un salarié établit des faits qui, selon lui, caractérisent un harcèlement moral, le juge est tenu de se prononcer sur l'ensemble de ces faits afin de dire s'ils permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Madame [Q], faisait notamment valoir au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral que, dans le cadre des procédures prud'homales engagées contre elle, la société ETHIX l'avait accusée sans aucun fondement de s'être octroyée des jours de congés indus et de lui avoir ainsi causé un préjudice de 13 000 euros, avait mis en doute la réalité de l'état de santé de la salariée et son intégrité professionnelle et avait versé aux débats une lettre strictement personnelle sans relation avec le litige adressée à Monsieur [N] à l'occasion du décès de son beau-père et dans laquelle Madame [Q] évoquait la mort de sa propre mère ; qu'en se contentant d'affirmer qu'il ne pouvait être fait grief à la société ETHIX et à son dirigeant de s'être défendus dans le cadre des instances judiciaires initiées à leur encontre, sans rechercher si les faits précis et vérifiables ainsi invoqués par la salariée ne permettaient pas de caractériser l'existence d'une présomption de harcèlement moral, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

ALORS encore QUE lorsqu'un salarié établit des faits qui, selon lui, caractérisent un harcèlement moral, le juge est tenu de se prononcer sur l'ensemble de ces faits afin de dire s'ils permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Madame [Q], faisait notamment valoir au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral que son employeur avait multiplié les visites médicales de contrôle à son domicile pendant ses arrêts de travail en faisant contrôler son état de santé à trois reprises en vingt-sept mois ; qu'en s'abstenant d'examiner si ce fait précis et vérifiable ne permettait pas de caractériser l'existence d'une présomption de harcèlement moral, la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des dispositions L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

ALORS enfin QUE le refus répété de l'employeur de régler à un salarié la rémunération variable qui lui est due en vertu de son contrat de travail constitue un manquement de l'employeur susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en retenant en l'espèce que les seules décisions managériales dont Madame [Q] pouvait être considérée comme victime étaient le refus de lui régler ses primes et que ces faits ne caractérisaient pas le harcèlement moral dont l'exposante se prévalait, alors qu'elle avait par ailleurs retenu que ces primes étaient dues à la salariée conformément à l'avenant à son contrat de travail du 31 mars 2006, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame [Q] de ses demandes tendant à la voir constater que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail au 2 juin 2009 produisait les effets d'un licenciement abusif et à voir la société ETHIX condamnée à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts ainsi qu'au titre de l'indemnité contractuelle de rupture, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis et d'avoir condamné Madame [Q] à verser à la société ETHIX une somme à titre de dommages et intérêts pour non-respect du préavis.

AUX MOTIFS QUE « à titre liminaire, la cour rappelle que l'arrêt du 19 janvier 2011 a été cassé pour violation de l'article 1134 du code civil en rejetant la demande de la salariée en paiement d'un rappel de prime exceptionnelle ; que la cassation du chef de la prime a entraîné par voie de conséquence la cassation sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi qui reprochaient à la cour d'appel d'avoir débouté Mme [Q] de ses demandes de réparation de son préjudice moral du fait de l'attitude de l'employeur et au titre des indemnités de rupture par l'effet de la prise d'acte ; qu'en application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'ainsi Mme [Q] ne peut tirer argument de cette cassation par voie de conséquence, pour soutenir que la cour de cassation aurait reconnu le bien fondé de ses demandes relatives au comportement de l'employeur et à sa prise d'acte ;
que les parties étant replacées dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée, il convient de statuer sur l'ensemble du litige dévolu à la cour de renvoi, à l'exception de la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés exclue de la cassation » ;

QUE « Mme [Q], au soutien de sa demande de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail invoque encore les atteintes à ses fonctions contractuelles commises par l'employeur ; que l'avenant du 31 mars 2006 prévoyait qu'elle devait prendre en charge la responsabilité d'un des pôles d'activités de l'entreprise, le pôle "autres secteurs" que les secteurs Banques et Finances, résultant du projet de nouvelle organisation de l'entreprise, ayant vocation "à se dédoubler au fur et à mesure du développement des divers secteurs qui le composent ", ainsi que cela ressort du compte rendu de la réunion du 5 janvier 2006; que pour démontrer que l'employeur aurait empêché le développement de ce pôle, elle produit aux débats un courriel du 13 novembre 2006 demandant l'organisation d'une réunion sur le développement pour "faire le point des "touches" et des acquis" et "les forces en présence", ainsi qu'un courriel du 28 juin 2006 se terminant par "il faudra peut-être envisager de recruter un senior " ; que ces éléments sont insuffisants pour caractériser le manque de moyens en financement et en personnel pour réaliser la mission dont elle avait la charge ; que par ailleurs les pièces produites aux débats attestent de l'autonomie de Mme [Q] dans l'organisation de son travail ; que notamment elle indique dans le courriel précité du 28 juin 2006 "Au deuxième semestre, je prendrai au moins une semaine de congé par mois, c 'est décidé" ; que la surcharge de travail dont elle se plaint ne peut donc être imputée au management de la société, dont elle était au demeurant partie prenante en qualité de membre du CODIR ; qu'ainsi elle constituait elle-même ses équipes de travail, et était assistée de plusieurs consultants ; qu'elle n'établit pas que M. [T] lui aurait retiré un consultant sur la mission Atoukolo alors qu'elle avait signé elle-même la lettre de mission, à la demande de celui-ci ; qu'elle soutient qu'elle aurait été démise de ses fonctions d'adjointe à la direction au motif qu'à compter du moment où M. [T] a annoncé qu'il allait céder l'activité (octobre 2006), il aurait cessé de convoquer le comité de direction et invoque le courriel adressé par l'ancien président le 23 janvier 2007 dont les termes sont les suivants : "C'est à [C] et lui seul de réaliser le planning et les prévisions d'activité, fl. appartient à [I] et [M] d'indiquer à [C] les données en temps qu'il leur a demandé pour réaliser le planning dans le cadre de leurs pôles respectifs et cela seulement. Il faut éviter les doublons. " ; que le fait de rappeler que seul le DRH, [C] [K], avait la charge de réaliser les plannings et les prévisions d'activité, mais qu'il appartenait à Mme [Q] de lui fournir les données du pôle dont elle avait la responsabilité, n'ôte rien à ses prérogatives ; qu'en outre par courriel du 30 janvier 2007, M. [T] a seulement précisé qu'il appartiendrait au cessionnaire de déterminer les formes de la direction d'Ethix, ce qui n'était pas non plus attentatoire aux fonctions de Mme [Q] qui, au demeurant, par mail, en réponse s'était dite "urgemment preneuse d'une mise en commun des prévisions d'activité en vue de la formulation de nos lignes d'action (commerciale, activité) et de nos besoins éventuels en recrutement"; qu'enfin, le fait pour M. [T], qui allait céder la société, de faire observer qu'il appartiendrait à son successeur de se prononcer sur l'avenir, n'est pas non plus attentatoire, alors que M. [N], dans les courriels produits aux débats, avait conforté Mme [Q] dans sa position avant même l'acquisition du fonds, ainsi que l'attestent M. [G], délégué du personnel :
"Fin 2006, dans l'organisation qu'il présente aux salariés d'Ethix, Monsieur [T] [N] donne une importance particulière à Madame [I] [Q] qui devient son adjointe dans la direction du cabinet", et M. [K], DRH : "(...) Au mois de décembre 2006, juste avant les congés de fin d'année, Monsieur [T] [N] a été présenté à l'ensemble du personnel d'ETHIX pour présenter son projet d'entreprise. Au cours de cette réunion à laquelle j'assistais en présence de Madame [I] [Q], Monsieur [T] [N] a indiqué à l'ensemble du personnel qu'il appréciait co-diriger une entreprise avec une femme comme c'est le cas dans son autre cabinet d'expertise comptable. Il a ajouté qu'il considérait comme une chance la présence de Madame [I] [Q] à ses côtés et a annoncé à tous qu'il' souhaitait qu'elle soit son bras droit pour l'accompagner dans le développement du cabinet ETHIX"; Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le seul grief imputable à l'employeur, soit le non versement de la prime exceptionnelle de 2006 et de 2007 au demeurant versée en exécution du jugement du 8 octobre 2008 et antérieurement à la lettre de prise d'acte par la salariée, est caractérisé ; que la gravité de ce manquement qui avait été régularisé au moment de la prise d'acte est insuffisante pour justifier la rupture de son contrat de travail aux torts de la sas Ethix ; que dès lors la prise d'acte produit les effets d'une démission, et Mme [I] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur un licenciement » ;

ET QUE « la sas Ethix réclame le paiement de la somme de 22.080,06 euros à titre de dommages et intérêts, soit l'équivalent de 3 mois de salaires, au titre du préavis non effectué ; que Mme [Q] ne justifie pas avoir été en arrêt maladie postérieurement au 1er juin 2009 ; qu'aux termes de l'article L. 1237-1 du code du travail, en cas de démission, l'existence et la durée du préavis sont fixées par la loi, ou par convention ou accord collectif de travail, ou des usages pratiqués dans la profession ; que la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables prévoit que la durée du délai-congé réciproque est de 3 mois pour les cadres ; qu'elle indique aux termes de ses écritures que sa rémunération mensuelle fixe brute s'élevait à 7.360,02 euros ; que dès lors la somme réclamée par l'employeur en réparation de l'inexécution du délai congé est justifiée tant en son principe qu'en son montant » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « au vu des éléments fournis sur le déroulement des relations contractuelles, aucun argument ne vient soutenir les demandes de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ou de réparation de préjudice moral, qui ne peuvent prospérer qu'en cas de graves manquements aux droits du salarié ou au contrat. La demanderesse sera donc déboutée des demandes découlant de ces deux motifs » ;

ALORS QUE le non-paiement réitéré par l'employeur d'un élément de la rémunération contractuelle du salarié constitue un manquement d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, peu important que ce manquement ait été régularisé par ce dernier antérieurement à la prise d'acte dès lors que cette régularisation est intervenue en exécution d'une décision de justice ; qu'en l'espèce, en retenant que le non-versement à Madame [Q] d'une partie de sa rémunération variable de 2006 et de 2007 ne constituait pas un manquement suffisamment grave pour justifier que la salariée prenne acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur au motif que ce manquement avait été régularisé au moment de la prise d'acte quand elle constatait que cette régularisation était intervenue en exécution d'une décision de justice, la Cour d'appel qui s'est abstenue de tirer les conséquences légales de ses propres constatation, a violé les dispositions des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail ;

ALORS, en toute hypothèse, QUE lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail puis, en cours de procédure, prend acte de la rupture de ce contrat, le juge doit prendre en compte l'ensemble des manquements invoqués à l'appui de la demande de résiliation judiciaire ; qu'il doit se placer à la date de cette demande de résiliation pour déterminer si ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'en l'espèce pour retenir que le non versement à Madame [Q] d'une partie de la prime exceptionnelle de 2006 et de 2007 ne constituait pas un manquement suffisamment grave pour justifier que la salariée prenne acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, la Cour d'appel a retenu que ce manquement avait été régularisé au moment de la prise d'acte ; qu'en statuant ainsi alors que Madame [Q] avait invoqué le non-paiement de ces primes à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire et que la Cour d'appel devait donc se placer à la date de cette demande pour apprécier si ce manquement était d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, elle a violé les dispositions des articles les dispositions des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail ;

ALORS enfin QUE des agissements de harcèlement moral constituent des manquements suffisamment graves pour justifier la prise d'acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur ; qu'en l'espèce, pour juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Madame [Q] aux torts de son employeur devait produire les effets d'une démission, la Cour d'appel a notamment retenu que les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée n'étaient pas établis ; qu'en conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera la cassation de l'arrêt sur le présent moyen.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Ethix.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF l'arr t attaqué 'AVOIR condamné la société SAS ETHIX à verser à Mme [Q] les sommes de 5 400 euros au titre de la prime 2006 et 6 440 euros au titre de la prime 2007 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Attendu que l'avenant au contrat de travail de Mme [Q] du 31 mars 2006 prévoit que la rémunération de la salariée, à compter du 1er janvier 2006, est composée comme suit :
- une partie mensuelle brute fixe de 7.200 euros,
- les primes ordinaires ou exceptionnelles et autres éléments liés au statut de salarié d'Ethix,
- ainsi que les primes spécifiques attribuées aux membres de la direction d'Ethix ;
Que la signature de cet avenant fait suite aux orientations de la direction en matière de politique salariale, diffusées par le responsable des ressources humaines, M. [C] [K], le 24 février 2006, consistant, en une rémunération variable individuelle, composée d'une prime versée en juillet 2006 adossée sur des objectifs individuels 'simples', et d'une rémunération variable collective ;
Attendu que la sas Ethix conteste le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [Q] au titre de la prime 2006 la somme de 5.400 euros au motif que la politique salariale 2006 prévoyait certes le versement d'une prime à mi-année pour la période du 1er janvier au 30 juin, éventuellement complétée par une prime de fin d'année, mais que les membres du CODIR n'ont cependant jamais été clairs sur les modalités d'attribution et sur le quantum de la prime exceptionnelle de fin d'année 2006 qui, de toute évidence, était discrétionnaire ; que la note sur la politique salariale de février 2006 l'avait conditionnée au bon développement quantitatif et qualitatif de l'entreprise ; que par un courriel du 17 janvier 2007, M. [T] s'est opposé au versement aux membres du CODIR de la prime exceptionnelle en raison de la dégradation de la qualité du fonctionnement collectif au cours de l'année 2006 ; qu'en outre, les membres du Codir s'étaient déjà octroyés des augmentations substantielles de salaire, et Mme [Q], en particulier, le droit de percevoir toutes les primes versées dans l'entreprise par le biais de l'avenant du 31 mars dont elle est à l'origine ; Que toutefois, en application des dispositions de l'article 1134 du code civil, 'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites' ; que l'avenant du 31 mars 2006 intègre dans la rémunération de Mme [Q] les primes ordinaires ou exceptionnelles versées aux salariés d'Ethix ; que la validité de cet avenant n'est pas discutée ; qu'il résulte du courriel de M. [T] du 17 janvier 2007 que la prime annuelle totale annoncée aux salariés (juillet plus décembre) devait correspondre à 1,5 mois de salaire brut au titre de l'activité et de 0,5 mois au titre de la qualité du fonctionnement collectif ; qu'elle ne pouvait être supprimée à Mme [Q] en invoquant ses fonctions au sein du CODIR, étant relevé que la prime spécifique à ses membres n'a pas été attribuée ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges, relevant que la prime 2006 avait été versée dans son intégralité aux salariés d'Ethix, ce qui ressort du procès verbal de la réunion des délégués du personnel de décembre 2006, ont condamné l'employeur au paiement de cette prime pour le montant de 5.400 euros, soit 50% de la somme de 10.800 euros perçue par Mme [Q] en juillet ;
Qu'il convient de lui allouer la prime du mois de juillet 2007, au prorata de sa présence dans l'entreprise, en raison de la nature contractuelle de cette prime, qui rend inopérante la dénonciation par l'employeur de l'usage du versement de la prime exceptionnelle ; que confirmant le jugement, la sas Ethix sera condamnée à verser à Mme [Q] la somme de 6.440 euros (7/12ème de 1,5 x 7.360,02 euros), outre intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu'au jour du paiement » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Attendu cependant que seront réglées les primes 2005 et 2006 demandées ; prévues au contrat de travail, elles doivent être versées à la salariée suivant les normes d'entreprise, l'appartenance au comité de direction ne pouvant constituer une exception aux engagements contractuels » ;

1°) ALORS QUE les juges sont tenus de motiver leur décision ; qu'en l'espèce, la société ETHIX faisait valoir que la salariée avait déjà perçu une prime en juillet 2006 mais qu'elle ne pouvait prétendre au versement d'un complément de prime au mois de décembre 2006 puisque ce complément était conditionné à la qualité du fonctionnement collectif et que ce dernier s'était nettement dégradé à tel point que l'ensemble des salariés non membres du comité de direction avait signé une pétition à l'encontre de ce comité dont Mme [Q] faisait partie ; que la cour d'appel a expressément constaté que la prime de 2006 devait correspondre à 1,5 mois de salaire brut au titre de l'activité et de 0,5 mois au titre de la qualité du fonctionnement du collectif ; qu'en accordant à la salariée un complément de prime au titre de l'année 2006, au motif inopérant que la salariée ne pouvait se voir refuser ce complément de prime du fait de ses fonctions au comité de direction, sans constater que la salariée remplissait les conditions d'octroi dudit complément, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que la société Ethix faisait valoir que les trois membres du comité de direction avait pris l'initiative de se faire mutuellement signer des avenants à leur contrat de travail leur garantissant des augmentations de salaires et la possibilité de percevoir toutes les primes existantes et avaient de leur propre chef, à l'insu de leur employeur, décidé l'octroi d'une prime correspondant à 1,5 mois de salaire au titre de l'exercice 2006 ; que la cour d'appel a expressément constaté que l'employeur s'était opposé au versement de la prime exceptionnelle aux membres du comité de direction en raison de la dégradation de la qualité du fonctionnement collectif au cours de l'année 2006 ; que pour faire droit à la demande de la salariée, la cour d'appel s'est bornée à relever que le complément de prime pour 2006 ne pouvait être supprimé à la salariée en raison de ses fonctions au sein du comité de Direction et qu'étant contractualisée par l'avenant du 31 mars 2006, cette prime devait être versée à la salariée pour l'exercice 2007 ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si le comportement de cette dernière qui, à l'insu de son employeur avait fait procéder à la modification de son contrat de travail en s'arrogeant le droit de percevoir toutes les primes existantes et en décidant avec les deux autres membres du comité de direction la mise en place d'une prime exceptionnelle pour l'année 2006, n'était pas exclusif de la bonne foi contractuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1222-1 du code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SAS ETHIX à verser à Mme [Q] la somme de 1868,24 euros à titre de solde de compte épargne temps ;

AUX MOTIFS QUE « Attendu qu'au soutien de sa demande relative au déblocage de son compte épargne temps, Mme [Q] indique qu'elle bénéficiait de 10 jours à la fin de l'année 2005 et de 10 jours à la fin de l'année 2006, soit un mois compte tenu des jours ouvrés de congés ; que l'employeur fait valoir qu'il lui a été réglé à ce titre la somme de 1.528,59 euros correspondant au solde de ce compte, représentant 4,5 jours ; qu'il résulte d'un courriel de M. [K] du 7 février 2007 : « Selon les informations à ma disposition, tu avais un solde de congés non utilisés à fin 2006 de 23 jours. En vertu de notre accord sur le temps de travail tu as la possibilité de mettre tout ou partie de ces jours sur ton compte épargne temps dans la limite de 10 jours, ou de les prendre avant la fin du mois de février 2007.
J'ai bien noté ta prise de congés en janvier pour 12 jours et ton intention de prise de congés en février pour 11 jours, le tout à imputer sur les soldes 2006 et sans alimenter ton compte épargne temps.
Cependant, si pour une raison ou une autre, notamment en cas de force majeure pour cause démission ou d'absence hors congés (par exemple maladie) il faudra reconsidérer la répartition de ces jours entre imputation 2006 et épargne temps.
Au cas où à fin février, certains jours du solde 2006 ne seraient pas utilisés, ils seraient mis d'office sur ton compte épargne temps dans la limite de 10 jours » ;
que le solde de congés au titre de l'année 2005 n'est justifié par aucune pièce produite aux débats ; qu'elle ne peut dans ces conditions prétendre qu'à un solde de 10 jours - 4,5 jours réglés dans le cadre du solde de tout compte, soit 5,5 jours, représentant la somme de 1.868,24 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'audience du 24 novembre 2010, date où la demande nouvelle de ce chef a été soutenue devant la cour d'appel dont l'arrêt du 19 janvier 2011 a été censuré » ;

ALORS QU'il appartient au salarié de prouver la créance qu'il revendique et aux juges du fond de la caractériser ; qu'en l'espèce, la société ETHIX faisait valoir qu'elle avait réglé à la salariée la totalité des jours figurant dans son compte épargne temps, i.e 4.5 jours ; que, pour dire que la salariée avait un solde de 10 jours de congés sur son compte épargne temps pour l'année 2006, la cour d'appel s'est fondée sur le courriel de M. [K] du 7 février 2007 ; qu'en statuant au visa d'un tel courriel qui se bornait à rappeler à la salariée son solde de congés non utilisés de 23 jours, son souhait de les prendre dans leur totalité et le fait que si à fin février 2006 tous les jours de congés n'étaient pas utilisés, 10 jours seraient placés dans son compte épargne temps, la cour d'appel n'a pas caractérisé que la créance de la salariée sur son compte épargne temps s'élevait à 10 jours, et partant a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3151-1 du code du travail, ensemble l'article 5 de l'accord d'entreprise sur le temps de travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19353
Date de la décision : 21/04/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 avr. 2017, pourvoi n°15-19353


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.19353
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