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20/04/2017 | FRANCE | N°16-80091

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 avril 2017, 16-80091


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 16-80.091 FS-P+B

N° 664

ND
20 AVRIL 2017

CASSATION PARTIELLE

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. [W] [E], contre l'arrêt de la cour d'appel de Do

uai, 6e chambre, en date du 3 novembre 2015, qui, pour détournement de fonds par une personne chargée d'une mission de ser...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 16-80.091 FS-P+B

N° 664

ND
20 AVRIL 2017

CASSATION PARTIELLE

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. [W] [E], contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 3 novembre 2015, qui, pour détournement de fonds par une personne chargée d'une mission de service public, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve, à cinq ans d'interdiction de gérer, a ordonné des mesures de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 février 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, M. Soulard, M. Steinmann, Mme de la Lance, Mme Chaubon, M. Germain, Mme Planchon, M. d'Huy, M. Wyon, conseillers de la chambre, Mme Chauchis, Mme Pichon, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. [F] ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général [F] ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [E], directeur d'agence de la Banque Postale, a été poursuivi du chef de détournement d'une somme de 1 153 719 euros commis par une personne chargée d'une mission de service public ; que le tribunal l'a déclaré coupable de ce délit ; qu'il a interjeté appel du jugement ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 432-15 du code pénal, 7, 8 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motif, manque de base légale :

"en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de prescription soulevée par le prévenu et l'a condamné du chef de détournement de fonds privés par une personne chargée d'une mission de service public pour des faits commis entre le 1er février 2002 et le 31 décembre 2008 ainsi qu'entre le 1er janvier 2009 et le 30 avril 2012, et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'il résulte de l'article 8 du code de procédure pénale, qu'en matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; qu'en matière de détournement de fonds publics, le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où les actes frauduleux ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que M. [E] fait valoir qu'il n'a pas dissimulé ses détournements par des manoeuvres quelconques et qu'il se contentait soit d'opérer des retraits d'un montant supérieur à celui autorisé par ses clients, soit d'indiquer au client que le retrait envisagé était destiné à un placement nouveau ou à l'augmentation d'une somme déjà placée ; qu'il fait valoir par ailleurs que tous les comptes-titres et épargne font l'objet, au moins semestriellement, d'un envoi automatisé de relevés aux clients titulaires et que les comptes-chèques font l'objet de relevés mensuels adressés au client ; qu'en conséquence, les détournement ne pouvaient pas leur échapper à la lecture des relevés ou lors de la consultation en ligne de leurs comptes ; que, plus encore, La Banque Postale, de par son obligation de vérification des opérations effectuées par son agent, aurait dû elle-même découvrir les détournements effectués par ce dernier au vu de l'ampleur et de leur absence de dissimulation ; mais attendu qu'il résulte des propres déclarations du prévenu ainsi que celles de ses clients, qu'il usait de manoeuvres pour dissimuler les détournements effectués au cours de la période visée aux yeux de ses clients et de la banque ; qu'ainsi, ses clients ont indiqué qu'ils ne recevaient pas le double des bordereaux de retraits qu'ils signaient à leur domicile et qu'ils ne lui réclamaient pas du fait de la confiance instaurée par ce dernier ; que certains ont signé des bordereaux en blanc ; que les signatures figurant sur les bordereaux de retraits n'étaient toujours pas conformes à celles des titulaires des comptes ponctionnés, ce qui a été reconnu par le prévenu lors de sa deuxième audition ; que ce dernier a lui-même indiqué qu'il communiquait à ses clients un état des comptes qui ne mentionnait pas les détournements effectués ou encore qu'il les prévenaient de la nécessité d'attendre un délai de quatre jours avant de voir apparaître le versement d'une somme sur l'un de leur compte ; qu'il avait reconnu également avoir agi à l'insu des conseillers-clientèles en utilisant leurs codes et identifiants à des périodes ou l'agence La Banque Postale était fermée (entre midi et 2 heures, le soir) ; qu'il se rendait également auprès d'autres agences de l'agglomération pour effectuer des versements afin de ne pas attirer l'attention de la sienne ; que les enquêteurs avaient également relevé qu'il scindait les retraits d'espèces des comptes de ses clients avant de les verser sur son compte de manière à éviter d'attirer l'attention de sa hiérarchie ; que par ailleurs certains bordereaux de retraits ont été retrouvés à son domicile lors de la perquisition du 2 mai 2012 alors que d'autres ne l'ont jamais été ; qu'il y a lieu de souligner que certaines victimes (Mmes [T], [J]) étaient très âgées (nées en 1921 et 1923) et que l'une d'entre elles (Mme [C]) était atteinte de la maladie d'Alzheimer au moment des faits ; que ces éléments ne favorisant pas leur vigilance pour repérer les détournements commis sur leurs comptes ; qu'enfin, le système de cavalerie organisé par l'intéressé ne facilitait pas une vision claire de l'état des comptes concernés ; que les manoeuvres de dissimulation ont consisté également à transférer certains clients de [Localité 1] à [Localité 2] avec l'accord de ces derniers afin d'éviter la découverte de ses détournements ; que l'ensemble de ces éléments démontre que l'intéressé usait de manoeuvres diverses pour dissimuler à ses clients les détournements qu'il commettait et ce, après les avoir mis en confiance ; que dans ces conditions, il apparaît que ces agissements frauduleux n'ont pu être découverts que par l'alerte de Tracfin relative à des mouvements importants sur ses comptes personnels ; qu'il est vraisemblable que les outils utilisés par Tracfin mais également par le service dédié de La Poste pour repérer les éventuelles malversations de ses salariés se sont affinés au fil du temps pour devenir de plus en plus efficace ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la prescription soulevée par le prévenu ;

"alors qu'en matière de détournement de fonds placées sur un compte bancaire, le délai de prescription court, sauf dissimulation, le jour où le titulaire du compte est destinataire du relevé dont l'envoi est prévu par la réglementation bancaire ; qu'en se prononçant par des motifs impropres à caractériser une dissimulation des opérations litigieuses au sein des relevés bancaires dont les titulaires des comptes concernés avaient été destinataires, la cour d'appel a méconnu les textes cités au moyen" ;

Attendu que, pour écarter la prescription de l'action publique, l'arrêt relève que les détournements opérés par M. [E], qui bénéficiait de la confiance totale des clients, ne sont apparus, dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, qu'après la plainte déposée à la suite d'une enquête interne, déclenchée sur signalement du service Tracfin en raison des manoeuvres déployées par le prévenu pour les dissimuler notamment par utilisation anonyme et clandestine des codes et identifiants des conseillers en clientèle à des heures de fermeture de l'agence et par l'envoi aux titulaires de comptes de relevés ne mentionnant pas les évasions de fonds ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors qu'il résulte de l'article 4 de la loi du 27 février 2017 que l'entrée en vigueur des dispositions de cette loi relatives à la prescription des infractions occultes ne peut avoir pour effet de prescrire celles qui, au jour de cette entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, L. 518-25 du code monétaire et financier, 111-4, 314-1 et 432-15 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motif et manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. [E] du chef de détournement de fonds privés par une personne chargée d'une mission de service public et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que M. [E] conteste avoir eu, au cours de la période des faits qui lui sont reprochés, la qualité de personne chargée d'une mission de service public au sens de l'article 432-15 du code pénal ; qu'il fait valoir qu'il était salarié de l'établissement bancaire La Banque Postale, société anonyme exerçant le métier de banquier comme n'importe quelle autre banque et que les fonds concernés n'étaient pas publics ; que par ailleurs, La Banque Postale n'exerçait pas de mission de service public, l'accessibilité bancaire étant une obligation générale pesant sur toutes les banques et pas seulement sur La Banque Postale ; qu'il sollicite en conséquence la requalification des infractions de détournement de biens d'un dépôt public qui lui sont reprochées en abus de confiance ; que La Banque Postale et La Poste s'opposent à cette requalification des faits en faisant valoir qu'il ressortait des pièces du prévenu et de l'enquête que ce dernier était fonctionnaire employé par La Poste jusqu'à sa révocation ; que jusqu'au 1er mars 2010, La Poste était un établissement public et qu'au-delà de cette date, il était le seul établissement bancaire reconnu comme ayant une mission d'accessibilité bancaire, soit une mission de service public ; qu'enfin, l'article 432-15 du code pénal vise aussi bien les fonds publics que les fonds privés ; que la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a créé, à compter du 1er janvier 1991, deux personnes morales de droit public placées sous la tutelle du ministre des postes et des télécommunications qui ont pris respectivement les noms de La Poste et de France Télécom (article 1) ; que l'article 2 de cette loi indiquait que La Poste avait, notamment, pour objet d'offrir, dans le respect des règles de la concurrence, des prestations relatives aux moyens de paiement et de transfert de fonds, aux produits de placement et d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts d'épargne-logement et à tous produits d'assurance ; qu'elle devait gérer le service des chèques postaux et, pour le compte de l'Etat, la Caisse nationale d'épargne dans le respect des dispositions du code des caisses d'épargne ; que l'article 29 précisait que les personnels de La Poste et de France Télécom étaient régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportait des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas suivants ; que l'ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010, a jouté un article 1-2 à la loi précitée qui précise que la personne morale de droit public La Poste est transformé à compter du 1er mars 2010 en une société anonyme dénommée La Poste ; que le capital de la société est détenu par l'Etat, actionnaire majoritaire, et par d'autres personnes morales de droit public, à l'exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l'actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi ; que la transformation ne pouvait avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public de La Poste ; que la même ordonnance a modifié l'article 2 de la loi de 1990 en indiquant que La Poste conserve sa mission de service public liée à l'accessibilité bancaire dans les conditions par ses articles L. 221-2 et L. 518-25-1 du code monétaire et financier ; qu'en outre, elle exerce à travers sa filiale La Banque Postale, des activités dans le domaine bancaire et financier et des assurances dans les conditions prévues notamment au code monétaire et financier ; qu'en revanche, elle n'a pas modifié l'article 29 de la loi de 1990 relatif au personnel de La Poste qui demeure régie par des statuts particuliers pris en application de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires et de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat, la modification n'étant apportée qu'au personnel de France Télécom ; que La Banque Postale, filiale à 100 % de La Poste, est issue de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 qui a modifié l'article L. 518-25 du code monétaire et financier en disposant que dans les domaines bancaire, financier et des assurances, La Poste propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le Livret A ; qu'à cette fin, et sous réserve, le cas échéant, des activités qu'elle exerce directement en application des textes qui la régissent, elle crée, dans les conditions définies par la législation applicable, toute filiale ayant le statut d'établissement de crédit, d'entreprise d'investissement ou d'entreprise d'assurance et prend directement ou indirectement toute participation dans de tels établissements ou entreprises ; qu'elle peut conclure avec ces établissements ou entreprises toute convention en vue d'offrir, en leur nom et pour leur compte et dans le respect des règles de concurrence, toute prestation concourant à la réalisation de leur objet, notamment toute prestation relative aux opérations prévues aux articles L. 311-1, L. 311-2, L. 321-1 et L. 321-2 ou à tous produits d'assurance ; que cette loi n'a pas non plus modifié le statut des personnels de La Poste et en conséquence de La Banque Postale, société anonyme à directoire et conseil de surveillance ayant le statut de banque et filiale à 100 % de La Poste ; qu'en l'espèce, M. [E] a été embauché en 1982 par La Poste sous le statut de fonctionnaire de cette dernière ; qu'il ressort des textes précités que son statut n'a pas été modifié au fil de l'évolution de son entreprise ni à la création de La Banque Postale ; qu'il a lui-même indiqué avoir été « révoqué » par son employeur et non « licencié » compte tenu des faits qui lui sont reprochés dans le cadre de la présente procédure ; qu'il ne lui appartenait pas dans sa fonction de directeur d'agence de La Banque Postale de gérer le portefeuille de ses clients, mais cette dernière consistait à encadrer des personnes qui y travaillaient et à gérer l'agence proprement dite en veillant au respect des missions de service public qui étaient confiées par la loi à La Banque Postale, et notamment, à celle de l'accessibilité bancaire ; qu'au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer qu'il était une personne chargée d'une mission de service public dans le cadre de ses fonctions de directeur d'agence ; qu'au vu de ces éléments et quelle que soit la période de la prévention, il n'y a pas lieu de requalifier les faits qui lui sont reprochés en abus de confiance ; qu'en revanche, les faits commis au cours de la période du 1er février 2002 au 31 décembre 2008 ne peuvent être poursuivis que sous deux qualifications différentes (abus de confiance et détournements de fonds publics par une personne chargée d'une mission de service public) ; qu'il y a lieu en conséquence de le relaxer du chef d'abus de confiance ;

"1°) alors qu'au-delà de la mission d'accessibilité aux comptes bancaires, l'activité d'un directeur d'une agence de La Banque Postale consistant à assurer un service bancaire auprès de ses clients ne constitue pas une mission de service public ; qu'en déduisant que le prévenu était une personne chargée d'une mission de service public de la seule circonstance qu'il exerçait des fonctions de directeur d'agence, parmi lesquelles figurait l'obligation de faire respecter le principe d'accessibilité aux comptes bancaires, sans caractériser un lien entre les détournements reprochés et cette obligation, la cour d'appel a méconnu les textes précités ;

"2°) alors que l'appartenance d'un agent au statut particulier de La Poste issu de l'article 29 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications n'induit pas l'exercice, par cet agent, d'une mission de service public ; qu'en déduisant de la seule circonstance que le prévenu avait été embauché en 1982 sous le statut de fonctionnaire et avait conservé ce statut jusqu'à la date des faits visés par la prévention, la cour d'appel a méconnu les textes précités" ;

Attendu que pour reconnaître à M. [E], directeur d'une agence de la Banque Postale, la qualité de personne chargée d'une mission de service public, l'arrêt retient notamment qu'il a été embauché en qualité de fonctionnaire, que son statut n'a pas été modifié lors de la création de la Banque Postale et qu'il était agent d'encadrement des personnes en poste au sein de l'agence qu'il gérait en veillant à l'accomplissement de la mission de service public d'accessibilité bancaire définie par la loi ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que M. [E] était une personne chargée d'une mission de service public, la cour d'appel, qui n'avait pas à établir que les détournements ont été commis à l'occasion de l'exécution de la mission d'accessibilité bancaire dont il était investi, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382, 1383 du code civil, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motif, manque de base légale :

"en ce que la cour d'appel a condamné M. [E] à verser à La Banque Postale la somme de 1 153 719 euros en réparation d'un préjudice matériel, et celle de 7 000 euros en réparation d'un préjudice d'image ;

"aux motifs que M. [E] sollicitait un partage de responsabilité avec La Poste, cette dernière ayant concouru selon lui à son dommage en se montant négligente dans la vérification des comptes de son directeur d'agence ; que La Banque Postale s'y oppose en rappelant que M. [E] a agi en dehors des fonctions qui lui étaient confiées, qu'il a pris soin de masquer ses agissements et qu'il en tiré un profit particulièrement important ; qu'il ressort des éléments de la procédure que M. [E] n'avait pas pour mission de gérer les portefeuilles des clients des agences de La Banque Postale qu'il dirigeait ; qu'il a par ailleurs usé de manoeuvres de dissimulation de ses agissements pour tromper non seulement la vigilance de ses clients mais celle de son employeurs, ces manoeuvres ayant été rappelées ci-dessus ; que c'est à l'initiative de La Poste informée par Tracfin que les faits ont été découverts et traités ; au vu de ces éléments, la négligence de La Banque Postale n'apparaît pas établie et qu'il n'y a pas lieu à partage de responsabilité ;

"et aux motifs que qu'il résulte des propres déclarations du prévenu ainsi que celles de ses clients, qu'il usait de manoeuvres pour dissimuler les détournements effectués au cours de la période visée aux yeux de ses clients et de la banque ; qu'ainsi, ses clients ont indiqué qu'ils ne recevaient pas le double des bordereaux de retraits qu'ils signaient à leur domicile et qu'ils ne lui réclamaient pas du fait de la confiance instaurée par ce dernier ; que certains ont signé des bordereaux en blanc ; que les signatures figurant sur les bordereaux de retraits n'étaient toujours pas conformes à celles des titulaires des comptes ponctionnés, ce qui a été reconnu par le prévenu lors de sa deuxième audition ; que ce dernier a lui-même indiqué qu'il communiquait à ses clients un état des comptes qui ne mentionnait pas les détournements effectués ou encore qu'il les prévenaient de la nécessité d'attendre un délai de quatre jours avant de voir apparaître le versement d'une somme sur l'un de leur compte ; qu'il avait reconnu également avoir agi à l'insu des conseillers-clientèles en utilisant leurs codes et identifiants à des périodes ou l'agence La Banque Postale était fermée (entre midi et 2 heures, le soir) ; qu'il se rendait également auprès d'autres agences de l'agglomération pour effectuer des versements afin de ne pas attirer l'attention de la sienne ; que les enquêteurs avaient également relevé qu'il scindait les retraits d'espèces des comptes de ses clients avant de les verser sur son compte de manière à éviter d'attirer l'attention de sa hiérarchie ; que par ailleurs certains bordereaux de retraits ont été retrouvés à son domicile lors de la perquisition du 2 mai 2012 alors que d'autres ne l'ont jamais été ; qu'il y a lieu de souligner que certaines victimes (Mmes [T], [J]) étaient très âgées (nées en 1921 et 1923) et que l'une d'entre elles (Mme [C]) était atteinte de la maladie d'Alzheimer au moment des faits ; que ces éléments ne favorisant pas leur vigilance pour repérer les détournements commis sur leurs comptes ; qu'enfin, le système de cavalerie organisé par l'intéressé ne facilitait pas une vision claire de l'état des comptes concernés ; que les manoeuvres de dissimulation ont consisté également à transférer certains clients de [Localité 1] à [Localité 2] avec l'accord de ces derniers afin d'éviter la découverte de ses détournements ; que l'ensemble de ces éléments démontre que l'intéressé usait de manoeuvres diverses pour dissimuler à ses clients les détournements qu'il commettait et ce, après les avoir mis en confiance ; que dans ces conditions, il apparaît que ces agissements frauduleux n'ont pu être découverts que par l'alerte de Tracfin relative à des mouvements importants sur ses comptes personnels ; qu'il est vraisemblable que les outils utilisés par Tracfin mais également par le service dédié de La Poste pour repérer les éventuelles malversations de ses salariés se sont affinés au fil du temps pour devenir de plus en plus efficace ;

"alors d'une qu'en retenant que M. [E] n'avait pas pour mission de gérer les portefeuilles des clients des agences de La Banque Postale qu'il dirigeait, qu'il avait usé de manoeuvres pour dissimuler ses agissements et pour tromper la vigilance de son employeur, que c'était à l'initiative de la banque, informée par Tracfin, que les faits avaient été découverts et traités, et qu'il était vraisemblable que les outils utilisés par Tracfin, mais également par le service dédié de la poste pour repérer les éventuelles malversations de ses salariés, se sont affinés au fil du temps pour devenir de plus en plus efficaces, sans vérifier, ainsi qu'elle était invitée à le faire (conclusions d'appel de M. [E], page 6, dernier § et p . 7, § 7), si des contrôles avaient été effectués régulièrement sur la gestion des comptes des clients et sur les mouvements du compte de son agent, et si l'absence d'alerte ou l'absence de tels contrôles ne caractérisait pas, l'un ou l'autre, une négligence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités" ;

Attendu que, pour exclure une faute de négligence de la Banque Postale, l'arrêt relève notamment que M. [E] n'avait pas pour mission de gérer les comptes des clients, qu'il a masqué ses détournements par des manoeuvres de dissimulation destinées à tromper la vigilance de son employeur, et que ses agissements frauduleux n'ont pu être découverts qu'ensuite de l'alerte donnée par le service Tracfin en raison d'importants mouvements de fonds apparaissant sur ses comptes personnels ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs propres à exclure une faute de la partie civile de nature à limiter son droit à indemnisation, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382, 1383 du code civil, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motif, manque de base légale :

"en ce que la cour d'appel a déclaré recevable La Poste en sa constitution de partie civile et condamné M. [E] à lui verser les sommes de 2 500 euros au titre d'un préjudice lié à l'atteinte à son image, et de 1 000 euros au titre d'un préjudice lié à la désorganisation de ses services, outre la somme de 1 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"aux motifs que La Poste fait valoir que les agissements de M. [E] ont porté atteinte à son image par rapport à sa clientèle ainsi que par rapport à sa filiale La Banque Postale ; qu'elle indique par ailleurs que ses services ont été désorganisés à la suite des détournements commis par M. [E] et mobilisés massivement pour évaluer l'ampleur et identifier les victimes ; qu'il résulte de ces éléments ainsi que de l'article 2 du code de procédure pénale que le préjudice de La Poste lié à son image et à la désorganisation de ses services est directement en lien avec les infractions commises par monsieur [E] et ce d'autant plus que la clientèle de La Poste apparaît peu en mesure de distinguer les deux entités juridiques distinctes, La Poste d'une part, et La Banque Postale d'autre part ;

"1°) alors que le préjudice d'image dont souffre la maison mère d'un groupe de sociétés à raison de l'infraction commise par le préposé d'une de ses filiales, et lié à l'impossibilité pour la clientèle de distinguer les deux entités juridiques, résulte de la confusion ainsi entretenue entre ces sociétés et ne constitue pas la conséquence directe de cette infraction ; qu'en retenant qu'était directement en lien avec l'infraction le préjudice d'image souffert par La Poste à raison des détournements commis par le prévenu en sa qualité de préposé de La Banque Postale au préjudice des clients de cette filiale, la cour d'appel a méconnu les textes cités au moyen ;

"2°) alors que la désorganisation que subit la maison mère d'un groupe de sociétés du fait des détournements commis par un agent d'une de ses filiales au préjudice des clients de cette filiale résulte de liens contractuels passés entre ces sociétés et mettant en place des services communs de gestion, et ne constitue pas la conséquence directe de l'infraction ; qu'en retenant qu'était directement en lien avec l'infraction le préjudice lié à la désorganisation des services dont La Poste aurait souffert à la suite des détournements commis par le prévenu en qualité de préposé de La Banque Postale au préjudice de clients de cette filiale, la cour d'appel a méconnu les textes cités au moyen" ;

Attendu que pour indemniser la Poste d'un préjudice d'image et d'un dommage tenant à la désorganisation de ses services, mobilisés pour évaluer l'ampleur des détournements et en identifier les victimes, comme résultant directement des délits commis par M. [E], préposé de l'une des filiales, la Banque Postale, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que la Banque Postale est une filiale à 100 % de la Poste, que ces deux personnes morales, quoique distinctes, sont en étroite communauté d'intérêts moral et patrimonial et partagent les mêmes services de gestion, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motifs et manque de base légale :

"en ce que, l'arrêt attaqué a condamné M. [E] à un emprisonnement délictuel de trois ans assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve pour une durée d'un an et a dit que la peine d'emprisonnement ferme fera l'objet d'un aménagement ab initio selon des modalités à définir en accord avec le juge d'application des peines près le tribunal de grande instance de Lille ;

"aux motifs qu'antérieurement à ces faits, M. [E] n'a jamais été condamné ; qu'il indiquait à l'audience être divorcé, séparé de Mme [U] [S] et que ses enfants majeurs ne sont plus à charge ; qu'il a retrouvé un travail en qualité de technico-commercial, rémunéré à hauteur de 1 500 euros par mois ; qu'il a expliqué être en thérapie psychologique à la suite de ses agissements, et de leurs conséquences ; que les détournements opérés par M. [E] ont été particulièrement importants au regard des montants indiqués dans la prévention et qu'ils ont duré pendant de longues années ; qu'il a profité en ce sens de la confiance aveugle que lui portaient les clients de la Banque Postale ainsi que pour certains de leur faiblesse (âge, maladie) ; que son niveau de vie ne justifiait pas ses actes au regard du montant de son salaire au cours de cette période ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, une peine d'emprisonnement ferme apparaît la seule adéquate en l'espèce, une peine alternative n'apparaissant pas suffisante pour sanctionner la gravité et l'ampleur de ses agissements ; que les peines principales (trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve comportant l'obligation d'exercer une activité professionnelle et celle de réparer les dommages causés par l'infraction commise, et complémentaires (interdiction professionnelle pendant cinq ans et confiscation des scellés) prononcées par les premiers juges résultent en conséquence d'une juste application de la loi pénale ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur la peine ; qu'il convient d'ajouter qu'au regard de la situation professionnelle actuelle de l'intéressé, qu'elle peut faire l'objet d'un aménagement ab initio, lequel est souhaité par l'intéressé ;

"1°) alors qu'en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en se limitant à constater que la peine d'emprisonnement apparaît la seule adéquate, une peine alternative n'apparaissant pas suffisante, sans caractériser sa nécessité au regard de la gravité de l'infraction et de la personnalité de l'auteur, la cour d'appel a violé les textes précités ;

"2°) alors que la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permet, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une mesure d'aménagement ; qu'en constatant qu'au regard de la situation professionnelle actuelle du prévenu, la peine d'emprisonnement peut faire l'objet d'un aménagement ab initio, sans prononcer cette mesure et en renvoyant la détermination de ses modalités au juge d'application des peines, la cour d'appel a méconnu les textes précités" ;

Vu l'article 132-19 du code pénal, ensemble les articles 723-2 et 723-7-1 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ces deux derniers textes que le juge du jugement, s'il doit renvoyer au juge de l'application des peines les modalités d'exécution de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique, doit, sur le fondement du premier et sauf s'il est dérogé au principe de l'aménagement de la peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à deux ans, fût-elle assortie d'un sursis partiel, qu'il ordonne, prononcer sur la nature même de cet aménagement ;

Attendu que l'arrêt énonce que la peine d'emprisonnement sans sursis prononcée à l'encontre du prévenu pourra faire l'objet d'un aménagement ab initio selon des modalités à définir en accord avec le juge d'application des peines ;

Mais attendu qu'en renvoyant au juge de l'application des peines le choix de la nature de la mesure d'aménagement alors que ce choix lui incombait, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé et les textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 3 novembre 2015, mais en ses seules dispositions concernant les peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt avril deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80091
Date de la décision : 20/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PEINES - Peines correctionnelles - Peines d'emprisonnement sans sursis prononcées par la juridiction correctionnelle - Mesure d'aménagement - Nature - Juridiction de jugement - Détermination - Nécessité

PEINES - Prononcé - Emprisonnement sans sursis - Motif - Peine prononcée par la juridiction correctionnelle - Mesure d'aménagement - Nature - Juridiction de jugement - Détermination - Nécessité JUGEMENTS ET ARRETS - Motifs - Peine prononcée par la juridiction correctionnelle - Emprisonnement sans sursis - Mesure d'aménagement - Nature - Juridiction de jugement - Détermination - Nécessité

Il résulte des articles 132-19 du code pénal, 723-2 et 723-7-1 du code de procédure pénale que la juridiction qui ordonne l'aménagement de la condamnation à une peine d'emprisonnement qu'elle prononce doit choisir la nature de la mesure d'aménagement tout en laissant au juge de l'application des peines le soin d'en définir les modalités d'exécution. Doit en conséquence être cassé l'arrêt qui se borne à énoncer que la peine d'emprisonnement sans sursis prononcée à l'encontre du prévenu pourra faire l'objet d'un aménagement ab initio selon des modalités à définir en accord avec le juge d'application des peines


Références :

Sur le numéro 1 : article 432-15 du code pénal
Sur le numéro 2 : article 132-19 du code pénal

articles 723-2 et 723-7-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 03 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 avr. 2017, pourvoi n°16-80091, Bull. crim. criminel 2017, n° 110
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2017, n° 110

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Wallon
Rapporteur ?: Mme Zerbib
Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.80091
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