LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 septembre 2015), qu'après avoir saisi et fait vendre aux enchères publiques un immeuble appartenant à la société La Gravière (la débitrice), la société Natixis, créancier poursuivant, a perçu, sur le prix, une provision égale au principal de sa créance et établi un projet de répartition qui a été contesté par la débitrice du chef de la créance d'un autre créancier inscrit ; qu'au cours de l'instance de l'appel relevé contre la décision du juge de l'exécution ayant établi l'état de répartition, la débitrice a été mise en liquidation judiciaire le 9 septembre 2008 ; que le liquidateur a conclu à la caducité de la procédure de distribution et demandé la remise du prix de vente ; qu'un arrêt irrévocable du 19 mars 2009 a dit que la procédure de distribution du prix était devenue caduque du fait de l'ouverture de la procédure collective et ordonné la remise des fonds détenus par le séquestre au liquidateur ; que ce dernier a assigné la société Natixis en restitution de la provision versée ; que la société Natixis lui a opposé l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 19 mars 2009 ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que dans son arrêt du 19 mars 2009, la cour d'appel de Lyon a jugé que dans le cadre de la procédure de distribution et en l'absence de contestation de la créance de la société Natixis, celle-ci ne pouvait pas faire l'objet de réductions tant en capital qu'en intérêts ; que par ce chef du dispositif, tel qu'éclairé par les motifs de l'arrêt, la cour d'appel a simplement retenu que la créance de la société Natixis n'aurait pas dû être modifiée, dans le cadre de la procédure de distribution du prix, par le juge de l'exécution dans la mesure où celui-ci n'avait pas, à l'époque, été saisi d'une contestation portant sur cette créance ; qu'en revanche, la cour d'appel ne s'est nullement prononcée sur l'existence même de la créance de la société Natixis ; qu'en retenant, au contraire, que l'arrêt du 19 mars 2009 avait tranché la question de l'existence de la créance de la société Natixis et qu'il avait donc acquis autorité de la chose jugée sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
2°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que pour déclarer irrecevable la demande du liquidateur tendant à la condamnation de la société Natixis à lui restituer la somme de 760 737,02 euros en principal, la cour d'appel a retenu que cette demande était la même que celle formulée dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 19 mars 2009, qu'elle était fondée sur la même cause et qu'elle avait été dirigée contre les mêmes parties en la même qualité ; qu'en statuant ainsi, cependant que cette demande, quand bien même elle aurait été identique à celle présentée dans le cadre de la précédente instance et qu'elle aurait été formulée dans les mêmes termes à l'encontre des mêmes parties, n'avait pas été tranchée par l'arrêt du 19 mars 2009 dans son dispositif de sorte qu'elle était parfaitement recevable, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, violant ainsi les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
3°/ que la recevabilité d'une demande n'est pas subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé ; que pour retenir, par des motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que les revendications du liquidateur tendant à la restitution de la somme de 760 737,02 euros en principal étaient « irrecevables », la cour d'appel a affirmé que la procédure de saisie-vente engagée par la société Natixis avait eu, au profit de cette dernière, un effet attributif dès la vente ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'effet attributif de la saisie-vente au profit du créancier saisissant, à le supposer établi, s'il était éventuellement de nature à faire obstacle au succès de la demande en restitution, était, en revanche, sans incidence sur sa recevabilité, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile ;
4°/ que les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble ne faisant pas suite à une procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture d'une procédure collective sont caduques ; qu'en cas de caducité, les fonds perçus par le créancier saisissant au cours de la procédure de distribution doivent être remis au mandataire judiciaire ; qu'en matière de saisie-vente immobilière, l'effet attributif attaché à cette mesure d'exécution n'intervient qu'à l'achèvement de la procédure de distribution, une fois établie la collocation du créancier saisissant dans l'ordre ouvert sur le prix de vente ; qu'en jugeant au contraire, par des motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que l'effet attributif de la saisie-vente immobilière s'était réalisé par la vente du bien saisi, peu important que la procédure de distribution du prix ait été toujours en cours à la date d'ouverture de la procédure collective, de sorte que la société Natixis n'était pas tenue de remettre au liquidateur les fonds qu'elle avait perçus durant la procédure de distribution, la cour d'appel a violé l'article R. 622-19 du code de commerce, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2012-783 du 30 mai 2012 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la demande du liquidateur tendant à la restitution par la société Natixis de la provision reçue sur le prix de vente est la même que celle qu'il avait présentée dans l'instance d'appel du jugement du juge de l'exécution tendant à la remise de l'intégralité du prix de vente, qu'elle est fondée sur les mêmes causes et qu'elle est présentée entre les mêmes parties en les même qualités ; qu'il relève ensuite que l'arrêt du 19 mars 2009 avait ordonné la remise des fonds détenus par le séquestre ; que de ces seuls motifs, desquels il résulte que cet arrêt avait rejeté la demande de restitution de la provision perçue par la société Natixis, la cour d'appel, abstraction faite de ceux surabondants critiqués par la première branche, a exactement déduit que la demande du liquidateur était irrecevable comme heurtant l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 19 mars 2009 ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MDP mandataires judiciaires associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société La Gravière, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société MDP mandataires judiciaires associés
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu le 19 décembre 2012 par le tribunal de grande instance de Lyon en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en restitution présentée par le liquidateur judiciaire de la SCI La Gravière ;
AUX MOTIFS QU' «en application de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, qu'elle soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; que dans l'instance d'appel du jugement du juge de l'exécution à laquelle était partie la société Natixis, Maître [I] ès-qualités, a, dans les motifs de ses dernières conclusions, sollicité la remise des fonds correspondant au prix de vente de l'immeuble, soit la somme totale de 1 162 927,05 euros ; qu'en effet, si dans le dispositif de ses conclusions il a demandé à la cour d' "ordonner la remise des fonds par le séquestre Maître [X] Selas CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon", les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile prévoyant que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2011 et n'étaient pas applicables à l'instance qui a donné lieu à l'arrêt du 19 mars 2009, de sorte que la cour était saisie de la demande tendant à la remise de l'intégralité du prix de vente de l'immeuble ; que Maître [I] ès-qualités a alors soutenu que la créance correspondant au prix de vente de l'immeuble n'est pas sortie du patrimoine de la SCI La Gravière avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, et qu'elle constitue un actif de la SCI ; que dans son arrêt du 19 mars 2009, la cour d'appel de Lyon a dit que dans le cadre de la procédure de distribution et en l'absence de contestation de la créance de la société Natixis et de la créance de la Selas Francis Lefebvre, celle-ci ne pouvait pas faire l'objet de réduction, tant en capital qu'en intérêts, dit que la procédure de distribution du prix est devenue caduque du fait du jugement d'ouverture de la procédure collective de la SCI La Gravière et en conséquence, ordonné la remise des fonds par le séquestre à Maître [I] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SCI La Gravière et dit que les créances seront vérifiées et admises dans le cadre de la procédure collective ; que la demande actuelle de la Selarl MDP ès-qualités tend à la condamnation de la société Natixis à lui restituer la somme de 760 737,028 euros ; que l'appelante soutient notamment que la procédure de distribution du prix de vente de l'immeuble, qui est devenue caduque, n'a pas eu d'effet attributif, que la créance du prix de vente de l'immeuble n'est pas sortie du patrimoine de la SCI La Gravière, et que la créance de la société Natixis n'a pas été éteinte par le paiement provisionnel qu'elle a reçu au cours de la procédure de distribution du prix ; qu'il en résulte que l'arrêt du 19 mars 2009 a autorité de chose jugée, puisque la demande actuelle est la même que celle formulée dans l'instance précédente, à savoir la condamnation de la société Natixis à restituer au liquidateur judiciaire la somme de 760 737,02 euros, que la demande est fondée sur la même cause, qu'elle est entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles, en la même qualité ; que la société MDP Mandataires Judiciaires Associés, ès-qualités, n'est pas fondée, pour échapper à l'irrecevabilité de sa demande, à invoquer le fait que n'aurait pas été tranchée la question de "l'existence de la créance de la société Natixis, c'est-à-dire l'extinction ou non de cette créance du fait du caractère définitif ou non du paiement qu'elle a reçu à titre prévisionnel" ; que dans l'arrêt du 19 mars 2009, la cour a dit qu'en l'absence de contestation de la créance de la société Natixis, celle-ci ne pouvait pas faire l'objet de réductions, comme l'avait retenu le juge de l'exécution ; que la demande de la société MDP Mandataires Judiciaires Associés ès-qualités doit être déclarée irrecevable » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' «il résulte de l'article R. 622-19 du code de commerce précisément visé par le demandeur que conformément au II de l'article L. 622-21, les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble et les procédures de distribution du prix de vente d'un meuble ne faisant pas suite à une procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, en cours au jour de ce jugement, sont caduques et que les fonds sont remis au mandataire judiciaire, le cas échéant, par le séquestre qui par cette remise est libéré à l'égard des parties ; que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête toute procédure d'exécution, tant sur les meubles que sur les immeubles, de la part de tous créanciers et que l'arrêt des voies d'exécution implique la mainlevée d'une procédure de saisie-vente lorsque, à la date du jugement d'ouverture, cette procédure d'exécution n'a pas, par la vente, produit ses effets ; qu'il est de jurisprudence très récente que le liquidateur, qui exerce une action relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution, ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article R. 622-19 alinéa 1 du code de commerce, dès lors que la procédure de saisie-vente a produit son effet attributif antérieurement au jugement d'ouverture de sorte que les biens vendus sont sortis du patrimoine du débiteur à cette date ; que l'effet attributif d'une voie d'exécution se réalise par la vente des biens saisis, peu important que la procédure de distribution du prix soit toujours en cours à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'ainsi, la procédure d'exécution engagée par la société Natixis et ayant abouti à la vente de l'immeuble de la SCI La Gravière antérieurement au jugement de liquidation judiciaire a un effet attributif rendant les revendications du demandeur irrecevables, puisque le prix de vente qu'il ait été réglé ou non à titre provisionnel, ne faisait plus partie de l'actif de la SCI lorsqu'elle a été déclarée en liquidation judiciaire » ;
1°/ ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que dans son arrêt du 19 mars 2009, la cour d'appel de Lyon a jugé que dans le cadre de la procédure de distribution et en l'absence de contestation de la créance de la société Natixis, celle-ci ne pouvait pas faire l'objet de réductions tant en capital qu'en intérêts ; que par ce chef du dispositif, tel qu'éclairé par les motifs de l'arrêt, la cour d'appel a simplement retenu que la créance de la société Natixis n'aurait pas dû être modifiée, dans le cadre de la procédure de distribution du prix, par le juge de l'exécution dans la mesure où celui-ci n'avait pas, à l'époque, été saisi d'une contestation portant sur cette créance ; qu'en revanche, la cour d'appel ne s'est nullement prononcée sur l'existence même de la créance de la société Natixis ; qu'en retenant, au contraire, que l'arrêt du 19 mars 2009 avait tranché la question de l'existence de la créance de la société Natixis et qu'il avait donc acquis autorité de la chose jugée sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que pour déclarer irrecevable la demande de l'exposante tendant à la condamnation de la société Natixis à lui restituer la somme de 760 737,02 euros en principal, la cour d'appel a retenu que cette demande était la même que celle formulée dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 19 mars 2009, qu'elle était fondée sur la même cause et qu'elle avait été dirigée contre les mêmes parties en la même qualité ; qu'en statuant ainsi, cependant que cette demande, quand bien même elle aurait été identique à celle présentée dans le cadre de la précédente instance et qu'elle aurait été formulée dans les mêmes termes à l'encontre des mêmes parties, n'avait pas été tranchée par l'arrêt du 19 mars 2009 dans son dispositif de sorte qu'elle était parfaitement recevable, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants violant ainsi les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE la recevabilité d'une demande n'est pas subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé ; que pour retenir, par des motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que les revendications de l'exposante tendant à la restitution de la somme de 760 737,02 euros en principal étaient « irrecevables », la Cour d'appel a affirmé que la procédure de saisie-vente engagée par la société Natixis avait eu, au profit de cette dernière, un effet attributif dès la vente ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'effet attributif de la saisie-vente au profit du créancier saisissant, à le supposer établi, s'il était éventuellement de nature à faire obstacle au succès de la demande en restitution, était, en revanche, sans incidence sur sa recevabilité, la Cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble ne faisant pas suite à une procédure d'exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture d'une procédure collective sont caduques ; qu'en cas de caducité, les fonds perçus par le créancier saisissant au cours de la procédure de distribution doivent être remis au mandataire judiciaire ; qu'en matière de saisie-vente immobilière, l'effet attributif attaché à cette mesure d'exécution n'intervient qu'à l'achèvement de la procédure de distribution, une fois établie la collocation du créancier saisissant dans l'ordre ouvert sur le prix de vente ; qu'en jugeant au contraire, par des motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que l'effet attributif de la saisie-vente immobilière s'était réalisé par la vente du bien saisi, peu important que la procédure de distribution du prix ait été toujours en cours à la date d'ouverture de la procédure collective, de sorte que la société Natixis n'était pas tenue de remettre à l'exposante les fonds qu'elle avait perçus durant la procédure de distribution, la cour d'appel a violé l'article R. 622-19 du code de commerce, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n°2012-783 du 30 mai 2012.