LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu L. 218-2 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil ;
Attendu qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte notarié du 5 mai 1987, la société Crédit immobilier familial de Nantes, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti, un prêt immobilier à M. et Mme [I] (les emprunteurs) ; que, certaines échéances étant demeurées impayées, la banque a fait délivrer à ceux-ci, le 16 septembre 2013, un commandement de payer valant saisie immobilière et les a assignés à l'audience d'orientation ;
Attendu que, pour rejeter la demande en paiement de la banque, l'arrêt énonce que le point de départ du délai de la prescription biennale, se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, s'agissant d'un prêt, à la date du premier incident de paiement non régularisé ; qu'il retient que ce dernier se situait au 1er novembre 2002 ou au 6 septembre 2007, de sorte que le délai de prescription s'achevait en toute hypothèse, au regard des dispositions transitoires de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, au 19 juin 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. et Mme [I] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer au Crédit immobilier de France développement la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Crédit immobilier de France développement
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'action du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST prescrite ;
Aux motifs que « antérieurement à la réforme de la prescription opérée par la loi du 17 juin 2008, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants se prescrivaient, selon l'article L. 110-4 du Code de commerce, par dix ans.
La loi du 17 juin 2008 a, par l'article L. 137-2 du Code de la consommation, fixé à deux ans le délai de prescription de l'action de la banque, professionnel, pour les crédits immobiliers qu'elle a consentis aux consommateurs, ce que sont les époux [I]; mais l'article 26, Il de cette loi prévoit que ses dispositions, ayant réduit la durée de la prescription, s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
S'agissant du point de départ du délai, et contrairement à ce que soutient la banque, il n'était nullement acquis, au moment où elle a fait délivrer le commandement valant saisie, antérieurement à la décision de la Cour de cassation du 10 juillet 2014 consacrant le principe de la fixation de ce point de départ à la date du premier incident de paiement non régularisé, que ce point ne pouvait qu'être fixé à la date du prononcé de la déchéance du terme, laquelle date dépend de la seule volonté de la banque
Au contraire, il avait déjà été jugé par la Cour de cassation (1ère civile, 9 décembre 1986 – 1ère civile, 24 novembre 1987) que s'agissant d'un prêt, cc délai commençait à courir à compter de l'échéance impayée, et de manière générale, en l'absence de disposition législative à cet égard, il était admis que la prescription commençait à courir dès lors que le créancier avait pu exercer son droit.
Or en l'occurrence, la banque était en droit dès la constatation par elle, résultant nécessairement de ses propres opérations de prélèvement sur le compte ouvert en son établissement, du fait que les époux [I] ne satisfaisaient pas à leur engagement de rembourser l'emprunt, d'agir en recouvrement de sa créance de sorte que c'est à partir de la date du premier incident de paiement non régularisé qu'a couru le délai de prescription.
Ce délai est néanmoins susceptible d'interruption, et les époux [I] précisent eux-mêmes dans leurs dernières écritures que le dernier versement régularisé par eux date du 1ernovembre 2002, et qu'une instance a opposé les parties entre le 1er novembre 2002 et le 6 septembre 2007, interruptive de prescription.
Mais qu'il ait couru à compter du 1er novembre 2002 ou du 6 septembre 2007, le délai de prescription s'achevait en toute hypothèse, eu égard aux dispositions de l'article L. 137-2 du Code de la consommation et des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 précitées, le 19 juin 2010.
La mise en demeure notifiée aux époux [I] par la banque, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 mars 2010, n'est pas suffisante pour interrompre ce délai, et il n'est démontré l'existence d'aucun acte interruptif survenu entre le 6 septembre 2007 et le 19 juin 2010 la prescription était acquise lorsque la banque a, le 16 septembre 2013, délivré un commandement de payer » ;
Alors qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ; qu'en énonçant cependant que c'est à la date du premier incident de paiement non régularisé qu'a couru le délai de prescription de l'action en remboursement du prêt, la Cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation, ensemble les articles 2224 et 2233 du code civil.