La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2017 | FRANCE | N°15-21861

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 mars 2017, 15-21861


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2015), que M. [Y] a réalisé une mission de médiation dans le cadre d'un conflit opposant trois des quatre actionnaires de la société Sofinvest Lens, détenue, pour 30 % par la société Gefonim participations (la société Gefonim), représentée par M. [S], pour 30 % par la société CIGC, représentée par M. [F], pour 30 % par la société 2I et pour 10 % par la société Decathlon ; que par protocole du 3 novembre 1998, il étai

t prévu que M. [Y] serait rémunéré par la rétrocession à prix coûtant des 150 parts...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 mai 2015), que M. [Y] a réalisé une mission de médiation dans le cadre d'un conflit opposant trois des quatre actionnaires de la société Sofinvest Lens, détenue, pour 30 % par la société Gefonim participations (la société Gefonim), représentée par M. [S], pour 30 % par la société CIGC, représentée par M. [F], pour 30 % par la société 2I et pour 10 % par la société Decathlon ; que par protocole du 3 novembre 1998, il était prévu que M. [Y] serait rémunéré par la rétrocession à prix coûtant des 150 parts de la société Sofinvest Lens que la société 2I céderait aux sociétés Gefonim et CIGC ; que se prévalant de ce protocole, M. [Y] a assigné MM. [F] et [S] et les sociétés Sofinvest Lens, CIGC, Gefonim et Gefonim promotion pour obtenir le paiement des dividendes de la société Sofinvest Lens et l'indemnisation de ses préjudices ; qu'au cours de cette instance, M. [S] lui a adressé, le 28 octobre 2003, une lettre dans laquelle il indiquait que si le tribunal considérait que M. [Y] avait renoncé à l'application du protocole, il bénéficierait du produit des 15 % du capital de la société Sofinvest Lens détenus par la société Gefonim ; que par arrêt du 10 mars 2005, devenu irrévocable, les demandes de M. [Y] ont été rejetées ; qu'invoquant la lettre du 28 octobre 2003, M. [Y] a assigné M. [S] ainsi que la société Gefonim en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que M. [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes tendant notamment à l'exécution de l'engagement pris par M. [S] le 28 octobre 2003, en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles du 10 mars 2005 alors, selon le moyen :

1°) que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée que pour autant qu'il y ait identité entre l'objet de la demande sur laquelle il a été précédemment statué et l'objet de la demande dont le juge est saisi ; que l'action en exécution d'un contrat n'a pas le même objet que celle qui tend à obtenir l'application d'un acte juridique distinct, quand bien même poursuivraient-ils un but similaire ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt, dans le dispositif de son arrêt confirmatif du 10 mars 2005, la cour d'appel de Versailles s'était bornée à déclarer caduc le protocole d'accord du 3 novembre 1998 et à débouter en conséquence M. [Y] de son action en exécution dudit protocole, ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts ; qu'en décidant néanmoins que l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt faisait obstacle à une demande de M. [Y] tendant à obtenir l'exécution d'un autre engagement pris par ailleurs par M. [S] par courrier du 28 octobre 2003, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1351 du code civil ;

2°) que le contenu de l'accord du 3 novembre 1998 et celui du courrier du 28 octobre 2003 était bien distincts, l'un portant sur 30 % des parts de la société Sofinvest Lens et l'autre sur 15 % de ces parts, l'un étant un contrat conclu entre M. [Y], la société Avantages IDF, la société Gefonim et la société CIGC, et l'autre étant un engagement émanant de M. [S] ; qu'il en résulte que les actions successives tendant à l'application du premier puis du second tendaient nécessairement à des résultats différents ; qu'en jugeant que « les prétentions actuelles ont en effet le même objet que celles développées devant le tribunal de commerce puisqu'elles tendent à obtenir la part de dividendes attachée à la possession de la quote-part d'actions de la société Sofinvest et la valorisation de ces mêmes actions », la cour d'appel a derechef violé l'article 1351 du code civil ;

Mais attendu qu'il incombe au demandeur de présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'ayant constaté que, dans les deux instances, M. [Y] avait demandé la condamnation de M. [S] et de la société Gefonim au titre de la part de dividendes attachée à la possession de la quote-part d'actions de la société Sofinvest détenues par la société Gefonim et la valorisation de ces mêmes actions et qu'il disposait, devant la juridiction consulaire, de la lettre de M. [S] sur laquelle il fondait désormais ses prétentions, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que sa demande avait le même objet, peu important que, dans la première instance, M. [Y] l'ait fondée sur le protocole du 3 novembre 1998 et, dans la seconde, sur la lettre du 28 octobre 2003, cette modification du fondement de la demande étant insuffisante à faire écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 10 mars 2005 ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi ;

Condamne M. [Y] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. [S] et à la société Gefonim participations ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. [Y].

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de M. [Y] tendant notamment à voir exécuter l'engagement pris par M. [S] le 28 octobre 2003, en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles du 10 mars 2005 confirmant la décision du tribunal de commerce du 23 juin 2004 ;

AUX MOTIFS QUE « le tribunal a considéré que la demande de M. [Y] ne contrevenait pas au principe de l'autorité de la chose jugée, l'objet de la présente instance n'étant pas identique à celui définitivement jugé, puisque M. [Y] sollicitait désormais l'exécution de l'engagement pris par M. [S] et la société qu'il dirige aux termes du courrier du 28 octobre 2003 et non pas celle du protocole. Agissant sur le fondement d'un autre acte juridique, les premiers juges ont déclaré recevables ses demandes.

Sur ce point, les intimés persistent à soulever l'irrecevabilité des demandes de M. [Y] dans la mesure, notamment, où les parties sont les mêmes que celles présentes dans l'instance précédente et que l'objet de son action est le même, seul son fondement étant modifié. Or, il a été définitivement débouté de ses demandes tendant à se voir allouer une indemnisation relative au prétendu préjudice subi à la suite du défaut de rétrocession des parts de la société Sofinvest Lens détenues par la société Gefonim Participations.

Les intimés invoquent au surplus le principe jurisprudentiel de la concentration des demandes.

M. [Y] fait valoir que son action est recevable, rappelant qu'au jour de l'introduction de l'instance devant le tribunal de commerce, il ne disposait pas du courrier de M. [S], et que l'engagement qu'il contenait étant conditionné à une décision défavorable du tribunal, il ne pouvait utilement l'invoquer avant que la juridiction n'ait statué. Il considère que l'autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée car l'objet de ses demandes n'est pas matériellement identique, puisqu'il a sollicité devant la juridiction consulaire l'équivalent du protocole non exécuté en dommages-intérêts et qu'en l'espèce, il demande l'application de l'engagement pris par M. [S] dans le courrier litigieux qui ne porte que sur 15 % du capital de la société Sofinvest. Il considère enfin, sur la question de la concentration des moyens, que dès lors que le changement de fondement juridique s'accompagne d'une modification de l'objet de la demande, la jurisprudence reconnaît la recevabilité de l'action.

Il est constant que devant la juridiction consulaire, M. [Y] a assigné le 21 janvier 2003 diverses personnes, dont M. [S] (qui n'était pourtant pas signataire à titre personnel du protocole en cause) et la société Gefonim Promotion, et qu'il sollicitait notamment la condamnation in solidum des sociétés Gefonim Participations et CIGC à lui verser la somme de 12 000 euros au titre des dividendes versés par la société Sofinvest, à la suite de son AG du 13 juin 2002 et la condamnation in solidum des sociétés Sofinvest, Gefonim Participations, Gefonim Promotion, CIGC et de MM. [S] et [F] à lui verser une somme de 1 256 000 euros au titre du préjudice financier (montant de la valorisation de 30 % des parts de Sofinvest et une somme de 377 000 euros au titre du préjudice moral).

Au cours de cette instance, M. [Y] a reçu le courrier de M. [S] qu'il a d'ailleurs versé aux débats.

Il a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre d'une demande fondée sur ce courrier, aux termes de laquelle il sollicite une quote-part des dividendes distribués par la société Sofinvest depuis 2001 (à hauteur de 15 %, quote-part à laquelle il prétend dans le capital, correspondant à la quotité détenue par la société Gefonim Participations qu'il revendique) et la valorisation de cette même quote-part du capital de Sofinvest.

Il est de principe, que, sous peine de chose jugée implicite, il incombe au demandeur de présenter dans la même instance l'ensemble des moyens de nature à fonder la demande. Il en ressort qu'un demandeur ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile.

Les parties ne peuvent en effet réitérer leur demande, au cours d'une instance ultérieure, que si celle-ci est fondée sur l'existence d'un droit né après la décision rendue à l'issue de l'instance initiale.

En l'espèce, il est manifeste que M. [Y] disposait, devant la juridiction consulaire du courrier de M. [S] sur lequel il fonde aujourd'hui ses prétentions, et qu'il lui appartenait, dans le cadre d'une demande subsidiaire, de former ses demandes, à l'encontre de M. [S] et/ou de la société Gefonim, lesquelles tendent à obtenir la contrepartie monétaire de la part de dividendes correspondant à 15 % des parts de la société Sofinvest et la valorisation de ces mêmes parts.

Les prétentions actuelles ont en effet le même objet que celles développées devant le tribunal de commerce, puisqu'elles tendent à obtenir la part de dividendes attachée à la possession de la quote-part d'actions de la société Sofinvest et la valorisation de ces mêmes actions, et présentent une seule différence avec celles formées devant la juridiction consulaire : elles ne s'adressent désormais qu'à M. [S] et la société Gefonim et ne portent plus de ce fait que sur 15 % des actions au lieu de 30 %.

Dans ces conditions, l'objet des prétentions est le même que celui qui a été soumis au tribunal de commerce, la cause en était connue alors que l'instance était toujours en cours, les parties sont les mêmes, de sorte qu'il appartenait à M. [Y] de former les prétentions qu'il soutient aujourd'hui devant la juridiction consulaire » ;

1) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée que pour autant qu'il y ait identité entre l'objet de la demande sur laquelle il a été précédemment statué et l'objet de la demande dont le juge est saisi ; que l'action en exécution d'un contrat n'a pas le même objet que celle qui tend à obtenir l'application d'un acte juridique distinct, quand bien même poursuivraient-ils un but similaire ;

qu'en l'espèce, ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt, dans le dispositif de son arrêt confirmatif du 10 mars 2005, la cour d'appel de Versailles s'était bornée à déclarer caduc le protocole d'accord du 3 novembre 1998 et à débouter en conséquence M. [Y] de son action en exécution dudit protocole, ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts ; qu'en décidant néanmoins que l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt faisait obstacle à une demande de M. [Y] tendant à obtenir l'exécution d'un autre engagement pris par ailleurs par M. [S] par courrier du 28 octobre 2003, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1351 du code civil ;

2) ALORS QU'en tout état de cause, le contenu de l'accord du 3 novembre 1998 et celui du courrier du 28 octobre 2003 était bien distincts, l'un portant sur 30% des parts de la société Sofinvest Lens et l'autre sur 15 % de ces parts, l'un étant un contrat conclu entre M. [Y], la société Avantages IDF, la société Gefonim et la société CIGC, et l'autre étant un engagement émanant de M. [S] ; qu'il en résulte que les actions successives tendant à l'application du premier puis du second tendaient nécessairement à des résultats différents ; qu'en jugeant que « les prétentions actuelles ont en effet le même objet que celles développées devant le tribunal de commerce puisqu'elles tendent à obtenir la part de dividendes attachée à la possession de la quote-part d'actions de la société Sofinvest et la valorisation de ces mêmes actions » (arrêt, p. 5 § 1), la cour d'appel a derechef violé l'article 1351 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-21861
Date de la décision : 29/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 mar. 2017, pourvoi n°15-21861


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.21861
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award