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28/03/2017 | FRANCE | N°15-84795

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mars 2017, 15-84795


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° D 15-84.795 FS-P+B

N° 523

ND
28 MARS 2017

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET des pourvois formés par la société [G] [B] Aquitaine, M. [D] [T], contre l'arrêt de la cour d'appel de

Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 2015, qui, pour marchandage et prêt illicite de main-d'oeuvre, a conda...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° D 15-84.795 FS-P+B

N° 523

ND
28 MARS 2017

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET des pourvois formés par la société [G] [B] Aquitaine, M. [D] [T], contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 2015, qui, pour marchandage et prêt illicite de main-d'oeuvre, a condamné la première à 50 000 euros d'amende et le second à 6 000 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 février 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, M. Buisson, Mme Durin-Karsenty, M. Larmanjat, M. Ricard, M. Parlos, M. Bonnal, conseillers de la chambre, M. Barbier, M. Ascensi, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Desportes ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3 et 111-4 du code pénal, L. 8241-1 du code du travail, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, insuffisance de motifs, défaut de motifs :

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré les exposants coupables de prêt de main-d'oeuvre illicite, a condamné en répression la société [G] [B] Aquitaine à une amende de 50 000 euros et M. [T] à une amende de 6 000 euros et a rejeté la demande de non-inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. [T] ;

"aux motifs que, sur la culpabilité, il s'évince du jugement critiqué, du procès-verbal qui lui sert de base et de l'exposé des faits qui vient d'être effectué que la société par actions simplifiée [G] [B] Aquitaine ayant comme président M. [M] [B] et comme directeur salarié M. [D] [T], délégataire de responsabilité a conclu, divers contrats en vertu desquels un certain nombre de salariés de l'entreprise de travail temporaire Work Express ont été mis à la disposition de ladite société pour des missions successives qui ont toutes été justifiées par un surcroît occasionnel d'activité ; que la délégation de pouvoirs analysée plus haut est bien déférée à un salarié disposant de la compétence des moyens et de l'autorité nécessaire s'agissant du directeur salarié de la société, cette délégation a été expressément acceptée et son titulaire dispose effectivement des moyens utiles à son exercice ; que les contrats de mission, par suite du non-respect des règles régissant le travail temporaires ont eu pour effet de pourvoir durablement à des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'il s'évince du procès-verbal base des poursuites que de nombreuses irrégularités aux règles relatives au travail temporaire ont été commises en l'espèce ; qu'il convient de rappeler que le recours au travail temporaire ne peut être utilisé comme un mode habituel et normal de gestion du personnel et que l'affectation de salariés intérimaires à des tâches permanentes constitue une fraude à la loi (cf. notamment, Crim. 22 juin 1999, pourvoi n° 98-83529) ; qu'il est constant que les détachements successifs auprès de la société par actions simplifiée [G] [B] Aquitaine devenue la société GT constructions, des mêmes salariés pour l'exécution des mêmes tâches n'ayant pas été réalisés dans le respect des dispositions relatives au travail temporaire, caractérisent une opération de prêt de main-d'oeuvre illicite entrant dans les prévisions de l'article C. trav., art. L. 8243-l du code du travail, cette opération ayant été effectuée en dehors des dispositions de l'article L. 8241-1 du même code ; qu'il doit être souligné que les salariés mis à disposition étaient :
- occupés à des tâches similaires de celles accomplies par d'autres salariés appartenant à l'entreprise,
- sans aucune spécificité ou prestation présentant un caractère propre, sous la direction de l'encadrement de l'entreprise utilisatrice,
- dans des conditions de travail identiques ; qu'il sera ajouté que le délit de marchandage est également caractérisé, la fourniture de main-d'oeuvre ayant eu pour effet de causer un préjudice aux salariés concernés, en ce qu'ils ont été maintenus abusivement dans un statut de précarité, et le fait pour l'utilisateur de main-d'oeuvre intérimaire, qui, sous couvert de contrats successifs de mise à disposition de salariés, occupé de manière permanente les mêmes travailleurs ayant fait échec aux dispositions légales de l'article L. 125 1-5 du code du travail aux termes duquel le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que les violations des dispositions sanctionnant le recours illicite au travail temporaire, qui ont permis d'éluder, grâce à la fraude ainsi effectuée, les dispositions légales régissant ce type de travail permettent de caractériser le délit de marchandage dont elles constituent, au cas particulier, un des éléments constitutifs de cette infraction ; que dans la mesure où le code du travail les érige, également, en délits qui sont sévèrement réprimés que le délit de marchandage, la cour retiendra les faits sur leur plus haute acception pénale ;

"1°) alors que les dispositions réprimant le prêt de main-d'oeuvre illicite ne s'appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre des dispositions du présent code relatives au travail temporaire ; que lorsque l'entreprise utilisatrice a inscrit l'opération réalisée dans le cadre des dispositions du code du travail relatives au travail temporaire, le délit de l'article L. 8241-1 ne peut être caractérisé, les éventuelles irrégularités commises par l'entreprise utilisatrice dans l'application des règles de travail temporaire ne pouvant relever que des délits des articles L. 1254-1 à L. 1254-9, devenus L. 1255-1 à L. 1255-10 du code du travail ; qu'en déduisant des irrégularités aux règles relatives au travail temporaire constatées par le procès-verbal d'infraction que l'opération réalisée par la société [G] [B] Aquitaine, qui aurait été effectuée "en dehors" des dispositions relatives au travail temporaire, constituait une opération de prêt de main-d'oeuvre illicite, lorsque les irrégularités constatées à certaines règles applicables au travail temporaire ne pouvaient constituer que les délits des articles L. 1254-1 à L. 1254-9 du code du travail et étaient impropres à établir que l'opération de mise à disposition temporaire de salariés par une entreprise étrangère au profit de la demanderesse, entreprise utilisatrice, aurait été réalisée "en dehors" des dispositions applicables au travail temporaire et aurait constitué un prêt illicite de main-d'oeuvre, la cour d'appel a violé les articles L. 8241-1 du code du travail, 111-3 et 111-4 du code pénal, ensemble les principes de légalité et d'interprétation stricte de la loi pénale ;

"2°) alors que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que les prévenus n'acceptent expressément d'être jugés pour des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en déduisant la commission du délit de prêt de main-d'oeuvre illicite de la non-observation de l'interdiction d'utiliser le contrat de travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, édictée à l'article L. 1251-5 du code du travail, lorsque la prévention n'a pas visé le délit de recours abusif au travail temporaire résultant de la méconnaissance de l'article L. 1251-5, la cour d'appel a excédé les termes de sa saisine ;

"3°) alors, en outre, que le délit de prêt de main-d'oeuvre illicite implique qu'une opération ayant pour objet exclusif un prêt de main-d'oeuvre ait été réalisée dans un but lucratif, lequel suppose la recherche d'un bénéfice, d'un profit ou d'un gain ; que l'opération de mise à disposition licite de salariés par une entreprise établie à l'étranger sur le territoire français ne présente aucun but lucratif en l'état du respect par l'entreprise utilisatrice de l'égalité des rémunérations entre ses salariés et ceux temporairement détachés à son profit et en l'absence de toute preuve de la réalisation d'un autre profit pécuniaire, lequel ne saurait résulter de la réalisation d'une économie liée à la facturation de charges sociales dans l'état étranger inférieures à celles pratiquées en France ; qu'en déclarant les exposants coupables de prêt de main-d'oeuvre illicite à but lucratif lorsque la direction du travail a reconnu devant les premiers juges que le gain de salaires, seul gain constaté dans le procès-verbal d'infraction, était sans fondement et lorsqu'il est établi par les pièces de la procédure que les salariés détachés ont bénéficié d'un salaire horaire supérieur au salaire minimum en France, des congés payés, des heures supplémentaires et des indemnités de grand déplacement, ce qui excluait toute recherche d'un profit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"4°) alors que, enfin, le délit de prêt de main-d'oeuvre illicite est une infraction intentionnelle, supposant la connaissance du caractère illicite de l'opération de prêt de main-d'oeuvre réalisée et la volonté d'agir malgré tout ; qu'en déclarant les exposants coupables de prêt de main-d'oeuvre illicite sans motiver sa décision sur l'élément moral de l'infraction et sans répondre au moyen des conclusions d'appel des exposants faisant valoir qu'ils avaient fait appel aux conseils du cabinet d'avocat Copernic afin de s'assurer de la licéité de l'opération de détachement temporaire de salariés polonais par la société Work Express au profit du groupe [G] [B] préalablement à la signature de l'accord cadre du 11 juin 2008, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3 et 111-4 du code pénal, L. 8231-1 du code du travail, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs :

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré les exposants coupables de fourniture illicite de main-d'oeuvre à but lucratif, a condamné en répression la société [G] [B] Aquitaine à une amende 50 000 euros et M. [T] à une amende de 6 000 euros et a rejeté la demande de non-inscription au bulletin 2 du casier judiciaire de M. [T] ;

"aux motifs que, sur la culpabilité, il s'évince du jugement critiqué, du procès-verbal qui lui sert de base et de l'exposé des faits qui vient d'être effectué que la société par actions simplifié [G] [B] Aquitaine ayant comme président M. [B] et comme directeur salarié M. [T], délégataire de responsabilité a conclu, divers contrats en vertu desquels un certain nombre de salariés de l'entreprise de travail temporaire Work express ont été mis à la disposition de ladite société pour des missions successives qui ont toutes été justifiées par un surcroît occasionnel d'activité ; que la délégation de pouvoirs analysée plus haut est bien déférée à un salarié disposant de la compétence des moyens et de l'autorité nécessaire s'agissant du directeur salarié de la société, cette délégation a été expressément acceptée et son titulaire dispose effectivement des moyens utiles à son exercice ; que les contrats de mission, par suite du non-respect des règles régissant le travail temporaires ont eu pour effet de pourvoir durablement à des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'il s'évince du procès-verbal base des poursuites que de nombreuses irrégularités aux règles relatives au travail temporaire ont été commises en l'espèce ; qu'il convient de rappeler que le recours au travail temporaire ne peut être utilisé comme un mode habituel et normal de gestion du personnel et que l'affectation de salariés intérimaires à des tâches permanentes constitue une fraude à la loi (cf. notamment Crim. 22 juin 1999 pourvoi n° 98-83529) ; que il est constant que les détachements successifs auprès de la société par actions simplifiée [G] [B] Aquitaine devenue la société GT constructions, des mêmes salariés pour l'exécution des mêmes tâches n'ayant pas été réalisés dans le respect des dispositions relatives au travail temporaire, caractérisent une opération de prêt de main-d'oeuvre illicite entrant dans les prévisions de l'article C. trav., article L. 8243-l du code du travail, cette opération ayant été effectuée en dehors des dispositions de l'article L. 8241-1 du même code ; qu'il doit être souligné que les salariés mis à disposition étaient :
- occupés à des tâches similaires de celles accomplies par d'autres salariés appartenant à l'entreprise,
- sans aucune spécificité ou prestation présentant un caractère propre, sous la direction de l'encadrement de l'entreprise utilisatrice,
- dans des conditions de travail identiques, iI sera ajouté que le délit de marchandage est également caractérisé, la fourniture de main-d'oeuvre ayant eu pour effet de causer un préjudice aux salariés concernés, en ce qu'ils ont été maintenus abusivement dans un statut de précarité, et le fait pour l'utilisateur de main-d'oeuvre intérimaire, qui, sous couvert de contrats successifs de mise à disposition de salariés, occupé de manière permanente les mêmes travailleurs ayant fait échec aux dispositions légales de l'article L. 125 1-5 du code du travail aux termes duquel le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que les violations des dispositions sanctionnant le recours illicite au travail temporaire, qui ont permis d'éluder, grâce à la fraude ainsi effectuée, les dispositions légales régissant ce type de travail permettent de caractériser le délit de marchandage dont elles constituent, au cas particulier, un des éléments constitutifs de cette infraction ; que dans la mesure où le code du travail les érige, également, en délits qui sont sévèrement réprimés que le délit de marchandage, la cour retiendra les faits sur leur plus haute acception pénale ;

"1°) alors que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que les prévenus n'acceptent expressément d'être jugés pour des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en déduisant la commission du délit de marchandage de la non-observation de l'interdiction d'utiliser le contrat de travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, édictée à l'article L. 1251-5 du code du travail, lorsque la prévention n'a pas visé le délit de recours abusif au travail temporaire résultant de la méconnaissance de l'article L. 1251-5, la cour d'appel a excédé les termes de sa saisine ;

"2°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que pour déclarer les exposants coupables de marchandage, la cour d'appel a retenu que la violation des dispositions sanctionnant le recours illicite au travail temporaire, qui ont permis d'éluder les dispositions légales régissant ce type de travail, permettaient de caractériser le délit de marchandage dont elles constituaient, au cas particulier, un des éléments constitutifs de cette infraction et que dans la mesure où le code du travail les érigeait également en délits qui sont moins sévèrement réprimés que le délit de marchandage, elle devait retenir les faits sous leur plus haute acception pénale de marchandage ; qu'en déduisant le délit de marchandage de la commission des délits poursuivis des articles L. 1254-8, L. 1254-9 et L. 1254-10 du code du travail sans motiver aucunement sa décision sur la caractérisation de ces trois délits, qu'elle a pourtant considérés comme "un élément constitutif du marchandage", la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"3°) alors, en outre, que le délit de marchandage implique qu'une opération ayant pour objet la fourniture de main-d'oeuvre ait été réalisée dans un but lucratif, lequel suppose la recherche d'un bénéfice, d'un profit ou d'un gain ; que l'opération de mise à disposition licite de salariés par une entreprise établie à l'étranger sur le territoire français ne présente aucun but lucratif en l'état du respect par l'entreprise utilisatrice de l'égalité des rémunérations entre ses salariés et ceux temporairement détachés à son profit et en l'absence de toute preuve de la réalisation d'un autre profit pécuniaire, lequel ne saurait résulter de la réalisation d'une économie liée à la facturation de charges sociales dans l'état étranger inférieures à celles pratiquées en France ; qu'en déclarant les demandeurs coupables de marchandage lorsque la direction du travail a reconnu devant les premiers juges que le gain de salaires, seul gain constaté dans le procès-verbal d'infraction, était sans fondement et lorsqu'il est établi par les pièces de la procédure que les salariés détachés ont bénéficié d'un salaire horaire supérieur au salaire minimum en France, des congés payés, des heures supplémentaires et des indemnités de grand déplacement, ce qui excluait toute recherche d'un profit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"4°) alors, par ailleurs, que l'inobservation ponctuelle d'obligations spécifiques prévues par les règles applicables au travail temporaire n'est pas assimilable au fait d'éluder les règles du travail temporaire ; que le délit de marchandage ne peut être constitué que si est rapportée la preuve d'un préjudice causé au salarié par cette inobservation ; que subit un préjudice uniquement le travailleur temporaire ayant reçu un salaire inférieur à celui d'un salarié permanent de l'entreprise utilisatrice pour un même poste ou ayant été privé de tout ou partie des avantages sociaux reconnus au salarié permanent, sans que la précarité de son statut, dépourvue de toute conséquence pécuniaire, puisse établir ce préjudice ; qu'en déclarant les exposants coupables de marchandage aux motifs que la violation des dispositions relatives au travail temporaire, résultant du recours abusif au travail temporaire et des trois délits spécifiques poursuivis, avait permis d'éluder les règles légales en la matière et que les salariés avaient été maintenus abusivement dans un statut de précarité, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"5°) alors que, enfin, le délit de marchandage est une infraction intentionnelle, supposant la connaissance du caractère illicite de l'opération de prêt de main-d'oeuvre réalisée et la volonté d'agir malgré tout ; qu'en déclarant les demandeurs coupables de marchandage sans motiver sa décision sur l'élément moral de l'infraction et sans répondre au moyen des conclusions d'appel des exposants faisant valoir qu'ils avaient fait appel aux avocats du cabinet d'avocat Copernic afin de s'assurer de la licéité de l'opération de détachement temporaire de salariés polonais par la société Work Express au profit du groupe [G] [B] préalablement à la signature de l'accord cadre du 11 juin 2008, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du procès-verbal de l'inspection du travail, base de la poursuite, et des autres pièces de procédure que la société [G] [B] Aquitaine, entreprise de travaux publics, et M. [D] [T], directeur salarié, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs de marchandage, prêt illicite de main-d'oeuvre et infractions à la législation sur le travail temporaire, pour avoir employé des travailleurs détachés, mis à disposition par une société d'intérim de droit polonais, en méconnaissance des règles régissant le travail temporaire, notamment en renouvelant certains contrats de travail plus d'une fois ou sans respecter les délais de carence entre deux missions, pourvoyant ainsi des postes permanents pour une durée de trois ans et plus ; que les juges du premier degré les ont renvoyés des fins de la poursuite ; que le ministère public a relevé appel de la décision ;

Attendu que, pour infirmer le jugement, après avoir écarté l'argumentation des prévenus, qui soutenaient notamment que les dispositions du code du travail incriminant le marchandage et le prêt illicite de main-d'oeuvre ne sont pas applicables aux opérations de détachement temporaire de salariés par une entreprise non établie en France, lesquelles relèvent de règles spécifiques, et déclarer les intéressés coupables des faits, retenus sous les seules qualifications de marchandage et prêt illicite de main-d'oeuvre constituant leur plus haute acception pénale, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de l'appréciation souveraine des juges sur les faits et circonstances de la cause, d'où il résulte que l'opération de prêt de main-d'oeuvre litigieuse, qui a permis de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, a relevé d'une fraude à la loi sur le travail temporaire ayant eu pour effet d'éluder l'application des dispositions protectrices relatives au contrat de travail, ce dont se déduisent, d'une part, le caractère lucratif de l'opération, d'autre part, le préjudice causé aux salariés concernés, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-84795
Date de la décision : 28/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Travail temporaire - Contrat - Prêt de main-d'oeuvre à but lucratif - Prêt de main-d'oeuvre illicite - Marchandage - Caractérisation

N'encourt pas le grief pris d'un défaut de justification du but lucratif des délits de marchandage et prêt illicite de main-d'oeuvre retenus contre une société exploitant une entreprise de travaux publics, à la disposition de laquelle une société d'intérim polonaise avait mis des travailleurs détachés, l'arrêt dont il résulte des énonciations, procédant de l'appréciation souveraine des juges sur les faits et circonstances de la cause, qu'un tel prêt de main-d'oeuvre, qui a permis de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, a relevé d'une fraude à la loi sur le travail temporaire ayant eu pour effet d'éluder l'application des dispositions protectrices relatives au contrat de travail, ce dont se déduisent tant le préjudice causé aux salariés concernés que le caractère lucratif de l'opération


Références :

articles L. 1251-5 et L. 8241-1 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 30 juin 2015

Sur la caractérisation du but lucratif de l'opération de prêt de main-d'oeuvre, à rapprocher : Soc., 18 mai 2011, pourvoi n° 09-69175, Bull. 2011, V, n° 117 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 mar. 2017, pourvoi n°15-84795, Bull. crim.Bull. crim. 2017, n° 93
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle Bull. crim. 2017, n° 93

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Desportes
Rapporteur ?: M. Talabardon
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.84795
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