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22/03/2017 | FRANCE | N°16-13365

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 mars 2017, 16-13365


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte sous signature privée du 30 juillet 1998, M. Y... et six autres personnes ont promis de céder à Alain A... des actions de la société MD finances ; que cette promesse contenait une clause de révision du prix prévoyant qu'une créance détenue par la société Complice, inscrite dans les comptes de la société MD finances, serait versée à M. Y... si la somme en cause n'avait pas fait l'objet d'une réclamation avant l'acquisition de la prescription décenna

le ; que la société AM finances, créée par Alain A... le 30 septembre 1998...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte sous signature privée du 30 juillet 1998, M. Y... et six autres personnes ont promis de céder à Alain A... des actions de la société MD finances ; que cette promesse contenait une clause de révision du prix prévoyant qu'une créance détenue par la société Complice, inscrite dans les comptes de la société MD finances, serait versée à M. Y... si la somme en cause n'avait pas fait l'objet d'une réclamation avant l'acquisition de la prescription décennale ; que la société AM finances, créée par Alain A... le 30 septembre 1998, devenue propriétaire de la totalité des actions de la société MD finances, a absorbé celle-ci, puis a été mise en liquidation judiciaire ; qu'ayant appris du liquidateur que l'actif ne permettrait pas de désintéresser les créanciers chirographaires, M. Y... a assigné Mme Z..., prise en sa qualité d'épouse commune en biens d'Alain A..., décédé le [...]           , ainsi que Mmes A..., en leur qualité d'héritières de leur père, pour obtenir paiement d'une certaine somme en exécution de la clause de révision du prix des actions ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1397 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, applicable en la cause, ensemble les articles 1413 et 1483, alinéa 1er, du même code ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action de M. Y... à l'encontre de Mme Z..., l'arrêt, après avoir constaté qu'Alain A... et Mme Z..., mariés sous le régime de la communauté, avaient opté pour celui de la séparation de biens par acte du 6 mai 1999 et que ce changement avait été homologué par un jugement du 22 février 2000, publié le 22 novembre 2001, retient, par motifs propres et adoptés, que ce changement de régime matrimonial est opposable à M. Y..., qui ne peut donc poursuivre le recouvrement de sa créance à l'encontre de l'épouse ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme Z... pouvait être poursuivie, après la date à laquelle le changement de régime matrimonial était devenu opposable aux tiers, au titre de l'engagement contracté par son époux envers M. Y... pendant la durée du régime de communauté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur la deuxième branche de ce moyen :

Vu l'article 1415 du code civil ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient encore qu'Alain A... a emprunté la somme de 7 000 000 de francs pour financer l'acquisition des actions, que l'acte de cession mentionnait que l'obtention de ce prêt était une condition suspensive de sa réalisation et que dès lors que Mme Z... n'a pas consenti à cet emprunt, les dispositions de l'article 1415 du code civil ont vocation à s'appliquer ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'engagement souscrit par Alain A... au profit de M. Y... concernant la révision de prix n'était pas assimilable à un emprunt, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 795 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action de M. Y... à l'encontre de Mmes A..., l'arrêt retient que les articles 795 et suivants du code civil ne peuvent être utilement invoqués par celui-ci dès lors qu'elles n'ont à aucun moment procédé à la déclaration permettant d'invoquer le bénéfice d'inventaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les délais de l'article 795 du code civil étant expirés, Mmes A..., qui n'avaient pas opté, pouvaient être poursuivies par M. Y... en qualité d'héritières pures et simples, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne Mme Z... et Mmes Cécile et Laurène A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action de M. Y... à l'encontre de Mme Z... ;

Aux motifs propres que les époux A... avaient changé de régime matrimonial, optant pour le régime de la séparation de biens par acte notarié du 6 mai 1999, modification soumise de droit à homologation du fait de la présence de deux enfants encore mineurs ; que ce changement de régime matrimonial avait été homologué par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre le 22 février 2000, publié le 22 novembre 2001 en marge de l'acte de mariage ; que cette modification était opposable aux créanciers dont la créance était née antérieurement au changement de régime, créanciers auxquels avait été précisément reconnu un droit d'opposition dans l'hypothèse où ce changement aurait pour unique objet de porter atteinte à leurs droits ; qu'il n'était pas allégué par M. Y... que l'état liquidatif avait été effectué de façon hâtive en vue de contrer toute opposition et qu'une action paulienne aurait été engagée ; que M. Y... ne pouvait valablement soutenir que le changement de régime matrimonial était sans influence sur le sort des créances antérieures, dès lors que les créanciers désignés par l'article 1397 du code civil incluaient nécessairement ceux dont la créance était née avant le changement de régime matrimonial et qui pouvaient s'y opposer ; que par ailleurs, chacun des époux ne pouvait engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins qu'ils n'aient été consentis avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui dans ce cas, n'engageait pas ses biens propres ; que M. A... avait emprunté la somme de sept millions de francs pour financer l'achat des actions et l'acte de cession mentionnait que l'obtention de ce prêt était une condition suspensive de sa réalisation ; que dès lors que Mme Z... n'avait pas consenti à l'emprunt, les dispositions de l'article 1415 avaient vocation à s'appliquer ; qu'en outre, Mme Z... et M. A... avaient divorcé par jugement du 16 novembre 2006 ; que les demandes formées par M. Y... étaient donc irrecevables en ce qu'elles étaient dirigées contre Mme Z... ; et aux motifs, adoptés du tribunal, que le changement de régime matrimonial s'imposait même aux créanciers dont la créance était née antérieurement au changement de régime matrimonial ; que par acte authentique du [...] , les époux A... avaient changé de régime matrimonial et avaient adopté le régime de la séparation des biens ; que ce changement de régime matrimonial avait été homologué par jugement du 22 février 2000, publié le 22 novembre 2001 ; que M. Y... ne démontrait pas s'y être opposé ; que le changement de régime matrimonial était donc opposable à M. Y... qui ne pouvait valablement poursuivre le recouvrement de sa créance contre Mme Z... en sa qualité d'épouse ; qu'en outre, M. Y... ne pouvait poursuivre son action contre Mme Z... en sa qualité d'héritière dès lors que les époux A... avaient divorcé le 16 novembre 2006 avant le décès de M. A... ;

Alors 1°) que le changement de régime matrimonial, opposable aux tiers trois mois après sa mention en marge de l'acte de mariage, est sans influence sur le sort des créances nées antérieurement à ce changement ; qu'en ayant considéré que le changement du régime de communauté entre époux en régime de séparations de biens était opposable aux créanciers dont la créance est née antérieurement au changement de régime, la cour d'appel a violé l'article 1397 du code civil ;

Alors 2°) que la règle selon laquelle chaque époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt ne s'applique pas à l'engagement pris par le bénéficiaire d'une promesse de vente d'actions de remettre toutes sommes issues des révisions de prix entre les mains du promettant ; qu'en faisant application de cette règle à la créance détenue par la société Complices, inscrite dans les comptes de la société MD Finances, due à M. Y... si cette somme ne faisait pas l'objet d'une réclamation de la part du concédant avant que ne soit acquise la prescription décennale, la cour d'appel a violé l'article 1415 du code civil ;

Alors 3°) que le divorce intervenu entre les époux n'a aucune influence sur le sort des dettes entrées en communauté avant son prononcé ; qu'en approuvant le tribunal d'avoir déclaré irrecevable l'action de M. Y... contre Mme Z... en sa qualité d'héritière en raison du divorce des époux prononcé le 16 novembre 2006, quand l'action de M. Y... était exclusivement fondée sur sa qualité de co-obligée, s'agissant d'une dette entrée dans le passif de la communauté, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1413 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action de M. Y... contre les consorts A... ;

Aux motifs propres que s'agissant des demandes dirigées contre Cécile et Laurène A..., prises en leur qualité d'héritières de leur père, le décès de celui-ci étant survenu le [...]           , les dispositions issues de la loi du 23 juin 2006, portant réforme des successions et libéralités, n'étaient pas applicables, n'étant entrées en vigueur que le 1er janvier 2007 ; que Cécile et Laurène A... n'avaient pas accepté la succession de leur père, expressément ou tacitement ; que le fait pour elles de vivre dans ce qui fut un bien commun ne pouvait être interprété comme un acte d'acceptation de la succession, puisque ce bien était devenu un bien propre de leur mère lors de la liquidation de la communauté ayant suivi le changement de régime matrimonial ; que les juges avaient, avec raison, rappelé que la sommation interpellative délivrée à l'initiative de M. Y... le 9 mars 2012, au visa des dispositions nouvelles, ne pouvait produire effet ; que les dispositions issues des articles 795 anciens et suivants du code civil ne pouvaient utilement être invoquées par Michel Y... dès lors que les consorts A... n'avaient, à aucun moment, procédé à la déclaration permettant d'invoquer le bénéfice d'inventaire ; qu'il n'était fait état d'aucun acte pouvant être interprété comme l'acceptation de la succession de leur père, étant observé que l'affirmation contenue dans l'acte de notoriété n'emportait pas, par elle-même, acceptation de la succession et ce, par application de l'article 730-2 du code civil applicable aux successions ouvertes depuis le 1er juillet 2002 ; que c'était avec raison que le tribunal avait jugé que les consorts A... disposaient d'un délai de trente ans pour opter et que leur défense à la présente action en justice menée par M. Y... était un acte conservatoire de leur part qui ne pouvait s'analyser comme une acceptation de la succession ; qu'enfin, la prescription du délai donné à l'héritier pour exercer son droit d'option était une prescription extinctive, de telle sorte que si ce délai était expiré depuis 2013, les consorts A... seraient, en tout état de cause, réputés avoir renoncé à la succession de leur père ; et aux motifs, adoptés du tribunal, que la loi du 23 juin 2006, portant réforme des successions et libéralités, était entrée en vigueur le 1er janvier 2007 et n'était donc pas applicable à la succession de M. A... ouverte le 12 décembre 2006 ; que les consorts A... n'avaient pas expressément accepté la succession de leur père et disposaient à cet effet d'un délai de trente ans pour le faire, conformément à l'article 789 ancien du code civil ; qu'il importait peu que M. Y... leur ait fait sommation le 9 mars 2012, dès lors que les nouvelles dispositions de la loi du 23 juin 2006, prévoyant la possibilité pour le créancier de faire sommation aux héritiers, ne s'appliquaient pas au jour de l'ouverture de la succession de M. A... ; que le délai de trois mois et quarante jours pour opter, invoqué par M. Y..., ne saurait être opposé aux consorts A..., dès lors que ce délai s'appliquait uniquement au successible pour faire inventaire et délibérer, conformément à l'article 795 ancien du code civil et qu'il n'était pas rapporté la preuve que les défenderesses avaient accompli les formalités légales imposées pour obtenir le bénéfice d'inventaire ; que l'acceptation était tacite quand un héritier faisait un acte supposant nécessairement son intention d'accepter ; qu'il ressortait des pièces versées aux débats que les consorts A... avaient signé un acte de notoriété après le décès de leur père ; que l'affirmation, dans l'acte de notoriété, n'emportait pas, en elle-même, acceptation de la succession ; qu'en outre, la défense à l'action exercée par M. Y... était un acte conservatoire qui ne supposait pas nécessairement leur intention d'opter ; qu'il n'était donc pas démontré que Mmes A... avaient expressément ou tacitement accepté la succession de leur père ; que l'action dirigée à leur encontre, en tant qu'héritières de leur père, était donc irrecevable ;

Alors que si l'expiration du délai pour faire inventaire et délibérer établi par l'article 795 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, n'a pas pour effet de rendre acceptant pur et simple le successible qui n'a pas encore fait connaître sa position, elle l'oblige à prendre parti sur l'acceptation pure et simple ou sur le bénéfice d'inventaire, à défaut de quoi il doit être condamné comme héritier pur et simple envers le créancier successoral ; qu'en énonçant que cette règle ne pouvait être utilement invoquée par M. Y... dans la mesure où les consorts A... n'avaient pas procédé à la déclaration permettant d'invoquer le bénéfice d'inventaire, la cour d'appel a violé l'article 795 ancien du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-13365
Date de la décision : 22/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

REGIMES MATRIMONIAUX - Communauté entre époux - Dissolution - Effets - Dette contractée par l'un des époux - Dette née antérieurement à l'adoption du régime de séparation de biens - Action d'un créancier à l'encontre du conjoint - Possibilité - Opposabilité aux tiers du changement de régime - Absence d'influence

Un créancier peut poursuivre un époux, après la date à laquelle le changement de régime matrimonial de la communauté en séparation de biens est devenu opposable aux tiers, au titre de l'engagement contracté par l'autre époux pendant la durée du régime de communauté


Références :

article 1397 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006

articles 1413 et 1483, alinéa 1, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 décembre 2015

A rapprocher :1re Civ., 17 mars 1992, pourvoi n° 90-12768, Bull. 1992, I, n° 82 (1) (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 mar. 2017, pourvoi n°16-13365, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13365
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