LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2015), qu'un jugement a prononcé le divorce de M. [R] et de Mme [P] ; qu'ils avaient acquis au cours du mariage un immeuble situé en France ; que des difficultés sont survenues lors des opérations de liquidation et de partage de leurs intérêts patrimoniaux ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que, Mme [P] fait grief à l'arrêt de déclarer la loi française applicable à la liquidation de l'indivision immobilière entre les parties ;
Attendu qu'après avoir constaté que les époux avaient choisi le régime matrimonial espagnol de la séparation de biens et relevé, par motifs adoptés, qu'en application de l'article 1141 du code civil espagnol permettant d'établir la nature des biens acquis pendant le mariage, l'immeuble était réputé appartenir aux époux par moitié, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision en déduisant de ces énonciations que la loi applicable à ce bien immobilier indivis était la loi du lieu de sa situation ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [P] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme [P]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR dit que la loi française était applicable à la liquidation de l'indivision immobilière entre les parties,
AUX MOTIFS QUE les époux avaient signé le 1er septembre 1993 un contrat de mariage aux termes duquel ils avaient expressément opté pour le régime espagnol de séparation de biens ; qu'ils n'avaient adopté aucune autre convention modifiant ce régime ; que le régime matrimonial des parties était en conséquence le régime de séparation de biens espagnol ; que les époux avaient toutefois fait l'acquisition le 6 septembre 1999 d'un bien immobilier sis à [Adresse 2] aux termes d'un acte qui précisait que chacun d'eux était acquéreur à concurrence de la moitié indivise ; que ce bien était donc, de convention expresse, un bien indivis entre les parties ; qu'en droit international privé, le régime de l'indivision conventionnelle portant sur un bien immobilier relevait de la loi du lieu de situation de l'immeuble, soit, en l'espèce, la loi française, laquelle avait vocation à régir la liquidation de l'indivision et la détermination des créances entre indivisaires ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la notion de liquidation stricto sensu n'avait pas de sens en matière de séparation de biens, raison pour laquelle la loi espagnole comme la loi française ne prévoyait aucune disposition spécifique en la matière, contrairement aux chapitres consacrés dans les deux lois à la liquidation du régime de la communauté de biens ; que les créances entre époux ou les créances d'indivision ne relevaient pas de dispositions contenues dans les chapitres consacrés aux régimes matrimoniaux tant dans le droit espagnol que dans le droit français sauf dispositions spécifiques en droit français concernant la revalorisation des créances entre époux ; que les créances entre époux étaient réglées par le droit commun des obligations ; que les créances d'indivision étaient régies par les règles de l'indivision dans les deux droits ; qu'or, en droit international privé, le régime de l'indivision relevait de la loi du lieu de situation de l'immeuble, soit en l'espèce la loi française,
ALORS QUE la loi du régime matrimonial en détermine les règles de liquidation sauf dans le cas où les époux, capables et maîtres de leurs droits, sont convenus dans leurs rapports réciproques, d'une liquidation sur des bases différentes ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le régime matrimonial des époux [P]-[R] était celui de la séparation des biens de droit espagnol ; qu'en retenant néanmoins que le bien immobilier litigieux, acquis par les époux pendant leur mariage, relevait d'une convention d'indivision de droit commun régie par la loi du lieu de situation de l'immeuble, soit la loi française, sans faire application de la loi espagnole dont la compétence était revendiquée par Mme [P], ni rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, le contenu de ce droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIREIL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR dit que M. [R] détenait à l'égard de l'indivision une créance de 438.582,49 € au titre de son apport effectué pour l'acquisition du bien indivis,
AUX MOTIFS QUE M. [R] produisait l'acte de vente de son bien propre sis à [Adresse 3] en date du 28 juillet 1999, copie du relevé de son compte bancaire personnel à la BRED qui révélait, au 3 septembre 1999, un débit de 1.237.500 francs, et un extrait de la comptabilité du notaire ayant reçu l'acte de vente montrant l'inscription au crédit, ce même mois de septembre 1999, d'une somme de 1.237.000 francs; que ces éléments étaient de nature à établir que M. [R] avait effectivement financé de ses deniers personnels la partie du prix d'acquisition payée comptant, soit 1.237.500 francs (188.655,66 €) ; que selon l'article 815-13 du code civil « lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps de partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés » ;
que M. [R] ayant financé l'intégralité de l'apport initial pour un montant de 188.655,66 € sur le prix total d'acquisition qui s'était élevé à 387.994,07 €, sachant que le bien était évalué à 902.000 €, il convenait de fixer, eu égard aux dispositions précitées, sa créance à l'égard de l'indivision à 438.582,49 € ; que si Mme [P] justifiait avoir contracté le 6 mai 1996, auprès de l'OCIL et seule, son époux étant alors sans emploi, un prêt de 110.000 francs destiné à financer des travaux dans le bien propre de M. [R] situé à [Adresse 3], ce bien avait constitué le premier domicile conjugal des parties ; que l'article 1438 du code civil espagnol, applicable ne s'agissant plus du régime de l'indivision conventionnelle, disposait que les époux contribuaient aux charges du mariage et qu'en l'absence de convention, cette contribution était proportionnelle à leurs ressources ; que la dépense invoquée par Mme [P], qui ne démontrait pas qu'elle eût excédé ses facultés contributives, ne lui permettait donc pas de prétendre au bénéfice de la plus-value que l'immeuble de [Adresse 3] aurait acquise à sa revente en 1999,
ALORS, D'UNE PART, QUE si l'article 815-13 du code civil autorise un indivisaire qui a personnellement contribué à l'acquisition d'un bien indivis dans des proportions supérieures à sa propre quote-part de droit indivis à être indemnisé par l'indivision, une telle indemnité ne peut lui être accordée par les juges du fond qu'en considération de la preuve de la provenance des fonds et de la cause de ce paiement; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir qu'il ressortait des pièces produites aux débats que la part de prix payée comptant pour l'acquisition du bien litigieux provenait des deniers personnels de M. [R], la cour d'appel s'est déterminée en considération de la seule provenance des fonds, sans apprécier la cause de cette contribution, qui pouvait pourtant procéder d'une simple intention libérale de M. [R] à l'égard de son épouse, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-13 du code civil,
ALORS, D'AUTRE PART, QU'un indivisaire ne peut prétendre à une telle indemnité lorsqu'il a renoncé sans équivoque, expressément ou tacitement, à se prévaloir de son apport personnel ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir que M. [R] avait financé sur ses deniers personnels la part de prix payée comptant, ce qui lui ouvrait droit à indemnité, sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, si la mention dans l'acte de vente d'une acquisition indivise par les deux époux chacun pour moitié sans clause de remploi, la circonstance que le juge du divorce eût tenu compte de l'égalité des droits des époux dans l'indivision pour refuser à l'épouse le versement d'une prestation compensatoire et le défaut de réponse de M. [R] à l'injonction de faire connaître sa position quant à sa quote-part dans l'indivision, n'étaient pas de nature à caractériser sa renonciation à se prévaloir d'une quelconque créance sur l'indivision au titre de sa contribution personnelle à l'acquisition du bien litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du même texte.