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22/03/2017 | FRANCE | N°15-14875

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 mars 2017, 15-14875


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 janvier 2015), que M. [L], gérant de la société Allegro Partners (la société Allegro), a transmis, le 29 décembre 2011, à M. [F], dirigeant de la société Groupe [V] [F] (la société [F]), une lettre d'intention confirmant l'intérêt de sa société pour la reprise de la totalité des actifs de la société [F] à un certain prix ; qu'après plusieurs modifications du projet de cession, M. [L] a adressé, le 6 mars 2012, une nouvelle lettre d'intention d'acquÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 janvier 2015), que M. [L], gérant de la société Allegro Partners (la société Allegro), a transmis, le 29 décembre 2011, à M. [F], dirigeant de la société Groupe [V] [F] (la société [F]), une lettre d'intention confirmant l'intérêt de sa société pour la reprise de la totalité des actifs de la société [F] à un certain prix ; qu'après plusieurs modifications du projet de cession, M. [L] a adressé, le 6 mars 2012, une nouvelle lettre d'intention d'acquérir la totalité des actions de la société [F] sous diverses conditions ; que M. [F] a donné son accord ; que lors du rendez-vous de signature du protocole de cession le 6 avril 2012, une divergence d'interprétation de la clause concernant le prix est apparue entre les parties et la cession n'a pas été conclue ; que la société [F] et ses associés ont assigné la société Allegro en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des pourparlers ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Allegro fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société [F] la somme de 107 160 euros au titre de la rupture abusive des pourparlers et de rejeter sa demande d'imputation à M. [F] de la rupture fautive de ces pourparlers et de dommages-intérêts de ce chef alors, selon le moyen :

1°/ que pour justifier que la rupture des pourparlers engagés avec la société [F] était intervenue à l'initiative de cette dernière, la société Allegro avait fait valoir qu'en l'état du désaccord survenu sur le sens et la portée de la lettre d'intention relative aux conditions du prix de cession, elle avait, consécutivement à l'échec de la réunion intervenue entre les parties, le 6 avril 2012, reformulé une offre d'acquisition par courriel du 27 avril 2012, qui avait été refusée par les associés de la société [F] par une lettre du 4 mai 2012, lesquels avaient alors exigé la régularisation de la vente selon les termes du protocole du 6 avril 2012 ; que pour écarter ce moyen, la cour a retenu que la société Allegro ne pouvait se prévaloir de ces circonstances dès lors qu'elle avait été elle-même « l'initiatrice » de la rupture des pourparlers, « qui était alors consommée » au moment des propositions réitérées par cette société et, a fortiori, du refus qu'y a opposé la société [F] ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir retenu aucun acte exprimant la volonté, claire et sans équivoque, de la société Allegro d'opérer une rupture des pourparlers en cours, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que la cour d'appel a constaté qu'au 6 avril 2012, les pourparlers étaient toujours en cours, de sorte que leur rupture était en principe libre, et qu'il existait une divergence d'interprétation sur les stipulations de la lettre d'intention relatives au prix ; qu'elle a cependant jugé que la société Allegro avait abusivement rompu ces pourparlers « en modifiant unilatéralement, sans motif, ni explication préalable, à quelques jours d'un rendez-vous qui devait être consacré à la signature des actes juridiques concluant une cession négociée avec sérieux depuis quelques semaines dont les conditions de détermination du prix envisagé étaient fixées par des projets rédigés pour l'essentiel par ses conseils » ; qu'en se déterminant ainsi, sans indiquer la nature de cette « modification » prétendument introduite dans les conditions de détermination du prix ni en quoi elle rompait avec l'interprétation que la société Allegro soutenait avoir toujours fait de ces conditions, qui étaient celles de son propre engagement, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ que, selon les constatations de la cour, le prix de la cession - à supposer qu'il ait été l'objet de la « modification » invoquée par l'arrêt - n'avait donné lieu à aucun accord « ferme et définitif » au 6 avril 2012, aucune « discussion tangible » n'étant intervenue « quant à son calcul définitif, aux valeurs à retenir et aux modalités précises de paiement » et les parties n'ayant pas « la même interprétation de la portée de la clause relative au "prix d'acquisition initial" » ; qu'il s'ensuit que le prix et les modalités de sa fixation, n'ayant jamais été fixés « dans "des termes mutuellement acceptables" », n'étaient pas susceptibles d'avoir été « modifiés unilatéralement » par la société Allegro ; qu'en jugeant supposément le contraire, la cour a violé l'article 1382 du code civil ;

4°/ que la cour d'appel a retenu qu'il n'existait, au 6 avril 2012, aucun accord ferme et définitif sur le prix entre les parties, lesquelles n'avaient pas la même interprétation de la portée de la clause relative au "prix d'acquisition initial", de « rédaction complexe » ; qu'il s'ensuit que ce prix, ambigu et sujet à interprétations divergentes, n'ayant pas été fixé en des termes « mutuellement acceptables » à cette date, chaque partie demeurait libre de discuter ces termes dans le cadre des pourparlers subsistants, sans que son refus de l'interprétation de l'autre, nouvellement découverte, pût lui être imputé comme une rupture, abusive de surcroît ; que la société Allegro, en particulier, était en droit de soutenir la validité de sa propre interprétation, sans être tenue d'accepter purement et simplement des conditions qu'elle n'avait jamais entendu admettre ni donner aux stipulations contestées un sens unilatéralement défini par la société [F] ; que pour juger que la société Allegro avait brutalement rompu les pourparlers, la cour d'appel a retenu, par motifs supposément adoptés, qu'elle avait provoqué « la remise en cause tardive de la valorisation de l'entreprise, élément essentiel de l'accord envisagé » ; qu'en se déterminant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que la société Allegro n'avait fait qu'user de son droit de négocier des termes, ambigus, dont il était récemment apparu qu'ils étaient diversement interprétés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait de la lettre d'intention et du projet d'acte de cession du 6 avril 2012 que les stipulations relatives au prix pouvaient être interprétées comme garantissant au cédant un prix minimum de un million d'euros et que seul le complément de prix ferait l'objet de diminutions éventuelles en fonction de l'excédent brut d'exploitation et de la dette nette, la notion de besoin en fonds de roulement négatif étant absente de ces documents, l'arrêt retient que, le 6 avril 2012, M. [L] a prétendu que le prix de cession était affecté en totalité par la déduction de la dette nette et du besoin en fonds de roulement négatif ; qu'il ajoute que la modification du projet de protocole de cession par la société Allegro est intervenue de manière unilatérale, sans explication préalable, à quelques jours d'un rendez-vous qui devait être consacré à la signature des actes juridiques concluant une cession, négociée avec sérieux depuis plusieurs semaines et dont les conditions de détermination de prix étaient fixées par des projets rédigés pour l'essentiel par les conseils de la société Allegro ; que l'arrêt en déduit que c'est au cours du rendez-vous du 6 avril 2012 que s'est manifestée la divergence sur le prix et qu'a été consommée la rupture des pourparlers à l'initiative de la société Allegro, qui ne pouvait, dès lors, se fonder sur des propositions dont elle avait saisi sa partenaire après cette date pour prétendre lui imputer la responsabilité de la rupture ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Allegro fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit se prononcer sur, et uniquement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, les consorts [F] n'ont présenté aucune demande relative à l'indemnisation du « temps mobilisé en pure perte » dans le dispositif de leurs conclusions ; qu'en décidant dès lors de leur accorder de ce chef une indemnisation, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que les consorts [F], qui n'ont pas présenté de demande d'indemnisation du chef de la perte du temps mobilisé en pure perte dans le dispositif de leurs écritures, ont explicitement indiqué, dans les motifs de ces dernières, que « le groupe [V] [F] n'évalue pas toutes les heures qui ont été passées pour la réalisation de cette opération comme le fait de manière absolument scandaleuse Allegro Partners (...) » ; qu'en décidant dès lors de condamner la société Allegro à leur payer de ce chef une somme de 60 000 euros, au titre d'une réparation qui, du propre aveu des intéressés, n'était ni invoquée ni a fortiori chiffrée, la cour a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que le juge doit se prononcer sur, et uniquement sur ce qui est demandé ; qu'en condamnant dès lors la société Allegro Partners à payer une somme de 20 000 euros aux consorts [F] en raison d'une « gêne nécessaire » occasionnée par l'engagement de M. [F], dans le cadre des négociations, de s'interdire toute opération, sauf accord de M. [L], excédant la gestion courante de la société [F], quand les consorts [F] n'avaient présenté aucune demande de ce chef, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en décidant dès lors de condamner la société Allegro à payer aux consorts [F] une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, en raison de cette « gêne nécessaire » dont les consorts [F] n'avaient ni demandé la réparation ni proposé une évaluation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que, saisie d'une demande de condamnation à des dommages-intérêts d'un montant de 500 000 euros en réparation des préjudices résultant de la rupture abusive des pourparlers, la cour d'appel a souverainement apprécié, sans excéder sa saisine, l'existence et l'étendue du préjudice résultant des dépenses inutiles causées par la négociation et les mesures qu'elle a nécessitées ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Allegro Partners aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Groupe [V] [F] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Allegro Partners

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Allegro Partners à payer à la société Groupe [V] [F] la somme de 107.160 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture abusive des pourparlers et de l'avoir déboutée de sa demande d'imputation à M. [F] de la rupture fautive de ces pourparlers et de dommages et intérêts de ce chef,

AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre d'intention du 6 mars 2012 est destinée à « formaliser l'intention préliminaire de la société Allegro », au conditionnel, et, sous une rubrique « prix », dont la rédaction est complexe, les modalités de valorisation de l'entreprise selon les détails précédemment cités fonctionnant en partie par hypothèses non encore vérifiées ; qu'elle prévoit la rédaction de la documentation juridique incluant le protocole d'acquisition dont les termes devaient être « mutuellement acceptables » ; que la garantie d'actif et de passif négociée entre les parties faisait encore l'objet de modifications la veille du rendez-vous prévu pour la signature de la "documentation juridique" puisqu'une nouvelle version amendée en était transmise le 5 avril 2012 par le conseil de M. [F] à celui de M. [L], sans acceptation établie de ce dernier ; que, comme l'ont retenu les premiers juges, les échanges versés au dossier ayant eu lieu entre les conseils respectifs entre le 6 mars et début avril 2012 n'ont pas porté sur le prix et aucune discussion tangible n'est rapportée quant à son calcul définitif, aux valeurs à retenir et aux modalités précises de paiement ; qu'en conséquence, il n'existait pas avant le 6 avril 2012 un accord ferme et définitif des parties sur le prix ; que, de plus, la perfection de la cession était renvoyée à l'établissement du protocole d'acquisition dans des termes « mutuellement acceptables » et il est apparu dans les jours précédant le rendez-vous du 6 avril 2012 que les parties n'avaient pas la même interprétation de la portée de la clause relative au « prix d'acquisition initial » figée pour la société [F], mais à finaliser après discussions selon la société Allegro, ce qui a rendu impossible la signature du protocole de cession, faute d'accord sur le prix de cession ; que la qualification dans des écritures de la société Allegro du rendez-vous du 6 avril de rendez-vous de « signature » n'a aucune portée et ne modifie pas le fait qu'il n'existait à cette date aucun accord ferme sur le prix ;

ET QUE la rupture s'est manifestée lors du rendez-vous du 6 avril 2012 en considération de la divergence portant sur le prix, M. [F] estimant que le prix de un million d'euros était dû, dans tous les cas, à la signature de l'acte de cession, tandis que M. [L] prétendait distinguer la valorisation des actifs et le prix de cession, ce dernier étant affecté selon lui en totalité par la déduction de la dette nette et du besoin en fonds de roulement normatif; qu'il résulte tant de la lettre d'intention que du projet d'acte de cession du 6 avril 2012 que les stipulations relatives au prix pouvaient légitimement être interprétées comme garantissant au cédant un prix minimum de un million d'euros, seul le complément de prix faisant l'objet de diminutions éventuelles en fonction de l'excédent brut d'exploitation et de la dette nette, la notion de besoin en fonds de roulement négatif étant absente de ces documents ; que les pourparlers étant toujours en cours, leur rupture par l'une des parties était en principe libre ; que cependant, en modifiant unilatéralement, sans motif, ni explication préalable, à quelques jours d'un rendez-vous qui devait être consacré à la signature des actes juridiques concluant une cession négociée avec sérieux depuis plusieurs semaines dont les conditions de détermination du prix envisagé étaient fixées par des projets rédigés pour l'essentiel par ses conseils, la société Allegro a commis une faute constitutive d'un abus dans l'exercice de son droit de rompre les pourparlers ; qu'elle ne peut en aucun cas se fonder sur les propositions dont elle a saisi son partenaire après cette rupture pour prétendre lui imputer la responsabilité d'une rupture dont elle est l'initiatrice et qui était alors consommée ; que la société Allegro, qui a entretenu son partenaire jusqu'au début avril 2012 dans la croyance de la conclusion d'un contrat aux conditions résultant de la lettre d'intention, doit indemniser les préjudices induits par la participation de la société [F] au processus de négociation, à savoir les dépenses inutiles causées par la négociation et les mesures qu'elle a nécessitées ;

ET AUX MOTIFS supposément adoptés ADOPTÉS QUE la remise en cause tardive de la valorisation de l'entreprise, élément essentiel de l'accord envisagé, au moment des signatures entérinant le rachat du groupe [V] [F], sans qu'aucune remarque préalable ait été formulée concernant le prix par Allegro Partners, est une manoeuvre déloyale qui a provoqué la rupture brutale des négociations, qui est imputable à l'action d'Allegro Partners, qui porte la responsabilité de cette faute ;

1° ALORS QUE pour justifier que la rupture des pourparlers engagés avec la société Groupe [V] [F] était intervenue à l'initiative de cette dernière, la société Allegro Partners avait fait valoir qu'en l'état du désaccord survenu sur le sens et la portée de la lettre d'intention relative aux conditions du prix de cession, elle avait, consécutivement à l'échec de la réunion intervenue entre les parties, le 6 avril 2012, reformulé une offre d'acquisition par courriel du 27 avril 2012, qui avait été refusée par les associés de la société Groupe [F] par une lettre du 4 mai 2012, lesquels avaient alors exigé la régularisation de la vente selon les termes du protocole du 6 avril 2012 ; que pour écarter ce moyen, la cour a retenu que la société Allegro Partners ne pouvait se prévaloir de ces circonstances dès lors qu'elle avait été elle-même « l'initiatrice » de la rupture des pourparlers, « qui était alors consommée » au moment des propositions réitérées par cette société et, a fortiori, du refus qu'y a opposé la société Groupe [V] [F] ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir retenu aucun acte exprimant la volonté, claire et sans équivoque, de la société Allegro Partners d'opérer une rupture des pourparlers en cours, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2° ALORS QUE la cour a constaté qu'au 6 avril 2012 les pourparlers étaient toujours en cours, de sorte que leur rupture était en principe libre, et qu'il existait une divergence d'interprétation sur les stipulation de la lettre d'intention relatives au prix ; qu'elle a cependant jugé que la société Allegro Partners avait abusivement rompu ces pourparlers « en modifiant unilatéralement, sans motif, ni explication préalable, à quelques jours d'un rendez-vous qui devait être consacré à la signature des actes juridiques concluant une cession négociée avec sérieux depuis quelques semaines dont les conditions de détermination du prix envisagé étaient fixées par des projets rédigés pour l'essentiel par ses conseils » ; qu'en se déterminant ainsi, sans indiquer la nature de cette « modification » prétendument introduite dans les conditions de détermination du prix ni en quoi elle rompait avec l'interprétation que la société Allegro Partners soutenait avoir toujours fait de ces conditions, qui étaient celles de son propre engagement, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3° ALORS, en toute hypothèse. QUE, selon les constatations de la cour, le prix de la cession - à supposer qu'il ait été l'objet de la « modification » invoquée par l'arrêt - n'avait donné lieu à aucun accord « ferme et définitif » au 6 avril 2012, aucune «discussion tangible» n'étant intervenue « quant à son calcul définitif, aux valeurs à retenir et aux modalités précises de paiement » et les parties n'ayant pas « la même interprétation de la portée de la clause relative au "prix d'acquisition initial" » (arrêt, p. 9, § 2) ; qu'il s'ensuit que le prix et les modalités de sa fixation, n'ayant jamais été fixés « dans "des termes mutuellement acceptables" » (loc. cit.), n'étaient pas susceptibles d'avoir été « modifiés unilatéralement » par la société Allegro Partners ; qu'en jugeant supposément le contraire, la cour a violé l'article 1382 du code civil ;

4° ALORS QUE la cour a retenu qu'il n'existait, au 6 avril 2012, aucun accord ferme et définitif sur le prix entre les parties, lesquelles n'avaient pas la même interprétation de la portée de la clause relative au "prix d'acquisition initial", de « rédaction complexe » (arrêt, p. 8, in fine} ; qu'il s'ensuit que ce prix, ambigu et sujet à interprétations divergentes, n'ayant pas été fixé en des termes « mutuellement acceptables » à cette date, chaque partie demeurait libre de discuter ces termes dans le cadre des pourparlers subsistants, sans que son refus de l'interprétation de l'autre, nouvellement découverte, pût lui être imputé comme une rupture, abusive de surcroît ; que la société Allegro Partners, en particulier, était en droit de soutenir la validité de sa propre interprétation, sans être tenue d'accepter purement et simplement des conditions qu'elle n'avait jamais entendu admettre, ni donner aux stipulations contestées un sens unilatéralement défini par la société [F] ; que pour juger que la société Allegro Partners avait brutalement rompu les pourparlers, la cour a retenu, par motifs supposément adoptés, qu'elle avait provoqué « la remise en cause tardive de la valorisation de l'entreprise, élément essentiel de l'accord envisagé » (jugement, p. 9, § 3) ; qu'en se déterminant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que la société Allegro Partners n'avait fait qu'user de son droit de négocier des termes, ambigus, dont il était récemment apparu qu'ils étaient diversement interprétés, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1382 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Allegro Partners à payer à la société Groupe [V] [F] la somme de 107.160 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture abusive des pourparlers et de l'avoir déboutée de sa demande d'imputation à M. [F] de la rupture fautive de ces pourparlers et de dommages et intérêts de ce chef,

AUX MOTIFS QU' aux frais de notaire inutilement dépensés, il faut ajouter le temps mobilisé en pure perte par la société [F], essentiellement par M. [F], pour participer aux négociations formalisées entre le 29 décembre 2011 et le 6 avril 2012, étudier les projets successifs, recueillir l'accord et les pouvoirs de ses associés au nombre de 17, dommage qui peut être justement compensé par l'octroi d'une somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts ; que dans le cadre des négociations, M. [F] a signé le 19 mars 2012 un engagement de s'interdire, sauf accord préalable et écrit de M. [L], toute opération excédant la gestion courante de la société [F] ; que cet engagement expirait à la signature du contrat de cession ou au plus tard le 15 avril 2012 ; qu'une gêne en est nécessairement résulté dont la brièveté doit néanmoins être soulignée et la société [F] ne fait d'ailleurs état d'aucune opération importante perdue en raison de cet engagement ; qu'une somme de 20.000 euros est de nature à compenser l'entrave limitée dans le temps éprouvée dans la gestion de la société [F], en raison des exigences de la société Allegro ;

1° ALORS QUE le juge doit se prononcer sur, et uniquement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, les consorts [F] n'ont présenté aucune demande relative à l'indemnisation du « temps mobilisé en pure perte » dans le dispositif de leurs conclusions ; qu'en décidant dès lors de leur accorder de ce chef une indemnisation, la cour a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE les consorts [F], qui n'ont pas présenté de demande d'indemnisation du chef de la perte du temps mobilisé en pure perte dans le dispositif de leurs écritures, ont explicitement indiqué, dans les motifs de ces dernières, que « le groupe [V] [F] n'évalue pas toutes les heures qui ont été passées pour la réalisation de cette opération comme le fait de manière absolument scandaleuse Allegro Partners (...) » (p. 37, § 1) ; qu'en décidant dès lors de condamner la société Allegro Partners à leur payer de ce chef une somme de 60.000 euros, au titre d'une réparation qui, du propre aveu des intéressés, n'était ni invoquée ni a fortiori chiffrée, la cour a violé l'article 1382 du code civil ;

3° ALORS QUE le juge doit se prononcer sur, et uniquement sur ce qui est demandé ; qu'en condamnant dès lors la société Allegro Partners à payer une somme de 20.000 euros aux consorts [F] en raison d'une « gêne nécessaire » occasionnée par l'engagement de M. [F], dans le cadre des négociations, de s'interdire toute opération, sauf accord de M. [L], excédant la gestion courante de la société [F], quand les consorts [F] n'avaient présenté aucune demande de ce chef, la cour a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4° ALORS QU'en décidant dès lors de condamner la société Allegro Partners à payer aux consorts [F] une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, en raison de cette « gêne nécessaire » dont les consorts [F] n'avaient ni demandé la réparation, ni proposé une évaluation, la cour a violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-14875
Date de la décision : 22/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 mar. 2017, pourvoi n°15-14875


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.14875
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