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15/03/2017 | FRANCE | N°14-21939

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mars 2017, 14-21939


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Clasquin que sur le pourvoi incident relevé par la société Seretec ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 juin 2014), que la société Seretec, qui exerce une activité d'ingénierie et études techniques, a donné à la société Clasquin, commissionnaire en douane agréé, un mandat de représentation directe aux fins d'accomplir les formalités douanières relatives à des importations d'ouvrages en matière plastique de Chine et d

e [Localité 1] ; qu'à la suite d'une enquête, l'administration des douanes a constat...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Clasquin que sur le pourvoi incident relevé par la société Seretec ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 juin 2014), que la société Seretec, qui exerce une activité d'ingénierie et études techniques, a donné à la société Clasquin, commissionnaire en douane agréé, un mandat de représentation directe aux fins d'accomplir les formalités douanières relatives à des importations d'ouvrages en matière plastique de Chine et de [Localité 1] ; qu'à la suite d'une enquête, l'administration des douanes a constaté que les coûts des moules, outillage et frais d'ingénierie nécessaires à la fabrication des produits importés, facturés séparément à la société Seretec par ses fournisseurs habituels, n'avaient pas été inclus dans la valeur en douane déclarée ; qu'un procès-verbal d'infraction a été notifié, le 20 mars 2008, à la société Seretec qui s'est acquittée des droits et taxes éludés ainsi que d'une amende ; que la société Seretec a assigné la société Clasquin en réparation des préjudices induits par le redressement douanier ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Attendu que la société Clasquin fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est responsable des conséquences dommageables du procès-verbal d'infraction douanière notifié à la société Seretec et de la condamner en conséquence à payer à celle-ci une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que la cour d'appel a constaté que la société Seretec n'avait, ni informé la société Clasquin de l'existence de factures séparées comportant le prix des moules et des prestations d'étude ou d'ingénierie qu'elle avait acquittées auprès de ses fournisseurs asiatiques, ni ne lui avait remis celles-ci ; qu'il en résultait que la société Clasquin, qui a effectué des déclarations aux positions tarifaires correspondant aux seules factures remises par la société Seretec, sans intégrer le prix des moules et des prestations d'étude et d'ingénierie, dont elle ne pouvait savoir qu'il n'était pas inclus dans le prix des ouvrages en matière plastique, et qui n'était pas tenue d'interroger son mandant à cet égard, ni de l'informer d'une réglementation inapplicable au regard des renseignements que lui avait délivrés sa cliente, n'a pas manqué à son obligation de renseignement et de conseil à l'égard de celle-ci-ci ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1991 et suivants du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'en sa qualité de mandataire salarié spécialisé, le commissionnaire en douane doit veiller à ce que la déclaration qu'il effectue soit conforme à la réglementation douanière en vigueur et qu'il lui appartient à ce titre de procéder aux vérifications utiles et de s'assurer de l'obtention de tous les documents nécessaires à la détermination de la valeur à déclarer, l'arrêt retient que la société Clasquin ne pouvait ignorer les dispositions du code des douanes communautaire selon lesquelles, pour déterminer la valeur en douane par application de l'article 29 de ce code, on ajoute au prix payé des marchandises importées la valeur des outils, matrices, moules et objets similaires utilisés dans leur fabrication ainsi que les travaux d'ingénierie d'étude ; qu'il retient encore que, eu égard à la nature des marchandises pour lesquelles elle était chargée de déclarer la valeur en douane, la société Clasquin devait informer son mandant sur le contenu de la réglementation applicable et l'interroger sur le mode de facturation des frais de moules, d'ingénierie et d'études mis en place par ses fournisseurs habituels afin de déterminer si ces frais étaient inclus dans les factures qui lui étaient remises ou s'ils faisaient l'objet d'une facturation séparée dont elle devait alors demander la communication afin de procéder à leur réintégration dans la valeur déclarée ; qu'il constate que ces diligences n'ont pas été accomplies ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir la responsabilité de la société Clasquin ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa seconde branche :

Attendu que la société Seretec fait grief à l'arrêt de condamner la société Clasquin à lui verser une somme limitée à 22 000 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que le principe de la réparation intégrale implique de réparer le préjudice réellement subi par la victime, au besoin en recourant à une mesure d'instruction afin d'en déterminer l'étendue ; qu'en fixant à 6 000 euros la somme qu'il convenait d'attribuer à la société Seretec à titre de dommages-intérêts, après avoir relevé l'insuffisance des preuves fournies par elle sur le quantum exact de son préjudice, la cour d'appel, à qui il appartenait au besoin d'ordonner une mesure d'instruction, a octroyé une somme ne correspondant pas au préjudice effectivement subi par la société Seretec ; qu'en statuant ainsi, elle a violé le principe sus-énoncé, ensemble l'article 1149 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que la société Seretec procède par affirmation de son préjudice sans verser aux débats aucune facture de revente, simulation, ni aucun document émanant d'un expert-comptable attestant de son montant exact ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner la mesure d'instruction invoquée par le moyen pour pallier la défaillance de la société Seretec dans l'administration de la preuve de son préjudice, a souverainement apprécié celui-ci en fonction des éléments dont elle disposait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, ni sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Clasquin.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la société CLASQUIN est responsable des conséquences dommageables du procès-verbal d'infraction douanière notifié à la société SERETEC le 20 mars 2008 de l'avoir condamnée en conséquence à payer à la société SERETEC la somme de 22 000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE l'article 32-1-b) du code des douanes communautaires prévoit que pour déterminer la valeur en douane par application de l'article 29, on ajoute au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées : la valeur, imputée de façon appropriée, des produits et services indiqués ci-après […] dans la mesure où cette valeur n'a pas été incluse dans le prix effectivement payé ou à payer : (ii) outils, matrices, moules et objets similaires utilisés dans la fabrication des marchandises importés, (iv) : travaux d'ingénierie d'étude […] » ; que le procèsverbal conclut que cet article 32-1-b s'applique pour les déclarations en douane visées par le contrôle puisque la valeur des moules et outillages ainsi que des frais d'ingénierie doit être réincorporée ; que compte tenu des explications concordantes sur ce point des parties, il est acquis que les factures séparées comportant le prix des moules et des prestations d'étude ou d'ingénierie acquittées par la société SERETEC auprès de ses fournisseurs asiatiques n'ont pas été remises ni portées à la connaissance de la société CLASQUIN lorsque celle-ci a effectué les déclarations de valeur en douane des marchandises importées par la société SERETEC, qui étaient le résultat de ces moules et études, de sorte que le commissionnaire en douane ne les a intégrées en aucune façon dans les déclarations souscrites au nom de la société SERETEC ; que pour soutenir que son obligation de renseignement et de conseil à l'égard de son mandant était allégée, la société CLASQUIN prétend que la société SERETEC doit être considérée comme un professionnel de l'import export ; qu'à supposer que cette affirmation soit exacte, elle ne confère pas à la société SERETEC la qualité de spécialiste de la réglementation douanière qui est en revanche l'apanage de la société CLASQUIN laquelle ne pouvait ignorer les dispositions du code des douanes communautaires précédemment citées et se devait, eu égard à la nature des marchandises importées pour lesquelles elle était chargée de déclarer la valeur douanière, d'informer la société SERETEC sur le contenu de la règlementation applicable et d'interroger son mandant sur le mode de facturation des frais de moules, d'ingénierie et d'études mis en place par ces fournisseurs habituels afin de déterminer si ces frais étaient inclus dans les factures qui lui étaient remises ou s'ils faisaient l'objet d'une facturation séparée dont elle devait alors demander la communication à la société SERETEC afin de procéder à leur réintégration dans la valeur déclarée ; que la société CLASQUIN n'a réalisé aucune de ces diligences ; qu'elle n'a donc pas rempli son obligation d'information et de conseil à l'égard de la société SERETEC et ne justifie pas avoir interrogé cette dernière pour s'assurer de la conformité à la réglementation des déclarations qu'elle souscrivait en son nom (arrêt, p.4 et 5).

1/ ALORS QUE la Cour d'appel a constaté que la société SERETEC n'avait, ni informé la société CLASQUIN de l'existence de factures séparées comportant le prix des moules et des prestations d'étude ou d'ingénierie qu'elle avait acquittées auprès de ses fournisseurs asiatiques, ni ne lui avait remis celles-ci ; qu'il en résultait que la société CLASQUIN, qui a effectué des déclarations aux positions tarifaires correspondant aux seules factures remises par la société SERETEC, sans intégrer le prix des moules et des prestations d'étude et d'ingénierie, dont elle ne pouvait savoir qu'il n'était pas inclus dans le prix des ouvrages en matière plastique, et qui n'était pas tenue d'interroger son mandant à cet égard, ni de l'informer d'une réglementation inapplicable au regard des renseignements que lui avait délivrés sa cliente, n'a pas manqué à son obligation de renseignement et de conseil à l'égard de celle-ci-ci ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1991 et suivants du Code civil ;

2/ ALORS QU'en toute hypothèse, la Cour d'appel a constaté que la société SERETEC n'avait, ni informé la société CLASQUIN de l'existence de factures séparées comportant le prix des moules et des prestations d'étude ou d'ingénierie qu'elle avait acquittées auprès de ses fournisseurs asiatiques, ni ne lui avait remis celles-ci ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales d'une telle constatation d'où il résultait que la société SERETEC avait commis une faute de nature à exonérer le commissionnaire en douane, au moins pour partie, de la responsabilité qui lui est imputée, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1991 et suivants du Code civil.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils pour la société Seretec.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société CLASQUIN à verser à la société SERETEC la seule somme de 22.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE :
« La société SERETEC fait valoir qu'elle a subi un réel préjudice parce qu'elle n'a pu répercuter à ses propres clients, dans le prix de revente des marchandises importées, le montant des droits de douane ultérieurement redressés et ajoute avoir également subi un préjudice financier en raison de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de mobiliser en peu de temps une somme importante pour acquitter le montant des droits éludés ; que le principe de ces préjudices doit être considéré, mais que force est de constater que la société SERETEC ne produit aucune pièce et ne donne aucune explication sur l'état de trésorerie au moment où elle a acquitté les droits redressés, ni sur les moyens financiers mis en oeuvre pour ce paiement ; que le préjudice lié à la mobilisation de la somme exigée par l'administration doit donc être écarté ; que, s'agissant de l'impossibilité de répercuter sur ses prix de revente les droits de douane éludés, la société SERETEC se contente de procéder par voie d'affirmation, sans verser aux débats aucune facture de revente, simulation, ni aucun document émanant d'un expert-comptable ; que la société SERETEC demanderesse à l'action en responsabilité est ainsi défaillante dans l'administration de la preuve du quantum exact de son préjudice ; qu'en fonction des éléments dont dispose la cour, le préjudice constitutif à l'absence de répercussion sur les clients des droits omis doit être évalué à la somme de 6.000 euros » ;

ALORS, d'une part, QUE le juge ne peut, sans commettre un déni de justice, refuser d'évaluer, au prétexte de l'insuffisance de preuve, le montant du préjudice dont il constate l'existence en son principe ; qu'en refusant, en raison de l'absence de preuve ou d'explications fournies par la société SERETEC, d'évaluer le montant du préjudice qu'elle a subi à raison de la mobilisation rapide des fonds destinés à couvrir les causes du redressement, dont elle avait pourtant constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;

ALORS, d'autre part, QUE le principe de la réparation intégrale implique de réparer le préjudice réellement subi par la victime, au besoin en recourant à une mesure d'instruction afin d'en déterminer l'étendue ; qu'en fixant à 6.000 euros la somme qu'il convenait d'attribuer à la société SERETEC à titre de dommages-intérêts, après avoir relevé l'insuffisance des preuves fournies par elle sur le quantum exact de son préjudice, la cour d'appel, à qui il appartenait au besoin d'ordonner une mesure d'instruction, a octroyé une somme ne correspondant pas au préjudice effectivement subi par la société SERETEC ; qu'en statuant ainsi, elle a violé le principe sus-énoncé, ensemble l'article 1149 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-21939
Date de la décision : 15/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mar. 2017, pourvoi n°14-21939


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:14.21939
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