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06/03/2017 | FRANCE | N°15-19674

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2017, 15-19674


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 avril 2015), que Mme [L], engagée le 15 septembre 1986 par la Mutualité du Rhône, aux droits de laquelle vient l'Union mutualiste de prévoyance, a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 21 février 2011 ; que déclarée inapte à son poste avec mention d'un danger immédiat à l'issue d'un examen unique du 31 août 2011, elle a été licenciée, le 3 octobre 2011, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;



Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 avril 2015), que Mme [L], engagée le 15 septembre 1986 par la Mutualité du Rhône, aux droits de laquelle vient l'Union mutualiste de prévoyance, a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 21 février 2011 ; que déclarée inapte à son poste avec mention d'un danger immédiat à l'issue d'un examen unique du 31 août 2011, elle a été licenciée, le 3 octobre 2011, pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur est tenu d'une obligation de reclassement à l'égard du salarié dont le médecin du travail a prononcé l'inaptitude, obligation dont il est également débiteur à l'égard du salarié qui est déclaré par le médecin du travail inapte à tout emploi dans l'entreprise et ce, y compris en cas de danger immédiat ; que l'avis du médecin du travail déclarant inapte un salarié à tout emploi dans l'entreprise, y compris en cas de danger immédiat, ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'en retenant que les avis émis par le médecin du travail les 31 août et 5 septembre 2011 excluaient toute adaptation ou tout aménagement de postes de travail dans l'entreprise ainsi que dans l'ensemble des institutions mutualistes constituant une unité économique et sociale et rendaient vaine toute recherche supplémentaire de la part de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2 et R. 4624-31 du code du travail ;

2°/ que le périmètre de l'obligation de reclassement de l'employeur s'étend à l'entreprise, aux sociétés du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que l'obligation de reclassement s'étend également aux différents centres d'une fédération nationale mutuelle, y compris s'il s'agit d'entités juridiques indépendantes, dès lors qu'il y a possibilité de permutation du personnel ; qu'en cantonnant le périmètre de reclassement à l'ensemble des institutions mutualistes constituant une unité économique et sociale, quand la salariée exposait dans ses conclusions que le cadre de reclassement s'étendait à l'ensemble des membres de la fédération mutualiste, qu'en l'espèce la mutualité française comptait plus de 600 mutuelles et la mutualité française Rhône alpes 250 mutuelles adhérentes, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des membres de la fédération mutualiste permettaient ou non de réaliser effectivement la permutation de tout ou partie du personnel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

3°/ qu'en vertu de son obligation de reclassement, l'employeur est tenu de procéder à une recherche loyale et complète des possibilités de reclassement du salarié inapte ; que l'impossibilité de reclassement n'est pas justifiée lorsque l'employeur ne procède pas à une recherche sérieuse de possibilité de reclassement, qu'il ne propose pas suffisamment de postes ou encore lorsqu'il décide de licencier hâtivement ; qu'en l'espèce, l'employeur a mis en oeuvre la procédure de licenciement après s'être cantonné à soumettre au médecin du travail, deux jours après qu'il ait rendu un avis d'inaptitude, deux offres de reclassement, sans poursuivre davantage ses recherches de reclassement et sans transmettre à la salariée tant les offres de reclassement que l'avis du médecin du travail sur ces postes ; qu'en l'état, en estimant que l'Union mutualiste de prévoyance avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que, postérieurement à l'avis d'inaptitude avec mention d'un danger immédiat, le médecin du travail, interrogé par l'employeur, avait justifié l'incompatibilité avec l'état de santé de la salariée d'un poste au sein d'une autre mutuelle, non par les caractéristiques de ce poste, mais par le constat définitif de ce que tout reclassement, toute adaptation ou aménagement de poste était exclu dans l'ensemble des institutions mutualistes constituant une unité économique et sociale avec l'employeur, en sorte que toute recherche supplémentaire d'un reclassement était vaine ; que par de tels motifs et sans être tenue de faire une recherche que ses constatations rendaient inopérante, elle a fait ressortir l'impossibilité de procéder au reclassement de la salariée à un quelconque poste ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [L] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour Mme [L].

Madame [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR déboutée de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur l'obligation de reclassement : Attendu qu'aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnels, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites de ce médecin et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail; Qu'en l'espèce, après avoir exclu le 31 août 2011 toute adaptation ou tout aménagement de poste de travail dans l'entreprise, le médecin du travail a précisé le sens de son avis dans la correspondance qu'il a adressée à l'Union mutualiste de prévoyance le 5 septembre 2011; qu'en effet, ce médecin a justifié l'incompatibilité avec l'état de santé de la salariée du poste d'animateur gestion prévoyance au sein de la Mutuelle épargne retraite, c'est-à-dire dans une autre structure, non par une caractéristique propre à ce poste, ou à celui de cuisinier qui lui avait également été soumis, mais par le constat définitif de ce que tout reclassement, toute adaptation ou aménagement de poste étaient exclus dans l'entreprise ; qu'il était dès lors clair que "l'entreprise" visée par l'avis du 31 août 2011 n'était pas seulement l'Union mutualiste de prévoyance, comme celle-ci avait pu le penser en interrogeant l'Union mutualiste de gestion d'oeuvres sociales, la Mutualité française du Rhône et l'Union de groupe mutualiste du Rhône le 1er septembre 2011, mais l'ensemble des institutions mutualistes constituant l'unité économique et sociale ; que l'Union mutualiste de prévoyance ne pouvait dans ces conditions proposer à [V] [L] le poste d'animateur gestion prévoyance au sein de la Mutuelle épargne retraite, quel que soit l'intérêt de la salariée pour un tel poste; qu'en outre, les avis émis par le médecin du travail les 31 août et 5 septembre 2011 rendaient vaine toute recherche supplémentaire de la part de l'Union mutualiste de prévoyance ; Attendu, ensuite, que selon l'article L 4624-1 du même code, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs ; que l'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ; qu'en cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail qui prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail ; qu'en l'absence d'un tel recours, l'avis du médecin du travail s'impose aux parties; Qu'en l'espèce, [V] [L] n'a exercé aucun recours contre l'avis d'inaptitude du 31 août 2011; qu'elle fait grief à l'Union mutualiste de prévoyance de ne l'avoir informée ni des deux propositions de postes qu'elle avait soumises au médecin du travail ni des raisons pour lesquelles ce dernier avait estimé ces postes incompatibles avec son état de santé, l'empêchant ainsi de contester les préconisations du médecin du travail dont elle n'avait eu connaissance qu'au moment de son entretien préalable ; que, d'une part, l'employeur ne pouvait délivrer à la salariée davantage d'informations qu'il n'en détenait lui-même, les raisons pour lesquelles le médecin du travail avait exclu tout reclassement dans le réseau mutualiste dont faisait partie l'Union mutualiste de prévoyance n'étant pas connues; que, d'autre part, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la contestation présentée par le salariée devant l'inspecteur du travail, sur le fondement de l'article L 4624-1, de l'avis émis par le médecin du travail doive être introduite avant que le licenciement du salarié déclaré inapte ait pris effet ; qu'il était par conséquent loisible à [V] [L] de saisir l'inspecteur du travail si elle considérait que par son courrier du 5 septembre 2011, étendant l'impossibilité de reclassement à la Mutuelle épargne retraite, le médecin du travail avait modifié les termes de l'avis émis à l'occasion de la visite de reprise, et qu'elle n'avait alors pas contesté ; Qu'en conséquence, l'Union mutualiste de prévoyance a satisfait aux obligations que l'article L 1226-2 du code du travail mettait à sa charge ; que le licenciement de [V] [L] procède d'une cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera donc infirmé et [V] [L] déboutée de sa demande de dommages-intérêts »

ALORS QUE 1°) l'employeur est tenu d'une obligation de reclassement à l'égard du salarié dont le médecin du travail a prononcé l'inaptitude, obligation dont il est également débiteur à l'égard du salarié qui est déclaré par le médecin du travail inapte à tout emploi dans l'entreprise et ce, y compris en cas de danger immédiat ; que l'avis du médecin du travail déclarant inapte un salarié à tout emploi dans l'entreprise, y compris en cas de danger immédiat, ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'en retenant que les avis émis par le médecin du travail les 31 août et 5 septembre 2011 excluaient toute adaptation ou tout aménagement de postes de travail dans l'entreprise ainsi que dans l'ensemble des institutions mutualistes constituant une unité économique et sociale et rendaient vaine toute recherche supplémentaire de la part de l'employeur, la Cour d'appel a violé les articles L.1226-2 et R.4624-31 du Code du travail ;

ALORS QUE 2°) le périmètre de l'obligation de reclassement de l'employeur s'étend à l'entreprise, aux sociétés du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que l'obligation de reclassement s'étend également aux différents centres d'une fédération nationale mutuelle, y compris s'il s'agit d'entités juridiques indépendantes, dès lors qu'il y a possibilité de permutation du personnel ; qu'en cantonnant le périmètre de reclassement à l'ensemble des institutions mutualistes constituant une unité économique et sociale, quand la salariée exposait dans ses conclusions que le cadre de reclassement s'étendait à l'ensemble des membres de la fédération mutualiste, qu'en l'espèce la mutualité française comptait plus de 600 mutuelles et la mutualité française Rhône alpes 250 mutuelles adhérentes (p. 15 et 20 des conclusions de l'exposante), la Cour d'appel, qui n'a pas recherché si les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des membres de la fédération mutualiste permettaient ou non de réaliser effectivement la permutation de tout ou partie du personnel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1226-2 du Code du travail ;

ALORS QUE 3°) en vertu de son obligation de reclassement, l'employeur est tenu de procéder à une recherche loyale et complète des possibilités de reclassement du salarié inapte ; que l'impossibilité de reclassement n'est pas justifiée lorsque l'employeur ne procède pas à une recherche sérieuse de possibilité de reclassement, qu'il ne propose pas suffisamment de postes ou encore lorsqu'il décide de licencier hâtivement ; qu'en l'espèce, l'employeur a mis en oeuvre la procédure de licenciement après s'être cantonné à soumettre au médecin du travail, deux jours après qu'il ait rendu un avis d'inaptitude, deux offres de reclassement, sans poursuivre davantage ses recherches de reclassement et sans transmettre à la salariée tant les offres de reclassement que l'avis du médecin du travail sur ces postes ; qu'en l'état, en estimant que l'Union mutualiste de prévoyance avait satisfait à son obligation de reclassement, la Cour d'appel a violé l'article L.1226-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19674
Date de la décision : 06/03/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 09 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2017, pourvoi n°15-19674


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.19674
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