LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 24 septembre 2015), que le groupe Bernardaud exerce une activité de fabrication d'articles de porcelaine de table sur deux sites, l'un situé à [...], qui est exploité par une filiale, la Société limousine de fabrication de porcelaine (la société SLFP), l'autre, situé à Limoges, qui est exploité par la société mère, la société Bernardaud ; que la société Bernardaud a souscrit le 1er janvier 2009 pour son compte et celui de sa filiale un contrat d'assurance "Multirisque industrielle", auprès des sociétés Albingia et Tokio Marine Kiln Insurance Limited, intervenant en qualité de co-assureurs (les co-assureurs) ; que le 23 octobre 2011, un incendie trouvant son origine dans une armoire électrique d'un atelier du site de Limoges a entraîné d'importantes dégradations des locaux, du matériel et du stock ; que le 23 février 2012, alors que les travaux de réfection étaient en cours, un second incendie est survenu dans l'atelier d'un autre bâtiment ; que la société Bernardaud et la société SLFP ont assigné les co-assureurs en exécution du contrat et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Bernardaud et SLFP font grief à l'arrêt de dire que les co-assureurs sont en droit de leur opposer les franchises dites "trois jours ouvrés", de fixer en conséquence les indemnités dues à une certaine somme, de les condamner au remboursement d'un trop-perçu et de les débouter de leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que s'agissant de la garantie des pertes d'exploitation consécutives aux "incendies et risques annexes", les conditions personnelles d'assurance Albingia auxquelles avaient adhéré les sociétés Bernardaud et SLFP ne stipulaient aucune franchise ; qu'en particulier le tableau, figurant en page 6 de ces conditions personnelles qui exposait les limites de garantie et les franchises applicables pour chaque type de sinistre ne mentionnait aucune franchise qui serait applicable pour la garantie des pertes d'exploitations consécutives à un incendie ou à des risques annexes ; qu'en décidant au contraire que la franchise dite « 3 jours ouvrés » prévue par le contrat s'appliquait, selon le tableau figurant en page 6 desdites conditions, aux pertes d'exploitation qui résulteraient d'un incendie, la cour d'appel a dénaturé les conditions personnelles d'assurance susvisées et violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine du tableau de la garantie des pertes d'exploitation figurant en page 6 des conditions personnelles que son ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que la franchise litigieuse s'appliquait au groupe "risques d'incendie, risques annexes et risques spéciaux" ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Attendu que les sociétés Bernardaud et SLFP font grief à l'arrêt de dire que les co-assureurs sont en droit de leur opposer la règle proportionnelle de primes, de fixer en conséquence les indemnités dues à une certaine somme et de les débouter de leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la réduction d'indemnité de l'article L. 113-9 du code des assurances, qui s'impose à l'assuré ayant sans mauvaise foi omis de déclarer ou inexactement déclaré un risque, n'est pas opposable à ce dernier lorsque l'assureur avait connaissance du risque non déclaré avant la réalisation du sinistre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'il était indifférent, du point de vue de l'application de la règle proportionnelle de l'article L. 113-9 du code des assurances, que les locaux industriels de la société Bernardaud "aient pu" être visités par les inspecteurs des assureurs en décembre 2011 et que ces inspecteurs "aient pu" avoir connaissance du rapport Q18 établi par l'APAVE le 10 octobre 2011, motif pris que "les deux sinistres étaient couverts par le même contrat qui n'a[vait] pas été modifié et qu'à la date du second sinistre, les travaux de mise en conformité n'avaient pas été réalisés" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'en présence de deux sinistres distincts résultant de faits générateurs distincts et pouvant provoquer des dommages distincts, la réalisation des conditions fixées par l'article L. 113-9 du code des assurances doit s'apprécier pour chaque sinistre, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, en distinguant les deux sinistres en cause, si l'assureur n'avait pas eu connaissance du risque non déclaré avant leur survenance, aux motifs inopérants que ces deux sinistres étaient couverts par un seul et même contrat, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de cette disposition ;
Mais attendu que si l'article L. 113-9 du code des assurances institue au profit de l'assureur qui découvre avant sinistre l'aggravation non déclarée du risque, une option entre la résiliation et la proposition à l'assuré d'une prime majorée, il n'organise pas la sanction de la réticence lorsque le sinistre survient avant la rupture du contrat ou l'intervention d'un nouvel accord, alors que l'assureur demeure engagé par le contrat primitif malgré l'aggravation ; que cette éventualité doit être assimilée au cas de constatation après sinistre, dès lors que dans ces deux hypothèses, ni la résiliation, ni un nouvel accord ne peuvent intervenir avant la survenance du sinistre ;
Qu'ayant constaté que les risques n'avaient pas été complètement et exactement déclarés par l'assuré par suite de son manquement aux prescriptions du contrat qui lui faisaient l'obligation de faire vérifier chaque année les installations électriques et de communiquer les rapports annuels à l'assureur, puis relevé que ce n'était qu'à l'examen d'un rapport d'intervention de l'APAVE du 11 octobre 2011, que l'assureur avait pu se rendre compte que les installations électriques des locaux assurés comportaient des défectuosités générant des risques d'incendie, que ses inspecteurs avaient pu en décembre 2011, effectuer une visite et avoir connaissance de ce rapport, et que la résiliation du contrat n'était intervenue que postérieurement au second sinistre, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que la règle proportionnelle de primes avait vocation à s'appliquer à chacun des sinistres en cause ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, tel que reproduit en annexe :
Attendu que les sociétés Bernardaud et SLFP font le même grief à l'arrêt ;
Mais attendu que, sous couvert d'un grief non fondé de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a fixé à 0,926 le taux qu'il convenait d'appliquer à la réduction de l'indemnité sur le fondement de l'article L. 113-9 du code des assurances ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les sociétés Bernardaud et SLFP font grief à l'arrêt de dire que les co-assureurs sont en droit de leur opposer la règle proportionnelle de capitaux, de réduire en conséquence les indemnités dues à une certaine somme, de les condamner au remboursement d'un trop-perçu et de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes des conditions personnelles de contrat conclues par la société Bernardaud, la réduction proportionnelle de capitaux de l'article L. 121-5 du code des assurances, devait s'appliquer lorsque la marge brute déclarée par l'assuré – dont la perte avait vocation à être garantie – s'était révélée inexacte ; qu'il résulte également de ces dispositions spéciales qu'en cas de sinistre, il ne pouvait pas être fait application de la règle proportionnelle des capitaux, si l'assuré avait respecté les obligations déclaratives mises à sa charge, qui consistait dans le fait de devoir déclarer, à chaque date anniversaire du contrat, la marge brute effectivement réalisée sur l'exercice précédent pour permettre à l'assureur de calculer la marge prévisionnelle de l'année en cours et fixer ainsi les cotisations prévisionnelles dues par l'assuré, d'une part, et dans le fait de communiquer dans les délais prévus au contrat la marge réelle finalement dégagée au cours de la période considérée pour calculer les cotisations finales dues par l'assuré, d'autre part ; qu'en faisant application de la règle proportionnelle de capitaux pour le calcul de l'indemnité due au titre du second sinistre, survenu en 2012, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Bernardaud avait ou non respecté les obligations déclaratives mises à sa charge pour l'année 2012, et si, par application des conditions personnelles du contrat, la règle proportionnelle n'était dès lors pas applicable pour ce sinistre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-5 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'aux termes des conditions personnelles de contrat auxquelles a adhéré la société Bernardaud, la réduction proportionnelle de capitaux de l'article L. 121-5 du code des assurances devait s'appliquer lorsque la marge brute déclarée par l'assuré – dont la perte avait vocation à être garantie – s'était révélée inexacte ; qu'il résulte également de ces dispositions spéciales qu'il appartenait à l'assuré de déclarer, à chaque date anniversaire du contrat, la marge brute effectivement réalisée sur l'exercice précédent pour permettre à l'assureur de calculer la marge prévisionnelle de l'année en cours ; que ces mêmes dispositions spéciales offraient à l'assuré un délai de sept mois pour régulariser la déclaration effectuée ; qu'en faisant application de la règle proportionnelle des capitaux pour le premier sinistre, au motif qu'à cette date, la société Bernardaud avait déclaré une marge brute « inexacte » au titre de l'année 2010, sans rechercher, comme elle y était invitée, si celle-ci n'avait pas régularisé sa situation dans le délai de sept mois ouvert par le contrat en communicant à son assureur la marge effectivement réalisée au cours de l'exercice 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ensemble l'article L. 121-5 du code des assurances ;
Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine des stipulations contractuelles relatives à la règle proportionnelle de capitaux que leur ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d'appel a estimé que cette règle redevenait strictement applicable en cas d'inexactitude de la marge brute assurée mentionnée dans le contrat ; qu'ayant constaté que la déclaration de marge brute faite par l'assuré dans le dernier avenant du 2 septembre 2011, applicable à la date des sinistres, mentionnait pour l'année 2010 une marge brute de 18 921 860 euros, nettement inférieure à la marge brute effective qui s'élevait en réalité à la somme de 22 798 530,40 euros, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches inopérantes visées par le moyen, a légalement justifié sa décision d'appliquer la règle proportionnelle de capitaux ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première et deuxième branches du deuxième moyen annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bernardaud et la Société limousine de fabrication de porcelaine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer aux sociétés Albingia et Tokio Marine Kiln Insurance Limited la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Bernardaud et la Société limousine de fabrication de porcelaine
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(sur l'application des franchises dites « 3 jours ouvrés »)
1. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les sociétés Albingia et Tokio Marine Kiln Insurance Limited étaient en droit d'opposer à la SA Bernardaud et à sa filiale, la société SLFP, les franchises dites « trois jours ouvrés », d'AVOIR en conséquence fixé les indemnités dues par les assureurs au titre de la police « multirisques industrielle » souscrite par la SA Bernardaud pour son compte et pour le compte de sa filiale, la société SLFP, à la somme de 13.929.554, 94 euros, d'AVOIR constaté qu'au regard des provisions versées par les assureurs et des sommes réglées en exécution du jugement entrepris et de l'ordonnance de référé rendue le 7 mai 2014 par le président du tribunal de commerce de Limoges, la SA BERNARDAUD et la société SLFP étaient débitrices d'un trop perçu de 2.433 544,50 euros, condamné lesdites sociétés à rembourser ladite somme aux sociétés Albingia et Tokio Marine Kiln Insurance Limited et, enfin, d'AVOIR débouté les sociétés Bernardaud et SLFP de leurs demandes de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE : « Les franchises et les réductions proportionnelles de primes et de capitaux. Les sociétés BERNARDAUD et SLFP contestent l'application des règles proportionnelles dites de primes et de capitaux ainsi que, devant la cour, l'application des franchises. Les franchises dites 3 jours ouvrés qui s'élèvent, pour les deux sinistres, à 471 324 € (242 811 au titre du premier sinistre + 228 513 € au titre du second sinistre) s'appliquent à la marge brute ; elles concernent la garantie perte d'exploitation. Contrairement à ce que soutient aujourd'hui le groupe BERNARDAUD, la franchise dite 3 jours ouvrés ne s'applique pas qu'aux seuls risques spéciaux et dommages électriques, mais, selon le tableau qui figure à la page 6 du contrat, au groupe « incendie et risques annexes, risques spéciaux, dommages électriques ». Les franchises s'appliquent bien aux dommages perte d'exploitation qui résultent d'un incendie, ce que, ni les sociétés intimées, ni leurs experts n'ont contesté au cours des opérations d'expertise amiable » ;
ALORS QUE s'agissant de la garantie des pertes d'exploitation consécutives aux « incendies et risques annexes », les conditions personnelles d'assurance Albingia auxquelles avaient adhéré les sociétés Bernardaud et SLFP ne stipulaient aucune franchise ; qu'en particulier le tableau, figurant en page 6 de ces conditions personnelles qui exposait les limites de garantie et les franchises applicables pour chaque type de sinistre ne mentionnait aucune franchise qui serait applicable pour la garantie des pertes d'exploitations consécutives à un incendie ou à des risques annexes ; qu'en décidant au contraire que la franchise dite « 3 jours ouvrés » prévue par le contrat s'appliquait, selon le tableau figurant en page 6 desdites conditions, aux pertes d'exploitation qui résulteraient d'un incendie, la Cour d'appel a dénaturé les conditions personnelles d'assurance susvisées et violé l'article 1134 du code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(sur la règle proportionnelle des primes)
2. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les sociétés Albingia et Tokio Marine Kiln Insurance limited étaient en droit d'opposer à la SA Bernardaud et à sa filiale, la société SLFP, la règle proportionnelle de primes, d'AVOIR en conséquence fixé les indemnités dues par les assureurs au titre de la police « multirisques industrielle » souscrite par la SA Bernardaud pour son compte et pour le compte de sa filiale, la société SLFP, à la somme de 13.929.554, 94 euros, d'AVOIR constaté qu'au regard des provisions versées par les assureurs et des sommes réglées en exécution du jugement entrepris et de l'ordonnance de référé rendue le 7 mai 2014 par le président du tribunal de commerce de Limoges, la SA BERNARDAUD et la société SLFP étaient débitrices d'un trop perçu de 2.433.544,50 euros, condamné lesdites sociétés à rembourser ladite somme aux sociétés Albingia et Tokio Marine Kiln Insurance Limited et, enfin, d'AVOIR débouté les sociétés Bernardaud et SLFP de leurs demandes de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE : « La règle proportionnelle de primes résulte de l'application de l'article L 113-9 du code des assurances qui dispose dans son dernier alinéa que, lorsque l'omission ou la déclaration inexacte de l'assuré est constatée après la réalisation du sinistre, « l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ». En l'espèce, les risques n'ont pas été complètement et exactement déclarés dans la mesure où, par suite du manquement par l'assuré aux prescriptions du contrat qui lui faisaient obligation de faire vérifier chaque année les installations électriques, de communiquer les rapports annuels à l'assureur et de procéder aux travaux de remise en état, ce n'est qu'à l'examen d'un rapport d'intervention de l'APAVE du 11 octobre 2011 dont il n'a eu connaissance qu'après la survenance des sinistres que l'assureur a pu se rendre compte que les installations électriques des locaux assurés comportaient des défectuosités qui généraient des risques d'incendie. La circonstance que les locaux aient pu être visités par les inspecteurs des assureurs en décembre 2011, à la suite du premier sinistre survenu le 23 octobre 2011, et que ces inspecteurs aient pu avoir eu connaissance du rapport APAVE du 10 octobre 2011 est indifférente dès lors que les deux sinistres sont couverts par le même contrat qui n'a pas été modifié et qu'à la date du second sinistre, les travaux de mise en conformité n'avaient pas été réalisés ; cette visite n'a pas emporté renonciation à la règle proportionnelle à l'égard du sinistre du 23 février 2012. L'assureur qui relève qu'en réalité, il n'a eu connaissance dudit rapport qu'à l'occasion de l'expertise, après le second sinistre, a fait connaître dans le cadre de cette expertise qui s'est déroulée contradictoirement les règles qui régissaient le calcul des primes, lesquelles ont été nécessairement minorées par suite de l'ignorance des facteurs de risque incendie non déclarés ; ces règles sont opposables à l'assuré. Il est indifférent que l'assureur ait résilié le contrat d'assurance dés lors que cette résiliation qui est intervenue postérieurement à la survenance du second sinistre ne le libère pas de sa garantie au titre des dommages en cause. La règle proportionnelle de prime est applicable et elle concerne aussi bien les dommages matériels que les dommages immatériels (perte d'exploitation). Le différentiel de primes est de 0,926, de telle sorte que l'indemnité globale due par les assureurs s'établit en définitive de la façon suivante : - perte d'exploitation : 12 431 390 x 0,830 = 10 318 053,70 €, X 0,926 = 9 554 517,73, soit, déduction faite de la somme de 471 324 € au titre des franchises, une indemnité de 9 083 193,73 €; - dommages matériels, 5 233 651,41 € X 0,926 = 4 846 361, 21 €. L'indemnité due par les assureurs s'établit ainsi, au total, à 13 929 554,94 € » ;
1°/ ALORS QU'il résulte des termes mêmes de l'article L 113-9 du code des assurances que la réduction d'indemnité qu'il prévoit ne s'applique que lorsque l'omission de l'assuré quant à la déclaration d'un risque a été révélée postérieurement au sinistre ; qu'il s'ensuit que la réduction d'indemnité prévue par ce texte n'est pas opposable à l'assuré lorsque l'assureur avait connaissance du risque « non déclaré » avant la réalisation du sinistre ; qu'en l'espèce, les sociétés Bernardaud et SPFL (conclusions, p. 29), rappelaient que les risques d'incendies générés par le système électrique du site de Limoges étaient mentionnés dans un rapport Q18 établi par l'APAVE le 28 février 2005 ; qu'elles rappelaient encore (ibid) qu'à la suite de ce rapport dont ils avaient pris connaissance, les inspecteurs de la société Albingia avaient effectué une inspection complète du site au mois de mars 2005 et établi à la suite un « rapport de vérification risque entreprise » relevant que le risque d'incendie était faible ; qu'elles ajoutaient que le site n'avait depuis lors connu aucune différence notable entre 2005 et la date des sinistres, les non conformités évoquées dans le rapport Q18 du 11 octobre 2011 étant celles relevées dans le rapport du 28 février 2005 et dans celui du 28 février 2008, remis à l'assureur lors des discussions relatives à la négociation de la nouvelle police à effet au 1er janvier 2009 ; que les sociétés Bernardaud et SPFL rappelaient encore, pièces à l'appui, qu'en 2010, les inspecteurs d'Albingia avaient par deux fois visité le site de Limoges et n'avaient formulé à cette occasion aucune réserve ; que l'assureur ne pouvait, pour cette raison encore, prétendre avoir ignoré l'état de l'installation électrique (ibid) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces pièces et conclusions qui démontraient qu'avant les sinistres, l'assureur avait une parfaite connaissance du risque d'incendie présenté par l'installation électrique du site de Limoges, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS plus subsidiairement QUE les sociétés Bernardaud et SFLP rappelaient qu'à la suite du premier sinistre, les inspecteurs d'Albingia avaient procédé, en décembre 2011, à une visite complète de leur site industriel (conclusions, p. 30s.) ; qu'elles rappelaient encore (ibid) que le risque d'incendie généré par l'installation électrique du site était expressément mentionné dans un rapport Q18 établi le 10 octobre 2011 par l'APAVE, ce que la Cour d'appel a admis en relevant que ce rapport permettait de « se rendre compte que les installations électriques des locaux assurés comportaient des défectuosités qui généraient des risques d'incendie » ; que les sociétés Bernardaud et SFLP rappelaient encore (ibid) que les inspecteurs d'Albingia, après avoir pris connaissance du rapport Q18 d'octobre 2011 et procédé à une inspection du site, avaient établi un rapport le 30 janvier 2012 qui faisait lui-même état des nonconformités du système électrique ; qu'à la suite de cette visite, Albingia n'avait pas jugé utile de résilier la police ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces pièces et conclusions qui démontraient qu'avant le second sinistre du 23 février 2012, l'assureur avait une connaissance certaine du risque d'incendie présenté par l'installation électrique du site de Limoges, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS ENCORE QUE la réduction d'indemnité de l'article L 113-9 du code des assurances, qui s'impose à l'assuré ayant sans mauvaise foi omis de déclarer ou inexactement déclaré un risque, n'est pas opposable à ce dernier lorsque l'assureur avait connaissance du risque non déclaré avant la réalisation du sinistre ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé qu'il était indifférent, du point de vue de l'application de la règle proportionnelle de l'article L 113-9 du code des assurances, que les locaux industriels de la société Bernardaud « aient pu » être visités par les inspecteurs des assureurs en décembre 2011 et que ces inspecteurs « aient pu » avoir connaissance du rapport Q18 établi par l'APAVE le 10 octobre 2011, motif pris que « les deux sinistres [étaient couverts par le même contrat qui n'a[vait] pas été modifié et qu'à la date du second sinistre, les travaux de mise en conformité n'avaient pas été réalisés » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'en présence de deux sinistres distincts résultant de faits générateurs distincts et pouvant provoquer des dommages distincts, la réalisation des conditions fixées par l'article L 113-9 du code des assurances doit s'apprécier pour chaque sinistre, la Cour d'appel, qui n'a pas recherché, en distinguant les deux sinistres en cause, si l'assureur n'avait pas eu connaissance du risque non déclaré avant leur survenance, aux motifs inopérants que ces deux sinistres étaient couverts par un seul et même contrat, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de cette disposition ;
4°/ ALORS ENFIN QU'il résulte de l'article L 113-9 du code des assurances que dans le cas où les inexactitudes ou omissions imputables à l'assuré quant à la déclaration d'un risque se révèlent après le sinistre, l'indemnité d'assurance « est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés » ; que dans le cadre du calcul de la réduction d'indemnité infligée à l'assuré, les juges du fond doivent trancher les contestations soulevées par ce dernier quant à l'évaluation proposée par l'assureur ; qu'en l'espèce, les sociétés Bernardaud et SFLP (conclusions, p. 32s.) avaient soulevé de nombreuses contestations quant aux deux documents internes produits aux débats par l'assureur pour justifier le coefficient de réduction de l'indemnité, en faisant observer notamment que ces documents étaient incompréhensibles et que l'assureur avait mécaniquement (et à la main) augmenté de 10 % la prime qui aurait été exigée si le risque avait été connu, motif pris de ce que la société Bernardaud aurait soi-disant bénéficié d'une réduction de 10 % de la prime en contrepartie de son engagement de procéder à la vérification de ses installations électriques, alors que cette prime n'était évoquée dans aucun document contractuel ; que les sociétés Bernardaud et SFLP avaient encore fait valoir qu'Albingia avait sans s'en expliquer fait état de certains postes qui auraient augmenté si le risque avait été connu et appliqué un taux de +/- 10 % sur chacun de ces postes sans que la sélection de ces postes ni que l'origine de ces taux de réduction ne soient elles-mêmes expliquées (conclusions, P.32) ; qu'en fixant à 0.926 le coefficient de réduction appliqué aux sociétés Bernardaud et SFLP, après avoir simplement constaté que « l'assureur [avait] fait connaître dans le cadre de [l'expertise qui avait suivi le second sinistre] les règles qui régissaient le calcul des primes, lesquelles ont été nécessairement minorées par suite de l'ignorance des facteurs de risque incendie non déclarés » puis que « le différentiel de prime [était] de 0,926 », et ce, sans trancher la moindre contestation formulée par les assurés et sans répondre à leurs conclusions sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(sur la règle proportionnelle de capitaux)
3. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les sociétés Albingia et Tokio Marine Kiln Insurance limited étaient en droit d'opposer à la SA Bernardaud et à sa filiale, la société SLFP, la règle proportionnelle de capitaux, d'AVOIR en conséquence réduit les indemnités dues par les assureurs au titre de la police « multirisques industrielle » souscrite par la SA Bernardaud pour son compte et pour le compte de sa filiale, la société SLFP, à la somme de 13.929.554, 94 euros et constaté qu'au regard des provisions versées par les assureurs et des sommes réglées en exécution du jugement entrepris et de l'ordonnance de référé rendue le 7 mai 2014 par le président du tribunal de commerce de Limoges, la SA BERNARDAUD et la société SLFP étaient débitrices d'un trop perçu de 2.433.544,50 euros, condamné lesdites sociétés à rembourser ladite somme aux sociétés Albingia et Tokio Marine Kiln Insurance Limited et, enfin, d'AVOIR débouté les sociétés Bernardaud et SLFP de leur demande de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE : « La règle proportionnelle de capitaux est énoncée dans le contrat à la page 9 des conditions personnelles et à l'article 5 du chapitre « pertes d'exploitation » des conditions spéciales. Il est stipulé au dernier alinéa de cet article 5 (page 53 de la police) qu' « en cas d'inexactitude dans la déclaration de la marge assurée, la règle proportionnelle de capitaux prévue à l'article L 121-5 du code des assurances redevient strictement applicable ». L'article sus visé est ainsi rédigé ; « S'il résulte des estimations que la valeur de la chose assurée excède au jour du sinistre la somme garantie, l'assuré est considéré comme restant son propre assureur pour l'excédent et supporte, en conséquence, une part proportionnelle du dommage, sauf convention contraire ». Or, il est constant qu'après le sinistre, les opérations d'expertise amiable ont révélé que la déclaration de marge brute faite par l'assuré dans le dernier avenant du 2 septembre 2011, applicable à la date des sinistres des 23 octobre 2011 et 23 avril 2012, mentionnait pour l'exercice 2010 une marge de 18 921 860 € nettement inférieure à la marge brute effective qui, en rapportant les taux de marge au chiffre d'affaire réalisés en 2010 par les deux sociétés du groupe, couvertes par le contrat d'assurance dont les primes sont assises sur la marge brute, s'élevait en réalité à 22 798 530,40 €. Les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE relèvent à bon droit qu'aucune régularisation n'a été faite avant la survenance des sinistres. Par ailleurs, le différentiel qui est de 0,830, soit 17 %, est supérieur au seuil de tolérance de 10 % qui est invoqué par les intimées. Il résulte de ces observations que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge alors qu'il ne pouvait pas se baser sur l'arrêt du 13 février 2014 qui, statuant sur l'appel formé contre l'ordonnance de référé du 7 mai 2013, ne s'était pas prononcé sur l'application de la règle proportionnelle de capitaux, les assureurs sont en droit d'opposer cette règle aux sociétés du groupe BERNARDAUD. Sous réserve de l'opposabilité de la règle proportionnelle de primes, l'indemnité due par les assureurs au titre du dommage perte d'exploitation s'établirait en conséquence comme suit : 12 431 390 x 0,830 = 10 318 053,70 €. Déduction faite du total des deux franchises qui sont spécifiques aux dommages perte d'exploitation, les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE seraient redevables à ce titre de la somme de 9 846 729,70 € » ;
1°/ ALORS QU'aux termes des conditions personnelles de contrat conclues par la société Bernardaud, la réduction proportionnelle de capitaux de l'article L 121-5 du code des assurances, devait s'appliquer lorsque la marge brute déclarée par l'assuré – dont la perte avait vocation à être garantie – s'était révélée inexacte (p.51) ; qu'il résulte également de ces dispositions spéciales qu'en cas de sinistre, il ne pouvait pas être fait application de la règle proportionnelle des capitaux, si l'assuré avait respecté les obligations déclaratives mises à sa charge, qui consistait dans le fait de devoir déclarer, à chaque date anniversaire du contrat, la marge brute effectivement réalisée sur l'exercice précédent pour permettre à l'assureur de calculer la marge prévisionnelle de l'année en cours et fixer ainsi les cotisations prévisionnelles dues par l'assuré, d'une part, et dans le fait de communiquer dans les délais prévus au contrat la marge réelle finalement dégagée au cours de la période considérée pour calculer les cotisations finales dues par l'assuré, d'autre part ; qu'en faisant application de la règle proportionnelle de capitaux pour le calcul de l'indemnité due au titre du second sinistre, survenu en 2012, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 26-27), si la société Bernardaud avait ou non respecté les obligations déclaratives mises à sa charge pour l'année 2012, et si, par application des conditions personnelles du contrat, la règle proportionnelle n'était dès lors pas applicable pour ce sinistre, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 121-5 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ ALORS QU'aux termes des conditions personnelles de contrat auxquelles a adhéré la société Bernardaud, la réduction proportionnelle de capitaux de l'article L 121-5 du code des assurances devait s'appliquer lorsque la marge brute déclarée par l'assuré – dont la perte avait vocation à être garantie – s'était révélée inexacte (p.51) ; qu'il résulte également de ces dispositions spéciales qu'il appartenait à l'assuré de déclarer, à chaque date anniversaire du contrat, la marge brute effectivement réalisée sur l'exercice précédent pour permettre à l'assureur de calculer la marge prévisionnelle de l'année en cours ; que ces mêmes dispositions spéciales offraient à l'assuré un délai de 7 mois pour régulariser la déclaration effectuée ; qu'en faisant application de la règle proportionnelle des capitaux pour le premier sinistre, au motif qu'à cette date, la société Bernardaud avait déclaré une marge brute « inexacte » au titre de l'année 2010, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 26-27), si celle-ci n'avait pas régularisé sa situation dans le délai de 7 mois ouvert par le contrat en communicant à son assureur la marge effectivement réalisée au [...] , la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ensemble l'article L 121-5 du code des assurances.