LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 557 et 567 de l'ancien code de procédure civile demeurés en vigueur en Nouvelle-Calédonie, ensemble les articles 484 et 488 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
Attendu que l'ordonnance de référé n'ayant pas au principal l'autorité de la chose jugée, le jugement validant une saisie-arrêt implique nécessairement condamnation du débiteur saisi au paiement des sommes réellement dues ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 25 février 2013, la société Emporio Sun 2 a fait pratiquer une saisie-arrêt à l'encontre de la société Mageco sur le fondement d'une ordonnance de référé en date du 25 janvier 2013 confirmée par un arrêt en date du 25 février 2015; que la société Mageco a relevé appel du jugement par lequel un tribunal de première instance a débouté la société Emporio Sun 2 de sa demande en validation de la saisie-arrêt et ordonné la mainlevée de celle-ci ;
Attendu que pour valider la saisie-arrêt, l'arrêt retient qu'il ressort des constatations des juridictions parisiennes saisies en référé que quatre bons de commandes avaient été signés le 30 mars 2012, que même si ces signatures étaient contestées par l'intimée et qu'une procédure pénale était en cours à ce sujet, d'autres éléments apparaissaient déterminants et que, dans ces conditions, la créance était certaine, liquide et exigible ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs reproduisant ceux de l'ordonnance de référé, qui, même devenue définitive, n'avait prononcé qu'une condamnation à titre provisoire dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal, sans vérifier elle-même si la créance de la société Emporio Sun 2 était fondée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 août 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;
Condamne la société Emporio Sun 2 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Emporio Sun 2 à payer à la société Mageco la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Mageco
La société Mageco fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir validé la saisie-arrêt pratiquée le 25 février 2013 à la requête de la SAS Emporio Sun 2 sur ses comptes bancaires, en vertu d'une ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 25 janvier 2013 et, en conséquence, d'avoir ordonné que les sommes dont le tiers saisi se reconnaîtrait ou serait jugé débiteur soient versées par lui entre les mains de la société Emporio Sun 2, en déduction ou jusqu'à concurrence de sa créance en principal, intérêts et frais ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que l'ordonnance de référé est provisoire et n'a pas autorité de chose jugée au fond, pas plus que ne l'a l'arrêt confirmatif de la cour d'appel et qu'il appartient à la juridiction saisie de la demande de validation de la saisie-arrêt de vérifier si la créance alléguée est fondée en son principe ; que dans le cadre de cette procédure de saisie-arrêt pratiquée en Nouvelle-Calédonie, seules les juridictions calédoniennes sont compétentes pour apprécier le caractère certain, liquide et exigible de la créance ; que d'ailleurs, aucune des parties ne le conteste et dans l'instance d'appel de l'ordonnance de référé, la SAS Mageco a même soulevé l'incompétence des juridictions parisiennes ; qu'il ressort des constatations des juridictions parisiennes saisies en référé que quatre bons de commande ont été signés le 30 mars 2012, que même si ces signatures sont contestées par l'intimée et qu'une procédure pénale est en cours à ce sujet, d'autres éléments apparaissent déterminants ; que les mentions figurant sur les bons de commande prouvent que la SAS Mageco a choisi son transporteur et l'a payé, que des échanges de courriels entre le directeur de cette société et la SAS Emporio montrent que le premier a accepté la commande, a proposé un échelonnement des paiements, puis a confirmé le règlement par traites du montant total des commandes, que dans ces conditions, la créance de la société Emporio Sun 2 – d'ailleurs non contestée formellement par l'intimée devant la cour – apparaît certaine, liquide et exigible ;
1) ALORS QUE l'ordonnance de référé n'ayant pas au principal l'autorité de la chose jugée, il incombe au juge qui valide une saisie-arrêt effectuée sur le fondement d'une décision rendue en référé de vérifier lui-même que la créance est effectivement fondée au regard des éléments de preuve qui sont produits par les parties ; que dès lors, en se bornant à reprendre les motifs des juridictions des référés pour affirmer que la créance était certaine, liquide et exigible, sans procéder à sa propre analyse de la créance et des éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée, dont certains n'étaient pas même produits, la cour d'appel a violé les articles 557 de l'ancien code de procédure civile et 484 et 488 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
2) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Mageco faisait valoir qu'elle contestait toujours être débitrice de la société Emporio Sun 2 (p. 2, § 7) ; que dès lors, en affirmant, pour considérer que la créance apparaissait certaine liquide et exigible, qu'elle n'était pas formellement contestée par la société Mageco, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.