LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Ahmed X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9echambre, en date du 26 novembre 2015, qui, pour importation en contrebande de marchandises prohibées, l'a condamné à une amende douanière et a ordonné une mesure de confiscation ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 janvier 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, 38, 215, 215 bis, 215 ter, 419 du code des douanes et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;
" qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le demandeur coupable de détention de marchandises contrefaisantes réputées importées en contrebande ;
" aux motifs que, sur l'action publique, a sur la culpabilité, il est reproché à M. X... d'avoir détenu vingt mille quatre cent dix-huit tee-shirts, d'une valeur unitaire de 30 euros, présentés sous une marque contrefaite ; que le prévenu estime que l'infraction n'est pas constituée dès lors selon lui, d'une part que le caractère contrefaisant des marchandises n'est pas établi et ne peut reposer sur les seules affirmations de représentants de la marque Adidas ; d'autre part, qu'il a démontré sa bonne foi en produisant la facture de son fournisseur, les bons de livraison édités par la société Adidas Allemagne, fournisseur des marchandises litigieuses, et en s'assurant de l'authenticité des marchandises auprès du vendeur ; qu'enfin la société Adidas France n'a pas été entendue sur ses arguments ; que, en premier lieu, Mme Brigitte Y..., responsable de la société Adidas France, a estimé au vu des photographies transmises par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières que les tee-shirts litigieux sont des contrefaçons (association de marques non conformes, étiquettes incorrectes, absence des mentions standards Adidas, qualité ne correspondant pas aux standards de la marque et emballages non conformes) ; qu'il convient de relever que si le prévenu affirme que les vêtements ont été fabriqués et vendus par Adidas Allemagne, l'examen des photographies jointes au dossier permet de constater que les étiquettes portent la mention « made in USA » ; qu'il ne saurait donc être allégué que le caractère contrefaisant des marchandises ne ressort que des affirmations de la société Adidas ; que par ailleurs, la société Adidas USA, interrogée par Adidas France, a indiqué qu'il ne s'agissait « pas d'une fabrication locale » ; que le caractère contrefaisant des marchandises est donc établi ; que, en deuxième lieu, si M. X..., qui reconnaît être détenteur des marchandises litigieuses, produit une facture établie, le 15 mars 2005, par une société « Cardin Sports », domiciliée en Grande-Bretagne, portant sur l'acquisition de cinquante et un mille six cent trente et un tee-shirts enfants et cinquante quatre mille cent cinquante quatre tee-shirts adultes, cette pièce ne fait nullement mention de vêtements de la marque Adidas ; qu'en outre, cette commande a été passée par la société « Trocadero Centra », domiciliée à Alicante, en Espagne ; que rien ne permet d'établir ou de supposer que les biens saisis par les douanes cinq ans plus tard dans les locaux de la société Flexi Stockage à Argenteuil provenaient de cette commande ; que, de même, les bons de livraison, sur lesquels l'adresse du bénéficiaire a d'ailleurs été cancellée, ne permettent pas d'établir la provenance des vêtements saisis ; qu'il appartenait également au prévenu, en sa qualité de professionnel de demander à son fournisseur de justifier du caractère authentique des marchandises vendues, d'autant plus qu'il affirme qu'elles provenaient d'Allemagne, alors que la mention « made in USA », ou « fabriqué aux E.- U. » figurait sur les étiquettes ; que les démarches entreprises par le prévenu auprès de la société « Cardin Sports », en mars 2001, ne permettent pas d'établir qu'il s'était assuré du caractère authentique des marchandises, celle-ci ayant refusé de justifier de leur authenticité, se réfugiant derrière l'ancienneté de la commande et la confidentialité des factures demandées ; que le prévenu n'a donc pas démontré que, comme il l'affirme, il a détenu de bonne foi les marchandises contrefaisantes ; que, en troisième lieu, le prévenu ne pouvant combattre la présomption de responsabilité pesant sur lui, en vertu des dispositions de l'article 392 du code des douanes, qu'en établissant sa bonne foi, il ne saurait être reproché à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières de ne pas avoir effectué des vérifications complémentaires contredisant ses affirmations, non démontrées ; qu'il s'ensuit que l'infraction est constituée et que le jugement doit être infirmé sur la culpabilité ; que,- sur la peine, aucune mention ne figure au casier judiciaire du prévenu ; qu'il n'est pas justifié de ses revenus et de son patrimoine ; qu'il avait déclaré lors de son audition au commissariat de police de Clichy-la-Garenne un revenu mensuel de 1 100 euros ; que la masse contrefaisante porte sur vingt mille quatre cent dix-huit tee-shirts ; que la valeur d'un tee-shirt de marque Adidas est d'environ 30 euros ; qu'il convient donc de condamner M. X... au paiement d'une amende douanière de 100 000 euros ; qu'il convient d'ordonner la confiscation des marchandises fraudées ;
" 1°) alors que, selon les dispositions de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon par imitation de marque implique un risque de confusion pour le consommateur moyennement attentif entre le produit contrefait et le produit contrefaisant ; que le juge du fond doit procéder à une appréciation globale de ce risque, conformément à la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la contrefaçon était établie car la société Adidas France l'a estimé, notamment en raison de l'association de marques non conformes, d'étiquettes incorrectes et d'emballage non conformes, ainsi qu'en raison la mention « made in USA » portée par les étiquettes ; qu'en statuant ainsi, sans établir en quoi les tee-shirts en cause pouvait créer une confusion dans l'esprit du public, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 2°) alors que, pour être caractérisée, la détention de marchandises réputées importées en contrebande nécessite au préalable d'établir la contrefaçon ; que la cassation à intervenir sur la première branche du moyen privera de tout fondement la décision par laquelle la cour d'appel a condamné le demandeur pour détention de marchandises réputées importées en contrebande ;
" 3°) alors que le détenteur de la marchandise de contrebande peut combattre la présomption de responsabilité qui pèse sur lui en rapportant la preuve de sa bonne foi ; qu'en l'espèce, le demandeur a apporté la preuve qu'il avait réclamé des justificatifs à son fournisseur, mais que ce dernier n'a pu les lui fournir, en raison de l'ancienneté de la commande ; qu'il a également invoqué un courriel produit par l'administration et provenant de la société Adidas, qui précisait qu'elle ne pouvait vérifier les renseignements fournis qu'après recherches en interne ; qu'il suffisait ainsi que de telles recherches soient effectuées, ce que l'administration et le juge du fond n'ont pas jugé utile de demander ; qu'en considérant que le demandeur n'a pas démontré sa bonne foi, alors qu'il était dans l'impossibilité de contraindre, d'une part, son fournisseur de fournir les documents qu'il lui réclamait, d'autre part, la société Adidas d'effectuer des recherches, la cour d'appel a irréfragablement présumé la mauvaise foi du demandeur, en violation de l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'en vertu du premier de ces textes tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que M. X... a été poursuivi du chef d'importation en contrebande de marchandises prohibées afférente à des tee-shirts qui auraient contrefaits la marque Adidas ; que le tribunal correctionnel de Pontoise a relaxé M. X... et débouté l'administration des douanes de ses demandes par un jugement dont cette dernière et le ministère public ont fait appel ;
Attendu que, pour retenir le caractère contrefaisant des marchandises, l'arrêt énonce que Mme Y..., responsable de la société Adidas France, a estimé au vu des photographies transmises par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières que les tee-shirts litigieux sont des contrefaçons (association de marques non conformes, étiquettes incorrectes, absence des mentions standards Adidas, qualité ne correspondant pas aux standards de la marque et emballages non conformes), que si le prévenu affirme que les vêtements ont été fabriqués et vendus par Adidas Allemagne, l'examen des photographies jointes au dossier permet de constater que les étiquettes portent la mention « made in USA » et que la société Adidas USA, interrogée par Adidas France, a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'une fabrication locale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, en se bornant à reprendre les allégations de la société Adidas et sans constater que l'impression d'ensemble produite par les signes susceptibles de constituer l'imitation créait un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur moyennement attentif, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 26 novembre 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux février deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.