La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2017 | FRANCE | N°15-17339

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 février 2017, 15-17339


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société " Au Coin de la rue " a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 11 décembre 2003, Mme X... étant désignée liquidateur ; que la procédure a été étendue le 4 mars 2004 à la société Tobago, laquelle était titulaire d'un bail emphytéotique qui avait été consenti par Guy Y..., décédé ; que, par un jugement du 21 septembre 2010,

le tribunal a autorisé la cession de ce bail à M. Romain Y..., son héritier ; que l'imme...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société " Au Coin de la rue " a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 11 décembre 2003, Mme X... étant désignée liquidateur ; que la procédure a été étendue le 4 mars 2004 à la société Tobago, laquelle était titulaire d'un bail emphytéotique qui avait été consenti par Guy Y..., décédé ; que, par un jugement du 21 septembre 2010, le tribunal a autorisé la cession de ce bail à M. Romain Y..., son héritier ; que l'immeuble lui ayant été restitué dans un état très dégradé, M. Y... a assigné Mme X... en responsabilité personnelle pour manquement aux obligations relatives au bail emphytéotique entre le jugement d'extension et l'autorisation de cession ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer à M. Y... une provision de 150 000 euros, à valoir sur la réparation des préjudices, l'arrêt, après avoir relevé des fautes dans l'entretien de l'immeuble litigieux à la charge du liquidateur, retient que ce dernier est responsable des dommages subis par la propriété de M. Y..., dont il est nécessaire d'évaluer le montant ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si M. Y... n'avait pas d'ores et déjà chiffré son préjudice au titre des dégradations à la somme de 60 000 euros après accord avec le liquidateur et n'avait pas été indemnisé de ce préjudice lors de la cession du bail emphytéotique à son profit, la cour d'appel, qui avait relevé que le prix de cession avait été payé par compensation avec les sommes dues par la liquidation à ce titre, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X... et la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Mme X... avait commis des fautes personnelles dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Tobago au préjudice de M. Y... et d'AVOIR condamné Mme X... à payer une provision de 150. 000 euros à M. Y... à valoir sur la réparation de ses préjudices ;
AUX MOTIFS QUE M. Y... reproche à Mme X... d'avoir manqué à son obligation de prudence et de diligence, d'avoir fait preuve d'inaction, de légèreté et de désinvolture du 4 mars 2004, date du jugement d'extension jusqu'au 21 septembre 2010, date d'effet de la résiliation du bail emphytéotique ; qu'il fait grief au mandataire d'avoir poursuivi le bail, de ne pas s'être rendu sur les lieux, de ne pas avoir fait d'inventaire, de ne pas avoir souscrit d'assurance et de ne pas avoir fait entretenir les lieux de telle sorte que le bien était dans un état de délabrement complet au moment où il en a repris possession ; que Mme X... est devenue aux termes du jugement du tribunal de commerce de Paris du 4 mars 2004 le liquidateur de l'Eurl Tobago à la suite de l'extension à cette société de la procédure de liquidation de biens de la société " au coin de la rue " prononcée par la même juridiction par jugement du 11 décembre 2003 ; qu'il s'ensuit que cette procédure est soumise aux dispositions de la loi du 25 janvier 1985 alors en vigueur et que les attributions et obligations du liquidateur doivent être appréciées au regard de ce texte ; qu'en tout état de cause dès sa désignation, le liquidateur se devait de rencontrer le gérant de la société Tobago afin de connaître les éléments d'actif et de passif dont la société disposait ; qu'il lui appartenait de faire un rapport régulier au juge commissaire de ses opérations ; qu'elle verse seulement aux débats un rapport L. 621-11 du Code de commerce non daté relatif aux deux sociétés ; qu'il ressort de cette pièce que M. Z... était le gérant des deux sociétés ; que l'activité de la société Au coin de la rue était exercée ... à Paris 8e et était relative à la restauration ; qu'il avait été acquis un café dans lequel des travaux avaient été réalisés qu'il résulte de ce document qu'aucune comptabilité de la société Tobago, la locataire gérante du fonds de la société Au coin de la rue, n'a été appréhendée ; qu'il est acquis que celle-ci n'avait pas réglé ses loyers ; qu'il est fait mention d'un bail d'habitation et des divers créanciers de la première société ; que cette pièce ne fait pas état de l'existence d'un bail emphytéotique auquel la société Tobago aurait été partie ; qu'en l'absence de déclaration du gérant de la société et de comptabilité, le liquidateur qui n'était tenu que d'une obligation de moyen, ne pouvait avoir connaissance de ce bail avant la lettre de l'avocat de M. Y... reçue en mars 2006 à la suite de la saisie diligentée par les services fiscaux consécutive à l'ouverture de la succession de M. Guy Y..., mesure conservatoire visant M. Romain Y..., redevable de sommes au Trésor public ; que Mme X... a immédiatement adressé au gérant de la société Tobago une demande d'explication sur ce bail le 10 mars 2006 ; qu'à la suite de cette découverte, elle a expressément indiqué alors ainsi que cela résulte du courrier adressé aux services fiscaux le 28 mars 2006 que le bail n'était pas résilié du fait de la liquidation judiciaire ; qu'elle n'a pas été mise en demeure par le bailleur d'opter sur la continuation du bail mais le 1er octobre 2008, d'avoir à payer les loyers restés impayés par la société Tobago depuis sa liquidation ; que le liquidateur a réglé une partie de la somme ainsi que cela résulte de quittances de loyers dès les 18 janvier, 3 février et 2 juin 2010 ce qui traduisait sa volonté explicite de poursuivre le bail ; qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir poursuivi celui-ci alors que le bailleur, appelant dans la présente instance, l'invitait à le continuer en lui réclamant le règlement de sa créance ; qu'il résulte de ces éléments qu'à compter de mars 2006, le liquidateur a eu connaissance de l'existence du bail et a souhaité le poursuivre et n'a pas pu dès lors ignorer les obligations attachées pour le preneur à l'exécution de cet engagement ; qu'il est versé aux débats à un acte de dépôt dudit bail au rang des minutes de Maître A..., notaire à Paris ; que toutefois si ce document est accompagné de la procuration générale donné par M. Guy Y... à son fils, l'acte de bail n'est pas intégralement annexé, les pages 2 à 12 faisant défaut ; que cet acte signé le 10 juillet 2001 prévoyait, au vu des seules pages fournies, que le preneur s'obligeait durant la durée du bail à effectuer deux ravalements au moins des façades du bâtiment principal dans les règles de l'art et à ses frais, à réaliser la clôture de la propriété et à faire rétablir la circulation de l'eau par curage dans la pièce d'eau à l'intérieur de la propriété et à entretenir cette dernière ; que Mme X... n'a pas fait établir d'état des lieux en mars 2006 au moment où elle a eu connaissance de l'existence du bail portant sur la propriété de Lizy sur Ourcq ; qu'elle ne démontre pas s'être rendue sur les lieux et avoir établi un inventaire des biens s'y trouvant ; qu'elle a tenté de récupérer les meubles saisis qui faisaient partie du bail ; que, dès le mars 2006, elle a revendiqué ceux-ci auprès des services fiscaux qui ont rejeté sa requête comme irrecevable ; que, par jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux du 22 février 2007, elle a été déclaré irrecevable en restitution des meubles saisis en sa qualité de liquidateur de la société Tobago ; qu'il ressort d'une lettre de la société Efitrans à M. Y... en date du 27 juin 2012 que celle-ci a déménagé une partie du mobilier se trouvant dans la propriété pour l'amener à l'hôtel des ventes de Provins en 2006 et qu'elle a ramené les meubles sur place en juin 2012 ; qu'elle a fait réaliser un constat de restitution d'où il ressort que des pièces et meubles ont été perdues ou détériorées ; qu'elle ajoute que le stockage avait été fait chez Maître B..., commissaire-priseur ; que relativement à ces meubles, Mme X... avait demandé par courrier du 22 mars 2006 à la SCP Artus, commissaire-priseur, de se rendre sur place à Provins pour vérifier la réalité de l'inventaire dressé par l'huissier de justice la SCP F... Michel à la demande des services fiscaux ; que toutefois, elle n'a pas cherché à en savoir plus ; que, pour ceux-ci eu égard à la décision du juge de l'exécution et compte tenu des énonciations de la société Efitrans, elle ne peut être tenue pour responsable de leur perte ou leur détérioration ; par contre, qu'il n'est pas établi que postérieurement à la saisie réalisée par les services fiscaux, des meubles sont restés sur place et n'ont pas été retrouvés ; que dès lors, la responsabilité du liquidateur ne peut être retenue de ce chef ; que Mme X... déclare que M. Y... ne démontre pas que l'état allégué de l'immeuble aurait été le fait de la liquidation judiciaire ; que M. Y... a présenté deux attestations de M. C... et de Mme D... ; que le premier déclare avoir assuré le gardiennage de la propriété de 2001 jusqu'à la liquidation de la société Tobago en mars 2004 et ensuite effectué une visite annuelle jusqu'en septembre 2905 et témoigne du parfait état des meubles et de la maison alors ; qu'il a fourni des photographies prises en 2005 qui révèlent une maison entretenue et sans désordres ; que la seconde indique avoir participé à des réceptions dans la maison de 2000 jusqu'au printemps 2004 et avoir relevé qu'elle était entretenue et chauffée, qu'elle était richement meublée avec de nombreux tableaux et oeuvres d'art ; que Mme X... ne verse aux débats aucun constat dressé en mars 2006, date à laquelle elle a connu l'existence du bail emphytéotique et de la demeure sur laquelle il s'exerçait, établissant que celle-ci aurait été en mauvais état et dégradée par un dégât des eaux ; qu'il est établi qu'à la date du 19 septembre 2008, un constat a été dressé par Mme E..., huissier de justice ; que celle-ci a relevé l'existence d'une fuite d'eau dans le grand salon ; qu'elle a décrit l'abandon des lieux, la maison n'étant pas habitée, l'intérieur étant dévasté et plein de détritus ; qu'elle a noté que le chauffage était coupé et que les radiateurs en fonte avaient explosé et étaient fendus, que les murs et plafonds étaient saturés d'humidité, les peintures cloquées, des carreaux cassés, qu'aucune pièce n'était habitable et qu'il ne restait aucun meuble ; qu'elle a relevé que le ravalement n'était pas fait, qu'il y avait des fissures sur les murs, que le curage de la mare et de son bras n'était pas effectués ce qui empêchait la circulation d'eau, que les clôtures n'étaient pas refaites et en état de ruine ; qu'il résulte de ces éléments que le liquidateur n'a pas rempli ses obligations ayant négligé de s'assurer de l'entretien de l'immeuble ; qu'il a ainsi commis une faute ; qu'il aurait dû rapidement s'assurer de la cession du bail pour éviter le délabrement de la demeure, objet de ce bail dont sa liquidée était titulaire ; que M. Y... prétend avoir avisé le liquidateur de l'existence de ce dégât des eaux survenu en septembre 2008 ; que, toutefois, il ne fournit aucun courrier directement adressé à celui-ci se bornant à verser aux débats la déposition de son propre assureur et une déclaration de sinistre non signée par Mme X... ; que cela ne modifie pas le fait que cette dernière n'a à aucun moment visité les lieux pour en connaître l'état ou surveiller ceux-ci ; qu'elle a reconnu ne pas avoir souscrit une assurance pour garantir les dommages qui pourraient survenir sur la bien, objet du bail dans un courriel du 6 octobre 2011 ; que cela constitue là encore une négligence fautive compte tenu de la valeur potentielle du bien ; qu'elle ne peut opposer à son adversaire une obligation pour le propriétaire non occupant de s'assurer alors que ce dernier démontre avoir rempli cette obligation ; que la faute du liquidateur est établie ; qu'il résulte du constat du 19 septembre 2008 que les obligations incluses au bail n'ont pas été respectées et que le bien a été restitué en fort mauvais état que Mme X... conteste le lien de causalité entre sa faute et le dommage ; qu'elle soutient que la situation résulte du placement en liquidation judiciaire du preneur ; que, toutefois, la conduite de sa liquidée n'est pas de nature à l'exonérer de ses fautes personnelles ; qu'il s'ensuit que le liquidateur est déclaré responsable des dommages subis par la propriété de M. Y... ; relativement à la remise en état des lieux, M. Y... produit un rapport émanant du cabinet Roux qui a chiffré le coût des réparations ; que Mme X... le conteste en raison de son absence de caractère contradictoire ; que cette pièce certes versée aux débats n'est pas étayée par d'autres pièces à l'exception du procès-verbal de constat qui ne permet pas de déterminer de manière précise si tous les travaux de réparation proposés sont nécessaires et adaptés à l'état des lieux ; que les photos sont parcellaires, toutes les pièces n'ayant pas été décrites et visitées de manière précise par l'huissier pour permettre de connaître l'étendue des dégâts dans la totalité des pièces de la maison ; qu'il convient donc de recourir à une mesure d'expertise qui tendra à apporter tous éléments d'information sur les préjudices subis par M. Y... ; qu'il est sursis à statuer sur les postes de préjudice réclamés par M. Y... ainsi que sur le remboursement des travaux réalisés par le cabinet Roux ; que M. Y... réclame une provision ; que la Cour a reconnu la responsabilité du liquidateur ; que l'existence du préjudice est avérée, seule son étendue est à déterminer ; que dès lors, une provision de 150. 000 euros peut être allouée à M. Y... au paiement de laquelle Mme X... est condamnée ;
1°) ALORS QU'un même préjudice ne peut être réparé deux fois ; qu'en condamnant Mme X... à verser à M. Y... une provision de 15. 000 euros, à valoir sur la réparation due au titre des dégradations subies par l'immeuble donné à bail emphytéotique à la société Tobago, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Y... n'avait pas d'ores et déjà chiffré son préjudice et reçu une indemnisation lors de la cession du bail emphytéotique, par le biais d'une compensation du prix de vente avec la somme due en raison du manquement du preneur à ses obligations d'entretien, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QUE la faute de la victime est susceptible de réduire son droit à indemnisation ; qu'en s'abstenant de rechercher si M. Y... n'avait pas commis une faute susceptible de limiter son droit à réparation en ne mettant pas en oeuvre l'assurance destinée à garantir les dommages pouvant affecter le bien donné à bail emphytéotique, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-17339
Date de la décision : 22/02/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 fév. 2017, pourvoi n°15-17339


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.17339
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award