Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Valérie X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-10, en date du 14 mars 2016, qui, pour exploitation de vente à la sauvette, l'a condamnée à 1 000 euros d'amende et a ordonné une mesure de confiscation ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 janvier 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller SCHNEIDER, les observations de la société civile professionnelle ORTSCHEIDT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 111-4 du code pénal, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 34 de la Constitution, des articles 446-1 et 225-12-8 du code pénal, dernier alinéa de l'article 1er de l'arrêté du maire de Paris du 21 septembre 2010, portant réglementation des activités commerciales sur l'espace public parisien en dehors des foires et marchés, et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, manque de base légale, ensemble le principe de sécurité juridique ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Mme Valérie X... coupable d'exploitation de vente à la sauvette, l'a condamnée au paiement d'une amende délictuelle de 1 000 euros et a ordonné la confiscation des scellés ;
" aux motifs adoptés que selon Mme X..., « Les tricycles circulent d'un endroit à un autre et s'arrêtent lorsqu'un client se manifeste » ; qu'elle prétend ne pas avoir besoin d'autorisation, car nous sommes ambulants, nous ne stationnons que lorsque le client est demandeur » ; que selon ses dires, il s'agirait de colportage ; que s'agissant de faits qui pourraient recevoir une éventuelle qualification de colportage ; que ce terme ancien, définit communément le fait de : « Transporter des marchandises de place en place pour les vendre » ; que Mme X... se dit pratiquer le colportage à l'évidence pour ne pas avoir à se soumettre aux dispositions de l'arrêté du 21 septembre 2010 qui porte réglementation des activités commerciales sur l'espace public parisien en dehors des foires et marchés, tout en précisant au dernier alinéa de son article 1er, que : « ni le colportage, ni les attractions de type manège et jeux ne relèvent de la présente réglementation » ; qu'en effet, force est de constater que la notion de colportage invoquée par Mme X... n'est pas applicable aux faits de la cause ; que le vendeur n'était pas réellement itinérant dans Paris, et encore moins de « ville en ville » ; qu'il se limitait à vendre quotidiennement des crêpes dans deux espaces publics de la ville de Paris : devant le musée d'Orsay, et à proximité de l'Arc de Triomphe ; qu'au surplus, il convient de constater que le tricycle utilisé le jour des faits n'était pas pourvu d'une chaîne de vélo ; qu'il avait été apporté sur place par un camion ; que M. Y... Nelson devait le pousser pour le positionner sur la voie publique ; qu'il ressort très clairement de ses déclarations qu'il s'est, pendant les deux semaines où il a travaillé pour Mme X..., installé devant le musée d'Orsay ou à l'Arc de Triomphe ; qu'il a même précisé : « qu'il n'a jamais été question de vendre en circulant » ; que s'agissant de faits qui pourraient recevoir une éventuelle qualification de vente au déballage ; que le fait que Mme X... utilise des véhicules spécialement aménagés ne lui permet pas de se prévaloir de la réglementation sur la vente au déballage ; qu'en l'article L. 310-2 al 1 du code du commerce définit les ventes au déballage comme étant : « Les ventes de marchandises effectuées dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public de ces marchandises, ainsi qu'à partir de véhicules spécialement aménagés à cet effet » ; qu'or, ces ventes sont soumises à la délivrance préalable d'une autorisation de l'autorité administrative compétente ; qu'à Paris, c'est le préfet de police qui est en charge de délivrer cette autorisation ; qu'au demeurant, le demandeur d'autorisation doit fournir un inventaire des marchandises à liquider dont il pourra être tenu de justifier la provenance ; que pendant toute la durée de la liquidation, il lui sera interdit de recevoir d'autres marchandises que celles figurant à l'inventaire ; qu'enfin, il est tenu d'indiquer l'emplacement où la vente aura lieu et les modalités de la publicité qu'il se propose de mettre en oeuvre à cet effet ; qu'en tout dernier lieu, ces ventes ne peuvent pas excéder deux mois par année civile dans un même local ou sur un même emplacement ; que bien en qu'ayant recours à des tricycles qui peuvent être assimilés à des véhicules spécialement aménagés, puisqu'ils comportaient des plaques en fonte destinées à la fabrication des crêpes, force est de constater que l'activité de Mme X... n'entre pas dans le champ d'application de cet article qui réglemente la vente au déballage pour des commerçants qui ont des stocks de marchandises à vendre, en un lieu fixe, et pour une durée de temps limité à deux mois ; que s'agissant de faits de « vente à la sauvette » ; que par voie de conséquence, le fait d'exposer et de vendre sur la voie publique à Paris, en dehors des marchés, sans être titulaire de l'autorisation délivrée par le maire de Paris, ne peut recevoir qu'une seule qualification celle de « vente à la sauvette » ; que lesdites ventes étant réprimées par l'article 446-1 du code pénal qui énonce que : « La vente à la sauvette est le fait, sans autorisation ou déclaration régulière, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente des biens ou d'exercer toute autre profession dans les lieux publics en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux » ; qu'aussi, convient-il de constater que le jour des faits, le vendeur de crêpes agissait en qualité de préposé pour le compte de Mme X... ; qu'il est établi qu'il ne se livrait à aucun commerce personnel ; qu'il avait fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche ; qu'il lui avait été remis un contrat de travail ; qu'en conséquence, c'est Mme X... seule, commerçante en titre, selon l'extrait « Kbis », qui doit répondre des faits de « vente à la sauvette » ; que par ailleurs, il convient de signaler que les faits de « vente à la sauvette » ont été correctionnalisés en 2011, très certainement en raison du peu d'efficacité du texte de répression antérieur (R. 644-3 du code pénal) qui réprimait par une contravention de la quatrième classe les faits de cette nature ; que ce changement de législation explique très certainement les déboires judiciaires récents de Mme X..., alors qu'elle dit exploiter ce commerce depuis de nombreuses années ; qu'en tout état de cause, les faits qui lui sont reprochés entrent dans le champ d'application du nouvel article 446-1 du code pénal ;
" et aux motifs propres que la prévenue fait valoir qu'elle exerçait un commerce ambulant consistant en la vente par colportage au moyen de triporteur de vente de crêpes ; que l'analyse des pratiques de vente de la prévenue ne répond pas aux modalités de vente alléguées ; qu'il résulte des constatations des fonctionnaires de police et des déclarations du vendeur interpellé que la vente de crêpes s'opère à partir d'un point fixe, en l'espèce le musée d'Orsay ; que le tricycle utilisé n'est pas roulant en l'absence de chaîne ; que ces affirmations sont contestées au motif que le vendeur, d'origine colombienne, n'aurait pas compris le sens de la question ; que la cour relève que ces déclarations ont été tenues en présence de l'avocat de la prévenue lors d'une confrontation avec son compagnon sans qu'il ait été jugé utile de faire préciser la portée des déclarations du jeune vendeur ; que de même, les allégations de la prévenue selon lesquelles les tricycles seraient porteurs d'une publicité en anglais de stopper le véhicule afin d'acheter des crêpes ne sont attestées par aucun document alors que les photographies présentes en procédure ne retrouvent aucune de ces mentions ; qu'ainsi, la prévenue a bien embauché M. Nelson Y... en vue de l'inciter à offrir, mettre en vente et exposer en vue de la vente des biens sans autorisation ou déclaration régulière dans les lieux publics en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux, en l'espèce l'arrêté du maire de Paris du 21 septembre 2010 publié au Bulletin Municipal Officiel du 1er octobre 2010 et exercé une pression sur le vendeur puisqu'il agissait en qualité de préposé n'ayant ni le choix de l'emplacement ni de liberté pour fixer les tarifs pour qu'il commette cette infraction en lui demandant de vendre des crêpes à la sauvette sur la voie publique ;
" 1°) alors que l'activité commerciale qui consiste à vendre des denrées alimentaires en circulant sur la voie publique en quête d'acheteurs et à s'arrêter momentanément pour conclure une vente est une activité de colportage ; qu'en jugeant que l'activité de Mme X... recevait la qualification de vente à la sauvette, visée et réprimée par l'article 446-1 du code pénal, au motif que la vente des crêpes s'opère à partir d'un point fixe et que le tricycle n'est pas roulant en l'absence de chaîne, quand l'activité exercée par Mme X..., consistant en la vente ambulante de denrées alimentaires et de boissons non alcoolisées, est une activité de colportage, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2°) alors que le principe de sécurité juridique implique « que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que « que ce terme ancien (colportage), définit communément le fait de : « Transporter des marchandises de place en place pour les vendre », quand le colportage n'est précisément défini par aucun texte, de sorte que Mme X... ne pouvait être privée des dispositions du dernier alinéa de l'article 1er de l'arrêté du maire de Paris du 21 septembre 2010 excluant toute autorisation pour exercer l'activité de colportage, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 3°) alors que Mme X... soutenait que, contrairement à ce que les premiers juges avaient considéré, le colportage ne pouvait être confondu avec une activité s'exerçant de ville en ville, ni même avec celle consistant à vendre en circulant, mais consistait à se déplacer en quête d'acheteurs et à s'arrêter momentanément le temps de conclure la vente, ce qui était le cas en l'espèce, dès lors que le tricycle en cause, démuni de chaîne, était poussé ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant des conclusions de Mme X..., la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 446-1 et 225-12-8 du code pénal et 121-3 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Mme X... coupable d'exploitation de vente à la sauvette, l'a condamnée au paiement d'une amende délictuelle de 1 000 euros et a ordonné la confiscation des scellés ;
" aux motifs adoptés que le fait d'exposer et de vendre sur la voie publique à Paris, en dehors des marchés, sans être titulaire de l'autorisation délivrée par le maire de Paris, ne peut recevoir qu'une seule qualification celle de « vente à la sauvette » ; que lesdites ventes étant réprimées par l'article 446-1 du code pénal qui énonce que : « La vente à la sauvette est le fait, sans autorisation ou déclaration régulière, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente des biens ou d'exercer toute autre profession dans les lieux publics en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux » ; qu'aussi, convient-il constater que le jour des faits, le vendeur de crêpes agissait en qualité de préposé pour le compte de Mme X... ; qu'il est établi qu'il ne se livrait à aucun commerce personnel ; qu'il avait fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche ; qu'il lui avait été remis un contrat de travail ; qu'en conséquence, c'est Mme X... seule, commerçante en titre, selon l'extrait « Kbis », qui doit répondre des faits de « vente à la sauvette » ; que par ailleurs, il convient de signaler que les faits de « vente à la sauvette » ont été correctionnalisés en 2011, très certainement en raison du peu d'efficacité du texte de répression antérieur (R. 644-3 du code pénal) qui réprimait par une contravention de la quatrième classe les faits de cette nature ; que ce changement de législation explique très certainement les déboires judiciaires récents de Mme X..., alors qu'elle dit exploiter ce commerce depuis de nombreuses années ; qu'en tout état de cause, les faits qui lui sont reprochés entrent dans le champ d'application du nouvel article 446-1 du code pénal ;
" et aux motifs propres que la prévenue a bien embauché M. Nelson Y... en vue de l'inciter à offrir, mettre en vente et exposer en vue de la vente des biens sans autorisation ou déclaration régulière dans les lieux publics en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux, en l'espèce l'arrêté du maire de Paris du 21 septembre 2010 publié au Bulletin Municipal Officiel du 1er octobre 2010 et exercé une pression sur le vendeur puisqu'il agissait en qualité de préposé n'ayant ni le choix de l'emplacement ni de liberté pour fixer les tarifs pour qu'il commette cette infraction en lui demandant de vendre des crêpes à la sauvette sur la voie publique ;
" 1°) alors que la pression exercée sur la personne qui en est l'objet pour la pousser à vendre à la sauvette est constituée par des menaces de nature économiques ou affectives ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que Mme X... a « exercé une pression sur le vendeur puisqu'il agissait en qualité de préposé n'ayant ni le choix de l'emplacement ni de liberté pour fixer les tarifs pour qu'il commette cette infraction en lui demandant de vendre des crêpes à la sauvette sur la voie publique », la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à caractériser l'exercice de menaces économiques ou affectives par la prévenue sur M. Y... pour qu'il commette l'infraction de vente de crêpes à la sauvette, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen ;
" 2°) alors qu'il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; qu'en déclarant réunis les éléments constitutifs de l'infraction d'exploitation de vente à la sauvette, sans constater que Mme X... avait conscience d'embaucher M. Y... pour qu'il commette l'infraction de vente à la sauvette, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3°) alors qu'en déclarant réunis les éléments constitutifs de l'infraction d'exploitation de vente à la sauvette, sans caractériser le dol spécial exigé, constitué par la circonstance que la pression exercée par Mme X... avait pour finalité de lui permettre de tirer profit, de quelque manière que se soit, de l'infraction prévue par l'article 446-1 du code pénal commise par M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
" 4°) alors qu'en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que M. Y... avait fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche et qu'il lui avait été remis un contrat de travail par Mme X..., ce qui excluait tout élément intentionnel, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient en violation des textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que Mme Valérie X... a été poursuivie devant le tribunal correctionnel, notamment pour avoir afin d'en tirer profit de quelque manière que ce soit, embauché M. Nelson Y..., en vue de l'inciter à offrir, mettre en vente et exposer en vue de la vente des biens sans autorisation régulière dans les lieux publics en violation des dispositions réglementaires sur la police de ces lieux et exercé une pression pour qu'il commette cette infraction en lui demandant de vendre des crêpes à la sauvette sur la voie publique, faits constatés du 12 mars au 1er avril 2015 devant le musée d'Orsay ; que les juges du premier degré ont déclaré Mme X... coupable d'exploitation de vente à la sauvette et l'ont condamnée à une peine d'amende ; que celle-ci et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable du délit d'exploitation de vente à la sauvette dans des lieux publics en violation de l'arrêté du maire de Paris du 21 septembre 2010, l'arrêt attaqué énonce que l'analyse des pratiques de vente de la prévenue ne répond pas à la vente par colportage alléguée par cette dernière et qu'il résulte des constatations des fonctionnaires de police et des déclarations du vendeur, que celui-ci poussait le triporteur dès qu'il aperçevait la police, qu'il travaillait de façon fixe de 13h à 19h devant le musée d'Orsay ou l'Arc de Triomphe, que le triporteur très lourd et dépourvu de chaîne n'était pas roulant et était transporté dans Paris en camion, que le fonctionnement au gaz de la plaque chauffante prohibait tout déplacement tandis que les allégations de la prévenue selon lesquelles les tricycles seraient porteurs d'une publicité en anglais de stopper le véhicule afin d'acheter des crêpes n'est pas démontrée ; que les juges ajoutent que la prévenue, en demandant au vendeur, qu'elle avait embauché en vue de vendre des crêpes selon des modalités qui lui étaient imposées, a bien incité ce dernier à vendre à la sauvette et ainsi commis le délit prévu à l'article 225-12-8 du code pénal ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le fait d'embaucher une personne, fût-ce régulièrement, en la faisant stationner sur le domaine public, en vue de lui faire vendre des marchandises, sans l'autorisation requise par le règlement de police, constitue l'exploitation de vente à la sauvette, les juges ont caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, ledit délit ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un février deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.