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02/02/2017 | FRANCE | N°16-13521

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 02 février 2017, 16-13521


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile immobilière Antago (la SCI) a fait assurer à compter du 1er septembre 2009 auprès de la société Areas dommages (l'assureur), par l'intermédiaire de son courtier d'assurances, la société Rabner et Roederer, et de M. X..., agent général de l'assureur, un ensemble immobilier dont elle était propriétaire, qui a été détruit dans un incendie qui s'est déclaré le 2 septembre 2011 ; qu'après avoir signé, le 6 décembre 2011, une lettre d'accep

tation du règlement par l'assureur d'une indemnité totale de 963 526 euros HT a...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile immobilière Antago (la SCI) a fait assurer à compter du 1er septembre 2009 auprès de la société Areas dommages (l'assureur), par l'intermédiaire de son courtier d'assurances, la société Rabner et Roederer, et de M. X..., agent général de l'assureur, un ensemble immobilier dont elle était propriétaire, qui a été détruit dans un incendie qui s'est déclaré le 2 septembre 2011 ; qu'après avoir signé, le 6 décembre 2011, une lettre d'acceptation du règlement par l'assureur d'une indemnité totale de 963 526 euros HT appliquant une limite contractuelle de garantie, puis une quittance du 26 janvier 2012 subrogeant celui-ci dans ses droits à hauteur de cette somme, la SCI a assigné la société Rabner et Roederer, ainsi que l'assureur et M. X..., en indemnisation de son préjudice résultant de la perte de chance de souscrire un contrat ne prévoyant pas de limitation contractuelle de garantie ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'assureur à lui payer la somme de 542 451 euros, l'arrêt retient que la SCI n'est pas signataire des conditions particulières prévoyant la limitation de garantie dont il se prévaut, qui n'est donc pas entrée dans le champ contractuel et ne peut être opposée à l'assurée ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur qui faisait valoir que le courtier de la SCI avait adressé à celle-ci les conditions particulières de l'assurance avant la réalisation du sinistre, en lui demandant de les lui retourner signées et de vérifier les surfaces et capitaux garantis pour la mise en œuvre de la clause de limitation de l'indemnité et, qu'ayant adressé à l'assureur, avant la souscription de la police, une proposition signée contenant une clause limitative de garantie et un questionnaire rempli dans le but d'en fixer le montant, la SCI avait eu connaissance de l'existence de la limitation de la garantie et l'avait acceptée, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, qui est recevable :

Vu l'article 1234 ancien du code civil ;

Attendu que pour dire que l'assureur ne peut invoquer une renonciation de la SCI à se prévaloir à son égard de l'inopposabilité de la clause de limitation de garantie, l'arrêt retient qu'il se prévaut de la « lettre d'acceptation » du 6 décembre 2011 par laquelle la SCI a accepté la proposition d'indemnisation à concurrence de 963 526 euros et de la quittance subrogative du 24 janvier 2012 dans laquelle celle-ci « déclare Areas dommages quitte et déchargé de toute obligation consécutive à ce sinistre », mais que ces actes, qui ne prévoient aucune concession de sa part, ne constituent pas une transaction et n'entraînent donc pas renonciation de la SCI à toute contestation ultérieure au paiement d'une indemnité supplémentaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la renonciation à un droit est un acte unilatéral qui n'exige pas l'existence de concessions réciproques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Rabner et Roederer ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la SCI Antago aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Areas dommages la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Areas dommages

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué :

D'AVOIR condamné la société Aréas Dommages à payer à la société Antago la somme de 542 451 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2012, date de l'assignation en justice, d'avoir ordonné la capitalisation des intérêts et d'avoir, en conséquence, débouté la société Aréas dommages de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que la société Antago n'est pas signataire des conditions particulières prévoyant la limitation de garantie dont se prévaut la société Aréas dommages ; que cette limitation de garantie n'est donc pas entrée dans le champ contractuel et ne peut être opposée à la société Antago ; que la société Aréas dommages se prévaut cependant de la « lettre d'acceptation » du 6 décembre 2011 par laquelle la société Antago a accepté la proposition d'indemnisation à concurrence de 963 526 euros et de la quittance subrogative du 24 janvier 2012 dans laquelle celle-ci « déclare Aréas dommages quitte et déchargé de toute obligation consécutive à ce sinistre » ; mais attendu que ces actes, qui ne prévoient aucune concession de la part de la société Aréas dommages, ne constituent pas une transaction et n'entraînent donc pas renonciation de la société Antago à toute contestation ultérieure au paiement d'une indemnité supplémentaire ; que faute de pouvoir justifier de la limitation de garantie dans le champ contractuel, la société Aréas dommages doit être condamnée à indemniser la société Antago de l'intégralité du préjudice causé par le sinistre litigieux, soit les sommes suivantes totalisant 542 451 euros : - la différence entre la valeur à neuf du bâtiment (1 198 979 euros) et la limite d'indemnisation invoquée par la société Aréas dommages (794 602 euros), soit 404 377 euros ; - le reliquat dû sur les frais de démolition et de déblais (145 055 euros) compte tenu de l'indemnité versée par la société Aréas dommages (39 730 euros), soit 105 425 euros ; - le reliquat dû sur les frais d'expertise (15 091 euros) : soit 47 840 euros ; que ces sommes produiront intérêt légal à compter de l'assignation en justice ; qu'il convient en outre d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts conformément à la demande de la société Antago ;

1°) ALORS QUE si une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, à défaut, antérieurement à la réalisation du sinistre pour lui être opposable, la preuve de cette connaissance peut être rapportée par tout moyen ; qu'en se bornant à relever, pour dire inopposable à la société Antago la clause de limitation de garantie figurant dans les conditions particulières de la police multirisque entreprise souscrite par elle auprès de la compagnie Aréas dommages, que ce document n'était pas revêtu de sa signature, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (conclusions p. 7 et 8 et 16), si, avant la réalisation du sinistre et seulement quelques semaines après la mise en place de la garantie, son courtier ne lui avait pas adressé ce document en lui demandant de le lui retourner signé et de bien vérifier les surfaces et capitaux garantis pour la mise en oeuvre de cette clause de limitation, ni si, en adressant à la société Aréas dommages, plusieurs mois avant la souscription de la police, une proposition signée contenant une clause limitative de garantie et un questionnaire rempli dans le but d'en fixer le montant, cette société n'avait pas eu connaissance de l'existence d'une limitation de garantie et ne l'avait pas acceptée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 112-2 et L. 112-3 du code des assurances ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE la renonciation à un droit est un acte unilatéral qui, à ce titre, n'exige aucune concession réciproque de la part de son bénéficiaire ; que la société Aréas dommages faisait valoir que, postérieurement à la réalisation du sinistre, la société Antago avait signé une lettre d'acceptation pour une indemnité d'assurance calculée en application de la clause de limite contractuelle d'indemnité prévue aux conditions particulières de sa police multirisque ; qu'elle ajoutait que cette société avait, par quittance du 26 janvier 2012, renouvelé son accord en la déclarant quitte et déchargée de toute obligation consécutive à ce sinistre et en précisant qu'elle se réservait la possibilité d'un recours à l'encontre de son courtier en assurance, à qui elle reprochait de ne pas l'avoir informée de l'existence de cette limite contractuelle ; qu'en retenant, pour dire que la société Aréas ne pouvait invoquer une renonciation de la société Antago à se prévaloir, à son égard, de l'inopposabilité de cette clause de limitation de garantie, que ces actes ne prévoyaient aucune concession de sa part et n'avaient donc pas la valeur d'une transaction, la cour d'appel a violé les articles 1234, 1338 et 2044 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-13521
Date de la décision : 02/02/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Limitation - Inopposabilité - Renonciation de l'assuré - Nature - Détermination - Portée

RENONCIATION - Nature - Portée TRANSACTION - Définition - Accord comportant des concessions réciproques pour mettre fin au litige - Exclusion - Cas - Assurance - Renonciation de l'assuré à se prévaloir de l'inopposabilité d'une clause de limitation de garantie

La renonciation à un droit est un acte unilatéral qui n'exige pas l'existence de concessions réciproques. Dès lors, un assuré ayant accepté une proposition d'indemnisation de son assureur au terme d'une "lettre d'acceptation" et d'une quittance subrogeant ce dernier dans ses droits, viole l'article 1234 ancien du code civil la cour d'appel qui décide que cet assureur ne peut invoquer une renonciation de son assuré à se prévaloir à son égard de l'inopposabilité d'une clause de limitation de garantie, au motif que ces actes, qui ne prévoient aucune concession de sa part, ne constituent pas une transaction et n'entraînent donc pas renonciation de l'assuré à toute contestation ultérieure relative au paiement d'une indemnité supplémentaire


Références :

article 1234, ancien, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 11 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 02 fév. 2017, pourvoi n°16-13521, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. Lavigne
Rapporteur ?: M. Besson
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13521
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