LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 octobre 2015), que le 20 juillet 2009, lors d'une sortie familiale en mer en Espagne, Patrick X... est mort noyé après que, sous l'effet d'une forte vague, les conditions climatiques s'étant détériorées, la vedette pilotée par M. Y... a chaviré, précipitant à l'eau les quatre occupants qui ne portaient pas de gilets de sauvetage ; que son épouse, Mme X..., et ses fils, MM. Laurent et Benjamin X... (les consorts X...), ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande d'indemnisation de leurs préjudices ;
Attendu que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) fait grief à l'arrêt d'allouer à MM. Benjamin et Laurent X... la somme de 13 000 euros et à Mme Y... veuve X... la somme de 22 000 euros en réparation de leurs préjudices d'affection, ainsi que la somme de 664 146,35 euros, sur laquelle s'imputera la somme de 411 029,27 euros, correspondant aux prestations capitalisées versées en conséquence du fait dommageable par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, alors, selon le moyen :
1°/ que la réparation prévue par les articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale n'est ouverte qu'aux personnes ayant été victimes de faits qui présentent le caractère matériel d'une infraction ; qu'en jugeant que M. X... aurait été victime de faits présentant le caractère matériel d'une infraction sans rechercher, comme il le lui était demandé, si son décès ne résultait pas d'un fait purement accidentel ayant justifié le classement sans suite de la procédure initiée en Espagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
2°/ que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en jugeant que le conducteur du bateau aurait commis des faits présentant le caractère matériel d'une infraction sans caractériser la conscience de M. Y..., non professionnel, de ce qu'il exposait M. X... à un risque d'une particulière gravité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 121-3 et 221-6 du code pénal ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, malgré le classement sans suite de l'affaire par les autorités espagnoles, le caractère matériel de l'infraction d'homicide par imprudence apparaissait rapporté à l'égard du loueur qui avait laissé prendre la mer à des profanes dans des circonstances d'une mauvaise météo annoncée ainsi qu'en attestaient les responsables de l'école de voile qui avaient annulé les activités du jour, et que le lien de causalité entre les imprudences et le décès était certain, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche dès lors qu'il critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième et quatrième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'AVOIR alloué à MM. Benjamin et Laurent X... la somme de 13.000 euros en réparation de leur préjudice d'affection, d'AVOIR alloué à Mme Elisabeth Y... veuve X... la somme de 22.000 euros en réparation de son préjudice d'affection, et la somme de 664.146,35 euros, sur laquelle serait imputée la somme de 411.029,27 euros, correspondant aux prestations capitalisées versées en conséquence du fait dommageable par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ;
AUX MOTIFS QUE l'accident est intervenu très rapidement puisque le centre de secours a été alerté dès 10h10 ; qu'il est survenu à 500 mètres du rivage, lors d'un orage ; que la mer était mauvaise ; qu'une forte vague arrivée par travers, a déstabilisé la vedette à moteur et précipité ses passagers dans l'eau ; que les quatre occupants qui ne portaient pas de gilets de sauvetage ont été rapidement secourus par une autre embarcation qui transportait un homme, une femme et un enfant ; que la femme s'est jetée à la mer avec un gilet de sauvetage pour venir secourir les trois naufragés, Emmanuel Y..., ayant pour sa part réussi à monter à bord ; qu'elle a été rejointe par trois kayaks transportant chacun deux membres de l'école de voile de Calpé ; que M. Z... et M. A..., à bord du premier kayak arrivé sur place, ont déclaré avoir vu, sur les lieux du naufrage, deux femmes tenant deux hommes, l'un complètement inconscient et l'autre épuisé, tous les quatre s'agrippant à un seul gilet de sauvetage lequel n'avait pas le volume nécessaire pour supporter leur poids ; qu'ils ont décidé de secourir en priorité Monsieur Patrick X... qui leur est apparu le plus en danger ; qu'ils l'ont pris à bord de leur kayak pour le ramener sur la plage mais il n'a pu être ranimé ; que l'autopsie a conclu à une mort par un syndrome d'asphyxie découlant directement de la submersion et elle a écarté, dans la genèse de l'accident, la pathologie cardio-vasculaire visible à l'examen du coeur ; que le Fonds de Garantie soutient que le dommage résulte de faits de nature purement accidentelle et que la matérialité de l'infraction et l'existence d'un lien de causalité avec le préjudice ne sont pas prouvés ainsi qu'en atteste la décision de classement sans suite prise par le parquet espagnol ; que les appelants estiment au contraire que les faits à l'origine du décès de Monsieur X... présentent bien le caractère matériel de l'infraction d'homicide volontaire telle qu'énoncée à l'article 221-6 du Code pénal ; qu'à titre principal, ils font état de l'imprudence caractérisée commise par le loueur professionnel qui, malgré une très mauvaise météo, a laissé partir, sans aucune information et sans gilets ni bouées de sauvetage, des clients ; qu'à titre subsidiaire, ils ajoutent que Monsieur François-Xavier Y..., locataire et skipper du navire peut également se voir reprocher cette même infraction pour n'avoir pas assuré la sécurité de ses passagers en n'exigeant pas qu'ils portent un gilet de sauvetage et en effectuant la manoeuvre qui a déséquilibré l'embarcation ; que l'enquête espagnole a permis de vérifier que l'inventaire mentionnait l'existence de cinq gilets de sauvetage ; que de plus, le procès-verbal d'inspection visuelle du navire retrouvé échoué sur la côte, a permis de retrouver plusieurs gilets de sauvetage jaune et orange ainsi qu'un sac orange rayé blanc contenant des gilets de sauvetage neufs ; que Monsieur François-Xavier Y... a déclaré que l'embarcation n'était pas équipée de gilets de sauvetage et qu'elle ne possédait pas non plus de bouée de sauvetage ou que ces gilets n'étaient pas visibles ; qu'il est soutenu que ses gilets sont vraisemblablement ceux qui ont été jetés à la mer par les sauveteurs intervenus lors du naufrage ; qu'aucun élément ne permet d'accréditer cette version des faits ; qu'au contraire, il résulte de l'enquête que seuls, sont intervenus les kayakistes de l'école de voile lesquels n'ont jamais déclaré avoir lancé de gilets à la mer et la femme qui s'est jetée à l'eau n'a pris qu'un seul gilet de sauvetage ainsi qu'il a été relaté ci-dessus ; que cette version des faits est de plus totalement incompatible avec le constat des autorités lesquelles ont retrouvé des gilets de sauvetage rangés dans un sac orange rayé blanc et non épars ; qu'il est possible que l'équipage n'ait pas su où se trouvaient les gilets ; que le caractère matériel de l'infraction d'homicide par imprudence apparaît rapporté à l'égard du loueur qui a laissé prendre la mer à des profanes dans des circonstances d'une mauvaise météo annoncée ainsi qu'en attestent les responsables de l'école de voile qui avaient annulé les activités du jour ; qu'il est aussi établi à l'égard du skipper du navire M. Y... lequel ne s'est pas préoccupé de la météo, ne s'est pas renseigné, avant de prendre la mer sur la localisation des différents éléments de sécurité et notamment des gilets de sauvetage ; qu'il a enfin commis une maladresse en prenant une vague par le travers, ce qui a précipité tout le monde à la mer ; qu'au vu de l'autopsie, il apparaît que le décès de Monsieur X... est en lien exclusif avec la noyade et non avec son mauvais état cardio vasculaire ; que le lien de causalité entre les imprudences, les maladresses et le décès est certain ; que le Fonds de garantie, pour refuser la prise en charge, fait état également du fait fautif de la victime ; que la faute de la victime peut justifier l'exclusion ou la réduction de l'indemnisation et elle est opposable aux ayants droit de la victime décédée ; qu'il appartient au Fonds de garantie de démontrer la faute de la victime ; qu'il résulte des éléments du dossier et notamment du témoignage des moniteurs de l'école de voile voisine qui ont vu, depuis la plage, le naufrage se produire que les conditions de mer étaient déjà dégradées lorsque l'accident a eu lieu ; que ce n'est pas une vague soudaine et isolée qui a déstabilisé l'embarcation ; qu'il appartenait à Monsieur X... comme aux autres occupants de la vedette de mettre un gilet de sauvetage ; que le fait que la responsabilité de la sécurité de l'équipage incombait au skipper n'exonérait pas les autres participants de leur devoir de veiller à leur propre sécurité et ce s'agissant d'une sortie familiale entre adultes où il n'existe pas de réels rapports d'autorité entre les différents participants ; que toutefois, il n'a pas pu être établi le caractère visible et accessible des gilets ; que dans ces conditions, la faute de la victime ne peut être retenue ; qu'il fait enfin grief aux victimes d'avoir interdit toute subrogation au Fonds de garantie dans les droits que les victimes pouvaient faire valoir, l'action contre le loueur étant prescrite en application de l'article 1968 du Code civil espagnol par une prescription d'un an ; que le Fonds de garantie ne démontre pas l'impossibilité de tout recours subrogatoire ; qu'en toute hypothèse, il n'est pas exigé des victimes, préalablement à la saisine de la commission, qu'elles aient tenté d'obtenir vainement des personnes responsables du dommage ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation ; qu'il convient d'infirmer le jugement et de déclarer les Consorts X... bien fondés en leurs demandes ;
1°) ALORS QUE la réparation prévue par les articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale n'est ouverte qu'aux personnes ayant été victimes de faits qui présentent le caractère matériel d'une infraction ; qu'en jugeant que M. X... aurait été victime de faits présentant le caractère matériel d'une infraction sans rechercher, comme il le lui était demandé, si son décès ne résultait pas d'un fait purement accidentel ayant justifié le classement sans suite de la procédure initiée en Espagne, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;
2°) ALORS QUE les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en jugeant que le conducteur du bateau aurait commis des faits présentant le caractère matériel d'une infraction sans caractériser la conscience de M. Y..., non professionnel, de ce qu'il exposait M. X... à un risque d'une particulière gravité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 121-3 et 221-6 du Code pénal ;
3°) ALORS QUE la réparation prévue par les articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ; qu'en jugeant que M. X... n'avait commis aucune faute quand il résultait de ses propres constations qu'il ne portait « pas de gilet de sauvetage », alors même que « la mer était mauvaise » et que l'accident est survenu « lors d'un orage » (arrêt, p. 4), la Cour d'appel a violé l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;
4°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en relevant tout à la fois qu'« il n'a pas pu être établi le caractère visible et accessible des gilets » (arrêt, p. 6, § 7) et que « le procès-verbal d'inspection visuelle du navire retrouvé échoué sur la côte a permis de retrouver plusieurs gilets de sauvetage jaune et orange ainsi qu'un sac orange rayé blanc contenant des gilets de sauvetage neufs » (arrêt, p. 5, § § 5), la Cour d'appel s'est contredite, violant l'article 455 du Code de procédure civile.